Mais où était la Cour de comptes durant ces dix dernières années, et celles qui l’ont précédées, de gabegie, de corruption, de détournement de biens publics, de concussion, de malversation, d’enrichissements illicites déclarés de fonctionnaires exerçant dans l’impunité ?
Où était la Cour des comptes pour que son Président vienne nous rappeler
avec la plus grande désinvolture que « la cour des comptes est l’institution
supérieure indépendante chargée du contrôle des deniers publics. » !
Déclaration faite à l’occasion de la remise du rapport annuel de la Cour
des comptes à Mohamed ould Ghazouani auprès duquel le président a, dit-il, trouvé
« une volonté réelle de combattre la gabegie et de rationaliser les
ressources publiques ».
Les juristes appellent une telle assertion une preuve contre soi-même. Or on
sait qu’elle irrecevable. En effet si le Président de la cour des comptes parle
de « volonté réelle », c’est que cette volonté n’existait pas chez
son prédécesseur et s’il avoue que l’on doit « combattre la
gabegie », c’est qu’il sait qu’elle mine le pays.
En effet le 28 juin 2017 déjà, remettant à ould Abdelaziz le rapport annuel
couvrant les années 2010-2011 et 2012 : « Le président de la cour des
comptes a expliqué à sa sortie d’audience chez Aziz que dans ce rapport
figureraient « les plus importantes remarques et recommandations résultant
des missions de contrôle exécutées durant les années 2010 – 2011 et 2012 ».
Et depuis ? Rien.
L’impossible sanction pénale.
La loi est pourtant claire, toutes les sanctions des ordonnateurs publics
(faute de gestion) ou aux comptables publics (débets) ne sont pas exclusives
des sanctions pénales lorsque la cour des comptes découvre à l’occasion
de l’audit ou de l’inspection un acte constitutif d’une infraction pénale crime
ou délit.
En effet : « Si le contrôle fait apparaître des faits
susceptibles de constituer un délit ou un crime, le commissaire du gouvernement
transmet le dossier au ministre de la justice. » (Article 28).
Et la loi lui donne tous les pouvoirs d’investigation à cet effet. Ainsi la Cour peut faire effectuer sur place
toutes les investigations qu’elle estime nécessaires à l’analyse des conditions
d’exécution des budgets des départements ministériels et autres organismes
bénéficiant de crédits inscrits au budget de l’Etat. (Article 33 -La loi
organique n° 2018-032 relative à la Cour des comptes).
De même qu’elle a pouvoir de « déceler tout écart, insuffisance,
irrégularité ou infraction par rapport aux normes juridiques et de gestion, de
manière à permettre, dans chaque cas, de procéder aux corrections nécessaires,
d’engager la responsabilité des personnes en cause, d’obtenir réparation ou
prendre des mesures propres à éviter, ou du moins à rendre plus difficile, la
perpétration de tels actes à l’avenir.
Ce contrôle s’exerce à posteriori, sur pièces et sur place, de manière
intégrale ou par sondage, en la forme juridictionnelle ou administrative. »
(Article 6)
Et voilà que la Cour des comptes n’a jamais mis en œuvre de façon probante,
ces dispositions car si cela était au regard de la gabegie notoire qui
caractérise les finances publiques, non seulement ça se saurait mais les
tribunaux seraient saturés.
Un rapport faussement annuel
Mais plus encore, le Président a, dit-il, remis un « rapport annuel »
qui n’en est pas un, puisque ce document porte tardivement sur deux années (2016
et 2017), ce qui est en flagrante contradiction avec les dispositions de la
loi selon lesquelles, le rapport
général est « annuel » (Article 65) ; et ce qui est encore plus
étonnant c’est que les précédents rapports, s’ils existent, sont
trouvables .
Le site d’information de la Cour des comptes ne publie qu’un seul rapport
celui de 2006 ! Quatorze ans de rétention d’information ! Et c’est
encore plus grave parce que la loi insiste sur le fait que le rapport annuel
est public et que par son « rapport général public annuel, la Cour des
comptes contribue à l’information des citoyens. » (Art 65) !
Et, où est-il publié ce rapport ? Comment est-il vulgarisé et comment
le citoyen peut-il y accéder ?
Il semble que l’intérêt du rapport de la Cour des comptes n’est pas véritablement
d’informer le citoyen sur la gestion des biens publics mais de servir une
cérémonie figurative : la remise solennelle par le Président de la Cour
des comptes du rapport (faussement) annuel de cette cour au Président de la République.
Le rapport, outil de recherche d’un satisfecit personnel d’un magistrat auprès
du premier des magistrats, pas l’intérêt du peuple.
Le pauvre citoyen se demandera en effet, pourquoi cette institution avec sa
pléiade de magistrats, conseillers et auditeurs tous échelons et classes
confondus payée au prix fort sur les finances publiques de la nation, soit
l’argent du peuple, n’a pour rôle que de remettre un rapport faussement annuel
(qui est en fait un collationnement de plusieurs rapports annuels tardifs) dont
l’intérêt est une cérémonie solennelle de remise et quelques mots de
courtoisie…. Comme l’est de façon inefficace et « comme une lettre à la
poste » au Parlement, sa déclaration
de conformité
(Rapport sur le projet de loi de règlement pour l’exercice N) .
(Rapport sur le projet de loi de règlement pour l’exercice N) .
Une Cour des comptes dont le budget en 2019 est de 37 328 785 MRO ! Montant
supérieur, à titre d’exemple, à celui des budgets de Centres nationaux
hospitaliers du pays (exemple CNH de Nouadhibou ou CNH de Kiffa) …
Les malades se meurent sur des lits de fortunes et des conseillers
s’éparpillent en inspections chèrement payées et inutiles pour le contrôle
véritable des finances publiques.
Or l’intérêt d’un rapport annuel produit dans les délais, est une garantie
de mise en jeu de la responsabilité des décideurs-gabégistes et leur redevabilité
pendant qu’ils sont encore à leurs postes et non plus des années plus tard
quand ils auront déjà quitté leurs fonctions ou même disparu dans la nature.
Mais où est donc le rapport de la cour des comptes qui devait informer le
citoyen tel que le déclare la loi organique de 2018 ?
Nulle part. On serait alors tenté de dire, puisqu’on est à l’ère du numérique,
qu’à défaut de pouvoir l’obtenir dans sa matérialité, le citoyen pourrait le
consulter sur le site de la Cour des comptes. Et c’est la déception.
Son site officiel est à l’adresse (non sécurisée !) suivante : http://www.cdcmr.mr.
Ce site web qui se devait d’être une vitrine de l’Institution est aussi décevant
que la capacité de cette institution à servir d’outil efficace de contrôle des
dépenses publiques (tant au niveau administratif que juridictionnel).
Son site web officiel relève du conte de mille et un… ennuis. Un fossile de
l’ère de l’information et de la Communication et pire encore, une atteinte à l’image
des institutions publiques.
Des liens vers des sites interdits
Outre que n’y figure à titre de « publications » (au pluriel) qu’un
seul rapport annuel (de 2006), curiosités parmi les curiosités, il y a des
documents que l’on appelle « des rapports de stage » et qui sont
listés sous des noms d’oiseaux….
Et il n’est pas conseillé de cliquer sur ces liens, car ils renvoient à des
sites commerciaux, pornographiques et de mœurs légères…en chine ! Défense
de cliquer dessus.
Vraisemblablement, le site a fait l’objet d’un spamming au niveau des
balises de commentaire et d’injection insidieuses de scripts (hacking) dans le
code source des pages. Et cela est tout-à-fait inexcusable tant pour le
gestionnaire du site que pour l’institution elle-même. Il convient d’y remédier
sans tarder.
Et comme la Chine et « l’Union Soviétique » sont frontalières…
Le président de la Cour des comptes en visite en Union soviétique en…2019
Mieux encore à la une, l’unique information lisible nous apprend que :
« Le président de la cour des comptes, a quitté Nouakchott dimanche le
22-09-2019 pour Moscou (Russie) où il prendra part aux travaux à la 23ème
conférence de l’organisation internationale des hautes instances de
surveillance qui se dérouleront du 23 au 28 septembre courant dans la capitale
soviétique. » !
Pourquoi tant de laisser-aller, tant de mépris pour le citoyen pour l’Etat
et l’image de l’Etat. Allez savoir !
Toujours est-il que c’est un conte de faits (avérés ) d’une cour des contes
qui ne finit pas de se raconter… Hélas !
On pourrait, enfin, pour apaiser les mœurs, et raconter cet article autrement
et dans une version contée au peuple (d’enfants) infantilisé par ses dirigeants,
adopter la version soft suivante :
« Il était une fois dans un pays rongé par la corruption et la gabegie
une cour des comptes…plutôt des contes, qui remplissait consciencieusement son
travail c’est-à-dire : rien du tout.
Elle existait, sans exister.
Une sorte de boite dans laquelle s’affairait un personnel qui broyait du
vent. Un louable effort qui était payé par le pauvre peuple qui n’en recevait
en contrepartie qu’un rapport annuel remis au Sultan qui aussitôt le rangeait
dans un tiroir. Certaines mauvaises langues racontent qu’il le donnait à sa
favorite pour lui lire les contes qui sont dedans pour l’aider à s’endormir
puis elle le donnait gracieusement à manger aux chèvres de son bouffon.
Cette année, l’émir-président de la
boite à vide a rencontré le Sultan pour lui remettre le déjeuner annuel des
chèvres, le rapport annuel de sa cour des contes. Et pour mieux aiguiser l’appétit des chèvres
du bouffon du sultan, il lui fit savoir qu’il y avait dedans plus de feuilles
que d’habitude puisque ce rapport annuel magique couvrait… deux années 2016 à
2017, une sorte de condensé de contes. Donc le sultan aura plus d’histoires à
dormir debout, les chèvres allaient s’engraisser, la favorite deviendra aphone… et
le peuple attendra que les chèvres engraissées au feuilles grasses, des huiles
de la République, du rapport des contes,
viennent bégueter, bêler ou chevroter ses droits à plus d’égards. »
Pr ELY Mustapha
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