J’ai appris avec consternation le décès de Hamidou N’gaïdé, et c’est avec une infinie tristesse que je republie ici un article que j’ai écrit à propos de cet homme il y a quatre ans.
Et je le réitère encore ici avec la ferme conviction qu’avec la disparition de cet homme, il ya quelque part une Mauritanie qui s’éteint. Celle de la simplicité, de la générosité et de la tolérance envers tous ses enfants. Ina lillahi wa ina illeyhi raji’oun.
Il était une fois… la Mauritanie autrement :
le salon de N'Gaïdé
Beaucoup d’étudiants et de familles qui sont passés en Tunisie connaissent bien ce diplomate mauritanien qui dans les années quatre-vingt avait grand ouvert les portes de sa maison à tous les mauritaniens.
Voyageurs de passage, étudiants en rupture de bourse, expulsés de pays voisins, sans papiers… tout le monde se retrouvait chez N’Gaïdé et jamais il ne se plaignait. Il recevait tout le monde et personne ne déclinait son identité pour bénéficier du toit de N’Gaïdé. Il avait besoin d’un toit, d’un gîte ou d’un couvert, N’Gaïdé le lui offrait. C’est autant dire que le salon de N’Gaïdé était le lieu de rencontre de tous les mauritaniens, sans distinction d’ethnie, de langue, de couleur ou de provenance.
Dans ce salon, les femmes maures, toucouleurs, soninké, oulofs et de bien d’autres ethnies s’occupaient des bébés des unes et des autres, cuisinaient ensemble, partageaient les mêmes lieux avec un sens infini de l’amitié et de l’entraide…. Les enfants eux-mêmes s’attachaient souvent à des femmes qui n’étaient pas leurs propres mères et quand le temps arrivait de se quitter, on assistait à d’émouvants adieux. Jamais on n’a pu voir une telle osmose de gens de différentes ethnies, de différents langages que dans le salon de N’Gaïdé.
Et ces enfants qui dans le salon de N’Gaïdé se sont assoupis dans les bras de quelque étranger de passage , ces enfants toucouleurs qui ont vécu et joué avec des enfants maures dans le salon de N’Gaïdé sous le regards de leurs pères à l’heure d’un thé partagé et ces femmes qui nourrissaient des bébés d’autres femmes en leur absence et qui ne savaient même pas comment leur dire « mange » dans leur langue, sont des images d’une grande sagesse …Et quelles images sont-elles là, sinon ce que devrait être la Mauritanie.
Le salon de N’gaïdé, n’est pas une allégorie, il a eu l’immense avantage d’exister pour tous ceux qui l’on visité durant ces années-là . Il leur en est resté une inestimable expérience ; celle d’avoir vécu la Mauritanie autrement.
Nous voulons un Etat à l’image du salon de N’Gaïdé. Un Etat où tous nos enfants se sentent enfants de Mauritanie, sans distinction, de couleur de race ou d’ethnies. Nous voulons que l’Etat soit un toit pour nos enfants de demain tel que le fut dans la tolérance et le partage le salon de N’Gaïdé.
Le salon de N’Gaîdé où souvent a éclaté la bonne humeur en langues et dialectes multiples a certes donné à tous ceux qui y sont entré la chaleur d’un foyer loin du pays mais plus important que cela encore, il est certain que ceux , tous ceux, qui y ont trouvé cette osmose se sont certainement retournés en le quittant . Ont-ils compris que ce qui nous sépare est bien moins important que ce qui nous unit ?
A la vieille de cette démocratie naissante, faisons que pour nos enfants, demain l’Etat mauritanien ressemble au salon de N’gaïdé.
Pr ELY Mustapha
Cet article a été publié la première fois sur Cridem le 13 Mars 2007.