La gabegie qui s’est instaurée en
Mauritanie depuis l’arrivée des régimes militaires trouve son fondement dans
l’accaparation des ressources publiques à travers des individus au sein de
l’Etat ou en dehors de lui mais en connivence avec ses hauts décideurs. Le
Ministre de l’Economie et des finances en est, donc, venu tout simplement à requérir
des députés d’éponger une créance de l’Etat de plus de 189 Milliards d’ouguiyas
à l’égard de la Banque Centrale de Mauritanie.
La raison de s’opposer à une
telle requête est d’autant plus justifiée que les 189 milliards, dont il s’agit,
ne sont ni la résultante d’une perte de l’Etat lui-même, ni le fait d’une force
majeure mais le résultat de la mauvaise gestion et de la gabegie à travers la
mise à contribution forcée d’institutions devant garantir l’efficacité et la
transparence dans la gestion publique.
Quelle est l’origine de cette
créance ?
L’analyse des créances de l’Etat
auprès de la Banque centrale, nous montre qu’elles sont faramineuses et qu’elles
progressent d’année en année ! Avec une inertie réelle de l’Etat pour les
rembourser ou les régulariser. Elles se situent, en 2017, à 215.011.269.000 (plus de 215 milliards
d’ouguiyas) contre 206 499 148 163,27 en 2016, soit une augmentation de 8 milliards et demi d’UM,
en 2017.
Ce que le ministre de l’économie
et des finances a voulu, c’est tout simplement faire entériner, par le Parlement, l’annulation des créances de
l’Etat vis-à-vis de la BCM soit exactement 189 900 062 266,86 UM (quasiment
190 milliards d’UM) .
D’où vient ce montant que
brandit le Ministre de l’Economie et des finances ?
Ce montant est la somme des
créances de l’Etat suivantes (hors comptes chèques postaux et allocations DTS
BCM-Etat) :
- Créances sur l'Etat à régulariser (36 929 463
764,56 UM)
- et les Créances issues de la convention entre
l'Etat et la BCM de 2013 d’un montant de 152 970 598 502,30 UM
Soit donc un total de : 189 900 062 266,86 UM
Comment s’expliquent ces
montants gigantesques ?
Le premier montant de
152 970 598 502, 29 UM est le résultat de la consolidation de
diverses facilités accordées par la BCM à des entreprises publiques bénéficiant
d’une garantie de l’Etat ayant fait l’objet d’une convention signée entre
l’Etat et la BCM le 30 décembre 2013.
Ce montant de 152 970 598 502,
fixé en 2013, figure toujours en 2017 aux créances de l’Etat pour le même
libellé soit 6 ans plus tard !
Il est l’expression même du laxisme
caractérisant la gestion des créances publiques. Car si la BCM a accordé les
facilités aux entreprises publiques, se chiffrant en milliards, c’est bien
parce que l’Etat en était le garant. Or nul ne peut se prévaloir de sa propre
turpitude et encore moins de sa mauvaise gestion des biens de la collectivité
nationale.
C’est donc un boulet au pied du ministre
de l’économie et des finances qui recherchant l’aval du Parlement voudrait
faire éponger la créance de l’Etat à l’égard de la BCM.
C’est autant dire que l’opposition
à cette proposition est hautement justifiée, car son acceptation validerait la gabegie,
induite par la gestion des entreprises publiques dont l’Etat assurait la
garantie auprès de la BCM, notamment pour le montant précité de 152 milliards
d’UM.
Quant au second montant de plus
de 36 milliards d’UM, il s’agit principalement des impayés échus sur la gestion
des bons du trésor et que l’Etat voudrait éponger alors que ce montant a servi à
gérer les bons du trésor finançant son besoin de trésorerie durant sa
calamiteuse gestion des deniers publics.
En effet, les bons du trésor étant
des titres représentant une dette à court terme de l'Etat, ils sont achetés par
des particuliers ou par des banques et autres institutions financières (bons en
compte courant ou certificat de trésorerie). Cela permet à l'Etat de couvrir
une partie de ses besoins de trésorerie.
Plus simplement encore,
l’Etat mauritanien a émis des bons trésors qui ont généré une créance de 36
milliards à l’égard de la BCM (pour leur gestion) et que le Ministre de
l’Economie et des finances vient de demander d’effacer !
Que se passerait-il si les
créances de de la BCM sur l’Etat sont supprimées ?
Ce serait un détournement de
biens publics puisque les montants devant être dégagés pour les régulariser, ont
bien bénéficié à l’Etat et aux entreprises publiques (par des voies incontrôlées)
et ni la BCM n’a reçu la contrepartie de sa gestion, ni la collectivité
nationale (le peuple) n’en connait la destination. La première se voit
transformée (comme la SNIM et autres entreprises publiques) en vache à lait, la
seconde, en peuple infantilisé.
Au niveau de l’institution
d’émission, la BCM, cela grèvera lourdement son Actif, causant un déficit de
son bilan et de son Etat de résultat, avec les conséquences sur sa gestion et son
endettement. Et il n’est pas certain que cela dissuadera l’Etat de continuer sa
mauvaise gestion des ressources publiques.
Le cas de ce ministre de
l’économie et des finances, qui vient requérir d’un Parlement d’éponger une
créance de l’Etat, est l’exemple même de
la mauvaise gestion qui caractérise l’Etat et son incapacité à faire face à ses
obligations malgré tous les revenus de ressources naturelles, de l’imposition, d’emprunts
nationaux et internationaux dont il dispose.
Si l’Etat n’a pu honorer ses
créances à l’égard de la Banque Centrale (à l’égard de toute la collectivité
nationale d’ailleurs), c’est à cause des détournements, de la corruption, des
malversations et l’enrichissement illicite par personnes et compagnies
interposées qui siphonnent les ressources nationales et obligent l’Etat à
s’endetter encore et encore et à appauvrir encore, et toujours, le peuple
mauritanien.
Par son acte et par une telle
proposition, ce ministre qui est censé être l’argentier sûr et fiable de
l’Etat, des deniers publics, avilit l’Etat et offense les parlementaires.
Les députés se doivent de
renvoyer ce ministre à ses casseroles et lui demander de trouver les moyens
d’honorer les engagements de l’Etat. Il
y va du respect des institutions, de la crédibilité de l’Etat, de celle, fort
entamée, de ceux qui le servent et surtout du salut des finances publiques
mauritaniennes. Finances publiques prises en otage par une poignée d’individus
au service de leurs propres intérêts. Le pauvre peuple a déjà tellement souffert
de la gabegie des pouvoirs publics qu’il ne manque plus qu’à l’outrager
directement en offensant ses représentants au Parlement. Ce qui vient de se
faire.
En somme, un ministre, sinistre
des finances publiques mauritaniennes.
Pr ELY Mustapha