samedi 17 octobre 2015

Une nation de boutiquiers.

 

ECOLE DU MARCHE…QUE DE SOUVENIRS

clip_image002Lorsque très tôt nous nous dirigions, pieds nus parfois, vers l’Ecole du marché venus du côté des blocs rouges, nous avions nos boubous qui virevoltaient dans la petite brise du matin. Bras-dessus, bras-dessous, insouciants, nous nous racontions les histoires de la veille. Celles de Hemam et de sa troupe, celles que rapportaient la radio ou bien encore celles des films en affiche, du côté du cinéma, que nous inventions dans l’espoir de les voir….le samedi suivant, après un tour en mobylette 102, louée 5 ouguiyas, en face d’El Mouna.

C’était à la fin des années soixante, nous étions une petite communauté de maures, ouolofs, toucouleurs, libanais et français. Un petit monde, heureux d’être ensemble. Autant que je me souvienne, il y avait les Tomy, Bellala , Khochman, Safoui , Fawaz, Hamoudé , Sall , Cases, Assane, Sakho, Laurent, Coste, Sornicle …et bien d’autres.

C’était le temps de ce cher directeur de l’école, Mr Habbot, dont tout turbulent craignait la convocation ; de « bouchon », l’instituteur d’arabe, auquel un certain Mohamed Lemine Habbot (élève dur à cuire) menait la vie dure.

C’était le temps de l’aimable Institutrice Madame Assane (ou Hassan) qui distribuait durant la récréation son panier de pain au beurre. C’était l’inoubliable Mr LY, l’instituteur de français, qui jouait à la guitare les récitations que nous apprenions… « Katiouchka, les pommiers fleurissent la clairière ».

C’était le temps du « problème du Diola ». Celui des Blek le roc, Miki le ranger, Zembla et autres BD que l’on s’échangeait sous cape… en bonus de malabars.

C’était le temps de l’amitié et de la passion pour le savoir …avec un unique cahier tordu et un stylo Bic.

Un temps qui ne reviendra plus. L’Ecole du Marché, un vénérable lieu du savoir où des générations entières de tous horizons, de toutes ethnies et milieux se sont retrouvées, cultivées dans l’égalité et le respect. Et l’on vient de le vendre … au plus offrant.

S’il est vrai « qu’il ne faut pas faire confiance à ceux qui vendent les écoles » (comme je l’ai écrit dans un récent article (lien : http://cridem.org/C_Info.php?article=674749)), il est tout autant vrai que ceux qui vendent les écoles pour en faire des boutiques, n’ont de culture que celle de leur poche. Des milliards qui iront encore dans leurs poches ; le prix encaissé d’un peuple que l’on acculture. Le prix de la honte.

Il est vrai que la Mauritanie est devenue une immense boutique que des boutiquiers-généraux, au sommet, n’en finissent pas de brader.

« Mais le philosophe d'une nation de boutiquiers, écrivit Henri Michaux, est plus profondément boutiquier que philosophe, comme un chien de chasse n'est pas tellement chien de chasse qu'il n'est chien. » (Un barbare en Asie (1933))

S’il en est ainsi du philosophe, qu’en serait-il du chef d’une nation de boutiquiers, qui n’est point l’Angleterre, qui joue au Napoléon  du marché ? Un cas d’école.

Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.