Derrière chaque grand homme, dit-on, il y a une femme.
Mais hormis le regretté Mokhtar Ould Daddah, et quelques figures historiques
d’avant l’indépendance, les grands hommes, en Mauritanie, il n’y en a pas eu.
Des hommes qui ont pillé le pays, qui ont réduit
l’Etat à une succession de coups d’Etats, qui ont terni l’image interne et
externe du pays, ceux-là on en trouve à la pesée. Mais pourquoi en sont-ils
arrivés là ?
Par quelle mécanique ont-ils été mus ? Plusieurs
facteurs propulseurs de cette mécanique ont été débattus. De l’opportunisme
politique au clientélisme débridé en passant par l’alliance du ventre et la
dissolution des principes et des valeurs, tout a été vu et revu dans la
dynamique autoentretenue de cette mécanique destructrice de l’Etat et de la
Nation. Cependant, jusque-là les acteurs manipulant ses leviers furent tous
identifiés par leurs fonctions : militaires, politiques, commerçants,
fonctionnaires… Et, aussi évident que cela soit-il, ils ont un dénominateur
commun : ce sont tous des hommes.
La Mauritanie a des maux qui sont des mâles ?
Cela signifie-t-il que tous les malheurs
politico-socio-économiques de la Mauritanie, viennent du genre masculin ?
Nul ne nierait en effet, que la politique
mauritanienne et la gestion des affaires publiques a été et continue à être une
affaire d’homme. Le genre masculin est aux commandes de l’Etat et monopolise
ses structures de gouvernance et de gestion. Mais derrière cette apparence,
l’homme est-il seul aux commandes ?
En d’autres termes, les comportements criminels de
pillages, d’enrichissement sans cause, de détournement des biens publics, de
corruption etc. sont-ils nés de la simple volonté du genre masculin ou y
a-t-il d’autres facteurs qui l’ont poussé, sinon contribué, à ce qu’il les
commette ?
L’homme mauritanien est-il né, naturellement, un rapace
des biens de la collectivité nationale ?
Non.
Sa religion le lui permet-il ?
Non.
Son Education en fait-il un être socialement enclin à
cela ?
En principe,
Non.
Alors, si le genre masculin mauritanien est devenu le rapace
public, y a-t-il d’autres facteurs latents, invisibles, non apparents, mais
qui ne sont cependant pas sans une influence notable sur le comportement de
l’homme mauritanien face aux biens publics et aux biens d’autrui ? Qu’elle
est alors l’influence qu’il a subie dans son entourage. Et du plus proche de
son entourage : la femme mauritanienne.
La femme mauritanienne y est-elle pour quelque chose ?
La question pourrait être posée. Car s’il est vrai que
c’est souvent l’homme qui est au-devant de la scène, il n’en demeure pas moins
que c’est une éminence grise, la femme, qui pourrait influencer et interagir
sur le comportement (Ô combien répréhensible) de l’homme mauritanien dans la
gestion de la Nation.
Quelle part de responsabilité supporte la femme
mauritanienne dans le déclin social, politique et économique du pays ?
Il serait illogique de faire de la femme mauritanienne
une personne étrangère au comportement de l’homme mauritanien dans toutes les
sphères de la vie de la nation.
En serait-elle même l’instigatrice et le maître
d’œuvre ? Serait-ce une forme de vengeance sociale (II) sur ce que
l’homme mauritanien lui a fait subir (I) ? Et quelles conséquences cela
a-t-il eu sur la gestion de l’Etat mauritanien (III) ? Et comment
la femme mauritanienne peut-elle contribuer à sauver la Nation (IV) ?
I- La femme mauritanienne : victime
de l’homme mauritanien
La femme mauritanienne a subit durant tant d’années
les caprices de l’homme mauritanien, qui, profitant de son statut matrimonial,
en avait fait un être de « rechange », qu’il épousait, répudiait et désertait
de son plein grès.
L’homme mauritanien est, dans sa généralité, un être
irresponsable matrimonialement. Il a profité des largesses de la tradition et des
facilités du divorce musulman, pour faire défiler à son gré des épouses, en
chapelets et les répudier quand bon lui semble. Il suffisait qu’il ait les
moyens de son divorce (parfois dérisoires) et les moyens de son remariage
(souvent lourds) pour convoler d’épouse en épouse.
Première règle donc : plus l’homme est aisé plus il divorçait.
Sa capacité de se re-re-remarier était proportionnelle
au volume de sa bourse (sans jeu de mots), et inversement proportionnelle à son
sens de la responsabilité familiale.
Il lui fallait donc moins de jugeote sociale, et plus
de moyens pour assouvir ses desseins.
Se marier n’était plus, avec la détérioration des
valeurs socioculturelles de ces dernières années qu’une question de moyens
matériels et financiers.
Plus il se mariait plus l’homme se sentait reconnu par
ses pairs. Mais pour cela il devait être riche. Et pour être riche, il fallait
hériter, travailler ou…voler.
Hériter dans un pays pauvre c’est rare comme l’eau.
Travailler n’est plus une valeur sociale.
Le vol étant, lui, applaudi et encouragé, on comprend alors
l’origine de la dot.
Dans cette masculinité de l’homme mauritanien qu’il
mesure au nombre de ses mariages, qu’est-il advenu de la femme mauritanienne ?
Répudiée dans une gestuelle aussi simple que de boire
du thé, la femme mauritanienne, se retrouve rejetée de son « foyer », souvent
enceinte ou trainant une ribambelle de bambins qui iront crécher chez leurs grands-parents
ou peupler les trottoirs de la grande ville.
Répudiée sans moyens et sans droits, la femme
mauritanienne a souffert l’enfer de la mère sans famille. Sans foyer. Elle a vu
ses enfants sans père, et a connu les affres de la mère divorcée.
Il n’est pas un foyer mauritanien, qui ne compte bon
nombre de femmes divorcées, souvent à la fleur de l’âge et une pléiade
d’enfants qui n’ont pas connu leur père. Non pas qu’il ait disparu, mais parce
que l’homme mauritanien, comme les tortues, ne s’occupe pas de sa progéniture.
En divorçant, il abandonne la femme et les enfants à
leur sort. On comprend alors l’ampleur du désastre. La femme, se réfugiant chez
ses parents, n’ayant souvent pas les moyens de subvenir à leurs besoins s’en
remet à son sort
La femme mauritanienne, a donc capitalisé tout au long
de ces années de souffrances, des leçons pour sa survie post-matrimoniale. Elle
a compris que :
- Le mariage, n’est pas une fin en soi.
- Le mariage n’est pas sécurisant, tout comme le mari lui-même.
- Le mariage est une simple « promotion » sociale pour l’homme.
- Le mariage est aussi éphémère que le mari lui-même.
Conséquence :
- Sachant que le mariage n’est pas une fin en soi, lui trouver une fin quelconque.
- Sachant qu’il n’est pas sécurisant, se protéger en accumulant les moyens.
- Sachant que c’est une simple promotion sociale, ne pas s’y accrocher.
- Sachant qu’il est éphémère, savoir être prévoyante.
L’attitude de la femme mauritanienne, vis-à-vis du
mariage et du mari, notamment après maints divorces, commençait à ressembler à
celle du prisonnier qui découvre que ses chaines pouvaient aussi servir à
étrangler son geôlier.
Le mari étant si éphémère, insécurisant et volatile,
elle se devait de trouver la contre-attaque. Et cette contre-attaque la femme
la trouva dans la course contre le temps dans l’accumulation la plus rapide
possible de moyens lui permettant de faire face à l’inéluctable : sa
répudiation.
Il fallait qu’elle puisse dans le laps de temps du «
mariage », tirer du mari les moyens qui lui permettront de survivre après son
départ. Ni le mariage, ni le mari ne sont désormais une finalité. Ce qui l’est
c’est son sort après son divorce et la sécurité matérielle de la progéniture
que le mari ne manquera pas de lui laisser, souvent sans état d’âme, sur les
bras.
Cela se résume en une phrase : « s’il veut rester
qu’il reste, s’il s’en va je ne serai pas démunie ». Une forme d’instinct de
conservation. Instinct que la femme mauritanienne a su développer face aux
aléas de son statut et à l’irresponsabilité matrimoniale de l’homme
mauritanien. Apte à se marier, apte à procréer, mais incapable de conserver son
foyer.
D’ailleurs, le divorce en Mauritanie est une
gymnastique, qui a d’ailleurs pris une telle ampleur qu’il est entré dans les
mœurs, comme un état naturel conséquent du mariage. Et ceux qui en pâtissent ne
sont (hélas !) que les femmes et
les enfants.
II- La vengeance de la femme
mauritanienne : l’homme-tirelire
L’accumulation de tant d’années de spoliation de ses
droits, d’assujettissement et de répudiation la jetant dans la misère, elle et
sa progéniture, la femme mauritanienne a compris que sa survit dépendait de sa
capacité à tirer de son partenaire tout moyen lui permettant de faire face aux
aléas de sa vie de divorcée potentielle.
Le mari n’est plus une fin, mais un moyen. L’exploiter
n’est que juste cause pour préparer l’avenir. C’est ainsi que la femme
mauritanienne devient exigeante, réclame et déclame, quand il le faut, ses
besoins permanents, en moyens matériels et financiers. Besoins auquel le mari
éphémère se doit de souscrire. Exploitant ainsi une caractéristique de la «
vantardise » socioculturelle de l’homme mauritanien l’amenant à se couper en
quatre pour répondre aux exigences de son épouse. Et cela au risque d’y laisser
son boubou et son salaire pour dix ans, pourvu qu’il ne soit pas traité
"d’incapable".
D’où la loi du zèle qui peut s’énoncer ainsi : le zèle du mari à
satisfaire les exigences matérielles et financières de son épouse (au prix de
sa vie) est inversement proportionnel au temps qui s’est écoulé depuis la
célébration du mariage. Ainsi plus la date du mariage est récente plus le mari
est enclin à vendre sa chemise pour sa dulcinée, plus cette date s’éloigne plus
le zèle diminue et le divorce pointe à l’horizon.
Une telle loi du zèle marital n’échappera pas à
la femme qui aura su « gérer » le temps et les moyens de son mari en prévision
de sa sortie qu’elle voudrait la moins pénible pour son confort ...chez ses
parents.
C’est ainsi que face à un mariage, initié par un
individu guidé par des instincts autres que ceux de fonder un foyer durable et
sécurisant, d’élever et d’éduquer ses enfants dans la dignité, la femme
mauritanienne se venge chaque jour de cet homme matrimonialement irresponsable.
III- Les conséquences sur l’Etat et la
gestion publique
Si la femme mauritanienne a développé face à
l’injustice qu’elle subit, des moyens adaptés pour se défendre, les
conséquences d’une telle attitude sont souvent désastreuses lorsqu’il s’agit de
la gestion des biens de la nation.
En effet, l’Etat mauritanien est gangréné, depuis des
dizaines d’années par toutes les formes de soustraction de ses biens. Ceux de
la collectivité nationale. Corruption, malversation, détournements, fraude
etc., sont devenus des signes distinctifs de la gestion publique.
Ceux qui ont réalisé de tels actes l’ont fait pour
s’enrichir, mais beaucoup sous l’impulsion de leurs congénères. Peut-on dire
que la femme d’un responsable public ou privé qui a érigé le vol des biens
publics (financiers et matériels) en activité permanente, est absolument non
concernée par son activité ?
La notoriété des personnes appelées « roumouz el
vessad » ne doit pas, dans un sens de stricte logique de société mauritanienne
(où tout se dit et tout se sait), échapper à leurs compagnes. La question est
de savoir si leurs compagnes ont été pour quelque chose dans leur activité
criminelle ?
Si l’on s’en tient au comportement de
"vengeance" développé par la femme mauritanienne (voir plus haut), il
est probable que le mari tombe sous le coup de la « loi du zèle »
précédemment mentionnée.
Les moyens sont connus et la femme n’hésiterait pas à
pousser son conjoint à lui fournir toujours plus. Et ce dernier n’hésite pas
non plus, dans le fameux élan de « virilité démonstrative» et de « m’as-tu-vu »
propres à la plupart des hommes mauritaniens, dans une société qui vénère le «tape-à
l’œil », d’aller jusqu’au bout de ses exigences. Il doit être à la « hauteur »
de son image. N’est-il pas « Voulan ibnou Voulane » ? Il se remémore alors les
propos de sa compagne :
« Pourquoi « un tel » est ministre et pas toi ? Cet
idiot qui vient d’être nommé est-il plus compétent que toi ? Pourquoi a-t-il
une VX et pas toi ? Pourquoi sa femme est mieux habillée que moi ? Pourquoi il
a des villas partout et pas toi ? Etc. »
Et voilà l’homme qui se met à vouloir prouver quelque
chose. Pour aller plus vite, il devient un courtisan du pouvoir. S’il gère une
caisse, il va commencer à se servir. S’il n’a pas de caisse mais de l’autorité,
il fera du trafic d’influence. Et s’il a une brigade, il fera un coup d’Etat.
A en croire (soit dit en passant), certaines
informations, les épouses de certains putschistes auraient été à l’origine des
coups d’Etat en Mauritanie. En son temps un certain X ould Y en avait fait la
démonstration (voir son blog).
On comprend l’influence de la femme mauritanienne à
l’échelle d’épouse de chef d'Etat, de ministre, de PDG de société nationale, de
chefs de projets, de comptables publics etc. Sa vengeance sociale (contre l’homme
irresponsable) est donc un putsch permanent.
Et dans tous les cas, la femme aura sa « fondation
de bienfaisance » (fourre-tout des biens de l’Etat) ; des anciens
présidents au général d’aujourd’hui, cela ne s’est pas démenti
IV- Comment la femme mauritanienne
peut sauver la nation.
Aragon disait que « la femme est l’avenir de l’homme »
(n’en déplaise à certains de nos oulémas bornés). En Mauritanie, aujourd’hui et
plus que jamais, la femme mauritanienne doit venir à la rescousse de l’homme
mauritanien. La faillite de ce dernier mène le pays au désastre. Le
masculin-pluriel est en souffrance. Le féminin-pluriel est ardemment sollicité.
La femme mauritanienne, est appelée à aider à
reconstruire les valeurs sociales en dépérissement depuis une trentaine d’années.
En effet, s’il peut y avoir un catalyseur de cette
prise de conscience par l’homme de ces actes, c’est bien la femme. Elle pourra
efficacement contribuer à redresser les travers acquis par son congénère durant
ces longues années qu’a traversées la Mauritanie et qui l’ont réduit en un
pilleur, sous l’effet des systèmes sociopolitiques corrompus qui ont dirigé le
pays.
Pour cela, il faudrait que la femme mauritanienne, se
débarrasse de tant de pratiques éculées qui ont fait d’elle un être qui vît à
l’ombre d’un autre et qui dans cette pénombre lutte pour sa survie à l’encontre
même des intérêts de son congénère.
Cette lutte sourde enrobée d’us et coutumes sociaux,
et travestie dans une relation économique dans laquelle l’opulence de l’homme
est l’alpha et l’oméga de l’avenir de la femme, se doit de trouver son terme.
Mais s’il est urgent que la femme mauritanienne
intervienne pour aider à rejeter les non-valeurs qui minent le pays, il
faudrait que tout le système matrimonial mauritanien soit revu et corrigé dans
le sens de donner à la famille, et à ceux qui la compose les mêmes droits et
les mêmes obligations.
Il est vrai que tant que l’Etat mauritanien ne fait
pas de la « cellule familiale », le creuset dans lequel se bâtit l’avenir de la
nation, il n’y a point de salut.
Tant que l’homme ne voit dans le mariage qu’une
cérémonie festive et dans la femme un « objet à usage jetable ». Tant qu’il
n’est pas civilement et pénalement responsable de sa famille à laquelle il doit
subsistance et protection ; tant que l’épouse n’est pas protégée dans son foyer
et dans ses droits de compagne et de mère, alors l’homme continuera ses actes
irresponsables.
Par ses épousailles sans limites, il a contribué et
continue encore à contribuer à l’éclatement des foyers, à l’enfance
malheureuse, aux femmes désespérées et sans soutien, en somme à tous les
ingrédients d’une société sans avenir. Une société dont les enfants sont sans
éducation et dont les mères sont abandonnées à leur sort, va nécessairement
vers la faillite sinon l’éclatement et la violence.
Si l’homme mauritanien a détruit l’Etat, par le
pillage, le vol et la corruption, il tire nécessairement sont comportement de
l’absence de responsabilité qu’il développe déjà dans ses relations sociales.
Et si la Femme mauritanienne a bien compris cela, il est nécessaire qu’elle
intervienne auprès de l’homme mauritanien pour aider à réhabiliter les valeurs
sociales perdues, car, plus que nulle part ailleurs, la femme mauritanienne
occupe une place considérable dans « l’emploi du temps » de l’homme
mauritanien.
Il faut qu’elle transforme sa vengeance latente, en un
combat privé et public visant la conscientisation de son partenaire sur ses
actes destructeurs en commençant par se refuser elle-même à le pousser à de tels
actes.
En définitive, pour mieux comprendre la faillite et le
devenir de l’Etat mauritanien, sa gestion doit être saisie dans ses deux
aspects : en genre (masculin/féminin) et en nombre.
Cette approche est bien plus édifiante et rend mieux
compte de ses difficultés. En effet, jusque-là les maux de l’Etat mauritanien
s’accordaient au masculin-pluriel, en nombre d’hommes (« roumouz el vessad »),
il est désormais important qu’ils s’accordent aussi au féminin-pluriel pour
comprendre sa pénible réalité.
Toutefois, les considérations de cet article ne
concernent que celles et ceux qui s’y reconnaissent. La femme mauritanienne et
l’homme mauritanien, pris dans leurs particularismes, ne peuvent être ramenés à
ce schéma global. Il y a des couples heureux, des familles soudées, il y a des
hommes mauritaniens qui sont responsables et des femmes mauritaniennes qui
développent les valeurs et les essaiment.
Ce n’est, en vérité, que lorsque le matérialisme
galopant frappe la société ou que la soif du pouvoir domine des clans entiers
et que la cupidité sonne aux portes des postes publics, que l’homme devient ce
qu’il est. Et il est certain que derrière certains actes de certains hommes, il
y a la mainmise de certaines femmes. Et il est certain qu’au point où en est
l’Etat et la société, le salut ne viendra que de ces dernières dans chaque
catégorie sociale, dans chaque poste public, dans chaque foyer de Mauritanie.
Pr ELY Mustapha