Nul besoin de lire le discours du président du Sénat pour comprendre que le ridicule ne tue pas. Bâ Mamadou dit M’barré a procédé à l’ouverture de la session du sénat ce 10 novembre 2008. Voilà qui est étonnant d’une personne qui dès les premiers jours avait rejeté le coup d’Etat et s’est inscrite en faux par rapport à l’illégalité. Une illégalité à laquelle tout-à-coup, elle a décidé de participer.
Pourquoi M’barré après trois mois de résistance s’est tout à-coup présenté en élément d’un système illégal ? Que signifie que le président du Sénat soudain « retourne sa veste » et se place du côté de l’illégalité en président une session ordinaire irrégulière , illégale et non avenue ? Pourquoi M’Barré s’en est allé faire allégeance à Aziz ?
Autant de questions que chacun pourra se poser vis-à –vis d’une telle attitude qui ne devrait pas provenir d’une personne respectueuse de la légalité constitutionnelle et des institutions de la République, institutions dont elle assure justement la présidence.
Dans son discours d’ouverture de la session ordinaire du Sénat, M’barré déclare : « En application des dispositions de l’article 52 de la constitution et de l’article premier du règlement du Sénat, nous allons procéder dans quelques instants à l’ouverture de la première session ordinaire 2008-2009 du parlement mauritanien.»
Comment se fait-il qu’un Président de Sénat soit en ignorance complète de la constitution ?
« Article 52 : Le parlement se réunit de plein droit en deux (2) sessions ordinaires chaque année. La première session ordinaire s'ouvre dans la première quinzaine de novembre. La seconde dans la première quinzaine de mai. La durée de chaque session ordinaire ne peut excéder deux ( 2) mois. »
Qu’est-ce que ce « plein droit », lorsque la constitution est violée. Et que l’exécutif légal et légitime est neutralisé par la violence ?
Ce « plein droit » ne vaut pas car un Sénat est par définition habilité à examiner et à voter les lois devant être promulguées par le Président de la République.
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Or celui-ci n’étant pas en place , le rôle que doit jouer le Sénat est caduc. En effet l’ Article 32 de la Constitution dispose que :
« Le Président de la République promulgue les lois dans le délai fixé à l'article 70 de la présente constitution. Il dispose du pouvoir réglementaire et peut en déléguer tout ou partie au Premier Ministre… »
Un sénat sans président de la république, qu’adviendrait-il des lois ? C’est un général putschiste qui va les promulguer ? Curieuse façon de servir les institutions de la république.
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Un parlement qui se réunit alors que l’autorité suprême, à savoir le Président de la République, qui est chargé de la promulgation des lois est séquestré, n’est-ce pas en lui-même une forfaiture.
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Comment un dépositaire de la confiance de ses électeurs peut-il trahir cette confiance en se mettant au service d’une autorité exécutive illégale et illégitime.
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C’est un déni de mandat électif et pire encore, un délit de complicité et d’intelligence avec des autorités illégales violant la volonté du peuple et confisquant sa souveraineté.
En effet, tel que cela ressort de l’article 2 de la constitution : « Le peuple est la source de tout pouvoir. La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants élus et par la voie du référendum. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. Aucun abandon partiel ou total de souveraineté ne peut être décidé sans le consentement du peuple. »
Cet article 2 , qui rejette d’office toute l’autorité des putschistes, se devait d'être le texte de chevet du président du Sénat. Et refuser par la même toute collaboration avec l'autorité illégale.
Voilà donc que le représentant élu du peuple à la magistrature suprême est séquestré et voilà qu’un président de Sénat dont l’existence ne se justifie que par l’existence du Président de la République ouvrir les sessions du Sénat et palabrer avec les putschistes.
En effet , le Sénat étant bien celui de l’Etat et de la République la Constitution est claire :
« ARTICLE 24 : Le Président de la République est le gardien de la constitution. Il incarne l'État Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement continu et régulier des pouvoirs publics. Il est garant de l'indépendance nationale et de l'intégrité du territoire. »
Sans président de la République tout le système législatif s’effondre. Et le Président du Sénat est bien sensé le savoir.
Qu’est-ce qui a poussé M’barré à présider la session ordinaire alors que son collègue le président de l’assemblée nationale s’en est abstenu ?
M’Barré en faisant une telle « volte-face », a-t-il voulût renier explicitement sa position de départ vis-à-vis de la junte et de son illégalité ? Mais alors ce serait un retournement de veste qui ne siérait pas une telle autorité représentative d’une institution républicaine.
Mais en vérité si M’barré avait voulu cela il aurait depuis le début rejoint les militaires et applaudit leur forfait, mais il a « tenu » pendant trois mois pour venir ensuite entériner l’illégalité.
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Que s’est-il donc passé pour qu’un tel revirement ait lieu ?
Les hypothèses ne peuvent être que les suivantes :
- M’barré a certainement été mis sous pression à travers des menaces
- M’barré ne voudrait pas « rater » sa réélection à la présidence du sénat au prochain renouvellement du sénat .
Dans le premier cas, l’on sait que M’barré a fait l’objet d’un chantage de la part des sénateurs-frondeurs de mettre en place une commission d’enquête sur sa gestion du Sénat. Les sénateurs avaient déclarés que le Président du Sénat s’est octroyé durant sa présidence du Sénat des per diem faramineux durant ses nombreuses missions à l’étranger auxquels s’ajoutent des malversations dans le gestion interne du Sénat.
Une telle menace serait-elle pour quelque chose dans l’assagissement du président du Sénat ? La mise en place de cette commission a-t-elle servie comme chantage pour rallier le Président du Sénat ?
Toujours est-il que l’on n'entend plus parler de cette commission depuis quelques temps. Etait-elle une saute d’humeur de parlementaires frondeurs ou ce qui est reproché à M’barré dans sa gestion du Sénat est vrai a tel point qu’il a servi à le faire chanter ? Son ralliement à la junte contre l’oubli de la commission.
L’avenir le dira certainement.
Quant au second point sur les velléités de M’barré pour la reconduction de son mandat du fait que Le Président du Sénat est élu après chaque renouvellement partiel du Sénat et que Les Sénateurs sont renouvelés par tiers (1/3) tous les deux (2) ans, ce sera bientôt l’échéance.
Aussi M’Barré en voulant garder son perchoir s’est allié avec ceux justement qui ne peuvent le lui donner , ni l’y confirmer. Ils sont eux-mêmes soumis à une épée de Damoclès qui ne tardera pas à s’abattre et il ne restera alors qu’un ancien président de Sénat qui aura troqué sa charge législative pour une décharge politique.
Sidioca ne l’ayant pas admis dan son cercle restreint à Lemden, ce fut la goutte qui a fait basculer M’barré dans le camp des putschistes.
Les convictions d’un président de Sénat peuvent-elles être à ce point fragiles pour succomber à la première tentation ? Et dire que la Constitution de la République lui donnait tant d’importance en en faisant le remplaçant du président de la République en cas d’empêchement de ce dernier.
ARTICLE 40 : En cas de vacance ou d'empêchement déclaré définitif par le Conseil Constitutionnel, le Président du Sénat assure l'Intérim du Président de la République pour l'expédition des affaires courantes.
En définitive, que penser d’une telle attitude du Président du Sénat et , au-delà de sa nature, que nous inspire-t-elle ?
Sinon que dans ce pays rien ne se fait par la conviction personnelle, ni par l’engagement moral, ni par le patriotisme, ni par Le respect des institutions, ni par l’égard qui doit être dû au pauvre peuple, mais uniquement par une volonté tenace, perfide et ancrée d’un opportunisme intéressé par lequel les dignitaires de l’Etat et ceux qui les servent détruisent chaque jour ce qui reste de la Nation et de ses institutions.
Pr ELY Mustapha