Je ne sais si le peuple
mauritanien est devenu autiste ou si ses dirigeants le prennent pour un faible
d’esprit.
Ce qui est certain, c’est que le
peuple est totalement déconnecté de ses dirigeants, et ils agissent comme s’ils
avaient un peuple sous tutelle. Un peuple immature, pour lequel on décide comme
on le ferait pour un mineur ou un déficient mental.
Il est vrai que le niveau
éducatif des masses a été maintenu depuis des décennies à un niveau qui
rivalise avec celui de la mer. Les vrais sujets qui intéressent son devenir et
l’avenir de générations entières, ne sont pas de son ressort. On décide pour
lui, on exécute et on le réduit aux limbes de la misère et de la pauvreté, et
on envoie ses dirigeants « fautifs » sur les bancs des tribunaux pour
corruption, pour blanchir ceux qui sont au pouvoir…Et puis aux prochaines
élections le cycle des règlements de compte recommence et le peuple béat se
fait encore avoir.
Il en est ainsi de ce plan de
relance que le régime en place veut lancer et qu’il a déjà inauguré par un
marché public, dont l’étude est déjà en cours, de 10 échangeurs routiers pour
Nouakchott !!! De l’inconséquence ou de l’inconscience ! Un peuple
qui souffre de maladies, de malnutrition, d’absence d’infrastructures de base
et de services domestiques élémentaire (eau potable, électricité…), dont
l’habitat est inondé par les eaux sales usées et les immondices faute
d’infrastructures sanitaires et le premier projet de la relance, c'est de lui construire 10 échangeurs routiers !
Alors, comme on l’a démontré dans un article précédent, que le parc automobile
mauritanien est saturé dans l’anarchie et les véhicules hors d’usage et qu’il
fallait commencer par assainir un secteur du transport catastrophique, pourri
et suicidaire (voir l’article : « Infrastructure routière suicidaire
: Entre ponts et carcasses. » http://www.cridem.org/C_Info.php?article=740114
) !
Ceci n’est qu’un exemple
de l’omnipotence de nos gouvernants, qui décident sans consulter, sans organiser
la moindre consultation publique des bénéficiaires. Ils décident, empruntent, endettent le
peuple et les générations futures et investissent avec les médiocres résultats
que l’on connait et les conséquences catastrophiques que l'on met, aujourd’hui, sur
le dos de dizaines de ministres, et autres sous-fifres de mandats présidentiels
précédents que l’on envoie devant les tribunaux et c’est le peuple qui
trinque !
271 milliards d’ouguiyas, pour le
plan de relance économique. 271 milliards qui iront certainement en projets mal
faits, en investissements improductifs, en marchés publics véreux et en
résultats qui laisseront encore à désirer.
Pourquoi tout cela ?
I-
Les causes de cette
situation : les vecteurs de l’échec
1. Le peuple n’est consulté sur rien.
On utilise ses
ressources et on réalise pour lui ce qu’il n’a jamais désiré. Et aucune
consultation populaire même restreinte n’a été faite pour le plan de relance.
Aucun forum, aucun sondage, aucune enquête auprès des bénéficiaires (exemple
les Nouakchottois, sur les 10 échangeurs qui vont « dévorer » des
milliards d’ouguiyas).
- On ne consulte que les
étrangers, les bailleurs de fonds notamment. On leur expose les projets et on
obtient leur assentiment et on exécute. Ainsi le ministre des affaires
économiques et de la promotion des secteurs productifs, Ousmane Kane, a exposé au
palais des congrès de Nouakchott devant les partenaires techniques et
financiers de la Mauritanie, le programme prioritaire élargi du président
mauritanien Mohamed O. Cheikh Ghazouani, programme appelé « plan de relance
économique » post coronavirus. Cet exposé a été fait par le ministre devant les
ambassadeurs, les membres des missions diplomatiques, les représentants des
partenaires techniques et financiers, en plus du secteur privé. Et voilà la
boucle est bouclée. Un peuple ignoré jusque dans ce qui le concerne !
2. Aucun modèle de développement
La Mauritanie ne suit aucun Modèle
de développement, elle n’a même pas de plan de développement économique et
social. Elle navigue à vue, avec des ressources non renouvelables et ne bâtit
rien pour l’avenir.
Ne demandez surtout pas aux
autorités publiques quel est leur modèle de développement, elles n’en ont pas.
L’horizon de l’administration publique se limite à gérer le quotidien, à vivre
avec les moyens du bord, légalement ou illégalement. L’horizon de ceux qui la
dirigent ne va plus loin que la volonté de s’incruster là où ils se trouvent et
continuer à perpétuer la médiocrité et la servilité à celui qui détient le
pouvoir.
En effet, tout modèle suppose
d’abord une volonté politique de le définir et de le mettre en œuvre à travers
l’appareil de l’Etat. Ensuite ce modèle doit refléter une vision de société
permettant de bâtir son avenir économique et social (réfléchi, concerté avec le
peuple comme mentionné plus haut). Voir à ce propos mon article sur « La
vision confisquée. » http://cridem.org/C_Info.php?article=738890
)
Or ni la première condition ni la
seconde n’est remplie. Ni celui qui dirige actuellement le pays, ni ceux qui le
soutienne ou le conseillent n’ont une vision pour le pays.
Quant à la seconde condition,
elle entre dans la même perspective. L’administration publique minée par
l’incompétence, le favoritisme et l’esprit de clans, subsistant sur des moyens
dérisoires, affiche une incompétence notoire et de ce fait ne peut servir un
quelconque modèle de développement.
Pas de vision économique eu
sommet de l’Etat, pas d’administration viable, ni de structures techniques
existantes, la Mauritanie végétera longtemps dans le sous-développement et il
est probable qu’elle n’en sortira pas.
3. Des plans inutiles qui se perpétuent
Qui se souvient encore du plan de redressement
économique et financier (PREF), du Plan de consolidation et de relance (PCR)
qui asseyaient déjà la philosophie des Plans d’investissements publics (PIP) et
la grande saga des cadres de lutte contre la pauvreté (CSLP), des Cadres des
dépenses budgétaires à moyen termes (CDMT)et autres Budget consolidés
d’investissement (BCI) etc. etc.
Qu’ont apporté ces plans au développement à la
Mauritanie qui ont couvert des décennies de mauvaise gestion et de
gabegie? Et pourtant ils ont été exécutés en temps de paix, avec des résultats
catastrophiques que dire alors d’UN plan de relance qui s’exécute en période de
crise ?
En effet, ce plan est un énième plan de relance économique
et le pays est encore plus misérable.
Mais où va-t-il donc se
« caler » ce plan de relance de 241 Milliards ?
Dans la fameuse « Stratégie de Croissance
Accélérée et de Prospérité Partagée (SCAPP) », adoptée par le conseil des
ministres du 17 septembre 2015 et dont les gouvernements successifs ont fait
tout un plat-programme ? SCAPP, qui ont l’ a bien démontrée n’ a été
qu’une « Stratégie de Concussion
accélérée et de Pillage public « (voir mon article « Stratégie de
Croissance Accélérée et de Prospérité Partagée (SCAPP) ou « Stratégie de
concussion accélérée et de Pillage public (SCAPP) » - http://cridem.org/C_Info.php?article=685056
)
Où va-t-il se développer, par
rapport à La SCAPP qui est présentée comme le « nouveau référentiel sur lequel
le gouvernement va bâtir la politique de développement pour la période 2016/2030,
sur la base des Objectifs de Développement Durables (ODD), adoptés par
l’Assemblée Générale des Nations Unies (ONU) en septembre 2016, et de l’Agenda
2063 de l’Union Africaine (UA). »?
En effet, Combien de programmes
ont été élaborés pour la relance et le pays fait toujours du surplace ?
Tous ces plans de stratégie et de
relance ne sont que des cadres stratégiques servant à justifier la dépense.
Sinon qu’est-il advenu du développement promis depuis l’instauration de ces
plans depuis une quarantaine d’années ?
Le déficit budgétaire s’est-il
résorbé ? Nos entreprises sont-elles devenues plus compétitives ? Notre tissu
industriel est-il devenu une référence ? Nos infrastructures portuaire et
routière sont-elles un exemple du genre ? Notre balance des paiements est plus
que jamais déficitaires et l’endettement s’accroît vertigineusement. Le chômage
est plus qu’inquiétant et le pouvoir d’achat des citoyens rivalise avec le
niveau de la mer. Le niveau de vie du citoyen baisse suite à la contraction du
patrimoine national... la pauvreté est quotidienne.
Et l’on croit au succès d’un
énième plan de relance dans le cadre du programme « mes priorités » de
Ghazouani. Et cela en exécutant en 30 mois (2020-2022) un plan engageant une
enveloppe financière de 24,2 milliards de nouvelles ouguiyas, ce qui représente
8,5% du PIB ! Afin de créer les conditions appropriées pour un décollage
économique durable, global et innovant !
On fera en 30 mois ce que tous
les plans mauritaniens, en 30 ans et plus, depuis 1985 avec le PREF (Plan de redressement
économique et financier) et autres planifications et stratégies, n’ont pu
réaliser.
4.
Une administration
publique notoirement incompétente
Le premier promoteur des projets publics
est bien l’administration publique. De son initialisation, à sa clôture en passant par son
suivi-évaluation, l’administration est le moteur de ce processus et elle est la
garante de sa bonne exécution de ses finalités et de ses résultats. Or lorsque
l’administration publique est carente, quel plan de relance sera alors
crédible ?
Lorsque cette administration est incapable
de prendre en charge ce plan de relance, quels résultats va-t-on, escompter?
Lorsque cette administration est minée par
la corruption, la médiocrité de ses cadres, par l’absence de compétences, quel
plan de relance va-t-il réussir ?
Lorsque tout projet est considéré comme un
« gâteau » que chaque composante attend pour en recevoir une tranche,
de quel plan de relance parle-t-on ?
Que ce soit des projets publics exécutés
en régie, ou en concession de service public ou par des opérateurs privés, leur
chance de réussite est hypothéquée par l’administration publique elle-même qui
de l’attribution du marché public à sa réception en passant par son suivi et
exécution est le maillon faible et le danger dans tout investissement public.
Or le plan de relance économique, n’est qu’une somme d’investissements.
II – Les conditions de viabilité d’un plan de relance
économique
1. Inscrire le plan de relance dans une vision stratégique de
développement
Un discours électoral sur lequel
s’est bâti un ensemble d’engagements vagues appelés « mes priorités »,
dussent-ils être sincères d’un président de la République ne constituent
nullement une vision de développement.
La vision est celle qui va guider et fédérer tout l’élan
d’un pays, à travers ses forces créatrices, ses forces inventives et ses forces
productives autour d’une esquisse d’un avenir commun, d’une représentation
politique engagée qui pilote avec assurance et clairvoyance les étapes de la
vie d’une nation.
Une telle vision, claire, partagée rationnelle attrayante
pour tout un peuple, associé à sa réalisation, créant le sentiment d’engagement
qui fait de l’impossible, le possible.
Cette vision-là n’existe pas aujourd’hui. Il n’existe que
des programmes politiques qui tous se ressemblent et sur lesquels des élus
interchangeables s’engagent, le temps d’une campagne électorale.
La vision est celle du
visionnaire, celui qui y croit, qui la traduit en discours charismatique, et
qui par-dessus tout y met l’espoir possible face aux défis de l’incertain. Il y
voit un chemin qui mène vers un but traduit en modèle de développement, viable,
accepté, compris et partagé. (voir à ce propos mon article : « La
vision confisquée » http://www.cridem.org/C_Info.php?article=738890
).
2. Inscrire le plan de relance dans une concertation stratégique
nationale
Un discours électoral d’un élu, n’est
pas un engagement du peuple, notamment quand il s’agit de traduire « ses
promesses » dans les faits à travers des réalisations économiques.
Il faudrait que le peuple soit
consulté globalement pour les mesures impactant toute la nation (grands projets
nationaux) et partiellement pour les mesures impactant des groupes, des catégories,
des zones urbaines, rurales etc. Le cas récent de contestations locales contre
l’attribution des terres paysannes dans le Guidimaka, à des multinationales
étrangères est un exemple de l’ignorance dans laquelle est maintenu le citoyen
par l’Etat.
Hélas, ces concertations ne sont
à la mode que le temps de gagner des élections ou d’asseoir un pouvoir
putschiste. Tel est le cas des « journées de concertation » durant la
période de transition suite au coup d’Etat de 2005. Des journées de
concertation qui n’ont été que de la poudre aux yeux qui ont endormis les
masses et permis aux militaires d’asseoir leur régime, jusqu’à nos jours.
La Mauritanie est aujourd’hui
endettée à 93% de son PIB et elle veut engager une relance économique sur
laquelle aucun citoyen, ni ordres professionnels, ni groupements civils, ni
associations n’ont été consultés.
Et c’est cela qui présage déjà de
l’échec de cette relance économique, qui prend sa source dans une volonté
unilatérale et qui fera certainement faillite. Car sans la participation et l’adhésion
des concernés, les masses, le peuple, les bénéficiaires, de tels
investissements qui seront engagés lourdement dans cette relance ressemblent en
tous points, à l’investissement d’un patrimoine personnel d’une personne
physique qui en décide comme elle l’entend et moins du patrimoine d’un peuple
qui doit en décider à travers sa consultation.
Ainsi une consultation nationale
sur les « 10 échangeurs routiers de Nouakchott » qui vont absorber
des milliards, était obligatoire pour en déduire, son intérêt, son impact et
surtout sa priorité par rapport à d’autres préoccupation des citoyens (exemple eau,
électricité, santé, scolarité, sécurité etc..).
Tant que l’unilatéralité préside
à l’investissement public en Mauritanie on continuera à investir dans des
projets inutiles, qui ne servent que la corruption et la gabegie.
3. Assainir l’administration publique, mettre à niveau et recruter
les compétences.
Ce programme de centaines de milliards
d’ouguiyas, sera mis en exécution par une
administration publique quasi-incompétente, qui est à
l’origine de tous les affres du sous-développement que vit le pays. Le détournement des projets,
des moyens financiers, des ressources de toutes natures sont la peste qui gangrène le
pays.
La mauvaise gestion, l’absence de
compétences fait que l’administration publique mauritanienne,
est le boulet qui empêche la réalisation effective et la réussite de tout projet.
Seuls 20 % du personnel public réalise son travail .70 % du personnel sont
absents des lieux de travail et se présentent par intermittence
Au moins 80 % des fonctionnaires
publics mauritaniens, n’ont pas de diplômes correspondant à l’emploi qu’ils occupent.
La moitié des fonctionnaires publics ont de faux diplômes et des diplômes de
complaisance. Le quart du Personnel Non Permanent (PNP) occupe des fonctions auquel
il n’a pas droit, mais uniquement pour augmenter son salaire.
Un grand nombre de fonctionnaires
de la Fonction publique ont acquis et fait valoir pour leur promotion des
certificats professionnels fictifs délivrés par des centres de formation
professionnels véreux. 80 % du personnel de la fonction publique mauritanienne,
n’ont jamais reçu de formation continue ou de mise à niveau. 60% des
fonctionnaires, ne connaissent même pas leurs champs de compétences et ce pour
quoi ils ont été recrutés. Des centaines de postes ont été pourvus par
complaisance et ceux et celles qui les occupent, n’ont jamais posé
pied dans leurs services.
Des milliers de postes techniques
vitaux, de haute importance, sont occupés par des non-techniciens. Et très rares sont les fonctions qui correspondent aux profils
métiers et aux compétences requises .
Et 100 % du
personnel de la fonction publique sont recrutés sans recours à aucun
référentiel métiers et compétences officiel.
Les
inspections départementales des ministères sont inopérantes, souvent
incompétentes et ne réalisent pas leurs missions.
Ainsi au vu de
ces carences, si l’on devait ramener la productivité de l’administration
publique mauritanienne à ses effectifs, sa contribution au PIB aux
couts des facteurs, est, depuis des décennies, inférieure à 7 % ! Alors que
cette administration absorbe pour son fonctionnement plus de 54 % du
total des dépenses budgétaires de l’État en 2020 (60 990 771 776 MRU).
Et c’est à
travers cette administration-là qui doit prendre en charge le plan de relance
économique. Certes l’actuel ministre de l’économie, s’exécutera, et plein de
bonne volonté, le prendra à bras le corps, mais c’est un combat perdu d’avance.
En effet, si
le plan mobilise des ressources importantes il est mal desservi par les moyens
humains, administratifs et techniques qui doivent le sous-tendre de bout en bout, de son initiation à sa clôture.
Un véritable
plan de relance aurait dû d’abord commencer par poser les jalons de sa réussite
qui sont :
- -
La consultation nationale,
pour induire l’adhésion et la participation à son exécution
- -
La consultation des bénéficiaires
pour déterminer les priorités d’investissement
- -
Le recrutement des
compétences pour la mise en œuvre et l’exécution des projets
- -
La mise à niveau de l’administration
gestionnaire pour l’encadrement économique et financier des projets.
- -
L’édiction d’un cadre juridique
spécifique d’exécution et de responsabilisation des gestionnaires de ce plan.
- -
Edicter et publier pour le
peuple les canevas d’exécution (programmes, objectifs, moyens) et les délais de
réalisation pour les projets autonomes et les projets agrégés.
Rien de tout
cela n’a été fait, et ce plan de relance ressemble étrangement à un plan « B »,
de l’imprévu, de l’inattendu, du bricolage dont l’objectif ultime est d’investir
pour investir et sera un échec cuisant, comme tous les autres plans qui l’ont
précédé l’ont montré.
Dans ce contexte
et quels que soient les objectifs assignés à ce plan de relance (« limitation
de la pauvreté et de l’extrême pauvreté, l’amélioration des infrastructures
sociales, économiques essentielles etc. »), si les conditions
précitées ne sont pas remplies, sa viabilité est sérieusement mise en doute.
Et dans cet
environnement, d’ignorance des priorités du peuple, d’incompétence
institutionnelle et administrative, de corruption et de mauvaise gestion
caractérisées, qu’elle que soit la volonté du ministre en charge de ce plan de
relance économique, sa bonne foi et sa compétence, ce plan ira rejoindre les
échecs de plans parachutés et autocentrés sur la seule volonté du pouvoir politique. Sans vision d'avenir partagée, sans lendemains.
Et tout comme une hirondelle,
dans un ciel bleu, ne fait pas le printemps, un polytechnicien, dans un Etat carent,
ne fait pas les compétents.
Pr ELY
Mustapha