La Banque centrale prise au piège de l’économie mercantiliste
Pour la première fois depuis 2005, la Banque Centrale annonce une baisse de son « taux directeur ». Son gouverneur l’a justifiée en ces termes :
« Pendant longtemps, depuis exactement novembre 2005, le Taux directeur de la BCM était de 14 %. Le Conseil de politique monétaire de la Banque centrale de Mauritanie a décidé de ramener aujourd'hui ce taux à 12 %. La décision a été prise pour un ensemble de raisons dont les deux plus importantes sont :
La première, c'est que l'analyse qui a été faite par la Banque centrale de l'évolution des prix nous encourage à faire ce pas en baissant le taux de l'argent au niveau de la BCM.
La deuxième raison, c'est que nous voulons ainsi accompagner les efforts du gouvernement de reprise de l'économie, de permettre une reprise de la croissance. Ceci est donc la contribution de la Banque Centrale aux efforts du gouvernement dans ce sens.
La décision de ramener le taux directeur à 12% après un gel de 2 ans est accompagnée par l'engagement de faire une revue régulière de ce taux pour savoir s'il faut le maintenir à ce niveau ou le réajuster dans un sens ou un autre. La décision est importante par l'amplitude de la variation, mais aussi parce qu'elle se fait dans un contexte où psychologiquement tout le monde est affecté par la hausse des prix. »
L'impact de cette variation est évident sur la vie économique. Il y a d'abord un effet mécanique sur le taux d'intérêt. De par la réglementation de la Banque centrale, les banque commerciales ne doivent pas prêter au-delà d'un certain taux. Le taux maximal que les banques commerciales peuvent appliquer à leurs clients sera le taux directeur plus 10%.Par ailleurs, cette baisse du taux directeur aura un autre effet : la disponibilité du crédit. Quand le taux directeur baisse cela veut dire aussi, par message de la part des finances publiques, que le Trésor fera de moins en moins appel aux ressources des banques. Cet argent sera donc disponible pour l'économie et j'espère qu'il sera utilisé à cet effet.»
C’est là le point de vue d’une institution à travers son gouverneur, mais la banque centrale sert-elle vraiment l’économie en agissant sur son taux directeur, dans le contexte de l’économie mauritanienne ?Ne risque-t-elle pas au contraire d’entrainer des conséquences inattendues ?
Il est vrai que la Banque Centrale agit conformément à son statut mais c’est bien l’objet de son intervention qui, lui, ne correspond pas a la réalité qu’elle s’en fait.
En effet l’intervention de la banque centrale est fortement dénaturée par la « mission principale » qui lui est assignée par son statut; et de ce fait l’instrument de réalisation de cette mission est mis à contribution, non pour une mauvaise cause, mais d’une cause dont le fondement lui échappe.
Examinons donc la nature de l’instrument utilisé, le contenu de cette mission, et..la mauvaise cause. C’est-à-dire « le taux directeur », « la stabilité des prix » et..les prix.
I- Le « taux directeur » de la Banque centrale dirige quoi ?
En fait, ce terme générique regroupe une variété de taux. Principalement les banques centrales recourent à trois types de taux directeurs :
- ceux qui portent sur la rémunération des dépôts des banques et des institutions financières auprès d’elles,
- ceux qui portent sur le refinancement (ou taux « refi » ) et qui rémunèrent les excédents de liquidités qui sont placés auprès d’elles ainsi que ceux appliqués le refinancement (emprunt) de ces mêmes institutions par les banques centrales,
- Enfin, le taux d'escompte qui est un taux d'intérêt utilisé sur le marché monétaire, pour les prêts à très court terme (quelques jours).
Les taux directeurs sont des taux d'intérêts au jour le jour fixés par la banque centrale d'un pays ou d'une union monétaire, et qui permettent à celle-ci de réguler l'activité économique.
Ces taux sont donc, en résumé, ceux auxquels sont rémunérés les excédents de liquidités des banques et institutions financières placés auprès de la banque centrale (taux derémunération des dépôts), et le taux auquel peuvent emprunter ces mêmes agents économiques auprès de la banque centrale (taux de refinancement et taux de réescompte).
Plus concrètement, les taux directeurs agissent sur le « coût de l’argent » sur le marché monétaire d’un pays et l’on comprend donc leur rôle en tant qu’instruments d’intervention et d’orientation de l’activité économique.
Schématiquement, lorsque l’argent coûte cher on emprunte moins (action sur le crédit et l’investissement) et on dépose plus (action sur l’épargne) et vis-versa…
Un taux directeur va donc diriger un comportement, celui de la banque centrale (variation de la rémunération des dépôts, de facilités sur l’escompte des effets, ou des conditions de refinancement ) à l’égard de certains agents économiques (banques et institutions financières) et le comportement de ces derniers à l’égard de la banque centrale d’un côté (variation des dépôts, révision des comportements d’escompte et de requêtes de refinancement) et le comportement de ces derniers à l’égard d’autres agents économiques (entreprises , ménages etc.) de l’autre (action sur le crédit et l’investissement).
A quoi aboutit ce comportement ? A agir sur l’économie. C'est le but et la finalité.
II- La stabilité des prix : Mission principale de la banque centrale
A l’examen du nouveau statut de la Banque centrale datant de 2007 (Ordonnance 004-2007 du 12 janvier 2007), la banque centrale de Mauritanie est un établissement dont « l’objectif principal est de maintenir la stabilité des prix ». C’est son rôle immédiat et primordial qui s’inscrit dans une activité permanente à savoir la stabilité du système financier primordiale à la politique monétaire.
Pour stabiliser les « prix », la banque centrale agit sur la masse monétaire, la liquidité disponible. Et ce pour la maîtrise de l’inflation et son maintien à un niveau qui préserve les équilibres macroéconomiques. Plus globalement elle influe, par son action, sur l’évolution de l’activité économique pour qu’elle soit compatible avec les objectifs macroéconomiques de croissance, de création d’emplois et de préservation des équilibres globaux tout en veillant à maintenir l’inflation à un niveau acceptable notamment par comparaison à d ’autres pays.
La Banque centrale dispose d’une batterie d’indicateurs de conjonctures économique et monétaire liés à l’évolution des prix. Elle surveille l’accroissement de la masse monétaire et l’évolution du crédit par secteur d’activité. Elle procède donc à l’ analyse de ces indicateurs économiques nationaux corrélés avec ceux internationaux.
Quels effets sur l’économie de la décision de la banque centrale de baisser son taux directeur?
La banque centrale a donc opté pour stabiliser les prix, de baisser son taux directeur. Mais cette baisse peut aussi bien aboutir aux résultats attendus comme à leurs contraires. Et nous allons montrer ici que cette baisse peut provoquer justement le contraire de ce qui est attendu eu égard non pas à seulement à l’examen d’indicateurs économiques mais à la réalité de l’économie mauritanienne que ces indicateur ne saisissent que partiellement.
1. Ce qu’attendent les pouvoirs publics de la baisse du taux directeur : la confiance aux mécanismes de base.
Les pouvoirs publics attendent globalement de cette baisse de taux, qu’elle influence la consommation, le crédit et l’investissement dans un sens qui contribuerait à assurer à une maîtrise adéquate des équilibres macroéconomiques.
On a vu, en effet, que l’action de l’autorité monétaire, à travers la baisse du taux d’intérêt (loyer de l’argent) pratiquée sur le marché monétaire, influence le comportement et les décisions des agents économiques aussi bien en tant que consommateurs, épargnants ou investisseurs. En effet, le taux moyen du marché monétaire constitue pour les banques une référence pour déterminer leurs taux créditeurs et débiteurs et rémunérer l’épargne. Quel impact de la baisse du taux directeur de la banque centrale sur les opérateurs économiques ?
Cette baisse répercutée par les intermédiaires agrées (banques) entrainera, pour les ménages, une augmentation des prélèvements sur leur épargne puisque celle-ci, ne bénéficiant plus d’une rémunération attractive, s’orientera vers la consommation, donc relance de la demande en biens et services.
En matière d’investissement, la baisse du taux directeur de la Banque centrale est de nature à favoriser la demande de crédit par les entreprises pour l’investissement et donc relance de la production, de l’offre , de l’emploi et de la redistribution de revenus.
D’autre part, cette baisse du taux directeur de la Banque centrale, va, à travers la politique monétaire, encourager la distribution du crédit, et particulièrement les crédits à la consommation, agissant à la baisse sur des coûts financiers dissuasifs pour les ménages. Pour leur part, les entreprises, bénéficiant de financements accessibles et d’une meilleure maîtrise des prix qui se répercutera sur leur compétitivité, sont alors encouragées à réaliser leurs investissements dans les secteurs du développement.
C’est ce qui est attendu par les pouvoirs publics comme effets sur l’économie suite à la baisse du taux directeur.
2- Ce qui risque d’arriver : La banque centrale prise au piège de l’économie mauritanienne
Si la banque centrale joue son rôle principal de stabilisateur des prix et manipule ses taux directeurs pour remplir cette mission, ce sont moins les indicateurs économiques guidant son intervention que la notion même de « prix » qui altère sa mission.
i. Evolution de l’indice des prix et inflation en Mauritanie : ce qui se voit.
L'indice des prix à la consommation participe à mesurer la hausse (inflation) ou la baisse (déflation) du coût de la vie, et donc l'évolution de la valeur de la monnaie. C’est l’érosion du pouvoir d’achat des agents économiques. La valeur de la monnaie diminue lorsque les prix augmentent.
Le taux d'inflation correspond à l'augmentation en pourcentage que les prix moyens enregistrent au cours d'une année. Par exemple, si le coût du panier de base ( choix d’un panel de produits représentatifs du commerce) servant à calculer l’indice des prix à la consommation est de 106 ouguiyas aujourd'hui alors qu'il était à 100 ouguiyas il y a un an, cela veut dire que le taux d'inflation actuel est de 6%.
L’inflation étant donc une tendance générale et persistante à la hausse du prix moyen des biens et des services, c'est-à-dire du « coût de la vie », elle va influencer le comportement des agents économique(épargne, consommation, revenu, investissement etc.) .
C’est dans cette situation que s’explique l’intervention de l’autorité monétaire, la banque centrale, pour « stabiliser les prix ». C’est-à-dire effectuer des
ajustements monétaires qui devront, à terme,
réduire l’inflation à un niveau tel que cette inflation soit trop faible pour influencer les décisions des agents économiques. En somme à
stabiliser les prix.
En Mauritanie cet indice des prix est défini par l’Office Mauritanien de la statistique (ONS) : "
un instrument qui, au moyen d'un nombre unique, permet d'estimer, entre deux périodes données, l'évolution moyenne des prix des biens et services consommés par les ménages."
Jusqu’à l’adoption du nouveau IHPC (indice harmonisé des prix à la consommation), l’année 1985 était l’année de référence (base 100).
Pour l’IHPC , la base 100 retenue comme référence (pour le calcul de cet indice pour les années suivantes) est désormais
l’année courant d’avril 2002 à mars 2003. Les documents publiés produits par l’ONS notamment sur son site s’arrêtent pour l’indice des prix à la consommation à l’année 2002 (donc suivant la base 100, année 1985)
On remarquera donc que en
dix ans l’indice à doublé pour toutes les catégories de produit de consommation figurant dans le panel (alimentation, habillement, habitation…).
Donc
cela doit signifie nécessairement que l’inflation a suivi une augmentation similaire pour expliquer une telle hausse des prix. Donc la masse monétaire disponible était très importante et cette trop grande liquidité monétaire participait à
déstabiliser les prix et à
éroder le pouvoir d’achat.
En effet, si l’on examine l’évolution de la masse monétaire en circulation on remarque que pour ces dernières années elle a fortement augmenté. Elle a plus que doublé en cinq ans et quadruplé en dix ans !
Alors étant donné que la masse monétaire en circulation est importante (
voir ici statistiques monétaires-BCM) cela signifie qu’il est impératif de la diminuer or la baisse du taux directeur de la banque centrale va faciliter la
désépargne des ménages (car faiblement rémunérée) et le recours au crédit (car baisse du coût de l’argent) par les agents économiques ce qui va entrainer
une injection supplémentaire de monnaie à travers la consommation et les investissement aggravant donc par la même l’inflation qui rappelons-le est fortement corrélée avec le niveau de la masse monétaire en circulation. Donc l’inflation augmente, les prix augmentent et la vie gagne en cherté.
Si le niveau des prix est bien lié à l’évaluation du niveau de la masse monétaire alors, il est donc bien probable que la baisse du taux directeur de la banque centrale pourrait aggraver cette situation.
La raison en est que les chiffres ignorent des réalités socoioéconomiques qui restent aussi importantes en Mauritanie, dans l’évaluation de la cherté de la vie, que l’examen de l’évolution masse monétaire.
ii- Evolution de l’indice des prix et inflation en Mauritanie : ce qui ne se voit pas
Pour que l’approche de politique monétaire de la Banque centrale soit réalisable ou ayant des effet dans notre pays, il faut un certain nombre d’impératifs :
- Que les prix des produits retenus dans le panier de laménagère servant à calculer l’indice à la consommation soit réels.
- Que l’inflation dont il s’agit préoccupe les agents économiques et influence leurs comportements.
Ces impératifs sont difficiles à vérifier.
1. La hausse des prix ne tient pas forcément de l’inflation monétaire
Lorsque l’on établit l’indice des prix c’est suite à des centaines de points d’observation et des milliers de sondages par les services statistiques concernés.
Les points d’observations des prix des produits pour l’ONS sont les commerçants. « En Mauritanie, les prix sont suivis auprès de 465 points de vente échantillons dont 5 marchés, 2 grands magasins… ».
Mais l’intérêt est moins de connaître le prix d’une denrée et son évolution que de savoir qui établit le prix de cette denrée. Or en Mauritanie, le système de fixation des prix est absolument défaillant.
En effet, les produits de consommation courante ou entrant comme intrants dans ces produits sont quasiment tous importés. Et leur prix est déterminé par le commerçant.
En effet, le prix de revient déclaré par le commerçant fait l’objet d’une entente corporatiste de laquelle ni les règlements ni les services économiques de l’administration n’ont pu venir à bout.
L’absence de concurrence réelle et la perméabilité des services douaniers à l’importation quant à la vérification du produit importé , à la réalité des prix facturés à l’import fait que le commerce mauritanien est un lieu où les prix restent tributaires de ceux qui en disposent.
A cette situation s’ajoute celle du monopole du commerce mauritanien par une poignée de commerçants formant un cercle d’influence et ayant occupé depuis des décennies les points-clefs du commerce et qui régulent à leur gré les prix mais décident aussi des produits à importer et à vendre. Une oligarchie mercantile.
On voit donc que la hausse des prix ne prend pas forcément sa source dans l’inflation et qu’en Mauritanie la manipulation constante à la hausse des prix des produits par un panel de commerçant tenant le marché de l’import et de l’export est souvent plus significative.
On en déduit qu’en Mauritanie et contrairement à la philosophie qui guide la banque centrale, une hausse des prix, un accroissement de l’indice des prix n’est pas nécessairement dû à l’inflation, une croissance excessive de la masse monétaire en circulation mais à une action sur les prix concertée, voulue et auto-entretenue par une oligarchie commerçante qui gère ses intérêts mercantiles au mépris du citoyen.
2. L’inflation ne préoccupe pas les agents économiques et n’influence pas leurs comportements.
Le but de toute politique monétaire, comme souligné est de modifier, par ses effets en cascade, le comportement des agents économiques, notamment ici le ménage et l’entreprise On augmente les intérêts (pour attirer l’épargne et réduire le crédit) on les baisse pour réaliser le contraire de telle sorte que l’on oriente le comportement de l’agent économique.
En Mauritanie cette approche est à relativiser. Le consommateur achète et encaisse. Il est dans une situation où la contestation du prix n’est ni financièrement, ni légalement à sa portée. C’est un consommateur sous contrainte permanente de consommer quel que soit le prix du produit.
Il n’ y a pas une organisation active du consommateur qui défendrait ses intérêts ni aucune association de consommateurs qui dissuaderait le commerçant et faire qu’il puisse avoir le libre arbitre de ses achats.
L’agent économique ne peut qu’enregistrer la hausse des prix, acheter, consommer et s’endetter auprès du système économique. Le citoyen est psychologiquement davantage préoccupé par la recherche de l’argent avec laquelle il va acheter le produit que par le prix du produit lui-même. En effet, s’il a une certaine latitude dans le premier cas (s’endetter) il n’en pas dans le second (contester le prix).
Alors inflation ou pas, ce n’est pas le comportement d’un consommateur acculé à consommer qui va se modifier car il n’a aucun autre choix ni dans la variété du produit, ni dans son prix ni dans un jeu de la concurrence qui lui permettrait de choisir au mieux de l’offre du marché.
En Mauritanie et quelle que soit l’intervention de la Banque centrale, les prix continueront à augmenter du fait de commerçants qui jouent sur les prix mais aussi sur la rareté sachant bien entretenir une demande de biens et de services (qui dépasse le niveau de la production du pays) et qu’il satisfont par une importation dont ils gèrent l’amont et l’aval.
Ils entretiennent à travers l’inflation une érosion permanente de la valeur des revenus (baisse du pouvoir d’achat) et absorption de l’épargne par la consommation.
Or sans revenus réels et une épargne forte il n’ y a pas de conditions propices à l’expansion économique et à la création d’emplois.
Alors baisser le taux directeur pour permettre de "stabiliser les prix" est une vue de l’esprit. L’économie mauritanienne ne répondant fondamentalement pas à ce mécanisme du fait d’une rigidité des prix dont la source est à rechercher ailleurs que dans des indicateurs monétaires.
Mais si la baisse du taux directeur peut avoir des résultats contestables quant à ses effets sur la stabilité des prix, à qui ou à quoi va-t-elle profiter en fin de compte ?
III- A quoi et à qui va servir la baisse du taux directeur de la banque centrale ?
Lorsque le taux directeur baisse, la répercussion de ses effets par les banques et les institutions financières à travers leurs opérations avec le reste des agents économiques se fera au niveau de l’épargne, du crédit et l’investissement.
Et il est fort probable que la baisse de ce taux ne profitera pas à l’économie réelle et surtout pas aux structures économiques de production nationale à savoir les petites et moyennes entreprises industrielles et commerciales.
En voici les raisons :
Le comportement des ménages va entraîner la baisse des dépôts des banques. En effet, au niveau des ménages, l’épargne étant peu rémunérée, elles sera utilisée pour la consommation ou au mieux la thésaurisation (fort peu probable du fait du faible revenu). Dans tous les cas cette épargne ne servira pas de dépôts et privera les banques de leurs moyens de financement de l’économie, notamment l’activité industrielle, agricole et manufacturière.
Au niveau des entreprises, qui ont un besoin de financement, elles ne pourront obtenir satisfaction du fait de la politique sélective des banques pour l’octroi du crédit, du fait justement de la contraction de leurs dépôts. Où elles demanderont un refinancement auprès de la banque centrale (aux taux refi), ou elles réescompteront des effets au taux officiels et dans tous les cas elles répercuteront cela sur le taux du crédit octroyé aux agents économiques. Or comme ces taux ont subi les effets de la baisse du taux directeur de la banque centrale, l’arbitrage sera difficile et se fera en fonction du gain que la banque pourra obtenir du prêt consenti aux agents économiques (or celui-ci ne peut-être supérieur au taux directeur plus 10%).
Que se passera-t-il donc ? Les banques opteront pour une sélection des bénéficiaires de leurs crédits. Et qui sont-ils ? Certainement pas les petites et moyennes entreprises industrielles mais ceux qui auxquels ils prêtent traditionnellement à savoir les commerçants. En effet, la plupart des banques privées mauritaniennes appartiennent à des commerçants et charité bien ordonnée commence par soi-même.
Le résultat : la baisse du taux du crédit pour lutter contre la hausse des prix va bénéficier à ceux-la même qui sont à l’origine de cette hausse des prix ! D’un côté ils génèrent le problème et de l’autre ils tirent profit de la solution au problème. En effet, l’épargne retirée par les agents économiques va servir à consommer (donc au bénéfice du commerçant) et le crédit octroyé le sera au commerçant (pour encore importer des produits et les vendre plus chers). Un cercle vicieux dont les seuls qui en pâtiront sont les ménages et les entreprises.
La « main invisible »…des commerçants
La baisse du taux directeur de la banque centrale visant à « stabiliser les prix », ne peut être considérée comme une solution au problème de la cherté de la vie et donc à l’inflation galopante.
Car les prix sont quasiment déconnectés des indicateurs monétaires du fait de « la main invisible » des commerçants. Il faudrait que l’Etat réalise en aval une véritable règlementation des prix en organisant l’administration de lutte contre la fraude économique et la corruption de ses agents. En amont, qu’il jugule le problème à sa base en établissant un véritable contrôle sur les factures et les déclarations en valeur à la douane aux différents points d’entrée de marchandises sur le territoire national.
La politique monétaire sur laquelle joue la banque centrale n’aura aucun effet (si ce n’est négatif) si l’Etat n’organise pas le secteur du commerce en Mauritanie et si chacun n’est pas mis devant ses responsabilités et sanctionné comme tel. Les commerçants et leurs alliés, les banquiers, sont les véritables responsables de la hausse des prix et la banque centrale, jouant son rôle statutaire, est bien prise à leur piège manipulateur.
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Une phrase...
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Une phrase du gouverneur de la banque centrale montre les incertitudes qui pèsent sur les effets de la baisse du taux directeur, car il sait bien que les effets de ce taux seront ce qu’en feront les destinataires :
« Par ailleurs, dit-il, cette baisse du taux directeur aura un autre effet: la disponibilité du crédit. Quand le taux directeur baisse cela veut dire aussi, par message de la part des finances publiques, que le Trésor fera de moins en moins appel aux ressources des banques. Cet argent sera donc disponible pour l'économie et j'espère qu'il sera utilisé à cet effet. »
La sincérité de cet espoir n’a (hélas!) d’équivalent que le désespoir de ceux qui attendent devant l’échoppe de boutiquier et le guichet de banque.
Pr ELY Mustapha