L’intention du régime de Ould AbdelAziz est louable. Vouloir donner à un peuple une histoire de résistance afin de renforcer son unité et sa cohésion et asseoir les fondements d’une Nation que, jusque-là, la Mauritanie n’a pu être, relève de bonnes intentions mais, depuis Sartre, on le sait déjà « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». En effet, vouloir créer une histoire de résistance pour un peuple…qui n’en a pas faite, c’est vouloir ancrer la mémoire populaire dans le mensonge.
La réalité est que de résistance au colon, en Mauritanie, il n’y en eu point ; ni au sens algérien, ni vietnamien du terme.
La vérité c’est que nos ancêtres se sont aplatis devant le colonisateur français, qui d’un occupant se trouva affublé du noble et prestigieux nom de « pacificateur ». Les émirs, les oulémas et tutti quanti se sont tous empressés de louer le pacificateur français apporteur de paix et protecteur de l’Islam, qui creuse les puits et abreuve le bétail.
Bref la résistance fut un court-circuit entre occupés aplatis et occupants bénis.
Alors vouloir faire d’Oum Tounsi, un évènement de résistance passe encore, mais vouloir l’imposer par référendum, voilà une affaire bien curieuse. C’est la première résistance armée au monde imaginaire et référendaire. Mieux encore, on lui trouva un drapeau à sa mesure. Avec des bandes rouges, pour symboliser le sang des résistants comme si le sang n’était pas rouge pour tous.
L’indépendance de la Mauritanie n’a pas été obtenue à la pointe du fusil mais en buvant du lait caillé, et aussi pacifiquement que le pacificateur l’a voulu. Mais ce qui est aussi vrai, c’est qu’elle fut ensuite enlevée, confisquée par la violence armée, de putschistes, qui se sont comportés comme avant la pacification française, lorsque les rezzous maures décimaient les campements. Et ces putschistes à défaut de pouvoir trouver dans l’histoire de la Mauritanie coloniale, un quelconque acte de résistance, à la Ould Mseyka, se sont repliés sur les épisodes de règlement de comptes tribaux, qu’illustre la bataille d’Oum Tounsi.
On n’ancre pas la conscience d’un peuple dans l’imaginaire à moins que l’évènement soit suffisamment reculé dans le temps pour en faire une épopée dont personne ne se ….souvient plus.
Toutefois, malgré la mauvaise foi du régime actuel et ses gesticulations historiques non fondées, il convient toutefois de retenir à sa décharge, qu’à défaut d’une histoire commune, ciment des peuples et socle des nations, la Mauritanie restera une collection de tribus, d’ethnies, de fractions, de races sans lien de destin commun bâti sur un passé commun qui justifierait et consoliderait l’indispensable vouloir « de vivre ensemble ». Car qui « ne sait pas d’où il vient ne peut savoir où il va ». Les frondaisons de l’arbre doivent leur superbe à ses racines.
Cependant, ce n’est pas par l’ancrage de la mémoire des peuples dans le faux, qu’on lui confectionne un destin, mais c’est dans la vérité de son passé de son histoire, assumée, étudiée et partagée que la nation éclairée prend racine. Et ce n’est pas aux politiques d’inventer l’histoire mais de la traduire en force de cohésion et cela bien après que les historiens l’aient restituée dans sa vérité.
La Mauritanie se doit d’épouser son histoire, pour le meilleur et pour le pire. Hélas ! Ceux qui lui font vivre aujourd’hui, le pire des présents, veulent lui inventer un passé meilleur. Inventant, encore, la nation à reculons. Oum Tounsi, un plat de résistance pour un peuple affamé.
Pr ELY Mustapha