Infatigables
ces experts du Fonds Monétaire International qui viennent chaque année, en
costume-cravate annoncer aux autorités mauritaniennes une dynamique économique et
une croissance …introuvables !
Mieux encore, « le
chef de la mission du fonds monétaire pour la Mauritanie a déclaré mercredi
qu’il estimait à près de 7% la croissance en Mauritanie eu égard au
développement important des activités minières et le dynamisme de l’économie en
général. »
Il est temps que les experts du FMI cessent
d’infantiliser nos pays en développement, à travers leurs déclarations
tonitruantes sur « leur bonne croissance » et leurs « bonnes performances
économiques » légitimant ainsi souvent la gouvernance économique de nos régimes.
La dernière déclaration de la mission du FMI en Mauritanie, qui n’est en fait qu’une «perle» du chapelet
interminable de déclarations que les missions du FMI font chaque année, est non
seulement fausse, mais d’un cynisme qui laisse tout observateur, de la
dégradante situation économique et sociale du pays, pantois.
Lorsque dans notre pays , les mendiants peuplent
les rues, lorsque l’infrastructure tant industrielle, économique et sociale est
inexistante, lorsque les quatre-cinquièmes de la population vivent dans la
misère et le dénuement complets, lorsque le chômage est le lot de toute une
jeunesse, lorsqu’une capitale croule sous l’indigence de ses responsables et le
poids de ses quartiers malfamés, lorsque le pays profond vit sous le seuil de
pauvreté sans les moindres infrastructures de base, lorsque l’enseignement est
un faire-valoir de la misère de l’élève, de l’étudiant et de l’enseignant,
lorsque la corruption gangrène le pays au vu et au su de tout le monde, lorsque
les détournements de biens public sont le commun de la gestion publique,
lorsque le taux de mortalité (enfant et adultes) est l’un des plus élevés du
monde ….comment les experts du FMI peuvent-ils alors déclarer que la
Mauritanie a réalisé une « bonne croissance » et des « bonnes performances
économiques »?
A tire d’exemple historique, une croissance qui déjà,
selon eux se situait, pour 2012 à plus de 5,5%, portée par la reprise
vigoureuse de la production agricole et le dynamisme attendu du secteur des
bâtiments et travaux publics » tandis que « l’inflation continuera à être
contenue aux environs de 6% » ! D’autre part « La mission a félicité les
autorités pour avoir réalisé avec succès les critères de réalisation et les
repères structurels du programme à fin 2011 ». (Déclaration de la mission du
FMI. Quatrième revue du programme de la Mauritanie appuyé par la Facilité
élargie de crédit (FEC), Nouakchott. 2012).
Et depuis 2012, en croissance soutenue…le pays
décroit !
Pourquoi ?
Parce que la « croissance » que les experts du
FMI déclarent n’est pas la croissance réelle de notre pays.
Nos
populations crient misère et les experts affirment les performances économiques
! Il est temps qu’ils tiennent un vrai langage, pas celui tenu dans les salons
feutrés de nos ministères et imbu d’une vision macro-économique que ni ne se
justifie pas tant elle est déconnectée des réalités économiques.
La croissance économique ne résulte pas des
critères retenus par ces experts, celle qu’ils clament à nos gouvernements est
en fait une croissance du revenu national. Et l’on ne peut déclarer une
véritable croissance que lorsque le revenu national est géré avec efficience et
efficacité, aboutissant à un investissement économique et social profitant à la
nation et visant le développement. Conduisant à une distribution équitable des
richesses et générant la production et la productivité de tissus industriels et
commerciaux qu’il aura participé à développer.
La vraie croissance est celle qui résulte de la
plus-value générée par l’économie nationale tout entière, à travers son
industrie, son commerce, sa recherche-développement, son innovation technique et
technologique, de l’exportation de son savoir et de son savoir-faire.
On ne peut parler de croissance quand il s’agit
de comptabiliser le revenu de ressources naturelles (minières et halieutiques)
et de le clamer haut et fort pour conforter nos gouvernants et la conscience
des experts (soumettre à l’examen du Conseil d’administration du FMI la
conclusion de la énième revue des accords passés avec la Mauritanie), alors
qu’il ne s’agit que de revenus de ressources non renouvelables.
En fait les chiffres avancés par les experts du
FMI sont trompeurs et portent sur la croissance au sens de "l’expansion du
revenu national", c’est-à-dire ce "fourre-tout" dans lequel on
fait figurer le revenu de la Nation quelle que soit sa provenance!
La croissance…sans développement !
La « croissance » brandie par ces experts est
ainsi celle du "revenu national" pas celle de la somme des valeurs
ajoutées des unités économiques du pays et qui s'exprimeraient par des
variations du Produit Intérieur Brut (PIB) réel (corrigé de l'inflation) ou
nominal (exprimant la valeur marchande des biens et des services produits par
un pays.).
La croissance dont il s'agit est bien celle du
Revenu National et non pas de l'économie nationale!
En effet, la croissance économique, telle qu’elle
est calculée, ne mesure que la variation quantitative d’un agrégat économique,
elle n’est donc pas synonyme de développement. Le développement est
généralement associé à la croissance, mais il peut y avoir croissance sans
développement. C'est le cas de la Mauritanie où les taux de croissance affichés
ne sont que ceux du revenu national (rente nationale).
Ainsi si la vraie croissance économique traduit
la variation quantitative, durable, auto-entretenue et non réversible de la
production de biens et services, la fausse croissance en Mauritanie traduit la
variation quantitative non durable, auto-entretenue et réversible d'un revenu
national (d'une rente pétrolière et autre) au profit d'une minorité qui a
depuis longtemps (et depuis toujours) planifié son détournement au détriment du
développement.
La vraie croissance repose sur la fonction de
production et non pas d'accumulation de revenu national (issu de la rente).
Cette fonction de production repose sur
l'utilisation des facteurs de production, travail et capital.
La croissance dépend donc des quantités de
facteurs de production disponibles et de la manière dont ils sont utilisés.
De la pauvre…histoire.
Membre du FMI depuis le 10 septembre 1963, la
coopération financière avec notre pays est ancienne et est même antérieure au
programme d’ajustement structurel de 1985.
En 1979, la Mauritanie avait déjà bénéficié de
l’assistance du FMI à l’occasion de son programme de redressement économique.
Le plan de redressement économique et financier (PREF), le Plan de
consolidation et de relance (PCR) asseyaient déjà la philosophie des Plans
d’investissements publics (PIP) et la grande saga des cadres de lutte contre la
pauvreté (CSLP), des Cadres des dépenses budgétaires à moyen termes (CDMT) et
autres Budget consolidés d’investissement (BCI).
L’ajustement structurel démarra effectivement en
1985, avec son défilé de missions du FMI et ses financements. Le FMI, devînt
une manne pour les autorités mauritaniennes qui, au-delà d’un semblant
d’ajustement structurel (dont on mesure aujourd’hui, les résultats !), affina
la stratégie d’autorités publiques corrompues et budgétivores à se spécialiser
dans l’utilisation des mécanismes de l’endettement pour « pomper » les moyens
du FMI.
Ainsi pour mieux bénéficier des avantages d’un
tel système la Mauritanie déclara son éligibilité à tous les mécanismes de la
pauvreté internationale. Ses dirigeants la déclarèrent parmi les PMA (les pays
les moins avancés), puis pour encore mieux bénéficier d’un régime plus
favorable, ils déclarèrent la Mauritanie PPTE (Pays Pauvres Très Endettés).
Une mendicité internationale qui, contrairement à
la mendicité locale, avait son financier international : le FMI
Mais qu’a tiré la Mauritanie de cette assistance
du FMI ? Toujours aussi pauvre !
Avec le FMI, la Mauritanie a expérimenté, en tant
que PVD, PMA et PPTE, tous les circuits de l’assistance financière. Et ses
gouvernants s’y complaisent.
Du « point de décision », à celui de l’achèvement
en passant par celui de la transition, les autorités mauritaniennes ont
engrangé des millions de dollars au titre de leur engagement avec le FMI
Le déficit budgétaire s’est-il résorbé ?
Nos entreprises sont-elles devenues plus
compétitives ?
Notre tissu industriel est-il devenu une
référence ?
Nos infrastructures portuaire et routière
sont-elles un exemple du genre? ….
Et pourtant à chaque mission du FMI, on annonce
une croissance économique (rarement en deçà de 4%), un progrès dans le
rétablissement des équilibres macroéconomiques, alors que notre balance des
paiements est plus que jamais déficitaire et que l’endettement s’accroit. Le
chômage est plus qu’inquiétant et le pouvoir d’achat des citoyens rivalise avec
le niveau de la mer.
56 ans d’assistance du FMI et nous sommes encore
pauvres parmi les pauvres !
56 ans d’accords avec le FMI et nous sommes
encore pauvres parmi les pauvres et pourtant les missions du FMI n’hésitent pas
à nous affirmer « que les indicateurs de performances sont satisfaisants ». La
seule chose que nous ne savons pas encore c’est pour qui profite la performance
et la croissance ?
Depuis 56 ans que la Mauritanie tire des Droits
de tirage spéciaux, ces unités de compte du FMI, elle n’arrive plus à lâcher
cette mamelle. Et le FMI n’arrivant pas à la sevrer est pris au piège d’un pays
dont les problèmes résident moins dans le besoin d’assistance que dans
l’intégrité morale des hommes qui le dirigent.
Ni le développement d’un pays, ni sa croissance
ne peuvent être liés à des déclarations d’experts soumis aux canons d’une
institution bridée par sa mission, celle de réduire le devenir des Etats et le
sort de leurs populations à des équilibres macroéconomiques.
Mais le
plus grave, c’est que les déclarations des experts du FMI, à travers leur
appréciation de la croissance de nos pays ont une portée qui n’est pas
simplement financière (en vue souvent de justifier, ou non, le financement du
pays considéré), elles ont un impact important sur l’appréciation de la
gouvernance économique et sociale de nos régimes politiques.
Souvent
ces déclarations, en contradiction avec la réalité socio-économique de nos
peuples, induisent en erreur les masses, confortent la mauvaise gouvernance et
les régimes dans leur gestion désastreuse de nos pays.
Il serait bien plus préférable que le FMI réduise
la portée de ses déclarations au cercle gouvernemental intéressé par ses
missions et adopte une politique de confidentialité évitant de les porter dans
le public, car il participe à maintenir des peuples entiers dans la misère, la
désinformation sur l’état réel de leur pays et conforte les régimes dans leur
mauvaise action.
Le FMI doit structurellement s’ajuster pour
adopter soit une définition de la croissance réelle, soit maintenir la sienne
en faisant comprendre qu’elle n’est point expressive d’un quelconque
développement économique. Mais il est à craindre que dans le premier cas comme
dans le second, il ne témoigne de l’introuvable croissance, de la pauvreté
structurelle des nations qu’il « ajuste » et donc de l’inefficacité de son action.
Dans tous les cas, il devient urgent que
le FMI ne soit plus une institution qui justifie, à travers ses déclarations,
les dérives socio-économiques de nos gouvernants.
Pr ELY Mustapha
Merci pr ely Mustapha de cette éclairage la FMI doit revoir sa feuille de route
RépondreSupprimerEncore un tres bel article.
RépondreSupprimerhttp://lecalame.info/?q=node/9381