Le mariage de la carpe et du lapin
On le distingue clairement depuis quelques semaines , l’idée de « gouvernement d’Union nationale» a repris du poil de la bête. Déclarations et appels du pied se succèdent pour accréditer l’idée suivant laquelle la constitution d’un gouvernement d’union nationale serait bénéfique pour le pays. Qu’est ce qui pousse à une telle solution et pourquoi cherche-t-on à la promouvoir ?
Il ne fait pas de doute que les rumeurs persistantes et auto-entretenues depuis des mois d’un remaniement gouvernemental sont à l’origine de la montée au créneau de certains tenors de partis pour revendiquer dans la foulée un gouvernement d’union nationale. Mais qu’est-ce que le peuple à y gagner ? Un gouvernement d’Union nationale est-il concevable eu égard aux nécessité de la bonne gestion des affaires de l’Etat? Serait-ce du simple opportunisme ou une lassitude de certains de l’opposition face à l’horizon 2012 ?
Toujours est-il que la « revendication d’un gouvernement d’Union nationale » cache bien des intérêts inavoués et ne saurait en tout cas servir d’argumentaire pour résoudre les problèmes de gouvernance.
I- Que ceux qui ont gagné gouvernent et que ceux qui ont perdu s’opposent..jusqu'en 2012 !
Dans la recherche de l’instauration d’un gouvernement d’union nationale, il y a des incohérences qui sont de véritables atteintes à la volonté du peuple, aux mécanismes démocratiques et à la dynamique qui doit gérer l’exercice et l’alternace au pouvoir.
1. Du point de vue des principes qui guident l’exercice du pouvoir
Il faut que l’opposition comprenne qu’elle a perdu les élections et que son rôle n’est pas de chercher à rejoindre le gouvernement mais à se comporter comme opposition. Autrement elle trahirait ceux qui ont voté pour elle et qui aujouird’hui veulent qu’elle joue son rôle d’opposition c’est-à-dire un contre-pouvoir et non pas se fondre dans le gouvernement. Le vœu de ceux qui ont donné leurs voix à l’opposition n’est pas de la voir siéger au gouvernement, adopter sa politqiue, entériner ses choix, exécuter ses directives, mais de jouer un rôle de contre-poids aux dérives de cette politique, aux errements de ses choix et à l’inadaptation de ses directives à travers à la conception que cette opposition se fait de la gestion de la cité.
C’est dans cette dialectique que le pouvoir doit s’exercer. Que ceux qui sont au pouvoir mettent en œuvre leur politique et que ceux qui sont dans l’opposition proposent, attirent l’attention sur les déviations, critiquent et font que les décisions soient discutées, reprises, améliorées, affinée s, ajustées, réfléchies, concertées et donc mieux encadrer les réalités et les besoins du pays dans les différents domaines.
L’opposition en Mauritanie représente 47 % de la population. Elle en tire une légitimité certaine pour agir sur le pouvoir, à travers la critique constructive, les propositions réfléchies dans l’intérêt du pays mais elle n’en tire pas constitutionnellement une légitimité pour siéger au gouvernement.
Que deviendrait la démocratie s’il n’y a pas cette dialectique entre majorité et opposition ?
C’est là ou la notion de « gouvernement d’unité nationale » est négative pour la démocratie.
La gestion saine de l’Etat est basée sur un jeu politique qui implique que les gouvernants gouvernent et que les opposants s’opposent. Les premiers trouvent dans l’opposition un frein à leurs excès, les second y trouvent le moyen de participer à la gestion de l’Etat.
Dans un gouvernement d’Union nationale, la présence de l’opposition remet en cause ce principe fondamental de la gestion de la chose publique. Et cela peut conduire à deux situations :
- soit l’opposition, dans le cadre de la nécessaire cohésion de la politique gouvernementale et de la solidarité de ses membres (qui est absolument nécessaire pour une gestion stable , cohérente, transparente et continue) , va se fondre dans ses objectifs et il n y aura donc plus d’opposition.
- soit l’opposition, va à travers ses représentants au gouvernement vouloir appliquer une politique divergente et cela va nécessairement entrer en conflit avec la politique générale du gouvernement édictée par le Président de la République et mise en éxecution par son premier Ministre...à travers ses ministres. Et dans ce cas aucun ministre de l’opposition ne se verra accepter d’être l’éxécutant d’une politqiue autre que celle définie pour le gouvernement. Pourra-t-il y subsituer les directives de son parti ou sa propre conception idéologique des choses ? Certainement que non. Car cela entrainerait très vite, soit son isolement, sa mise sous blackout et dans tous les cas la crise gouvernementale.
Or la Mauritanie a besoin d’un gouvernement fort, solidaire dans ses principes, et dans son action et non point de crises à l’italienne qui neutralisent la gestion publique , mettent à mal l’action gouvernementale et retardent le développement et les plans économiques et sociaux.
2. Du point de vue de l’efficacité de l’action gouvernementale.
Vouloir être dans le gouvernement c’est soit être membre de la majorité qui a élu le président de la République sur la base de son programme politique, soit être convié par le Président de la République à participer officiellement à l’éxecution de ce programme auquel on adhère. Or on le remarque bien, l’opposition n’a pas voté pour le Président de la République, donc fondamentalement, elle n’est pas son alliée, et l’oppsoition perdrait toute crédibilité si elle se mettait aujourd’hui à être l’exécutante de la politique de celui contre lequel elle s’est opposée. N’est-ce pas là un comportement incohérent qui s’il devait arriver réduirait à néant tout espoir de changement.
L’argumentaire selon lequel, l’entrée de l’opposition au gouvernement serait bénéfique puisqu’elle pousserait en avant les réformes ou qu’elle ferait mieux que ce que ferait un gouvernement homogème est absolument critiquable. Il serait juste de dire qu’il ya autant de gens médiocres que de gens compétents dans la majortité que dans l’opposition. Ce n’est pas une question d’union c’est une question d’opposition.
L’opposition ne serait pas un remède si elle prenait, en TOUT ou EN PARTIE, la place du gouvernement, l’opposition est un remède parce qu’elle EST une opposition. Son essence est dans son rôle institutionnel de « s’opposer » et de pousser vers un idéal politique par lequel elle modulerait l’action des pouvoirs publics. En perdant ce rôle, elle n’existe plus.
L’entrée de l’opposition au gouvernement ne peut être considérée comme une panacée, une solution aux difficultés de l’actuel gouvernement. Car cela signifierait simplement qu’un ministre de l’opposition serait plus apte à gérer son département qu’un ministre de l’actuel majorité. Ce qui n’est pas forcèment une vérité. Ce qui les différentiera c’est l’attachement de l’un au programme défini par le président de la République, pour le ministre de la majorité, et au programme défini par son parti pour l’autre. Est-ce la une différence essentielle eut égard au conflit qu’elle peut générer, aux incohérences et aux retards quelle peut engendrer? Certainement que non quand on pense au coût d’une telle situation pour la collectivité et pour la continuité des politqiues publiques.
II- Que ceux qui ont perdu s’opposent et que ceux qui ont gagné gouvernent jusqu’en 2012
Dans l’actuel revendication d’un gouvernement d’union nationale il y a une méconaissance des conditions dans lesquelles ce type de gouvernements est nécessaire et du rôle qu’il doit jouer dans les institutions de l’Etat. Et cela ne correspond ni au contexte partisan actuel en Mauritanie, ni aux éxigences de la gestion publique. D’autant plus, que son adoption dans certains pays n’a toujours pas été très heureuse.
1. Des conditions d’un gouvernement d’union nationale.
L’appel a un gouvernement d’union nationale intervient lorsqu’il deveint impossible de constituer un gouvernement homogène politiquement à la suite d’élections desquelles un majorité ne s’est pas dégagée. Dans ce cas le gouvernement se doit d’intégrer des sensibilités politiques différentes en fonction notamment de leurs poids électoral et de leur représentation au parlement. Les négociations ont alors pour but de fournir des sièges ministériels afin de réaliser un équilibre partisan permettant d’avoir un consensus sur la composition du gouvernement et donc d’enteriner son action future. Bien que les cas de figure et les déterminants du recours au gouvernement d’union nationale puissent être parfois divers (crise politique majeure, contestations élctorales,etc), il n’en reste pas moins que deux conditions président et conditionnent le recours impératif au gouvernement d’union nationale :
- L’impossibilité de constituer le gouvernement par absence de majorité
- La liberté du chef de l’exécutif , lorsqu’il détient une confortable majorité de faire appel à des membres d’autres formations politiques d’affinités proches.
En somme, c'est le détenteur du pouvoir qui décide de recourir au gouvernement d'union nationale. Ce n'est pas l'opposition qui revendique l'Union nationale. C'est paradoxalement le cas en Mauritanie. Où c'est l'opposition qui propose..d'entrer au gouvernement! N'offrant ni l'un des profils spécifiés ni justifiant cette nécessité autrement que par un argumentaire unioniste dont les tenants et les aboutissants sont peu convainquants.
Toutefois, le gouvernement d’union nationale , quelle que soit sa nécessité est toujours sujet à critique tant en ce qui concerne sa stabilité et son efficacité.
Ainsi l'on a pu observer que « cette idée (de gouvernement d’union nationale), si séduisante sur le papier, est une idiotie dans la pratique. Sur un programme, on peut prendre des idées de partout, elles ne sont ni de droite ni de gauche. Par contre, les personnes sont marquées politiquement, elles ont une culture, une origine, un parcours qui s'est fait dans un camp. Les combats communs, les valeurs partagées créent des liens qu'on ne peut pas ignorer. Les transfuges sont rares et souvent mal vus des deux camps. On est mâle ou femelle et si les androgynes existent, ils sont rares. En politique, c'est la même chose. Quand on constitue une équipe, c'est pour gouverner, pour mettre en place un programme, pour agir. Il faut donc que l'équipe soit cohérente, entre personnes qui se comprennent, qui partagent une culture politique commune. Composer un gouvernement d'Union nationale, c'est constituer un attelage baroque, marier la carpe et le lapin. Pour l'efficacité, on peut repasser.
Cela est déjà arrivé en France, en période de crise ou sous la Quatrième République. Cela arrive aussi à l'étranger, avec l'exemple de l'Allemagne, mais aussi de l'Autriche. A chaque fois, les résultats sont mauvais, sur l'action concrète, le bilan de ces gouvernements étant souvent maigre, mais aussi sur l'évolution de la vie politique du pays. Pour qu'un système politique fonctionne sainement, il faut une majorité et une opposition, avec chacune un rôle bien déterminé à jouer.
La majorité gouverne, l'opposition surveille, guette les failles et les exploite, obligeant ainsi la majorité à rester vigilante et soudée. Elle n'en fait que mieux son travail. Un gouvernement d'union nationale, c'est un grand producteur d'eau tiède. Une grande coalition de partis habituellement opposés et idéologiaquement divergents ne peut se mettre d'accord que sur les plus petits dénominateurs communs, souvent après d'âpres négociations qui donnent un "contrat de législature" figé qui ne donne finalement satisfaction à personne. En cas d'échec ou de bilan mitigé, ce sont les deux camps qui se trouvent discrédités, ce qui fait le lit des extrêmes. En Autriche, ce sont des années de grandes coalitions Droite-Gauche qui ont permis l'émergence de Haider. En France, l'exemple de la quatrième République est éloquent sur les deux tableaux. »
[1]2. Des conditions d’une opposition crédible
L’opposition doit renoncer à rechercher un gouvernement d’unité nationale, mais être plus efficace en cherchant à jouer son rôle de contre-pouvoir et de structure éducative d’exercice de la démocratie. Elle participera beaucoup mieux à influencer le jeu politique et atteindre ses objectifs.
Laisser le Président de la République libre de ses faits et gestes. De nommer sur la base de ses engagements préélectoraux et sur ses choix personnels en tant qu’indépendant les personnes qu’il juge les plus adaptées à ses promesses politiques. Notamment les dossiers du retour des refugiés, la résolution des différents contentieux nationaux, l’amélioration du niveau de vie etc.
Il faut laisser le gouvernement gouverner, sans l’entraver, sans interférences et lui donner le temps de gérer ses dossiers. Et cela en tant que gouvernement d’une majorité. Et que l’opposition ne cherche ni à l’intégrer ni à le neutraliser. Mais à s’opposer au sens politique noble du terme. Et cela pour aider à ajuster toutes les décisions prises sur ces dossiers brûlants et pour qu’ils aboutissent.
Or déjà en entrant dans le jeu de l’institutionnalisation et de la « fonctionnarisation du leadership , l’opposition a été prise au piège. Elle est devenue une partie du système auquel elle est sensée s’opposer. L’ultime phase serait de la stériliser dans un gouvernement d’union nationale.
Le pays a besoin dans les circonstances difficiles actuelles d’un gouvernement solidaire et déterminé qui gouverne. Et non d’un gouvernement d’union nationale impraticable et contraire au jeu de la démocratie.
Le pays a besoin d’une opposition qui se démarque de ce gouvernement et qui joue son rôle politique de régulation et de proposition sans lesquels le gouvernement peut aller à la dérive.
Un gouvernement d’union nationale, s’il doit mener à quelque chose c’est bien à l’enlisement et à la neutralisation du processus démocratique.
Or le peuple démuni attend toujours des décisions cruciales et non pas à des stratégies unionistes du « bouge de là que je prenne ta place ».
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Que le gouvernement gouverne.
Que l’ opposition s’oppose.
Que chacun remplit son devoir. Ainsi va la démocratie. Et va l’alternance.