Monsieur le Président,
Le coup d’Etat du 6 Août 2008, est une atteinte directe à la volonté du peuple mauritanien qui, en Mars 2007, s’est exprimé par un suffrage universel salué par toute la communauté nationale et internationale et a élu à une majorité écrasante de 52 % son Président de la république.
Cette élection libre , transparente et démocratique depuis 1978 date de l'avènement des régimes militaires en Mauritanie, a été supervisée par d’éminents observateurs internationaux, personnes physiques et morales, et a bénéficié du soutien moral et financier de l’Union européenne et de sa caution en tant que berceau historique des démocraties.
Monsieur le Président,
La violence faite aujourd’hui au peuple mauritanien à travers le renversement de ses institutions démocratiquement élues, et le piétinement de sa volonté librement exprimée ne peut trouver sa justification nulle part et certainement pas dans un argumentaire inventé de toute pièce par une junte putschiste pour justifier son forfait. Argumentaire qui, au-delà du cynisme qui s’en dégage, n’étant autre que le « redressement de la Démocratie ».
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Un général, chef d’une garde présidentielle, qui renverse le président démocratiquement élu d’une nation en justifiant son acte par un tel argument pourra-t-il trouver dans un esprit rationnel raison d’écouter ?
Un général limogé par le Président de la République au nom de ses prérogatives constitutionnelles de « chef des forces armées », a-t-il le droit de contester un tel acte et à fortiori commettre un coup d’Etat ?
Qu’adviendrait-il de la Démocratie si chaque fonctionnaire se rebellait contre un acte administratif à lui défavorable et si chaque soldat se servait de ses armes contre son chef ?
Monsieur le Président,
Le putschiste qui a commis ce coup d’Etat, en bafouant toutes les lois constitutionnelles, le justifie par le danger qu’un tel décret le limogeant et le remplaçant par un autre officier entrainerait pour la stabilité du pays. Or il n’en est strictement rien. Tout officier est remplaçable par un officier de même valeur et cela ne justifie pas les coups d’Etat.
Un tel acte est aujourd’hui présenté à la communauté internationale, par une pléiade de commis malléables et corvéables à merci, comme un acte salvateur visant à protéger la Démocratie mauritanienne contre la politique menée par le président de la République renversé, ce qui ne correspond nullement à la réalité.
Durant ces quinze mois au pouvoir, le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, n’a jamais commis une infraction ni contre la loi , ni contre le jeu normal des institutions démocratiques. Il a été un président au dessus de tout soupçon.
C’est au contraire le général putschiste qui considérant, le Président comme son vassal puisqu’il a contribué à son élection, a voulu lui dicter ses choix et sa politique.
Face à sa résistance, il a déployé tout un mécanisme de déstabilisation institutionnelle, notamment un lobby parlementaire acquis à sa cause pour empêcher tout bon fonctionnement des institutions. Il a crée de toute pièce une fronde parlementaire qui s’est attaquée à l’institution présidentielle, qui a bloqué les choix gouvernementaux du Président et qui a généré des tensions jusque dans l’entourage familial immédiat du président.
Cette fronde, malgré les blocages qu’elle a générés durant des mois,, n’ayant pas abouti à déstabiliser le Président , il fallut alors recourir au coup d’Etat. Le décret présidentiel limogeant le général putschiste n’en fut qu’un catalyseur dans lequel les putschistes ont pu trouver mille et une raisons pour justifier leur forfait. Notamment la volonté du président de "décapiter" l’armée , de plonger le pays dans le chaos ou d’instaurer l’insécurité face au terrorisme. Raisons qui sont d’autant une cogitation mégalomane d’un général qui, hantant depuis longtemps les allées du pouvoir, se croyait indispensable. Un putsch pour reprendre ce qu’il a toujours considéré , à l'instar du chapelet de putschistes qui l'a précédé, comme son propre patrimoine : l’Etat.
Monsieur le Président,
Les militaires sont-ils les plus indiqués pour établir la démocratie ou constitutionnellement habilités à la « redresser » ? Le code militaire et les lois martiales s’établissent sur la discipline pas sur la démocratie. Une discipline à mettre au service d’une démocratie, pas sa destruction.
Aujourd’hui, la junte clame que les institutions démocratiques continuent à fonctionner normalement, ce qui est une aberration constitutionnelle. En l’absence du président de la République « incarnation constitutionnelle » de l’Etat, le parlement s’en trouve par la même neutralisé. Seul le président de la République a, constitutionnellement, autorité pour convoquer les sessions parlementaires. Les deux présidents de l’assemblée et du Sénat ayant depuis les premières heures du putsch refusé toute collaboration avec la junte , témoignant ainsi davantage de l’illégalité des sessions parlementaires convoquées d’autorité en violation de la constitution.
C’est autant dire qu’il s’agit d’un parlement fictif peuplé par un nombre de sénateurs et de députés d’une fronde toute acquise aux putschistes. Parlement qu’ils ont continué à convoquer pour entériner l’idée d’une continuité libre et démocratique des institutions de la République. Parlement présidé par des vice-présidents autoproclamés en vertu d’un règlement intérieur caduc . Le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale ayant pris leur distances face à cette comédie parlementaire et n’ont jamais participé depuis le putsch à ces mises en scènes « législatives ».
Parlement maintenu formellement en fonctionnement pour des objectifs de règlements de comptes personnels qui n’honorent ni le pays ni la République. Car durant ces deux mois du putsch son activité s’est exclusivement consacrée à humilier, par des convocations répétitives et sous contrainte, l’épouse du chef de l’Etat renversé et à mettre en place une Haute cour de justice pour dissuader et dégrader l’image du Président de la République devant l’opinion nationale et internationale. Une activité pseudo-parlementaire toute orientée vers la vindicte et n’a de législatif que le nom. Est-ce là la mission d’un parlement qui participe aux institutions démocratiques ?
Jamais un parlement n' a fonctionné et ne fonctionnera sans ce qui justifie l’existence et l’équilibre des trois pouvoirs dans l’Etat. L’exécutif, le législatif et le judicaire. Or l’exécutif mis sous séquestre et le judiciaire mis au service de la dissuasion opposante, que reste-il de la démocratie, des droits et des libertés publiques ?
Non seulement, l’esprit des lois est violé et les corps institués réduits à se consumer sous la volonté d’une junte qui veut imposer aux institutions républicaine son existence.
C’est ,en concaténant l’histoire, mettre Montesquieu au service de Machiavel et envoyer Talleyrand bénir Danton sur l’échafaud .
Monsieur le Président,
Ce qui se passe actuellement en Mauritanie, est une des plus grandes mascarades que nos institutions aient vécues depuis l’indépendance. Des putschistes qui prennent le pouvoir en instrumentalisant des parlementaires au garde-à-vous, acquis à leur cause corps et âme et dont la plupart leur doit son élection. Parlementaires qui ne sont pas eux-mêmes saufs de tous les reproches que l’on peut faire à l’entourage du président et à son dénigrement.
Monsieur le président,
Notre peuple épris de paix et de justice, demande instamment que cessent ces violences qui lui sont faites, que ces militaires qui ont pris depuis plus de trente ans le pli des coups d’Etat , et la manipulation des hommes et des institutions trouvent une dissuasion suffisamment forte pour les contraindre à ne plus jamais recommencer.
Et cette dissuasion ne peut venir que du peuple avec l’aide de la communauté internationale, celle éprise de justice et de liberté.
Or le peuple mauritanien après plus de trente ans de dictature militaire, n’en peut plus. Réduit à la misère dans un des pays parmi les plus riches .Classé parmi les pays les plus pauvres malgré des richesses faramineuses mais dilapidées durant tant d’années de régime militaire
Monsieur le Président,
Le terrorisme n’est pas né avec le Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Le tragique 11 septembre en témoigne à l’échelle mondiale et les non moins tragiques évènements en Algérie notamment et en Mauritanie ( la tragédie de Lemgheity en Mauritanie), durant le régime qui a précédé celui de Sidi Ould Cheikh Abdallahi, en témoignent à l’échelle de la sous-région maghrébine.
Faire croire que le Président Ould Cheikh Abdallahi a permis le terrorisme en Mauritanie ou qu’il l’a encouragé est une contre-vérité. La vérité est à chercher ailleurs dans le développement du terrorisme dans la sous-région et son expansion . Expansion qui n’a pas trouvé devant elle une résistance militaire et sécuritaire puisque les chefs de l’armée obnubilés par le pouvoir, vivant dans ses allées, peu préoccupés des troupes ni de la mission de défense du territoire et son intégrité qui leur est constitutionnellement confiée, sont certainement les premiers fautifs.
Un général concentrant à Nouakchott, l’essentiel de l’armée , de ses munitions et des moyens dont elle dispose et qui tout orienté vers la conquête du pouvoir puisque c’est son deuxième putsch, n’a pu servir son pays qu’en détruisant ses institutions démocratiques.. Et la dernière tragédie de "Tourine" témoigne bien de l’état de vulnérabilité dans lequel se trouvent nos troupes face à un ennemi terroriste et sournois.
Monsieur le Président,
Toute personne, douée de raison, ne doit pas vous dire qu’il faut œuvrer dans le sens des sanctions contre la Mauritanie. C’est une option qui ne doit pas trouver auprès de vous et de vos alliés européens une quelconque sollicitude.
La Mauritanie à besoin de l’aide internationale, des moyens financiers provenant de toutes les institutions étatiques nationales et internationales, des organisations internationales pour continuer son développement.
En la privant de ces moyens financiers, ce n’est pas une junte que l’on sanctionne car elle a constitué durant ces trente dernières années, directement ou indirectement, au pouvoir des fortunes qui la mettraient certainement pour longtemps à l’abri du besoin, ce sont ces populations pauvres vivant au jour le jour et dont le moindre manque dans leur approvisionnement les ferait très vite chavirer dans une famine qui n’est pas une vue de l’esprit comme en témoignent déjà les rapports des organisations humanitaires internationales.
Les sanctions financières emporteront très vite une infrastructure économique et sociale fragile et hypothéqueraient pour longtemps tout espoir de développement. Les projets publics et privés s’arrêtant chaque jour du fait de cette crise, entraineront la mise à genou de tout un pays.
Aussi nous demandons à ce que la Mauritanie ne soit pas privée de ses moyens économiques et financiers pour que des millions d’innocents ne souffrent pas aujourd’hui et encore plus demain des turpitudes d’une poignée de militaires.
Ce que nous demandons ce n’est pas de sanctionner la Mauritanie et son peuple, ce que nous demandons c’est de sanctionner des militaires putschistes récidivistes pour le salut de toute une nation et le devenir de ses institutions démocratiques.
Nous voulons qu’ils quittent le pouvoir et que la légalité constitutionnelle soit restaurée. Nous voulons que le peuple mauritanien retrouve les institutions qu’il a élues et qui ont eut l’appui et l’assentiment de toute la communauté nationale et internationale. Et que toute solution à trouver le soit dans notre Constitution encore en vigueur , à travers une expression démocratique libre et populaire .
Monsieur le Président
Pour que le peuple puisse tenir debout face à ses tyrans, il ne faut l’affamer.
Il ne faudrait pas que l’arme du pain soit utilisée, elle ne servirait que l’objectif de ceux qui veulent le soumettre davantage à leur diktat. Un être affaiblit est vulnérable, une nation affamée est imprévisible.
Sanctionner les putschistes, les obliger à quitter le pouvoir.
Jamais le peuple mauritanien n'a cultivé la haine. Imbu des principes de tolérance issus de son islam et de ses cultures millénaires, il appelle à trouver une solution conforme à son idéal de paix et de justice. Trouver un accord, préservant la légalité et la dignité de tous les protagonistes pour le salut des institutions républicaines et pour la démocratie, se doit d'être la seule arme pour que la Mauritanie ne soit pas le bouc émissaire d’intérêts qui ne servent pas la Nation.
Nous ne voulons plus jamais ça. Au nom de l’idéal des nations et de la liberté des peuples.
Pr ELY Mustapha