mercredi 31 octobre 2007

Souvenirs d’un symbole ami

Habib Ould Mahfoudh : la fierté d'une nation


La dernière fois que je le vis c’était en 2000, il était dans son bureau au Calame, visiblement très fatigué mais comme à l’accoutumée, il ne le faisait pas transparaître. Dans une attitude que nous lui connaissions depuis le lycée il s’appuyait sur son ineffable dérision qui lui servait de bâton de pèlerin.

Il avait les yeux cernés et l’article que je lui proposais emporta une adhésion qu’il m’exprima avec son allant de battant. Je craignais, en effet, que cet article là n’entraîne encore une millième censure du Calame. Le titre sonnait le glas d’un régime : « Je suis revenu en Mauritanie dix ans après et j’ai retrouvé un pays qui a fait dix ans en arrière. ». Et Habib balaya mes appréhensions, il en avait vu d’autres et qu’importe une censure pour celui-là ou pour d’autres…Mon article fut publié et je sus que le journal en a subit les foudres, mais cela ne faisait que grandir celui qui, hélas, s’éteignit une année plus tard.

Habib fut mon promotionnaire au lycée national de Nouakchott et si mes souvenirs sont bons, il était détaché, désinvolte et studieux à sa manière, grand lecteur doublé d’éloquence. Il a avait déjà l’étoffe de celui qu’il allait devenir : le plus grand journaliste que la Mauritanie ait connu depuis l’indépendance.

Qui n’a pas lu les « Mauritanides » de Habib, n’a jamais lu la presse du temps où il vivait. Et celui qui ne les lirait pas maintenant ne comprendra jamais ce qui est en train d’advenir de la Mauritanie d’aujourd’hui.

C’est autant dire que Habib Ould Mahfoudh est toujours parmi nous par son esprit et celui de ses écrits. Il a donné à son pays les plus belles pages de l’écriture journalistique engagée. Un combat de la plume et de l’honneur qu’il a mené jusqu’au bout souvent dans un dénuement retenu et une solitude totale.

Mais ceux qui furent l’objet de sa plume se souviennent de ses boutades qui ébranlèrent leur conscience. Les arrivistes, les clientélistes, les opportunistes, les malfaiteurs du cercle politique, les colonels, les caporaux, personne n’a échappé à ses vindictes.
Un frondeur qui donna à nos régimes déchus les gifles qui marquent encore les joues de ceux qui les ont traversés.

Habib restera longtemps le combattant d’une Mauritanie de la pensée libre, de l’humanisme et de la fierté et si ceux d’aujourd’hui, ses victimes d’hier, partis à la reconquête du pouvoir pensent qu’il s’en est allé, qu’ils désenchantent : Habib Ould Mahfoudh est bien vivant dans le cœur de ceux qui l’ont lu et de ceux qui le liront. C’est autant dire bien des générations passées et à venir.

Pr ELY Mustapha

Le Président de la République est-il trop payé ?

Voici comment fixer le « salaire » du Président de la République


Le salaire du président de la République française vient d’être augmenté le 30 octobre 2007 de 140 %. L’amendement gouvernemental voté par l’assemblée nationale a aussi triplé le budget de la présidence de la république.

En Mauritanie le Président de la République a quant à lui réduit son salaire en acceptant une réduction de 20% aussitôt suivie par ses ministres. Ce geste est important car il dénote de la perception que le chef de l’Etat peut avoir de son salaire par rapport aux revenus en Mauritanie. Il comprend que moralement un salaire trop élevé est mal perçu dans un pays pauvre comme la Mauritanie.
Toutefois l’on pourrait seposer la question de savoir si cette attitude visant à juger du niveau du salaire du président de la République est justifiable ?

En France si Sarkozy a demandé l’augmentation de son salaire c’est bien pour…aligner son salaire sur celui de son Premier Ministre ! En effet jusqu’à l’amendement du 30 octobre 2007, le salaire du Premier Ministre français était le triple de celui du Président de la République. Soit un salaire de 20 206 € (brut par mois) contre 6 594 € (brut par mois) pour le Président de la République.

Salaires convertis au cours de l’ouguiya/euro (au 31 octobre 2007 ): 7.355.961,99 ouguiyas pour le Premier Ministre et 2.400.535,16 ouguiyas pour le Président de la République.

Ainsi en France et jusqu’à l’avènement de Sarkozy, le Premier Ministre était mieux rémunéré que le Président de la République. Et cela ne soulevait pas beaucoup de vagues. Aujourd’hui que leurs salaires sont équivalents cela n’empêche pas la critique générant le pour et le contre. Ainsi certains pensent qu’au « pays des SDF », c’est un acte odieux et amoral, d’autres pensent au contraire que le Président de la République ne doit être moins payé que les mieux pays de la République notamment les dirigeants d’entreprises qui reçoivent des millions d’euros en salaires.


Le Président de la République n’a pas de prix, mais il a un coût.


Le salaire d’un Président de la République ne doit pas être très élevé du fait de la nature même hautement morale et symbolique de la fonction.

Toutefois, il faut comprendre que le Président de la République plus que toute autre personne se doit d’être mis à l’abri non seulement du besoin mais de tout tentation matérielle qui risquerait d’hypothéquer son indépendance à l’égard de toute personne physique (individu opulent) ou morale (entreprise nationale ou multinationale). Situation qui on le sait pourrait non seulement avoir des conséquences sur sa personne mais aussi à travers ses décisions. Or les décisions du Président de la République tout autant qu’elles peuvent être bénéfiques pour la nation peuvent aussi lui être fatales. Ni la tentation financière, ni la corruption, ni le trafic d’influence ne doivent effleurer la fonction présidentielle. Le Président de la République se doit d’être au-dessus de la mêlée. Pour cela il convient de lui garantir un revenu respectable et suffisant.

Combien diront certains ? Et c’est là où il convient de trancher le problème. Et nous pensons qu’il faut plutôt ne plus penser « combien » mais « comment ». En voici les raisons:

- le président de la république n’est ni un « employé » d’une entreprise privée, ni un « fonctionnaire » de la fonction publique et il convient de ne pas appréhender sa fonction sous cet angle. Il ne peut être sujet ni à une appréciation de rentabilité économique ou financière pouvant le faire sous un angle de rentabilité ou de productivité quelconque. Ses actes ne se jugent pas à l’aune et à la mesure financière.

- Le Président de la République est une autorité constitutionnelle, il est le chef de l’exécutif, l’un des trois pouvoir constitutionnels et il est le chef de l’Etat. Il est par son existence institutionnel, un symbole. Et on ne peut évaluer le valeur d’un symbole. Il représente la morale, l’intégrité, la souveraineté et l’invulnérabilité de l’Etat. Il est l’image du pays et cela n’a pas de prix.

Toutefois si l’institution présidentielle n’a pas de prix (et ne doit pas être appréciée en tant que telle) elle a cependant un coût. Et c’est ce coût qui saute aux yeux du citoyen et lui fait poser des questions. Dans un pays démocratique aux ressources limitées c’est bien une interrogation légitime à laquelle d’ailleurs l’actuel président Mauritanien a déjà répondu par son attitude de diminution de son salaire.

En effet, la question du niveau du salaire du chef de l’Etat est à la mode et semble désormais s’inscrire dans les droits démocratiques du citoyen de s’interroger à son propos.
Mais si un tel droit est légitime est-ce vraiment là la bonne question ?

Car si le salaire du président de la République est connu et peu faire l’objet d’une révision légale, périodique, en suivant des règles prescrites à l’avance, la vraie question qui doit être posée pour la sécurité de la nation est la suivante :

Le Président de la République a-t-il le droit de diminuer son salaire ? En le faisant rend-t-il réellement service à la Nation. ?

C’est là un questionnement vital pour la préservation de l’autonomie financière du Président garante de son indépendance vis-à-vis de tous les groupes d’influence financier économiques et autres qui pourraient exploiter cette défaillance

En clair, ne pas octroyer un salaire important au président de la République, c’est mettre les intérêts de la nation en danger. Et nul n’est infaillible.

Alors, il faut que la nation supporte le coût d’une institution constitutionnelle qui n’a pas de prix. Et que ce coût soit à la mesure de la fonction de Président de la République.

Mais pour que la question de ce coût qui est perçue, populairement, à travers le « salaire » soit tranchée, il faut absolument proposer des critères d’évaluation de ce coût.


Proposition de critères d’évaluation du salaire du Président de la République

Le président de la République étant élu au suffrage universel direct et tirant sa légitimité directement du peuple, nous proposons de prendre le peuple comme référence pour établir le salaire du président de la République.

Première solution : Au moment du vote aux présidentielles le peuple votera en même temps pour le président et pour ses émoluments(intervalle salarial).
Au moins le peuple ne sachant pas ce que le président lui coûtera politiquement aura au moins une certitude de ce qu’il lui coûtera financièrement. C’est déjà cela de gagné.
Mais cette solution on le voit est difficile à mettre en œuvre et peut entraîner des confusions et de mauvaises interprétations.

La seconde solution : cette solution nous semble la plus adéquate. Il suffit simplement d’indexer le salaire du Président de la République sur le nombre de la population. Ainsi le salaire sera égal statistiquement au nombre de Mauritaniens vivant sur le territoire national (et pourquoi pas à l’étranger) auquel on pourrait affecter un multiplicateur (quinquennal ou décennal) s’il y a lieu approuvé par législation mais non modifiable sur dix ans.

Ainsi en adoptant cette méthode, le salaire du président de la république (sans multiplicateur) sera de 3 millions d’ouguiya environ et si on lui affecte un multiplicateur décennal (exemple "2)", il sera le double 6 millions d’ouguiyas hors avantages et services affectés à la présidence.

Ce critère offre l’avantage de la clarté et de la précision, il évite la contestation et l’aléa dans l’attribution du salaire.

La règle démocratique sera donc: un mauritanien un vote.

La règle financière : un Mauritanien, une ouguiya.


Quelques remarques utiles :

- Avec la règle, "un mauritanien, une ouguiya", les mauritaniens à l’étranger seront sans aucun doute invités très cordialement à voter.

- le chef de l’opposition pourra voir lui aussi son salaire indexé sur le nombre de votes qu’il a reçus ; mais sans prétendre comme le Président de la République au nombre total de la population. Car un chef de l’opposition ça ne représente que ceux qui ont voté pour lui alors que le Président de la République élu est constitutionnellement celui de tous les Mauritaniens.

- Surveiller attentivement les statistiques démographiques car habituée aux manipulations l’administration publique pourrait interdire le planning familial…


Voici donc un salaire que personne ne pourrait plus contester car si le Président de la République est l’ombre du peuple, son salaire le sera de son nombre.

Le président de la Président n’ayant pas de prix, il aura un coût que personne ne peut contester et équivalent au nombre des citoyens qu’il représente.

Pr. ELY Mustapha

mardi 30 octobre 2007

A qui profite la baisse du taux directeur de la banque centrale ?

La Banque centrale prise au piège de l’économie mercantiliste

Pour la première fois depuis 2005, la Banque Centrale annonce une baisse de son « taux directeur ». Son gouverneur l’a justifiée en ces termes :

« Pendant longtemps, depuis exactement novembre 2005, le Taux directeur de la BCM était de 14 %. Le Conseil de politique monétaire de la Banque centrale de Mauritanie a décidé de ramener aujourd'hui ce taux à 12 %. La décision a été prise pour un ensemble de raisons dont les deux plus importantes sont :

La première, c'est que l'analyse qui a été faite par la Banque centrale de l'évolution des prix nous encourage à faire ce pas en baissant le taux de l'argent au niveau de la BCM.
La deuxième raison, c'est que nous voulons ainsi accompagner les efforts du gouvernement de reprise de l'économie, de permettre une reprise de la croissance. Ceci est donc la contribution de la Banque Centrale aux efforts du gouvernement dans ce sens.

La décision de ramener le taux directeur à 12% après un gel de 2 ans est accompagnée par l'engagement de faire une revue régulière de ce taux pour savoir s'il faut le maintenir à ce niveau ou le réajuster dans un sens ou un autre. La décision est importante par l'amplitude de la variation, mais aussi parce qu'elle se fait dans un contexte où psychologiquement tout le monde est affecté par la hausse des prix. »

L'impact de cette variation est évident sur la vie économique. Il y a d'abord un effet mécanique sur le taux d'intérêt. De par la réglementation de la Banque centrale, les banque commerciales ne doivent pas prêter au-delà d'un certain taux. Le taux maximal que les banques commerciales peuvent appliquer à leurs clients sera le taux directeur plus 10%.Par ailleurs, cette baisse du taux directeur aura un autre effet : la disponibilité du crédit. Quand le taux directeur baisse cela veut dire aussi, par message de la part des finances publiques, que le Trésor fera de moins en moins appel aux ressources des banques. Cet argent sera donc disponible pour l'économie et j'espère qu'il sera utilisé à cet effet

C’est là le point de vue d’une institution à travers son gouverneur, mais la banque centrale sert-elle vraiment l’économie en agissant sur son taux directeur, dans le contexte de l’économie mauritanienne ?Ne risque-t-elle pas au contraire d’entrainer des conséquences inattendues ?

Il est vrai que la Banque Centrale agit conformément à son statut mais c’est bien l’objet de son intervention qui, lui, ne correspond pas a la réalité qu’elle s’en fait.

En effet l’intervention de la banque centrale est fortement dénaturée par la « mission principale » qui lui est assignée par son statut; et de ce fait l’instrument de réalisation de cette mission est mis à contribution, non pour une mauvaise cause, mais d’une cause dont le fondement lui échappe.

Examinons donc la nature de l’instrument utilisé, le contenu de cette mission, et..la mauvaise cause. C’est-à-dire « le taux directeur », « la stabilité des prix » et..les prix.

I- Le « taux directeur » de la Banque centrale dirige quoi ?

En fait, ce terme générique regroupe une variété de taux. Principalement les banques centrales recourent à trois types de taux directeurs :

- ceux qui portent sur la rémunération des dépôts des banques et des institutions financières auprès d’elles,

- ceux qui portent sur le refinancement (ou taux « refi » ) et qui rémunèrent les excédents de liquidités qui sont placés auprès d’elles ainsi que ceux appliqués le refinancement (emprunt) de ces mêmes institutions par les banques centrales,

- Enfin, le taux d'escompte qui est un taux d'intérêt utilisé sur le marché monétaire, pour les prêts à très court terme (quelques jours).

Les taux directeurs sont des taux d'intérêts au jour le jour fixés par la banque centrale d'un pays ou d'une union monétaire, et qui permettent à celle-ci de réguler l'activité économique.

Ces taux sont donc, en résumé, ceux auxquels sont rémunérés les excédents de liquidités des banques et institutions financières placés auprès de la banque centrale (taux derémunération des dépôts), et le taux auquel peuvent emprunter ces mêmes agents économiques auprès de la banque centrale (taux de refinancement et taux de réescompte).

Plus concrètement, les taux directeurs agissent sur le « coût de l’argent » sur le marché monétaire d’un pays et l’on comprend donc leur rôle en tant qu’instruments d’intervention et d’orientation de l’activité économique.

Schématiquement, lorsque l’argent coûte cher on emprunte moins (action sur le crédit et l’investissement) et on dépose plus (action sur l’épargne) et vis-versa…

Un taux directeur va donc diriger un comportement, celui de la banque centrale (variation de la rémunération des dépôts, de facilités sur l’escompte des effets, ou des conditions de refinancement ) à l’égard de certains agents économiques (banques et institutions financières) et le comportement de ces derniers à l’égard de la banque centrale d’un côté (variation des dépôts, révision des comportements d’escompte et de requêtes de refinancement) et le comportement de ces derniers à l’égard d’autres agents économiques (entreprises , ménages etc.) de l’autre (action sur le crédit et l’investissement).

A quoi aboutit ce comportement ? A agir sur l’économie. C'est le but et la finalité.

II- La stabilité des prix : Mission principale de la banque centrale

A l’examen du nouveau statut de la Banque centrale datant de 2007 (Ordonnance 004-2007 du 12 janvier 2007), la banque centrale de Mauritanie est un établissement dont « l’objectif principal est de maintenir la stabilité des prix ». C’est son rôle immédiat et primordial qui s’inscrit dans une activité permanente à savoir la stabilité du système financier primordiale à la politique monétaire.

Pour stabiliser les « prix », la banque centrale agit sur la masse monétaire, la liquidité disponible. Et ce pour la maîtrise de l’inflation et son maintien à un niveau qui préserve les équilibres macroéconomiques. Plus globalement elle influe, par son action, sur l’évolution de l’activité économique pour qu’elle soit compatible avec les objectifs macroéconomiques de croissance, de création d’emplois et de préservation des équilibres globaux tout en veillant à maintenir l’inflation à un niveau acceptable notamment par comparaison à d ’autres pays.

La Banque centrale dispose d’une batterie d’indicateurs de conjonctures économique et monétaire liés à l’évolution des prix. Elle surveille l’accroissement de la masse monétaire et l’évolution du crédit par secteur d’activité. Elle procède donc à l’ analyse de ces indicateurs économiques nationaux corrélés avec ceux internationaux.

Quels effets sur l’économie de la décision de la banque centrale de baisser son taux directeur?

La banque centrale a donc opté pour stabiliser les prix, de baisser son taux directeur. Mais cette baisse peut aussi bien aboutir aux résultats attendus comme à leurs contraires. Et nous allons montrer ici que cette baisse peut provoquer justement le contraire de ce qui est attendu eu égard non pas à seulement à l’examen d’indicateurs économiques mais à la réalité de l’économie mauritanienne que ces indicateur ne saisissent que partiellement.

1. Ce qu’attendent les pouvoirs publics de la baisse du taux directeur : la confiance aux mécanismes de base.

Les pouvoirs publics attendent globalement de cette baisse de taux, qu’elle influence la consommation, le crédit et l’investissement dans un sens qui contribuerait à assurer à une maîtrise adéquate des équilibres macroéconomiques.

On a vu, en effet, que l’action de l’autorité monétaire, à travers la baisse du taux d’intérêt (loyer de l’argent) pratiquée sur le marché monétaire, influence le comportement et les décisions des agents économiques aussi bien en tant que consommateurs, épargnants ou investisseurs. En effet, le taux moyen du marché monétaire constitue pour les banques une référence pour déterminer leurs taux créditeurs et débiteurs et rémunérer l’épargne. Quel impact de la baisse du taux directeur de la banque centrale sur les opérateurs économiques ?

Cette baisse répercutée par les intermédiaires agrées (banques) entrainera, pour les ménages, une augmentation des prélèvements sur leur épargne puisque celle-ci, ne bénéficiant plus d’une rémunération attractive, s’orientera vers la consommation, donc relance de la demande en biens et services.

En matière d’investissement, la baisse du taux directeur de la Banque centrale est de nature à favoriser la demande de crédit par les entreprises pour l’investissement et donc relance de la production, de l’offre , de l’emploi et de la redistribution de revenus.

D’autre part, cette baisse du taux directeur de la Banque centrale, va, à travers la politique monétaire, encourager la distribution du crédit, et particulièrement les crédits à la consommation, agissant à la baisse sur des coûts financiers dissuasifs pour les ménages. Pour leur part, les entreprises, bénéficiant de financements accessibles et d’une meilleure maîtrise des prix qui se répercutera sur leur compétitivité, sont alors encouragées à réaliser leurs investissements dans les secteurs du développement.
C’est ce qui est attendu par les pouvoirs publics comme effets sur l’économie suite à la baisse du taux directeur.

2- Ce qui risque d’arriver : La banque centrale prise au piège de l’économie mauritanienne

Si la banque centrale joue son rôle principal de stabilisateur des prix et manipule ses taux directeurs pour remplir cette mission, ce sont moins les indicateurs économiques guidant son intervention que la notion même de « prix » qui altère sa mission.

i. Evolution de l’indice des prix et inflation en Mauritanie : ce qui se voit.

L'indice des prix à la consommation participe à mesurer la hausse (inflation) ou la baisse (déflation) du coût de la vie, et donc l'évolution de la valeur de la monnaie. C’est l’érosion du pouvoir d’achat des agents économiques. La valeur de la monnaie diminue lorsque les prix augmentent.

Le taux d'inflation correspond à l'augmentation en pourcentage que les prix moyens enregistrent au cours d'une année. Par exemple, si le coût du panier de base ( choix d’un panel de produits représentatifs du commerce) servant à calculer l’indice des prix à la consommation est de 106 ouguiyas aujourd'hui alors qu'il était à 100 ouguiyas il y a un an, cela veut dire que le taux d'inflation actuel est de 6%.

L’inflation étant donc une tendance générale et persistante à la hausse du prix moyen des biens et des services, c'est-à-dire du « coût de la vie », elle va influencer le comportement des agents économique(épargne, consommation, revenu, investissement etc.) .

C’est dans cette situation que s’explique l’intervention de l’autorité monétaire, la banque centrale, pour « stabiliser les prix ». C’est-à-dire effectuer des ajustements monétaires qui devront, à terme, réduire l’inflation à un niveau tel que cette inflation soit trop faible pour influencer les décisions des agents économiques. En somme à stabiliser les prix.

En Mauritanie cet indice des prix est défini par l’Office Mauritanien de la statistique (ONS) : " un instrument qui, au moyen d'un nombre unique, permet d'estimer, entre deux périodes données, l'évolution moyenne des prix des biens et services consommés par les ménages."
Jusqu’à l’adoption du nouveau IHPC (indice harmonisé des prix à la consommation), l’année 1985 était l’année de référence (base 100).

Pour l’IHPC , la base 100 retenue comme référence (pour le calcul de cet indice pour les années suivantes) est désormais l’année courant d’avril 2002 à mars 2003. Les documents publiés produits par l’ONS notamment sur son site s’arrêtent pour l’indice des prix à la consommation à l’année 2002 (donc suivant la base 100, année 1985)

On remarquera donc que en dix ans l’indice à doublé pour toutes les catégories de produit de consommation figurant dans le panel (alimentation, habillement, habitation…).
Donc cela doit signifie nécessairement que l’inflation a suivi une augmentation similaire pour expliquer une telle hausse des prix. Donc la masse monétaire disponible était très importante et cette trop grande liquidité monétaire participait à déstabiliser les prix et à éroder le pouvoir d’achat.

En effet, si l’on examine l’évolution de la masse monétaire en circulation on remarque que pour ces dernières années elle a fortement augmenté. Elle a plus que doublé en cinq ans et quadruplé en dix ans !

Alors étant donné que la masse monétaire en circulation est importante (voir ici statistiques monétaires-BCM) cela signifie qu’il est impératif de la diminuer or la baisse du taux directeur de la banque centrale va faciliter la désépargne des ménages (car faiblement rémunérée) et le recours au crédit (car baisse du coût de l’argent) par les agents économiques ce qui va entrainer une injection supplémentaire de monnaie à travers la consommation et les investissement aggravant donc par la même l’inflation qui rappelons-le est fortement corrélée avec le niveau de la masse monétaire en circulation. Donc l’inflation augmente, les prix augmentent et la vie gagne en cherté.
Si le niveau des prix est bien lié à l’évaluation du niveau de la masse monétaire alors, il est donc bien probable que la baisse du taux directeur de la banque centrale pourrait aggraver cette situation.

La raison en est que les chiffres ignorent des réalités socoioéconomiques qui restent aussi importantes en Mauritanie, dans l’évaluation de la cherté de la vie, que l’examen de l’évolution masse monétaire.

ii- Evolution de l’indice des prix et inflation en Mauritanie : ce qui ne se voit pas

Pour que l’approche de politique monétaire de la Banque centrale soit réalisable ou ayant des effet dans notre pays, il faut un certain nombre d’impératifs :

- Que les prix des produits retenus dans le panier de laménagère servant à calculer l’indice à la consommation soit réels.

- Que l’inflation dont il s’agit préoccupe les agents économiques et influence leurs comportements.

Ces impératifs sont difficiles à vérifier.

1. La hausse des prix ne tient pas forcément de l’inflation monétaire

Lorsque l’on établit l’indice des prix c’est suite à des centaines de points d’observation et des milliers de sondages par les services statistiques concernés.
Les points d’observations des prix des produits pour l’ONS sont les commerçants. « En Mauritanie, les prix sont suivis auprès de 465 points de vente échantillons dont 5 marchés, 2 grands magasins… ».
Mais l’intérêt est moins de connaître le prix d’une denrée et son évolution que de savoir qui établit le prix de cette denrée. Or en Mauritanie, le système de fixation des prix est absolument défaillant.

En effet, les produits de consommation courante ou entrant comme intrants dans ces produits sont quasiment tous importés. Et leur prix est déterminé par le commerçant.
En effet, le prix de revient déclaré par le commerçant fait l’objet d’une entente corporatiste de laquelle ni les règlements ni les services économiques de l’administration n’ont pu venir à bout.
L’absence de concurrence réelle et la perméabilité des services douaniers à l’importation quant à la vérification du produit importé , à la réalité des prix facturés à l’import fait que le commerce mauritanien est un lieu où les prix restent tributaires de ceux qui en disposent.

A cette situation s’ajoute celle du monopole du commerce mauritanien par une poignée de commerçants formant un cercle d’influence et ayant occupé depuis des décennies les points-clefs du commerce et qui régulent à leur gré les prix mais décident aussi des produits à importer et à vendre. Une oligarchie mercantile.

On voit donc que la hausse des prix ne prend pas forcément sa source dans l’inflation et qu’en Mauritanie la manipulation constante à la hausse des prix des produits par un panel de commerçant tenant le marché de l’import et de l’export est souvent plus significative.

On en déduit qu’en Mauritanie et contrairement à la philosophie qui guide la banque centrale, une hausse des prix, un accroissement de l’indice des prix n’est pas nécessairement dû à l’inflation, une croissance excessive de la masse monétaire en circulation mais à une action sur les prix concertée, voulue et auto-entretenue par une oligarchie commerçante qui gère ses intérêts mercantiles au mépris du citoyen.

2. L’inflation ne préoccupe pas les agents économiques et n’influence pas leurs comportements.

Le but de toute politique monétaire, comme souligné est de modifier, par ses effets en cascade, le comportement des agents économiques, notamment ici le ménage et l’entreprise On augmente les intérêts (pour attirer l’épargne et réduire le crédit) on les baisse pour réaliser le contraire de telle sorte que l’on oriente le comportement de l’agent économique.

En Mauritanie cette approche est à relativiser. Le consommateur achète et encaisse. Il est dans une situation où la contestation du prix n’est ni financièrement, ni légalement à sa portée. C’est un consommateur sous contrainte permanente de consommer quel que soit le prix du produit.
Il n’ y a pas une organisation active du consommateur qui défendrait ses intérêts ni aucune association de consommateurs qui dissuaderait le commerçant et faire qu’il puisse avoir le libre arbitre de ses achats.
L’agent économique ne peut qu’enregistrer la hausse des prix, acheter, consommer et s’endetter auprès du système économique. Le citoyen est psychologiquement davantage préoccupé par la recherche de l’argent avec laquelle il va acheter le produit que par le prix du produit lui-même. En effet, s’il a une certaine latitude dans le premier cas (s’endetter) il n’en pas dans le second (contester le prix).
Alors inflation ou pas, ce n’est pas le comportement d’un consommateur acculé à consommer qui va se modifier car il n’a aucun autre choix ni dans la variété du produit, ni dans son prix ni dans un jeu de la concurrence qui lui permettrait de choisir au mieux de l’offre du marché.
En Mauritanie et quelle que soit l’intervention de la Banque centrale, les prix continueront à augmenter du fait de commerçants qui jouent sur les prix mais aussi sur la rareté sachant bien entretenir une demande de biens et de services (qui dépasse le niveau de la production du pays) et qu’il satisfont par une importation dont ils gèrent l’amont et l’aval.
Ils entretiennent à travers l’inflation une érosion permanente de la valeur des revenus (baisse du pouvoir d’achat) et absorption de l’épargne par la consommation.
Or sans revenus réels et une épargne forte il n’ y a pas de conditions propices à l’expansion économique et à la création d’emplois.
Alors baisser le taux directeur pour permettre de "stabiliser les prix" est une vue de l’esprit. L’économie mauritanienne ne répondant fondamentalement pas à ce mécanisme du fait d’une rigidité des prix dont la source est à rechercher ailleurs que dans des indicateurs monétaires.
Mais si la baisse du taux directeur peut avoir des résultats contestables quant à ses effets sur la stabilité des prix, à qui ou à quoi va-t-elle profiter en fin de compte ?

III- A quoi et à qui va servir la baisse du taux directeur de la banque centrale ?

Lorsque le taux directeur baisse, la répercussion de ses effets par les banques et les institutions financières à travers leurs opérations avec le reste des agents économiques se fera au niveau de l’épargne, du crédit et l’investissement.

Et il est fort probable que la baisse de ce taux ne profitera pas à l’économie réelle et surtout pas aux structures économiques de production nationale à savoir les petites et moyennes entreprises industrielles et commerciales.

En voici les raisons :

Le comportement des ménages va entraîner la baisse des dépôts des banques. En effet, au niveau des ménages, l’épargne étant peu rémunérée, elles sera utilisée pour la consommation ou au mieux la thésaurisation (fort peu probable du fait du faible revenu). Dans tous les cas cette épargne ne servira pas de dépôts et privera les banques de leurs moyens de financement de l’économie, notamment l’activité industrielle, agricole et manufacturière.

Au niveau des entreprises, qui ont un besoin de financement, elles ne pourront obtenir satisfaction du fait de la politique sélective des banques pour l’octroi du crédit, du fait justement de la contraction de leurs dépôts. Où elles demanderont un refinancement auprès de la banque centrale (aux taux refi), ou elles réescompteront des effets au taux officiels et dans tous les cas elles répercuteront cela sur le taux du crédit octroyé aux agents économiques. Or comme ces taux ont subi les effets de la baisse du taux directeur de la banque centrale, l’arbitrage sera difficile et se fera en fonction du gain que la banque pourra obtenir du prêt consenti aux agents économiques (or celui-ci ne peut-être supérieur au taux directeur plus 10%).

Que se passera-t-il donc ? Les banques opteront pour une sélection des bénéficiaires de leurs crédits. Et qui sont-ils ? Certainement pas les petites et moyennes entreprises industrielles mais ceux qui auxquels ils prêtent traditionnellement à savoir les commerçants. En effet, la plupart des banques privées mauritaniennes appartiennent à des commerçants et charité bien ordonnée commence par soi-même.

Le résultat : la baisse du taux du crédit pour lutter contre la hausse des prix va bénéficier à ceux-la même qui sont à l’origine de cette hausse des prix ! D’un côté ils génèrent le problème et de l’autre ils tirent profit de la solution au problème. En effet, l’épargne retirée par les agents économiques va servir à consommer (donc au bénéfice du commerçant) et le crédit octroyé le sera au commerçant (pour encore importer des produits et les vendre plus chers). Un cercle vicieux dont les seuls qui en pâtiront sont les ménages et les entreprises.

La « main invisible »…des commerçants

La baisse du taux directeur de la banque centrale visant à « stabiliser les prix », ne peut être considérée comme une solution au problème de la cherté de la vie et donc à l’inflation galopante.

Car les prix sont quasiment déconnectés des indicateurs monétaires du fait de « la main invisible » des commerçants. Il faudrait que l’Etat réalise en aval une véritable règlementation des prix en organisant l’administration de lutte contre la fraude économique et la corruption de ses agents. En amont, qu’il jugule le problème à sa base en établissant un véritable contrôle sur les factures et les déclarations en valeur à la douane aux différents points d’entrée de marchandises sur le territoire national.

La politique monétaire sur laquelle joue la banque centrale n’aura aucun effet (si ce n’est négatif) si l’Etat n’organise pas le secteur du commerce en Mauritanie et si chacun n’est pas mis devant ses responsabilités et sanctionné comme tel. Les commerçants et leurs alliés, les banquiers, sont les véritables responsables de la hausse des prix et la banque centrale, jouant son rôle statutaire, est bien prise à leur piège manipulateur.
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Une phrase...
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Une phrase du gouverneur de la banque centrale montre les incertitudes qui pèsent sur les effets de la baisse du taux directeur, car il sait bien que les effets de ce taux seront ce qu’en feront les destinataires :

« Par ailleurs, dit-il, cette baisse du taux directeur aura un autre effet: la disponibilité du crédit. Quand le taux directeur baisse cela veut dire aussi, par message de la part des finances publiques, que le Trésor fera de moins en moins appel aux ressources des banques. Cet argent sera donc disponible pour l'économie et j'espère qu'il sera utilisé à cet effet. »

La sincérité de cet espoir n’a (hélas!) d’équivalent que le désespoir de ceux qui attendent devant l’échoppe de boutiquier et le guichet de banque.

Pr ELY Mustapha

dimanche 21 octobre 2007

L’intimidation de l’opposition a commencé

Perdre les élections et perdre la face ?

Lors de sa dernière conférence "M. Ahmed Ould Daddah a révélé qu’il a été contacté par le Wali de Nouakchott qui lui a rappelé la loi relative aux manifestations et l’a prévenu contre tout débordement ou dérapage de ce meeting, soulignant qu’il n’hésitera pas à prendre les dispositions nécessaires pour faire régner l’ordre." (Nouakchott info)
Et voilà les autorités publiques prennent les devants pour intimider l’opposition et réduire son champ d’action.

Comment se fait-il qu’un Wali, s’adresse directement à un chef d’un parti d’opposition pour lui rappeler ses obligations ?

C’est là une pratique répréhensible qui montre déjà le niveau de responsabilité dans lequel les autorités placent l’opposition et quelle estime ils lui portent.
Déjà le comportement de cette autorité déconcentrée est belliqueux et nous rappelle avec acuité comment les semblables de ce Wali se comportaient sous le régime précédent.

Nous, nous lui disons que l’opposition n’est pas seule et que c’est plutôt les leaders de l’opposition qui par leur comportement envoient un message préalable et clair aux autorités officielles : à savoir que n’importe quel comportement répressif, toute absence de retenue répétant les erreurs policières, militaires ou paramilitaire ou tout autre corps armé qui porterait atteinte aux droits de l’opposition de manifester publiquement ses idées tel que cela lui est expressément conféré par la constitution et les lois associatives en vigueur, trouvera en nous en tous ceux épris de justice et de liberté la réaction la plus vive.

Il est intolérable que sous le couvert d’informer on menace.

Le Wali de Nouakchott doit recevoir immédiatement un blâme, sinon une révocation du président de la République pour actes d’obstruction à l’exercice des droits démocratiques et menaces sur les libertés publiques. Avec mise en demeure à toutes les autorités publiques détenant des moyens de coercition publique de se servir de leur autorité pour outrepasser leurs droits et porter atteinte par leurs comportements non raisonnés aux structures essentielles d’exercice de la démocratie : les partis politiques.

Nous croyons que le comportement de ce Wali (qui n’est certainement pas isolé et ne le sera pas) est certainement la traduction d’ordres venus de ses supérieurs et probablement doublés d’un excès de zèle propre à notre administration coercitive par tradition, ne devra pas passer sous silence.

L’opposition a perdu les élections, elle risque, si elle ne relève pas le défi de défendre ses droits à l’action, de perdre la face.

Voici les résultats de ce que l’on a déjà dénoncé dans nos écrits précédent : le poste institutionnel de « leader de l’opposition ». Nous en avions déduit qu’il risquait d’être une « courroie de transmission » entre l’opposition et le gouvernement. Une zone tampon qui servirait à amortir les chocs à l’avantage du pouvoir en place.


Le wali a donc contacté Ahmed Daddah en le considérant comme faisant « partie « de l’administration publique », donc un « agent public » et de ce fait il lui sert de relais. Et c’est ce qui fut fait. Ahmed DADDAH a transmis cet « ordre de se tenir tranquille » directement à l’opposition.

C’est toujours le fameux jeux du « dialogue et de la concertation » (voir mon article plus bas) qui est le piège dans lequel l’opposition a été prise à travers l’institution du poste de « leader ».

Aussi devant un tel comportement, l’opposition doit dénoncer cette pratique d’intimidation, demander à ce que ce Wali soit non seulement blâmé mais relevé de ses fonctions et demander au leader de l’opposition de ne plus recevoir ni de dialoguer avec qui que ce soit si ce n’est les membres de son parti et le reste de l’opposition. Que les ordres doivent venir de la base et non du sommet car si des personnalités connaissent bien leurs droits et leurs obligations politiques , Ce sont bien Ahmed Daddah et les leaders des autres partis. Alors pourquoi le leur rappeler si n'est dans un geste d'intimidation qui ne sied pas à la Démocratie mais qui relève d'une autoritarisme à dénoncer? Immédiatement.

Il n y pas d’opposition qui reçoivent d’ordre de la majorité , ni de ceux qui la représentent !

Il y a en Mauritanie , une opposition responsable qui connait mieux ses droits qu’un wali conjoncturel qui ne la respecte pas. Et que ce Wali sache que quoi qu’il dise l’opposition s’opposera et que parmi les moyens légaux dont elle dispose celui de dénoncer, de critiquer mais aussi de protester et de manifester jusque dans les rues si cela est nécessaire. Et que le temps de la menace est révolu et que l’opposition ne perdra pas la face.

L’opposition a perdu une élection mais elle sait qu’elle ne doit pas perdre la face. Le peuple, la nation et le monde entier l’observent et nul ne lui porterait atteinte sans conséquences.

Pr ELY Mustapha

jeudi 18 octobre 2007

De la balance commerciale mauritanienne



Excédent, quel excédent ?

Lorsque l’on s’intéresse à « l’international », la balance commerciale est une référence commune. Et l’on y recourt pour montrer qu’un pays à plus exporté de marchandises qu’il n’en a importé (balance commerciale excédentaire) ou, au contraire, il en a importé plus qu’il n’en a exporté ( balance commerciale déficitaire). On le voit donc bien, la balance commerciale est un indicateur de flux de biens physiques entre un pays et le reste du monde, mais cela exprime-t-il vraiment grand chose ? Certainement pas pour un pays en voie de développement tel que la Mauritanie et nous l’allons montrer dans ce qui suit.

D’abord la balance commerciale mauritanienne est-elle vraiment excédentaire ? Et cela exprime-t-il quelque chose du point de vue de la croissance économique mauritanienne ? Et que vaut l’information fournie par la balance commerciale pour une appréciation de l’économie du pays ?

I- La balance commerciale mauritanienne est-elle excédentaire ?

Officiellement, le solde de la balance commerciale mauritanienne est positif. Cela signifie que notre pays à exporté plus de marchandise qu’il en a importé sur la période.


Si l’on s’en tient aux chiffres officiels pour le premier trimestre de l’année 2007 ce solde est positif, seulement voilà ce que l’on ne dit pas c’est que la balance n’est excédentaire que si on y comptabilise les exportations pétrolières. Hors pétrole, la balance commerciale est largement déficitaire. Comme elle l’a toujours été. L’excédent de la balance commerciale est dopé par l’exportation du pétrole. Or cet excédent n’est apparu qu’en 2006, alors que la balance commerciale, suivant les donnée les plus récentes, est quasi-structurellement déficitaire depuis plus de 15 ans et au-delà (Voir Tableau ici)
Qu’est ce que cela signifie ? Simplement que ce l’on veut présenter comme un indicateur « d’amélioration de l’économie nationale » n’en est pas un ! Et mieux encore que notre économie est compétitive !
En effet, l’excédent d’une balance commerciale exprime une croissance des exportations or pour exporter les entreprises se doivent d’être compétitives sur les marchés internationaux.

En somme que la Mauritanie exporte des produits, notamment des marchandises qui sont en compétition avec des marchandises similaires du commerce international ! On va bien d’où vient l'étrangeté de la situation.
Il suffit d’examiner les exportations de la Mauritanie et on remarque qu’elles sont constituées uniquement de l’exploitation de ses ressources naturelles (pétrole, fer, poisson etc..) c’est-à-dire le fruit d’une rente et non point d’une véritable industrie manufacturière, d’une technologie, d’une création à valeur ajoutée au sens de durabilité.


Quand on justifie l’excédent d’une balance commerciale par une rente (pétrole notamment ) qui de surcroit est productivement en chute libre, et qu’on l’explique pas au peuple on a certainement de lui faire croire de ce qui n’est pas ou ne devrait pas être.
Donc structurellement la balance commerciale est bien déficitaire et conjoncturellement excédentaire car dopée par une rente instable et volatile telle que le pétrole. Seul le déficit structurel est à retenir sur la durée.

II- La balance commerciale mauritanienne est-elle fiable ?
Si du fait des marchés internationaux et des sociétés qui l’exploitent en Mauritanie (qui veillent à leurs intérêts), on connait la contrepartie financière de la vente du pétrole, il n’en est pas de même des marchandises importées et exportées. Ceci entraine en Mauritanie une absence de fiabilité dans les chiffres fournis par les autorités en terme de balance commerciale.

En effet, la balance commerciale est élaborée à partir notamment des statistiques des douanes mauritaniennes.

Les statistiques douanières
Il n’est nul besoin de rappeler la gabegie dans ce secteur, ni non plus de rappeler ce qu’en ont fait la plupart de ceux qui se sont succédés à la tête de l’administration des douanes. Une administration qui gère des intérêts personnels et dont la connivence avec les milieux commerçants se fait au vu et au su de tout le monde. Les fameux papiers en-tête des douanes ainsi que les tampons officiels de la douane détenus par des commerçants et utilisés avec la bénédiction de ses services sont encore dans l’esprit de tout le monde. L’opacité de cette douane et de ses pratiques dont la plus récente expression est le refoulement cette semaine de journalistes de l’agence mauritanienne d’Information (Agence officielle !) venus faire un reportage, montre le degré d'inertie et de désinvolture dont fait preuve cette administration.

Mais au-delà de ces constats de terrain qui donnent une idée déjà des pratiques, on sait que ses statistiques seront à l’image de ce qu’elle est. Elle les confectionnera comme elle l’entendra et au mieux des intérêts de ceux qui la dirigent.
C’est autant dire que le rôle de la Douane à savoir effectuer un décompte précis des marchandises franchissant la frontière, en volume et en valeur, pour calculer les droits et taxes en vigueur est une vue de l’esprit.

Or les déclarations en douane qui doivent contenir une description rigoureuse du produit ainsi que des indications fiables sur les conditions de transport ainsi qu’une évaluation la plus précise des coûts de transport, sont à la base de la balance commerciale qui retrace les importations et les exportations de marchandises. On devine donc aisément, eu égard à ce qui a été dit plus haut, ce que peut être l’apparence d’un bordereau douanier en Mauritanie.

D’abord , la valeur attribuée à la marchandise. Celle-ci doit transparaître sur les déclarations en douane qui rapportent les prix facturés, les différents coûts de transports sont soumis, malgré les document qui les accompagnent, à un pouvoir discrétionnaire qui se gère à l’importance du commerçant, à son soutien politique et surtout à sa capacité de pouvoir « désintéresser » la douane. Et dans ce domaine aucune déclaration ne résiste aux interventions qui sont monnaie courante et au népotisme de ceux qui dirigent ce secteur avec la bénédiction financière d’une économie tenue par des commerçants.

Ensuite l’évaluation forfaitaire. Cette évaluation qui en principe ne doit toucher que des échanges inférieurs à certains montants minimes est étendue à des échanges importants empêchant ainsi de connaître leur valeur réelle. Et certains commerçants biens connus en bénéficient de façon systématique si ce n’est tout simplement le non paiement des droits de douane.

Enfin, pour des raisons qui tiennent à la "configuration" militaire du régime mauritanien, des échanges éminemment importants en valeur et en volume échapperont certainement aux statistiques car ils seront traités à part et n’apparaissent pas dans les chiffres globaux. Il s’agit de l’importation de matériel militaire. Et par « matériel militaire », il faut entendre tout ce que les militaires peuvent considérer comme étant militaire, dût-il ne pas l’être.


Ainsi donc les statistiques douanières sont dans notre pays ce que la douane veut en faire, or étant la première base d’établissement de la balance commerciale, on comprend donc l’incapacité de cette balance à servir de référence réelle pour évaluer de façon rigoureuse les échanges commerciaux de la Mauritanie avec l’extérieur.
III- la balance commerciale est-elle suffisante pour statuer sur les échanges commerciaux ?


La réponse est évidemment non. Aussi on recourt pour avoir une vision plus complète à ce que l’on appelle la balance des « transactions courantes » (cliquer ici). Cette balance englobe la balance commerciale mais la complète en comptabilisant les services et les transferts (dite « balance des invisibles »).
En effet, si la marchandise est physique et fait l’objet durant son import ou export des statistiques de la balance commerciale, il n’en est pas de même des services et des transferts qui n’étant pas physiques se doivent de bénéficier d’un traitement à part d’où la balance des invisibles.
Les services qui accompagnent l’exportation ou l’importation de marchandises sont souvent le transport, l’assurance ou tout autre service rendu pour permettre à la marchandise d’être échangée au-delà des frontières (la rémunération de facteurs de production, les achats ou vente de brevets, les dépenses ou recettes de voyage d’affaires ou de tourisme etc.). Les transferts quant à eux sont des transferts de revenus. C’est le cas classique de l’émigré qui envoie de l’argent à sa famille dans son pays ou encore quand une multinationale rapatrie au siège de la société-mère les gains réalisés par sa filiale à l’étranger etc.
On comprend donc l’intérêt que revêt la balance des transactions courantes pour donner une meilleure idée des échanges commerciaux d’un pays avec l’extérieur.


Peut-elle cependant être une référence économique fiable en Mauritanie ?
Cette balance des transactions courantes outre qu’elle s’appuie sur le volet des statistiques douanières (pour l’établissement de la balance commerciale) est aussi construite à partir des statistiques fournies par les banques.
Les statistiques des banques
Les statistiques des banques sont la seule source importante en Mauritanie pour saisir , outre les échanges de marchandises, l’ensemble des invisibles.

En effet, la législation sur le contrôle des changes fait obligation pour tout règlement avec l’étranger de passer par un intermédiaire agrée (banque, institution financière).
Cependant ces statistiques bancaires ne peuvent fournir des informations détaillées puisque l’information est financière sur des « invisibles » qui tiennent justement leur nom de leur aspect difficilement saisissables du fait de leur diversité et de détecter leurs mouvements conjoncturels sur les marchés internationaux. Et cela malgré une certaine différentiation de ces marchés. Toujours est-il que la balance des transactions courantes pourrait être établie sur ces statistique bancaires qu’elle que soit la transaction.
Et l’on sait par définition que la confrontation entre les chiffres fournies par la douane relativement aux marchandises et la confrontation avec ceux issues des sources bancaire a toujours fait apparaître des écarts importants. Comment les confectionneur de la balance des opérations courantes mauritanienne résolvent-ils ce problème ?
Généralement dans le cadre de la balance des transactions courantes le montant équivalent à cet écart est regroupé sous un titre d’opérations « non ventilées » ou termaillage. Or cela n’apparaît pas clairement à la lecture de la balance des transactions courantes mauritaniennes.
Cela signifie-t-il que les données bancaires recoupent et recouvrent exactement et sans le moindre écart les données douanières ? Ce qui est impossible. Ainsi cette correction d’écart n’est pas explicite. D’où encore un manque de fiabilité.
Enfin, la question qui se pose est de savoir quelle fiabilité accorder aux statistiques fournies par les banques mauritaniennes ? En effet, l’unité d’un outil statistique est d’une importance capitale pour générer les résultats cohérents et facilement comparables. Le recours à des grandeurs économiques du commerce international unifiées pour l’établissement des chiffres financiers portant sur les échanges est d’une importance capitale pour l’homogénéité des informations fournies par les banques. D’autre part les conditions de change des monnaies de transaction (pour les exportation), les parités par rapport à la monnaie nationale (importation) évoluent de façon systématiques d’une transaction à l’autre, qu’est-ce qui garantie la transparence dans les chiffres fournis par les banques d’une période sur l’autre ?
Aussi pour que la balance des transactions courantes puisse signifier quelque chose, il faudrait que les statistiques douanières et les statistiques bancaires puissent être fiables , ce qui est loin d’être démontré.


Il faudrait aussi que la transparence en termes d’ajustement et de correction des écarts puissent apparaître dans les postes de la balance, ce qui n’est ni fait ostensiblement, ni expliqué.
En définitive, nous ne pensons pas que la balance commerciale mauritanienne, tout autant que celle qui l’englobe, à savoir la balance des transactions courantes, puisse être fiable et servir donc servir d’argumentaire ni politiquement ni économiquement.
Ni politiquement pour en faire un faire-valoir d’une bonne politique, ni économiquement pour prouver la compétitivité des entreprises mauritanienne et encore moins de la "bonne santé" de l’économie mauritanienne.
D’autant plus que, contrairement à la balance commerciale « dopée par le pétrole » pour servir d’argumentaire, la balance des transactions courantes est, elle, structurellement déficitaire. Or elle est, du point de vue de la globalité des informations qu’elle fournie (puisqu’elle englobe la balance commerciale elle-même), beaucoup plus importante.

Alors pourquoi nos politiques ne se prévalent-ils pas de la balance des transactions courantes plutôt que de la balance commerciale pour prouver leur bonne politique économique? Parce qu’ils n’ y trouvent pas leur compte.
Certes, l’effet d’annonce que présente les chiffres des échanges extérieurs est important pour les politiques et la balance des transactions courantes prend plus de temps à être publiée que la balance commerciale, mais cela ne justifie pas qu’on l’utilise et qu’on l’interprète dans un but et un sens que contredisent les chiffres.
Si la balance commerciale et la balance des transactions courantes sont peu fiables en est-il autrement de la balance des paiements ?

IV- La balance commerciale n’exprimant rien, faut-il se référer à la balance des paiements

La balance commerciale nous donne une simple idée de flux physiques de marchandises, s’y référer ne renseigne pas sur grand-chose pour les raisons précités. Et c’est, particulièrement dans notre pays, une mauvaise référence.
Aussi, le véritable document auquel il faut accorder de l’importance c’est la balance des paiements.
La balance commerciale est incluse dans la balance des transactions courantes qui est elle-même incluse dans la balance des paiements dont elle ne constitue qu’une partie. Dans cette balance en « poupées russes », isoler de la balance commerciale, c’est vouloir dans notre pays en voie de développement justifier l’injustifiable.
La balance des paiement reflète l'ensemble des transactions entre les résidents et les non-résidents. La balance des paiements est elle-même décomposée en plusieurs types d'opérations. Comme déjà mentionné, le compte des opérations courantes décrit, outre l'évolution des échanges de biens, celle des services, des voyages, des revenus et des transferts courants…De son côté, le compte financier de la balance des paiements fait le bilan des investissements étrangers, et des investissements financiers (en avoirs et en engagements)
Elle retrace donc l’ensemble des biens et des capitaux entre un pays et le reste du monde. Elle est un indicateur intéressant pour connaître la capacité de financement d’un pays et l’évolution de cette capacité sur le temps.

La balance des paiements couvre trois rubriques :
- les transactions courantes (balance commerciale et « invisibles »)
- les mouvements de capitaux (à court et long terme)
- la variation de la position monétaire extérieure

La balance des paiement est équilibrée par construction, c’est donc sa structure qui permet de renseigner les opérateurs internationaux sur les capacités financières de l’Etat. Il s’agit donc d’apprécier le crédit du pays sur les marchés financier et de changes internationaux. En somme elle donne une idée aux reste du monde des capacités d’un pays de rembourser ses dettes et donc de faire face à ses paiements extérieurs.
Pour avoir déjà un début de réponse en ce qui concerne notre pays, il convient de savoir que le solde « balance globale » mauritanienne (cliquer ici), correspondant effectivement à la somme des soldes de toutes les balances mauritaniennes (transaction courantes, capitaux) est déficitaire depuis la nuit des temps.
Ainsi de 1992 à 2006 pas une année où le solde de la balance globale n’a été positif C’est le déficit continu.
Aussi si l’on applique à cette situation les constats précédents, cette balance globale donne une idée aux opérateurs internationaux des capacités de notre pays à rembourser ses dettes et à faire face à ses paiements extérieur. C’est-à-dire la plus mauvaise image qu’un pays puisse donner. Pauvre, endetté , et incapable de générer des ressources propres pour son financement tout entier absorbé à créer des équilibres sur des revenus de ressources naturelles non renouvelables.


Mais si la balance globale, vraie reflet des déficits structurels des différentes balance, est déficitaire l’opérateur international pourra constater que la balance des paiements mauritanienne a été présentée en équilibre.
Mais il n’en pourra en tirer qu’une seule conclusion comptable : une balance des paiement doit être par construction équilibrée. La conclusion financière est plus importante. : Comment les pouvoirs publics l’équilibrent-t-ils ? (cliquer ici)

A travers un endettement public et privé, et les dons dont le plus récent pour 2007 est le don du Koweït à la Mauritanie de 12 millions de dollars. Ainsi le financement du déficit de la balance globale provient principalement, de façon cyclique et d’une année sur l’autre de ressources dont les plus significatifs sont les « financements exceptionnels » c’est-à dire ce qui constitue les plus instables des financements alors que « les actifs extérieurs net » qui constituent un financement propre et provenir de l’activité financière de l’Etat, à travers le solde des revenus d’investissements, n’entrent que pour une part minime dans l’équilibre de la balance des paiements.

En conclusion, la balance commerciale est déficitaire, la balance des transactions courante est déficitaire, la balance globale est déficitaire, le financement de la balance des paiements se fait à travers l’endettement et les dons, où voyez-vous une économie compétitive ? Où voyez-vous une économie qui se « porte bien » et une politique qui pourrait en être fière ?

Il est temps que les politiques disent au peuple ce qui va et ce qui ne va pas. Il est temps que ces politiques cessent de vouloir paraître au mieux de leur politique alors qu’il n’en est rien.
Le peuple mauritanien a besoin de dirigeants qui comprennent sa misère qui lui trouvent des solutions et qui surtout cessent de lui miroiter faussement monts et merveilles. On ne chante pas ses louanges quand on a les pieds dans les immondices.

Le peuple a besoin de vivre et ce ne sont pas des chiffres qui le sortiront du sous-développement. La seule balance commerciale qui le préoccupe est celle du boutiquier du coin. Et, déjà, il balance entre frustration et misère.
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Pr ELY Mustapha

mercredi 17 octobre 2007

Croissance, quelle croissance?


Croissance du sous-développement


Suivant les déclarations officielles, le taux de croissance économique a atteint, cette année, 5,7% contre 4,1% en 2006.


Y a-t-il eu véritablement croissance ? Eh bien non.


Nous allons le montrer dans les lignes qui suivent. Posons d’abord les jalons du problème de la croissance en Mauritanie pour bien montrer que c’est là une croissance absolument fictive.

Pourquoi un pays qui compte un peu plus de 3 millions d'habitants qui dispose d'énormes ressources naturelles (le pétrole, le gaz, la pêche, le fer, le cuivre) et de bien d'autres richesses encore (découvertes ou à découvrir), dont la dette extérieure a été épongée, ne peut-il se développer ?


Mieux encore,en 2005, selon le Fonds Monétaire International, la Mauritanie devait connaître un taux de croissance économique de 26,9% en 2006 en termes réels, et surtout une réduction significative de l’inflation, contre une croissance de 5,4% en 2005 ! Et voilà qu’officiellement on la ramène à 4,1% en 2006 et 5, 7% pour 2007.


Que signifie une chute si vertigineuse d'une croissance attendue? C'est qu'il ne s'agit pas de croissance réelle mais d'une rente qui en suit les variations.


Mais au-delà la valse des chiffres, pourquoi on sort au peuple ces chiffres ?


Ces chiffres signifient-ils quelque chose ? Eh bien non. Car les questions essentielles sont : Comment peut-on croître sans grandir ? Comment une croissance affichée ne se traduit pas en richesses nationales distribuées ou en infrastructures partagées ? Et pourtant officiellement l'économie mauritanienne afficherait un taux de croissance annuel attendu pour 2007 de 5,7% et il fut de 4,1% en 2006 !


De quelle croissance s'agit-il?


La majorité de la population souffre de misère et l'infrastructure publique est un champ délabré au milieu des détritus et des immondices qui couvrent les rues et les avenues ?


Pourquoi nos rues sont peuplées d'enfants et de vieillards mendiants; pourquoi nos hôpitaux sont des cimetières à ciel ouvert, pourquoi notre parc automobile national est un ramassis de carcasses rouillées qui sentent la mort à plein nez ?


Pourquoi, vue de l'extérieur , la Mauritanie n'a aucune industrie qui exporte un produit national compétitif et générateur d'emploi et de revenus, Pourquoi, ne produisons-nous rien commercialement ou technologiquement qui vaille la peine d'être exporté ? Et pourtant le taux de croissance est estimé à 5,7% !


Voilà la désinformation qui s'inscrit dans d'autres désinformations dont les "chiffreurs" de notre économie ont fait une gymnastique politique.


Depuis les fameux chiffres "falsifiés" livrés au FMI (qui nous ont coûté des centaines de millions de dollars du fait du report de six mois de l'effacement de la dette) le plus grand mensonge à venir fut celui de la croissance à deux chiffres !


Si la croissance économique résulte de la production totale de tous les biens et services d’un pays au cours d’une période donnée, alors on comprendra qu'en Mauritanie la croissance est bien négative; car où sont les biens et services qui en Mauritanie engendrerait une telle croissance à 5,7 % et celle des années précédentes?


En fait ce chiffre est trompeur et porte sur la croissance au sens de "l’expansion du revenu national", c’est-à-dire ce "fourre-tout" dans lequel on fait figurer le revenu de la Nation quelle que soit sa provenance!


La croissance est ainsi celle du "revenu national" pas celle de la somme des valeurs ajoutées des unités économiques du pays et qui s'exprimeraient par des variations du Produit Intérieur Brut (PIB) réel (corrigé de l'inflation) ou nominal (exprimant la valeur marchande des biens et des services produits par un pays.).


Donc la croissance dont il s'agit est bien celle du Revenu National et non pas de l'économie nationale!


En effet, la croissance économique, telle qu’elle est calculée, ne mesure que la variation quantitative d’un agrégat économique, elle n’est donc pas synonyme de développement. Le développement est généralement associé à la croissance, mais il peut y avoir croissance sans développement. C'est le cas de la Mauritanie où les taux de croissance affichés ne sont que ceux du revenu national (rente nationale).


La vraie croissance et la fausse croissance


Ainsi si la vraie croissance économique traduit la variation quantitative, durable, auto-entretenue et non réversible de la production de biens et services, la fausse croissance en Mauritanie traduit la variation quantitative non durable, auto-entretenue et réversible d'un revenu national (d'une rente pétrolière et autre) au profit d'une minorité qui a depuis longtemps (et depuis toujours) planifié son détournement au détriment du développement.La vraie croissance repose sur la fonction de production et non pas d'accumulation de revenu national (issu de la rente).


Cette fonction de production repose sur l'utilisation des facteurs de production, travail et capital. La croissance dépend donc des quantités de facteurs de production disponibles et de la manière dont ils sont utilisés.


Le facteur travail : la croissance est possible grâce à une augmentation de la quantité de travail disponible ou par une augmentation de la qualité du facteur travail utilisé.
Le facteur capital : la croissance se traduit par des Investissements qui viennent accroître ou améliorer le stock de capital technique disponible ce qui permet une augmentation des quantités de biens et services produites.

Et enfin, le progrès technique : qui accroît la productivité des facteurs de production utilisés. Près de la moitié de la croissance économique serait le fait de ce progrès technique.


Alors au vu de ce qui précède (le travail, le capital, la technique), vous la voyez où la croissance en Mauritanie ?

Erreurs d'hier reconduites pour demain.


De toute évidence de cette pseudo-croissance, le peuple ne reçoit que des miettes. Une économie pour le peuple : une économiettes.


Pr ELY Mustapha

samedi 13 octobre 2007

Le poison de l’opposition


Le dialogue et la concertation.



Qu’est-ce que l’opposition dans la nouvelle démocratie ? Rien. Que veut-elle devenir ? quelque chose. Comment s’y prend-t-elle ? Très mal.


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Sa dernière sortie médiatique, témoigne d’une timidité à toute épreuve. Une opposition qui a un président et qui agit sur un mot d’ordre n’est pas une opposition c’est soit une coalition de petits porteurs dans une assemblée générale de société anonyme, soit un regroupement d’intérêt testamentaire dans une succession patrimoniale. En tout cas ce n’est pas une opposition au sens de force de frappe et de dissuasion dans un Etat de droit.

Que s’est-il passé pour que l’opposition devienne ce qu’elle est aujourd’hui ? Simplement qu’elle n a pas tiré les leçons du passé politique récent du pays.

I- L’opposition ou la sape psychologique: les leçons du passé.

Jamais une stratégie n’a été aussi brillante et aussi sournoise que celle qui réduisit l’opposition et lui enleva sa victoire aux présidentielles et aux législatives. Ceux qui dirigèrent la transition , avaient décidé de miner l’opposition et de la réduire autant que possible à travers une stratégie de « concertation » qui a permis de « piéger » ceux qui justement pouvaient tout faire basculer. Les « renards » de la transitions aguerris aux faux compromis et aux jeux de la souricière avaient décidé de neutraliser une opposition qui à la veille du 3 Août 2005 avait une force et une légitimité qu’ils craignaient par-dessus tout. Cette opposition qui sortait d’une haute lutte contre l’ancien régime et dont certaines composantes avaient même pris les armes contre lui risquait de remettre en cause le coup d’Etat lui-même et la transition elle-même.
Il aurait suffit que l’opposition ne reconnaisse pas le coup d’état, qu’elle s’agrippe à ses acquis historiques qu’elle « tape sur la table » pour que ceux qui ont élaboré la transition dans des buts inavoués reculent et cèdent devant ses doléances. Cela ne fut pas fait parce que les renards de la transition avaient très vite identifié le talon d’Achille de l’opposition en la personne de ses leaders et notamment Ahmed Ould Daddah.

Cette identification se confirma pour eux très vite lorsque Ahmed ould Daddah fut le premier reconnaître le coup d’Etat et son apport pour la démocratie. Il devenait alors un « interlocuteur » qui allait servir de porte d’entrée, un cheval de Troie pour déstabiliser l’opposition. La bonne foi d’Ahmed Daddah n’avait d’équivalent que la mauvaise foi de ceux qui allient « l’utiliser » malgré lui. Et c’est là où l’œuvre de sape psychologique commença à la manière d’une forteresse assiégée.
Durant les premiers mois on le consultait on le travaillait dans le sens du poil et le travail psychologique finit par prendre : la conviction du leader du RFD en la volonté des militaires de céder le pouvoir à l’opposition et de façon démocratique. Par cette politique d’amadouement ils ont obtenu deux choses :

- L’immunisation : Faire passer calmement la transition jusqu’à son terme et appliquer leur plan stratégique

- La neutralisation : Assagir l’opposition à travers l’un de ses principaux leaders jusqu’à la mettre à genou
Cette situation se manifesta à travers les idées lancées par Ahmed Ould Daddah dans sa fameuse déclaration sur « l’absence de chasse aux sorcières » qui reprenait l’argumentaire du CMJD et ses déclaration dans l’interview à Jeune Afrique. ELY Ould Mohamed Vall déclarait en effet en Septembre 2005 : « Il n'y aura ni règlement de comptes, ni chasse aux sorcières, ni esprit de revanche. « (JA L’Intelligent » September 2005)
Le 07 septembre 2005 Ahmed Daddah déclarait à l’AMI : » ''j'ai confiance, en toute objectivité, dans le projet du CMJD''.
Il était devenu ce que le CMJD voulait qu’il devienne « la courroie de transmission » avec l’opposition en la « piégeant » dans le processus d’un dialogue et d’une concertation qui allait être fatal pour toute l’opposition.

« le RFD, déclarait Ahmed Daddah, en tant que parti, est favorable au principe du dialogue sur les questions nationales qui nous concernent tous. Nous nous réjouissons donc de cette initiative et pensons qu'elle marque le début d'une concertation que nous espérons approfondie, franche et exhaustive. Concernant le comité chargé du processus de transition, je tiens à préciser que cette période transitoire est essentielle parce qu'elle déterminera tout ce qui la suivra. C'est pourquoi nous estimons que tous les acteurs doivent y participer, y compris les partis politiques, la société civile, les leaders d'opinion, avec tout le sérieux et toute la franchise requise... »


Et la boucle est bouclée. Ahmed Daddah était devenu l'appât auquel on miroitait mille et une bonne intentions dont il nourrissait ses espoirs de changement.


Les militaires , en s’appuyant sur une structure gouvernementale triée dans le tas des anciens du régime précédent, avec lesquels ils partageaient les mêmes préoccupations de défense de ses intérêts et de ses basses-œuvres avait mis en place une stratégie psychologique militaire qui, comme on le sait, utilise de multiples techniques de déstabilisation de l'adversaire utilisant la psychologie préventivement, ou simultanément, à l'usage de la force.

Une stratégie qui ressemble étrangement à celle utilisée par les experts militaires dans le Chiapas mexicain : diviser et semer la confusion dans les esprits pour atteindre des buts de déstabilisation des structures villageoises. A travers une pseudo- politique d’ouverture au dialogue, le gouvernement opposait les chefs de village en accordant plus d’importance officielle à l’un deux et en le favorisant financièrement et matériellement par rapport aux autres. Ce qui, à moyen terme, entrainait la division et les blocages dans les rapports villageois. De la division et des rancunes naissaient alors les dénonciations.

Lorsque Ahmed Daddah a compris qu’il n’était pas l’interlocuteur unique du CMJD, que celui-ci jouait son propre jeu, il fît machine arrière à travers les dénonciations que l’on sait sur la « dérive » du CMJD notamment après que Sidioca fut pressenti au mois de juillet 2006 comme candidat « favori » du CMJD. Mais déjà en décembre 2006 le vent avait tourné et la stratégie du CMJD était à son apogée.

La dissidence de Messaoud Ould Boulkheir qui permit à Sidioca de remporter la victoire , tient de cette stratégie car on se rappelle très bien que pour justifier son ralliement à Sidioca, le dirigeant de l’APP avait reproché à Ahmed Daddah d’avoir eu un plan secret avec le CMJD de constitution d’un gouvernement. La stratégie de déstabilisation avait joué.

Concertation et dialogue furent les deux armes absolues de la stratégie des autorités de transition pour « endormir » l’opposition et gagner du temps pour échafauder ses plans et les mettre à exécution.
Cette stratégie de « la concertation anesthésiante » est encore aujourd’hui mise en œuvre par l’actuel régime politique car, par certains de ses aspects , il est une continuité de la transition. La présence encore aujourd’hui de l’un des personnages clef du putsch de 2005 au palais et la plupart de ceux qui ont servi la transition et le régime précédent aux postes-clefs en est la preuve éclatante.

Mieux encore, la transition avait pensé à un mécanisme pour pérenniser cette « concertation » et neutraliser l’opposition même après l’avènement de l’ère démocratique : le statut de leader de l’opposition.


Le piège institutionnel se referma alors et l’opposition est actuellement toute réduite à cette fonction de « concertation » qui lui enlève tout rôle et toute volonté sinon ceux d’entériner ce que le « leader » glane comme assurances et expressions de bonnes intentions de Sidioca sur tout et sur rien. Encore une foi la bonne foi du leader mise à contribution à travers une concertation dont on sait ce qu’elle a donné par le passé.

II- L’opposition doit réagir à la sape psychologique : tout remettre en question

Il est incontestable que l’actuel régime utilise la concertation pour neutraliser l’opposition et gagner du temps. Gagner du temps pour s’affermir politiquement et consolider son assise financière.


- S’affermir politiquement: l’expression la plus immédiate est le projet de création du grand parti présidentiel qui vise à damer le pion à l’opposition et au-delà. Quelle fut la réaction de l’opposition à ce « danger » institutionnel d’un parti-état ? La concertation !

- Consolider ses assises financières : On le sait outre que le favoritisme n’a pas quitté l’Etat, voici que commence la liquidation des entreprises publiques pour « renflouer », les caisses de l’Etat. Une cession d’actions de l’Etat dont on ne sait en fin de parcours si elle servira vraiment l’Etat à travers son budget. Et qu’elle est la réaction de l’opposition face à la menace qui touche les entreprises publiques ? La concertation !

Et qu’a donné cette concertation ? Une conférence dénonçant ces aspects relayée par la presse.

Quel impact cela aura sur la politique du gouvernement ? Rien ! On se concerte avec l’opposition mais on ne l’écoute pas. On continue à structurer le parti-état (Sidioca vient de nommer les commissions de constitution du parti) et on continue à négocier la cession des entreprises publiques.
Alors est-ce là une opposition qui a un poids sur la scène politique ? Une opposition qui s’accroche à des concertations comme si elle était l’antichambre du pouvoir . Eh bien non. Cette opposition là, le peuple n’en veut pas ! Elle est inefficace, anesthésiée par un pseudo-dialogue et réduite à sa plus simple expression : un contre-pouvoir qui ne contre rien.

Quelles sont les solutions ? Il faut que l’opposition se ressaisisse. Qu’elle quitte immédiatement ce processus de « concertation » et de « dialogue »,quelle renonce à l’institution de leader et qu’elle entre… en opposition !


Qu’elle adopte sa propre vision des problèmes à résoudre, qu’elle élabore sa propre stratégie d’intervention pour contraindre le gouvernement à discuter et à obtempérer s’il le faut.

Si les problèmes sont connus et attendent solution (refus du parti-état, refus du bradage des entreprises publiques, rehaussement du niveau de vie, dénonciation de la corruption et du trafic d’influence etc.), quelle est la stratégie à adopter ?


La voici :
- Se déconnecter du giron des pouvoirs publics et donner à l’opposition son autonomie (« pas de leader, pas de concertation »)

- Utiliser les moyens légaux pour protester : grèves limitées ou généralisée, alerte de l’opinion publique nationale et internationale

- mise à contribution des cadres et des forces intellectuelles de l’opposition pour critiquer (socialement, économiquement, financièrement) et publier leurs critiques des mesures gouvernementales partout où cela peut influencer le système (ouvrages, travaux de conférences et de colloques etc.)

- Entreprendre des meetings et des sittings de protestations

- Investir les aires d’information (presse écrite, audiovisuelle nationale et internationale) etc.


En résumé : Etre une force politique réelle qui agit sans complaisance et avec les moyens d’une véritable opposition.

Il faut inverser la vapeur, il ne faut plus que ce soit les leaders de l’opposition qui demandent audience au président de la République, il faut que ce soit le président de la république qui les requiert pour audience.
Car ce sera là, la reconnaissance de leur poids et leur capacité à influencer sur le terrain les choses et leurs cours. Dans cette optique la « concertation » ne sera plus à sens unique comme elle l’est aujourd’hui, mais une concertation dans laquelle chaque partie à un poids et peut négocier son point de vue.

Puisse l’opposition comprendre cela , sinon s’en est fini d’elle. Elle restera un faire-valoir d’une politique qui s’affermit de jour en jour, institutionnellement et financièrement.


Et alors il ne sera plus loin le temps ou elle devra se soumettre ou disparaître. Car en politique, une opposition qui ne joue pas son rôle est non seulement une traitrise à l’égard de ceux qu’elle représente mais aussi la pire des menaces pour un Etat de droit.

Pr ELY Mustapha