jeudi 31 juillet 2008

Un feuilleton malsain aux conséquences tragiques

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La saga de la désobéissance
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Depuis quelques années, le champ du politique est devenu un lieu duquel se sont retirés tous les principes et attitudes qui doivent présider à tout acte politiquement responsable . Il est des constantes qui sont ignorées et qui risquent de mettre à mal notre jeune démocratie.
La confusion entre lutte politique et volonté de déstabilisation, entre critique constructive et critique destructive, déclaration de bonne foi et déclaration de mauvaise foi, mettent aujourd’hui à mal les relations politiques, l’image de la démocratie et la crédibilité de l’Etat lui-même.

I- Un feuilleton malsain au sommet de l’Etat

La raison de cette situation réside dans trois conséquences. Historique , partisane et institutionnelle.

La première conséquence on la doit à ces longues années de pouvoir où les valeurs et les idéaux d’une nation ont été bafoués, réduisant les actes à leur plus simple expression : le silence ou la traitrise.
Années à travers lesquelles le politique a usé de l’instrument militaro-judiciaro-policier pour réduire les comportements des individus, les affaiblir, les troubler, les affamer , les acheter les avilir et leur enlever toute volonté de réagir . Plus de vingt ans de réclusion pour un peuple qui, aujourd’hui en aspirant à la liberté, se retrouve face à ceux-là même qui tiennent encore dans leurs mains les clefs de sa geôle.

La seconde conséquence vient du cadre partisan qui durant ces dernières années n’a pas donné une image fiable de lui-même. Emprisonnés, trainés devant les tribunaux pour complots fictifs et autres manipulations du pouvoir à la veille d’élections pipées, les dirigeants des partis de l’opposition ont souffert le martyre et ils ont gardé bien après la transition cette crainte de se voir encore relancé dans la tourmente du harcèlement politico-judiciaire. De cette bataille pour le pouvoir, l’opposition a perdu un pan énorme de son rôle qui est celui de l’éducation des masses. Quant à ceux qui appuyaient par le geste, l’acte et la parole la politique des tortionnaires de l’époque , ils sont aujourd’hui au gouvernement et au parlement.

La troisième conséquence est institutionnelle. Elle est la plus grave car elle touche les fondements même de l’Etat.
En effet, le « bras de fer » qui oppose actuellement le législatif à l’exécutif, vient introduire une dimension qui risque de détruire ce qui reste encore de la respectabilité de l’Etat et de ses institutions.
Dans les régimes précédents, la crise ne venait pas d’une remise en cause des institutions de l’Etat mais de la lutte pour le pouvoir. Tout tournait autour de l’exercice du pouvoir. La majorité gouvernait mal mais gouvernait. L’opposition s’opposait en souffrant le martyre mais elle s’opposait. Et dans ces rapports de forces l’Etat n’était pas soumis à caution, mais ce sont les dirigeants qui gouvernaient qui l’étaient.


II- L’instrumentalisation des institutions : la désobéissance fatale

Aujourd’hui, les promoteurs de la crise ne s’inscrivent pas dans un jeu politique préservant les institutions de l’Etat , mais ils utilisent justement les institutions de l’Etat pour arriver à leurs fins. Or on oublie qu’il ne faut pas instrumentaliser les institutions publiques à des fins politiques personnelles car la seule conséquence qui peut en résulter, c’est l’effondrement de l’Etat. C'est-à-dire le cadre institutionnel , légal et réglementaire qui préserve justement le bon déroulement de ce jeu. C’est le scorpion qui placé dans un cercle de feu se pique lui-même.

Or il ne fait pas de doute que cette instrumentalisation des institutions étatiques (Exécutif, législatif, judicaire, militaire..) a déjà commencé.
Elle a été illustrée par :

- La fronde des sénateurs, la fronde des députés : véritable révolte instituée par des élus qui devaient au contraire faire preuve de dialogue, de discrétion, et de sens de responsabilité pour ne pas médiatiser et faire d’une « foire » ce qui devait relever d’un rapport responsable entre institutions constitutionnelles.

- La remise en cause de la capacité du Président à gouverner : atteinte à l’image de celui qui en toute circonstance est le symbole de la force, de la crédibilité et de la stabilité de l’Etat.

- L’appel par un leader de l’opposition à « court-circuiter » le Président pour dialoguer avec les militaires : Rejet de la légalité pour recourir à la dissuasion forcée et au blocage des institutions.

- La remise en cause de la crédibilité de l’entourage proche du Président lui-même, en focalisant sur la Fondation de son épouse.


- La mise à contribution par les militaires de membres du législatif pour infléchir l’exécutif : interférence dangereuse et aux conséquences imprévisibles.

Cette instrumentalisation des institutions va avoir des conséquences éminemment négatives sur la croyance en l’Etat.
Elle le fragilise, banalise ses mécanismes, le réduit à une arène de discorde et donne de lui une image des plus médiocres.

Pire, encore, elle instaure dans les actes et les esprits, face à un Etat faible instrumentalisé, ce qui détruit toutes les nations : la désobéissance !

Lorsque l’Etat n’est plus respecté, lorsque ceux qui sont sensé en garantir la stabilité et la force donnent à tous ses échelons l’exemple de la tension et de la discorde, alors que voit le peuple et quelles conséquences dans les esprits ? La désobéissance.

La désobéissance. Y a-t-il plus grave que cela sur la stabilité du pays et sa sécurité ?
Lorsque la désobéissance est donnée en exemple au sommet de l’Etat, lorsqu’elle devient un moyen de bloquer les institutions et à les décrédibiliser, il ne faut pas surtout en vouloir ni au peuple, ni à ceux qui sont aux aguets ,de conquérir le pouvoir par la violence.

Les tensions au sommet d’un Etat fragilisé dans son image et dans ses gouvernements aboutissent forcément à la déstabilisation sournoise qui n’est autre que la guerre civile ou le terrorisme.

De nombreux exemples en Afrique nous ont montré que lorsque l’Etat perd sa force institutionnelle (discorde dans ses institutions) ou sa force politique (décrédibilisation de ses gouvernants), il nait et s’affirme une désobéissance qui prend prendre toutes les formes : de la guérilla à la guerre civile, en passant par les actes génocidaires.

Nous l’avons vu en Côte-D’ivoire, au Libéria, dans l’ancien Zaire , au Rwanda… et les exemples sont nombreux. Mais le dénominateur commun à toutes ces crises est la désobéissance qui prend sa source dans une absence, une fragilité, une dislocation et une contestation de l’Etat. Etat décrédibilisé dans son image et dans ses actes et qui ne peut contenir une haine contenue, qui dans chaque peuple, est contre quelqu’un ou quelque chose. Et qui n’attend que de s’exprimer.

En conclusion.

Cette saga politique malmenant les institutions qui se déroule comme un feuilleton malsain au sommet du pouvoir sème déjà dans le peuple une image éminemment négative de l’Etat. Image de discorde et de désobéissance qui si l’on y prend garde pourra se traduire autrement et de façon bien plus tragique.

Pr ELY Mustapha

2 commentaires:

  1. Cher Prof.

    je crois que vous éxagerez quelque peu, dans votre analyse des conséquences éventuelles, que peut susciter l`actuel bras de fer, entre le Président de la République, qui a choisi d`aligner de ses cotés, tous les communément appelés - Roumouz Elvesad, et le Sénat.
    Autrement, entre le pouvoir législatif, et celui de l`éxécutif.

    Il s`agit à mon avis, d`un signe fort de bonne santé démocratique, certes sans précédent, dans les annales de l`histoire du systéme des institutions politiques du pays.
    Mais et alors?
    C`est en forgeant qu`on devient forgeron, mais c`est aussi en éxérçant la démocratie, dans le respect bien sûr, de ses régles et institutions, qu`on forge le systéme de démocratie et ses valeurs dérivées, pour l`aessoir sur une fondation solide.
    Il me semble que l`institution du président de la République, ce monstre froid, doit avoir
    comme équilibre indispensable, un réel et performant pouvoir législatif.
    Je crois fort bien, qu`on assiste aujourd`hui, à la naissance de cette forme réelle d`équilibre institutionnel, que notre systéme politique, n`a jamais pu convenablement générer au passé.

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Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.