jeudi 17 juillet 2008

Et si on se passait d’Etat ?


La question n’est pas curieuse pour tout observateur du « rendement » de l’ Etat actuel pour la Nation. Dans cette optique l’Etat , dans sa forme actuelle, est probablement une non-nécessité.
En effet ,devant le délabrement de la socéiété et de ses valeurs, de son niveau de vie et la confiscation son avenir, l’on peut légitemement se poser la question: l’Etat dans sa forme actuelle est-il utile ?

L’Etat devenant un foyer de mauvaise gestion des ressources publiques et de leur dilapidation par un cercle d’individus identifié et identifiable et qui vivent en toute impunité, la question prend alors tout son sens.

Que gagne le citoyen, à savoir la majorité du peuple, dans l’existence de l’Etat ? Rien. Tous les secteurs économiques vivent le désastre et la gabegie. La santé , l’éducation, l’agriculture pour ne citer que ceux-là, sont dans un état des plus désastreux.

Il est donc normal que le citoyen s’intérroge sur l’utilisation des ressources de l’Etat. Des ressources faramineuses qui sont versées dans des projets dont l’impact sur la vie du citoyen n’est pas évidente. Au contraire, chaque jour qui passe est un fardeau de plus qui réduit le niveau de vie du citoyen.

Alors si dans un pays , avec tant de richesses, l’Etat n’arrive ni à générer un quelconque développement , ni à relever le niveau de vie des citoyens, ni à leur donner l’espoir en un avenir meilleur, alors la question est encore plus justifiée : Peut-on se passer d’Etat ?
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Dans toute entreprise, on se débarasse du mauvais gestionnaire. Un mauvais gestionnaire, et l’entreprise va à sa perte. Or l’Etat mauritanien, à travers ses dirigeants est un mauvais gestionnaire notoire.

En effet, si l’on pensait simplement remettre à chaque citoyen sa « part » dans le revenu national de son pays , il pourra détenir un patrimoine générateur d'investissement et de richesses (I) cela aboutirait aussi à assainir le champ d'un politique matériellement opportuniste (II) et à créer un "Etat minimal" financé par un pourcentage autorisé du revenu national et prenant en charge uniquement les services vitaux relevant de son pouvoir régalien (III)


I- Répartir les biens sur les citoyens

Lorsque l’on voit tant de misère en Mauritanie, où 90 % de la population crève la dalle, où la mendicité peuple les rues, l’on peut se dire que cela pourrait en être autrement, si chaque citoyen recevait directement sa part de revenu national de son pays. « Directement », parce que chaque personne (de tout âge) recevra sa part.

Pour illustrer cela référons-nous à la loi de finances pour la gestion 2008.

Cette loi de finances totalise pour les ressources de l’Etat : 228 825 000 000 d’ouguiyas.

Si ce montant était répartis sur la population totale mauritanienne, pour laquelle on retiendra 3 millions d’habitants, chaque habitant recevra exactement : 76 Mille 275 ouguiyas.

Soit un revenu mensuel pour chaque mauritanien de 6 Mille 356 ouguiyas

Il convient de noter que chaque Mauritanien, quelque soit son âge, recevra ce montant.
Ainsi dans une famille comptant les deux parents et trois enfants, le revenu mensuel de cette famille sera de 31 mille 781 ouguiyas ! Revenu qu'elle peut cumuler avec le revenu de son travail, ou épargner. Etant donné que l'épargne est la plaie dans la prévoyance familliale.

C’est autant dire que pour les familles plus nombreuses, le revenu sera plus élevé.

Alors on voit bien que si cette somme était remise à qui de droit , c’est-à-dire au Mauritanien, il serait riche d'un revenu mensuel lui assurant de ne pas tomber sous le seuil de subsistance.

C'est ce qu’il est en fait, mais il ne reçoit rien car ce revenu national est autrement reparti . Voici comment :

- Il finance à 80 % une administration inéfficace et omnipotente constituée à majorité de fonctionnaires fictifs, un gouffre financier de fonctionnaires dont la valeur ajoutée à l’économie non marchande est peu évidente.

- Il finance des projets économiques et sociaux dont la rentabilté est douteuse et confiée à des budgétivores qui les gèrent comme leur propre patrimoine.

- Il finance , un gouvernement qui coûte cher dans ses émoluments et sa gabegie (voir mon article sur ce que nous ont coûté les deux derniers gouvernements en cliquant ici.)

- Il finance un service de la dette que l’Etat, par ses charges faramineuses, alourdit chaque jour. Entrainant un endettement "per capita" hypothèquant l’avenir.

Le budget est donc détourné vers des financements dont la rentabilité pour la nation reste à démontrer.

-Un gouvernement inefficace qui se disloque tous les mois, incapable de gérer quoi que ce soit.

- Des départements ministériels qui tournent à vide en employant des budgets qui sévaporent dans l’impotence administrative.

- Des corps militaires et de sécurité dont l’éfficacité est douteuse. Sinon menacer les institutions républicaines. Une armée de millers d’hommes en stationnement dans les casernes qui absorbe un budget énorme (ne figurant même pas dans la loi de finances) et dont la valeur ajoutée est nulle. Un corps de police, gangréné par la corruption et qui fait supporter à la nation un poids financier injustifié, car il se finance ailleurs.

Bref, un budget qui ne sert qu’à maintenir, contre vents et marées, un Etat bâti sur des structures gouvernantes inefficaces, des structures adminstratives exécutantes inéfficientes et corrompues et des corps constitués dont le rendement est aussi stériles que leur existence.

Alors pourquoi ne pas répartir le budget, c’est-à-dire les ressources nationales sur les nationaux?

Les revenus qu’ils recevront leur permettront de s’assurer les services vitaux (santé, éducation, culture etc) que l’Etat ne peut leur offrir car ils auront les moyens de pouvoir y accéder.

II- Assainir les "convictions" politiques nécessiteuses

Sur le plan psychologique et de salubrité de la gestion publique, tout le monde ne sera plus intéressé par les emplois publics. En effet, sans voler au ras des paquerettes, on sait que s'il était donné à la plupart des gestionnaires publics peuplant oisivement l'administration publique de recevoir un revenu sans être obligés de hanter à longueur de journée leurs bureaux, il est certain qu'ils choisiront l'option du départ de l'administration.

En effet, en Mauritanie plus de 80% et même plus de détenteurs de postes publics (tous rangs confondus) occupent ces postes par nécessité de salaires. D'ailleurs leur absentéisme est revélateur de leur relatif engagement dans l'esprit du service public. Ils pourront facilement libérer ces postes s'ils reçoivent une part de revenu national leur permettant de s'assurer une vie honorabe et pourquoi pas investir dans leurs propres projets. Projets générateurs de richesse pour la nation.

Quant aux politiciens le raisonnement est quasiment le même. Leur course effrenée vers les "postes" ministèriels et autres ne s'explique, en tout cas en Mauritanie, pas forcèment pour défendre une idéologie ancrée et une conviction philosophique de changer la société, mais principalement pour s'assurer des revenus et une retraite d'avenir. Ce raisonnement ne pouvant cependant être généralisé, il suffit toutefois de passer à l'expérience et d'offrir à nos politiciens actuellement en course des revenus honorables pour les voir quitter le champ du politique. Ils continueront probablement à s'y intéresser mais pas en tant qu'acteurs directs mais en tant que groupes d'influence (ayant des projets économiques et autres à défendre).

Ainsi, grâce à la distribution de revenus, le champ du politique ne sera plus un champ de recherche de subsistance mais un véritable lieu d'engagement idéologique où celui qui s'y engagera ne le fera pas par opportunisme matériel , mais par conviction.

Ainsi libérés, les champs politique et administratif seront naturellemnt sélectifs
. Le premier recevra ceux qui seront convaincus de leur engagement politique et qui pouront s' y consacrer. Le second recevra ceux qui détiennent de hautes compétences dans la gestion publique (rehabilitation des écoles de gestion publique, et renforcement des filières spécialisées: finance, diplomatie, sécurité etc.).

Pour la sécurité, la justice, l’ordre (soit les pouvoir régaliens de l’Etat) ils peuvent être confiés à une organisation politique « allégée », qui peut prendre l’appelation d’Etat-collégial, sans qu’elle n’ait de rapport avec la structure ancienne. Cet « Etat -collégial» sera financé de façon à ce qu’il ne reçoive que les moyens nécessaires pour réaliser ses fonctions régaliennes. A savoir, la justice, l’ordre, la sécurité, la défense, les affaires étrangères, les finances et l’économie. Ce dernier ministère aura un rôle réduit à la collecte des ressources nationales, et à la surveillance de l’économie. En effet, la mise à disposition de telle ressources financières pour les agents économiques se doit d'être accompagnée, à travers une législation économique d'ordre public, d'une maîtrise de l'inflation à travers un contrôle rigoureux des prix et de la spéculation.

Les services sociaux allant de la sécurité sociale à la santé, seront confiés à des organismes à participation privée qui les prendront en charge. Le citoyen y cotisant au prorata des revenus qu'il reçoit de l'Etat. Les infrastructures hospitalières, éducatives, culturelles etc. seront promues par l'investissement privé et sous surveillance des organismes de contrôle technique publics. Les politiques publiques se réduisant à orienter les investissements (dans les villes et les régions pour équilibrer le développement national et dans les secteurs socio-économiques prioritaires) , à contrôler la viabilité des projets à intérêt public et à surveiller leur réalisation.
Les pouvoirs publics sont elles-mêmes liées par un programme annuel à réaliser (fraction d'un plan pluri-annuel indicatif de développement) qu'elles doivent justifier en moyens et en résultats devant l'assemblée du peuple.

III- Financer un Etat « allégé » ou Etat-collégial

Sur le revenu national et après consensus de l’assemblée du peuple (le collège), l’Etat prélèvera un pourcentage sur le total du revenu national annuel, avant répartition aux citoyens. Ce pourcentage est accordé sur la base de la justification du montant alloué l’année précédente et certifié par la Cour des comptes et un organisme indépendant.

Le budget de l’Etat sera donc accordé par l’assemblée et non pas auto-octroyé par l’Etat à lui-même comme c’est le cas aujourd’hui.

L’assemblée du peuple, comprenant un élu de chaque région, ayant un caractère collègiale, est seule habilitée à tenir les livres de la nation pour l’ensemble de ses revenus (fer, pétrole, pèche etc …) et veillera à la gestion des comptes pour les générations futures.

Avec ce mode de gestion des ressources publiques, la part revenant à l’Etat-collégial deviendra plus importante car le citoyen réalisant sur son revenu des investissements dans les différents secteurs , créera certainement une formation brute de capital fixe que l’Etat peine aujourd’hui à réaliser . L’initiative privée, qui a les moyens de son action, est beaucoup plus dynamique que l’initiative publique, lourde omnipotente et dilapidatrice des moyens , dans la création des richesses.

En vérité, dans le contexte actuel des Etats modernes, lourds ayant acquis des droits sur tout le patrimoine de la Nation qu’ils gèrent avec autorité, la question de savoir si l’on peut se passer de l’Etat dans sa forme actuelle est une vue de l’esprit. Mais si l’on regarde au fond des choses et que l’on constate tous les milliards annuels dont dispose un Etat qui ne peut sortir sa population de la misère, l’on ne peut logiquement que dire que c’est l’Etat qui en est la cause. Que ce n’est ni la conjoncture économique, ni le manque de moyens qui sont en cause mais l’Etat lui-même.

Alors les effets connus, il est logique d’éliminer la cause.

Nous continuons donc à penser que le mal de la Mauritanie, vient de l’existence de l’Etat. L’Etat dans sa forme actuelle, dans ses gouvernants et courtisans actuels, dans son administration publique actuelle, bref dans l’Etat tout court.

Aussi nous maintenons que le salut du pays et son développement , tient dans la mise en place d’un Etat minimal, aux ressources minimales, avec des structures de gestion efficaces et transparentes, avec une redistribution des ressources nationales équitable sur l’ensemble des mauritaniens.

L’Etat ne disparaîtra probablement pas. Mais la misère, elle, le doit.

Pr ELY Mustapha

3 commentaires:

  1. Prof, cet article est le seul que j'ai lu sur ce sujet. Personne ne peut penser la disparition de l'Etat, car c'est impossible et c'est même imaginaire. Mais quand j'ai lu jusqu'à la fin, je crois que si on le veut bien l'état peut être sérieusement amélioré. Mais comment? En mettant tout le monde en prison, ou trouver des gens raisonnables au pouvoir.

    La gabégie n'est plus justifiée et les gens ont faim.

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  2. En tout cas les fonctionnaires, dont je suis, sont d'accords pour avoir un revenu qui leur permet d'élèver leur niveau de vie.

    Imaginer que le montant que vous proposer à distribuer aux citoyens est pour une famille de dix personnes (et il n' ya que ça et plus que ça!!!) est supérieur à celui d'un haut fonctionnaire!!!

    Donc merci pour cette approche. on espère que vos idées soient beaucoup beaucoup lus pour améliorer les choses.

    Amitiés

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  3. professeur, vosu parlez que de buget de l'état, mais est-ce que tout rentre dans le budget?

    il y a des milliards (vol sur le pétrole, sur le revenu du poisson, sur le fer ) qui sont pas dans le budget et qui vont dan sles comptes de nos Roumouz el veçad!!!
    alors si on répartit vraiment les ressources alors c'est mille fois le montant pour chaque pauvre mauritanien.

    Il faut comme vous dîtes, allégé l'état et le réduire à son rôle de surveillance.

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Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.