mardi 30 mars 2010

Ici et maintenant !

Lettre à mes soeurs et frères maures (et autres).

Je suis revenu hier de Nouakchott. J’ai vu la misère mais je n’ai vu aucune réaction sensible au discours « arabisant » du Premier ministre.

Toutefois, certains indicateurs ne trompent pas. Des indicateurs qui ne sont que des signes avant-coureurs de quelque chose de plus grave qui se prépare. Le passé récent nous a bien appris que lorsque les gouvernants se mettent à jeter en « pâture » au public un argumentaire de division et d’intolérance, cela peut aller très loin. L’homme de la rue, plus que tout autre se saisit très vite des « positions » (surtout extrémistes) affichées par les gouvernants pour justifier tous ses actes.

Aussi, il est urgent que nous nous solidarisions pour empêcher le pire qui est prévisible. De nous rapprocher davantage de nos frères négro-mauritaniens, de contacter tous ceux qui peuvent être joints (amis , familles, connaissances) pour leur signifier notre fraternité et notre solidarité et surtout leur signifier la « fatuité » de telles propos « politiquement intéressés » qui ne peuvent en aucun cas emporter ni la conviction ni l’adhésion de citoyens responsables chérissant leur pays avec toutes ses composantes humaines et raciales.

Il ne faut pas que de dirigeants mus par l’appétit du pouvoir, l’allégeance aux despotes voisins et la mesquinerie des parias idéologiques, nous divisent.

Une Mauritanie, sans négro-mauritaniens est inconcevable. Et on n’en veut pas ! Une Mauritanie sans négro-mauritaniens est une chimère dont personne ne veut. Notre diversité doit être notre force. L’uniformisation des « espèces » n’est pas une loi de la nature, mais une loi du nazisme. Est bien imbécile celui qui croirait qu’une Mauritanie « Maure-maure », vaudrait mieux qu’une Mauritanie pluriethnique, riche de ses cultures, de ses couleurs, de ses belles langues et dialectes, de ses parlers vivants.

Oui, c’est de cette Mauritanie que nous voulons. Dont on avait dit qu’elle était « un trait d’union », un lien , une passerelle , un creuset de civilisation qui fait notre fierté d’être d’ici, de là. De là-bas et de partout. Une Mauritanie plurielle, dans ses langues et cultures, qui se conjugue au singulier en tant que nation.

La Mauritanie, n’est ni l’est , ni l’ouest. Elle n’est ni le nord, ni le sud. La Mauritanie, c’est tout cela à la fois et rien de tout cela. Elle est unique. Elle est un pays qui demande à ce que ses enfants cessent de regarder vers d’autres pays pour calquer leur devenir sur ce que ces pays veulent qu’ils deviennent. Une idéologie extravertie ne sert que les extravertis.

Notre espoir, immédiat, n’est ni le monde arabe, ni le monde africain. Notre espoir c’est d’abord nous. C’est notre capacité à nous prendre par la main et de construire notre pays. Quel regroupement, arabe ou africain fut-il, voudrait d’un pays pauvre ? D’un pays exsangue ?

Chères soeurs, chers frères,

Notre avenir, c’est de nous tenir la main, toutes composantes confondues. De ne pas céder au discours de la division et de la haine. De nous regarder avec les yeux de la fraternité et d’affirmer, haut et fort, notre volonté de vivre ensemble, ici et maintenant.

Le pire qui puisse nous advenir, c’est de céder au bon vouloir « téléguidé » de dirigeants aussi éphémères que leurs discours irresponsables.

Si c’est notre humanisme qui nous guide, alors il n y a plus humain que ce que nous enseignent nos cultures arabe et berbère.

Si c’est notre religion commune qui nous guide, vous le savez, Dieu a bien dit que le « meilleur d’entre-vous est le plus croyant » et non point que « le meilleur d’entre-vous a la peau la plus claire ». Ni même qu’il doive parler arabe ou être arabe.

Et l’amour de la patrie est une foi. Et notre foi à nous, c’est de vivre ensemble, au nom de nos cultures, de notre religion et de notre destinée commune. Tout le reste est une dangereuse cogitation d’un régime qui cherche à plaire (à d’autres régimes obscurs) pour assurer sa survie (politico-financière). Il est vrai que l’obscurantisme, se nourrit du chaos.

Pr ELY Mustapha

dimanche 28 mars 2010

Je reviens de Nouakchott


Ould Abdel Aziz a besoin d’un fusible


Je suis rentré hier soir de Nouakchott, après une escale de détente suffocante dans la ville de poussière. Nouakchott.

Mon œil contemplateur du voyageur incognito (et pour cause) que je suis, m’a permis de remarquer que Mohamed Ould AbdelAziz est en train de faire de bonnes choses (il faut bien que je retourne ma veste de temps à autre non ? Sinon comment serai-je nommé à un poste quelconque ?).

Oui, vous avez bien lu. Le putschiste devenu président est en train de réfectionner toutes les routes de Nouakchott. D’autre part, les vieux tacots de Nouakchott et les voitures illégalement importées ou n’ayant pas payé les droits de Douanes sont en voie de disparition, comme les dinosaures.

J’ai, en effet, pu constater de visu, que l’asphalte a pris un coup de neuf et une peur bleue tenaille les possesseurs de véhicules non dédouanés. Ainsi, ces derniers n’empruntent que les voies impraticables pour échapper aux brigades douanières qui sillonnent la ville. Ils ne profitent pas de l’asphalte du président.

En fait, une peur bleue tenaille tout le monde. Les fonctionnaires, les premiers se sont vus drastiquement réduits en nombre. Et ceux qui possèdent encore miraculeusement un emploi ont une peur bleue, non pas du vendredi (jour du seigneur) mais du mercredi (jour de Ould Abdel Aziz).Ils craignent le Mercredi comme le jour dernier. Le mercredi c’est le jour de conseil de ministres où le général, dit-on, tonne de mille feux contre ses ouailles. Et le communiqué issu de ce conseil est tellement attendu que chacun "cauchemardise" d’y laisser la peau… de son bureau.

Quant au général, il est très proche du peuple, il parcourt les quartiers populaires où il tient des discours tellement populaires que chacun se demande si le général président n’a pas été dans une vie antérieure (à Sidioca) charretier. Un socialisme-populiste qui étonne ses adversaires qui le prennent parfois pour un stakhanoviste des dunes.

Toujours est-il que Ould Abdel Aziz, triomphe. Il surfe sur la sensibilité populaire et promet monts et merveilles de "Hay essaken" à "Neteg jembe". L’eau, l’électricité, les écoles, les hôpitaux … Bref tout ce qui manque et tarde à venir. Aziz a pris le contrepied de son prédécesseur, il va au peuple, il a un parler franc, il promet…il promet.

Mais Aziz est-il sur la bonne voie ?

Telle est la question qui se pose à propos de ce président qui très visiblement navigue à vue. Nous l’allons voir dans les lignes suivantes. Nous partirons d’un constat empirique issu de notre discrète (LOL) présence à Nouakchott (I), pour montrer que Aziz est en train de courir de sérieux risques pour son régime et pour sa personne du fait de l’insouciance totale qu’il affiche quant aux mécanismes institutionnels de sa protection. Ce ne sera pas, en effet, le premier président mauritanien mal conseillé et qui eût à en pâtir. Il n’a pas prévu dans un circuit politico-social en surchauffe, le « coupe-circuit » adapté pour assurer la continuité de son action. Sans « fusible » politique, le temps d’Aziz est compté. Un compteur dans un circuit surchauffé sans disjoncteur (II).

I- Confusion entre superstructure et infrastructure

L’on pourrait croire que tant d’efforts d’un général qui cherche la crédibilité devraient augurer d’un climat national serein, mais il n’en est pas ainsi. Au contraire, le climat social est très tendu. Les raisons principales, les plus ostensibles, en sont les suivantes :

- Le pouvoir d’achat s’est fortement détérioré
- La liquidité monétaire s’est drastiquement réduite

Les ménages sont surendettés tant auprès des commerçants de proximité qu’auprès du système bancaire. Le niveau des salaires ne suit pas le mouvement des prix et leur régularité est aléatoire.

Les entreprises n’investissent plus et l’offre en biens et services s’est réduite accompagnant une baisse de la demande, signe d’un ralentissement économique qui appauvrit le pays et participe à l’usure du capital des agents économiques sous l’effet de la non-croissance.
Aziz n’a pas compris que le discours populiste, même s’il s’accompagne de réalisations d’infrastructures ostensible ne peut être détaché d’un plan social d’accompagnement permettant la réduction des tensions.

La formation brute de capital fixe (routes, bâtiments, etc.) ne contribue pas à court terme à remplir le couffin de la ménagère. Elle y participe long terme quand elle entre comme vecteur indirect au service de la croissance des unités économiques nationales. Or qu’est-ce que le PIB, si ce n’est la somme des valeurs ajoutées de unités économique d’un pays en un temps T.

L’erreur de Aziz est de croire que la superstructure (le politique) est tributaire de l’infrastructure (formation brute de capital fixe). L’accroissement du réseau goudronné de Nouakchott est-il un facteur de cohésion nationale ? Pourrait-il être un élément substantiel dans l’accroissement du pouvoir d’achat du citoyen ?

D’autre part, le facteur socioculturel de la réceptivité par le mauritanien des actes faits en sa faveur n’a pas été pris en compte. La donne culturelle est absolument absente de l’approche infrastructurelle.

Qui connait le mauritanien, sait, que du fait de son tempérament, de la « haute estime » qu’il a de sa propre personne, il rejette tout acte même fait en sa faveur mais qui lui est imposé. Si ce n’est pas un rejet total c’est au moins un ressentiment d’être foulé du pied. Nous avions déjà consacré un article à cette donne socioculturelle du temps où Aziz était un putschiste non encore légalisé (lire ici : Vive Aziz! Et ici : qui est prêt à perdre ?)

II- Un fusible pour Aziz

En effet, ce que Aziz ne semble pas ressentir dans son élan d’après-élection, par lequel il essaye de prouver qu’il mérite son élection, c’est que l’ensemble de ses actes génèrent une tension très particulière. Une tension dont il n’a prévu ni l’étendue, ni les moyens d’y faire face. L’enfer, dît-on « est pavé de bonnes intentions ». Les bonnes intentions d’Aziz ne sauraient suffire à faire accepter ses réalisations embryonnaires dans un pays où depuis plusieurs années, les dirigeants n’ont dû leur maintien qu’au pouvoir des armes et leur destitution qu’à leur absence au propre et au figuré.

Mais ce qui fait défaut à Aziz, président putschiste démocratiquement élu, c’est justement sa trop grande présence. Aziz est trop visible. Il s’expose. Pris dans l’image iconique du « président des pauvres ». Il construit. Harangue. Limoge. Et pense que cela est suffisant pour que tout aille « pour le mieux dans le meilleur des mondes ».

Cependant, Aziz en travaillant pour les « pauvres », a oublié dans sa frénésie populiste que ce ne sont pas les pauvres qui décident en Mauritanie. Ce ne sont pas les pauvres qui défont les régimes en Mauritanie. Ce ne sont pas les pauvres qui trahissent. Ce ne sont pas eux qui fourbissent les coups d’Etat et les coups de palais. Ce ne sont pas eux qui, détachés des contraintes du pain quotidien, discutent à longueur de journée, dans les salons cossus, des voies et moyens de grignoter le pouvoir ou de prendre leur revanche.

Les pauvres en Mauritanie, prennent ce qu’on leur donne, mais ne font ni ne défont les gouvernements. L’investissement d’un gouvernant chez les pauvres est une excellente stratégie pour un Président d’un pays démocratique, à tradition démocratique, et autour duquel le consensus généré par une cohésion non simulée (par la politique du ventre notamment) renforce son action. En Mauritanie, les pauvres ne sont pas un bouclier mais des boucs émissaires.

Or considérant la surchauffe économique susmentionnée, un mécontentement social ne manquerait pas de surgir dont certains ne manqueront pas de profiter, Aziz a plus que besoin de mécanismes pouvant le sortir de l’ornière dans laquelle, il est en train de se fourvoyer.

Dans les pays démocratiques, présidentialistes notamment, le Président de la République se façonne un bouclier à travers l’institution du « Premier ministre ». Ce dernier sert souvent de bouc émissaire lorsque les décisions prises (souvent prises par le président lui-même) entrainent une tension et menacent le président, sa crédibilité ou la confiance placée en lui. C’est le Premier ministre qui « saute » pas le Président. C’est, pourrait-on dire, un « fusible » institutionnel. Le Président reste, le Premier ministre s’en va. Et le Président nomme un nouveau « fusible »…

Pour que cependant un tel « Premier ministre-coupe circuit » puisse exister, il faut qu’il soit crédible en sa personne et capable d’assumer la responsabilité des actes …du Président.

En Mauritanie, Aziz, ne bénéficie pas d’un tel mécanisme institutionnel. Certes le premier ministre existe, mais il ne semble exister que pour exister. Pire encore, il est un facteur aggravant de la surchauffe sociale et politique.

Ses dernières considérations discursives sur la langue arabe versus les langues nationales, n’ont pas été un élément de paix sociale. Ce premier ministre semble travailler d’un côté et le Président de l’autre. Le second travaille à découvert, le premier derrière les murs. Un Premier ministre intra-muros. Un Président sur les talons.

Le diagnostique sur la situation actuelle telle qu’approchée de visu à Nouakchott permet de dire que Mohamed Ould Abdel Aziz est pris dans un sérieux engrenage :

- D’abord, un « milieu » politique immédiat qui le porte au nues (courtisans et autres chimères de palais) et qui désinforme le Président sur les réalités du pays,

- Ensuite, un espace politique d’opposition (connaissant l’entêtement de Aziz) qui lui fait croire qu’il s’oppose à ce qu’il fait mais dont le but inavoué est de pousser Aziz davantage dans l’impasse socio-économique dans laquelle il s’est lancé, espérant une crise qui le bloquerait ou l’éjecterait (civilement ou militairement) au plus vite du pouvoir.

En définitive, Aziz risque de s’écraser sous le poids d’un élan populiste qu’il pense durable et porteur. Mais qui en fait s’émousse sous l’usure d’un quotidien socio-économique difficile pour les populations et en surchauffe sensible.

Ce qui manque donc à Aziz, en l’absence d’un « disjoncteur » politique, est un fusible qui le mettrait à l’abri d’un « court-circuit » socio-économique. Sans plan social d’accompagnement de son action, réducteur des tensions, sans stratégie politique nationale associant les acteurs nationaux (société civile notamment) permettant le dialogue réducteur des conflits, Aziz est un acrobate qui travaille sans filet sur une corde raide.

Pr ELY Mustapha

samedi 13 mars 2010

L’Etat mauritanien : en genre et en nombre.



De la responsabilité de la femme mauritanienne dans le devenir du pays

Derrière chaque grand homme dit-on il y a une femme. Mais hormis le regretté Mokhtar Ould Daddah, et quelques figures historiques d’avant l’indépendance, les grands hommes, en Mauritanie, il n y en a pas eu.

Des hommes qui ont pillé le pays, qui ont réduit l’Etat à une succession de coups d’Etats, qui ont terni l’image interne et externe du pays, ceux-là on en trouve à la pesée. Mais pourquoi en sont-ils arrivés là ?

Par quelle mécanique ont-ils été mus ? Plusieurs facteurs propulseurs de cette mécanique ont été ici débattus. De l’opportunisme politique au clientélisme débridé en passant par l’alliance du ventre et la dissolution des principes et des valeurs, tout a été vu et revu dans la dynamique autoentretenue de cette mécanique destructrice de l’Etat et de la Nation. Cependant, jusque là les acteurs manipulant ses leviers furent tous identifiés par leurs fonctions : militaires, politiques, commerçants, fonctionnaires… Et , aussi évident que cela soit-il, ils ont un dénominateur commun : ce sont tous des hommes.

La Mauritanie a des maux qui sont des mâles ?

Cela signifie-t-il que tous les malheurs politico-socio-économiques de la Mauritanie, viennent du genre masculin ?

Nul ne nierait en effet, que la politique mauritanienne et la gestion des affaires publiques a été et continue à être une affaire d’homme. Le genre masculin est aux commandes de l’Etat et monopolise ses structures de gouvernance et de gestion. Mais derrière cette apparence, l’homme est-il seul aux commandes?

En d’autres termes, les comportements criminels de pillages, d’enrichissement sans cause, de détournement des biens publics, de corruption etc. sont-ils nés de la simple volonté du genre masculin ou y a-t-il d’autres facteurs qui l’ont poussé, sinon contribué, à ce qu’il les commette ?

L’homme mauritanien est-il né naturellement un rapace des biens de la collectivité nationale ? Non.

Sa religion le lui permet-il ? Non.

Son Education en fait-il un être socialement enclin à cela ? En principe, Non.

Alors, si le genre masculin mauritanien est devenu le rapace public, y a-t-il d’autres facteurs latents, invisibles, non apparents, mais qui ne sont cependant pas sans une influence notable sur le comportement de l’homme mauritanien face aux biens publics et aux biens d’autrui? Qu’elle est alors l’influence qu’il a subie dans son entourage. Et du plus proche de son entourage : la femme mauritanienne.

La femme mauritanienne y est-elle pour quelque chose ?

La question pourrait être posée. Car s’il est vrai que c’est souvent l’homme qui est au devant de la scène, il n’en demeure pas moins que c’est une éminence grise, la femme, qui pourrait influencer et interagir sur le comportement (Ô combien répréhensible) de l’homme mauritanien dans la gestion de la Nation.

Quelle part de responsabilité supporte la femme mauritanienne dans le déclin social, politique et économique du pays ?

Il serait illogique de faire de la femme mauritanienne une personne étrangère au comportement de l’homme mauritanien dans toutes les sphères de la vie de la nation.

En serait-elle même l’instigatrice et le maître d’œuvre ? Serait-ce une forme de vengeance sociale (II) sur ce que l’homme mauritanien lui a fait subir(I) ? Et quelles conséquences cela a-t-il eu sur la gestion de l’Etat mauritanien (III)? Et comment la femme mauritanienne peut-elle contribuer à sauver la Nation (IV)?

I- La femme mauritanienne : victime de l’homme mauritanien

La femme mauritanienne a subit durant tant d’années les caprices de l’homme mauritanien, qui,profitant de son statut matrimonial, en avait fait un être de « rechange », qu’il épousait, répudiait et désertait de son plein grès.

L’homme mauritanien est, dans sa généralité, un être irresponsable matrimonialement. Il a profité des largesses de la tradition et des facilités du divorce musulman, pour faire défiler à son gré des épouses, en chapelets et les répudier quand bon lui semble. Il suffisait qu’il ait les moyens de son divorce (parfois dérisoires) et les moyens de son remariage (souvent lourds) pour convoler d’épouse en épouse.

Première règle donc : plus l’homme est aisé plus il divorçait.

Sa capacité de se re-re-remarier était proportionnelle au volume de sa bourse (sans jeu de mots), et inversement proportionnelle à son sens de la responsabilité familiale.

Il lui fallait donc moins de jugeote sociale, et plus de moyens pour assouvir ses desseins.

Se marier n’était plus, avec la détérioration des valeurs socioculturelles de ces dernières années qu’une question de moyens matériels et financiers.

Plus il se mariait plus l’homme se sentait reconnu par ses pairs. Mais pour cela il devait être riche. Et pour être riche, il fallait hériter, travailler ou…voler.

Hériter dans un pays pauvre c’est rare comme l’eau.

Travailler n’est plus une valeur sociale.

Le vol étant, lui, applaudi et encouragé, on comprend alors l’origine de la dot.

Dans cette masculinité de l’homme mauritanien qu’il mesure au nombre de ses mariages, qu’est-il advenu de la femme mauritanienne ?

Répudiée dans une gestuelle aussi simple que de boire du thé, la femme mauritanienne, se retrouve rejetée de son « foyer », souvent enceinte ou trainant une ribambelle de bambins qui iront crécher chez leurs grands parents ou peupler les trottoirs de la grande ville.

Répudiée sans moyens et sans droits, la femme mauritanienne a souffert l’enfer de la mère sans famille. Sans foyer. Elle a vu ses enfants sans père, et a connu les affres de la mère divorcée.

Il n’est pas un foyer mauritanien, qui ne compte bon nombre de filles divorcées, souvent à la fleur de l’âge et une pléiade d’enfants qui n’ont pas connu leur père. Non pas qu’il ait disparu, mais parce que l’homme mauritanien, comme les tortues, ne s’occupe pas de sa progéniture.

En divorçant, il abandonne la femme et les enfants à leur sort. On comprend alors l’ampleur du désastre. La femme, se réfugiant chez ses parents, n’ayant souvent pas les moyens de subvenir à leurs besoins s’en remet à son sort

La femme mauritanienne, a donc capitalisé tout au long de ces années de souffrances, des leçons pour sa survie post-matrimoniale. Elle a compris que :

- Le mariage, n’est pas une fin en soi.

- Le mariage n’est pas sécurisant, tout comme le mari lui-même.

- Le mariage est une simple « promotion » sociale pour l’homme.

- Le mariage est aussi éphémère que le mari lui-même.

Conséquence :

- Sachant qu’il n’est pas une fin en soi, lui trouver une fin quelconque.

- Sachant qu’il n’est pas sécurisant, se protéger en accumulant les moyens.

- Sachant que c’est une simple promotion sociale, ne pas s y accrocher.

- Sachant qu’il est éphémère, savoir être prévoyante.

L’attitude de la femme mauritanienne, vis-à-vis du mariage et du mari, notamment après maints divorces, commençait à ressembler à celle du prisonnier qui découvre que ses chaines pouvaient aussi servir à étrangler son geôlier.

Le mari étant si éphémère, insécurisant et volatile, elle se devait de trouver la contre-attaque. Et cette contre-attaque la femme la trouva dans la course avec le temps dans l’accumulation la plus rapide possible de moyens lui permettant de faire face à l’inéluctable : sa répudiation.

Il fallait qu’elle puisse dans le laps de temps du « mariage », tirer du mari les moyens qui lui permettront de survivre après son départ. Ni le mariage, ni le mari ne sont désormais une finalité. Ce qui l’est c’est son sort après son divorce et la sécurité matérielle de la progéniture que le mari ne manquera pas de lui laisser, souvent sans état d’âme, sur les bras.

Cela se résume en une phrase : « s’il veut rester qu’il reste, s’il s’en va je ne serai pas démunie ». Une forme d’instinct de conservation. Instinct que la femme mauritanienne a su développer face aux aléas de son statut et à l’irresponsabilité matrimoniale de l’homme mauritanien. Apte à se marier, apte à procréer, mais incapable de conserver son foyer.

D’ailleurs, le divorce en Mauritanie est une gymnastique, qui a d’ailleurs pris une telle ampleur qu’il est entré dans les mœurs, comme un état naturel conséquent du mariage. Et ceux qui en pâtissent ne sont hélas que les femmes et les enfants.

II- La vengeance de la femme mauritanienne : l’homme-tirelire

L’accumulation de tant d’années de spoliation de ses droits, d’assujettissement et de répudiation la jetant dans la misère, elle et sa progéniture, la femme mauritanienne a compris que sa survit dépendait de sa capacité à tirer de son partenaire tout moyen lui permettant de faire face aux aléas de sa vie de divorcée potentielle.

Le mari n’est plus une fin, mais un moyen. L’exploiter n’est que juste cause pour préparer l’avenir. C’est ainsi que la femme mauritanienne devient exigeante, réclame et déclame, quand il le faut, ses besoins permanents, en moyens matériels et financiers. Besoins auquel le mari éphémère se doit de souscrire. Exploitant ainsi une caractéristique de la « vantardise » socioculturelle de l’homme mauritanien l’amenant à se couper en quatre pour répondre aux exigences de son épouse . Et cela au risque d’y laisser son boubou et son salaire pour dix ans, pourvu qu’il ne soit pas traité "d’incapable".

D’où la loi du zèle qui peut s’énoncer ainsi : le zèle du mari à satisfaire les exigences matérielles et financières de son épouse (au prix de sa vie) est inversement proportionnel au temps qui s’est écoulé depuis la célébration du mariage. Ainsi plus la date du mariage est récente plus le mari est enclin à vendre sa chemise pour sa dulcinée, plus cette date s’éloigne plus le zèle diminue et le divorce pointe à l’horizon.

Une telle loi du zèle marital n’échappera pas à la femme qui aura su « gérer » le temps et les moyens de son mari en prévision de sa sortie qu’elle voudrait la moins pénible pour son confort chez ses parents.

C’est ainsi que face à un mariage, initié par un individu guidé par des instincts autres que ceux de fonder un foyer durable et sécurisant, d’élever et d’éduquer ses enfants dans la dignité, la femme mauritanienne se venge chaque jour de cet homme matrimonialement irresponsable.

III- Les conséquences sur l’Etat et la gestion publique

Si la femme mauritanienne a développé face à l’injustice qu’elle subit, des moyens adaptés pour se défendre, les conséquences d’une telle attitude sont souvent désastreuses lorsqu’il s’agit de la gestion des biens de la nation.

En effet, l’Etat mauritanien est gangréné, depuis des dizaines d’années par toutes les formes de soustraction de ses biens. Ceux de la collectivité nationale. Corruption, malversation, détournements, fraude etc., sont devenus des signes distinctifs de la gestion publique.

Ceux qui ont réalisé de tels actes l’ont fait pour s’enrichir, mais beaucoup sous l’impulsion de leurs congénères. Peut-on dire que la femme d’un responsable public ou privé qui a érigé le vol des biens publics (financiers et matériels) en activité permanente, est absolument non concernée par son activité ?

La notoriété des personnes appelées « roumouz el vessad » ne doit pas, dans un sens de stricte logique de société mauritanienne (où tout se dit et tout se sait), échapper à leurs compagnes. La question est de savoir si leurs compagnes ont été pour quelque chose dans leur activité criminelle ?

Si l’on s’en tient au comportement de "vengeance" développé par la femme mauritanienne, il est probable que le mari réponde à la « loi du zèle » précédemment mentionnée.

Les moyens sont connus et la femme n’hésiterait pas à pousser son conjoint à lui fournir toujours plus. Et ce dernier n’hésite pas non plus, dans le fameux élan de « virilité démonstrative» et de « m’as-tu-vu » propre à la plupart des hommes mauritaniens, dans une société qui vénère le « le tape-à l’œil », d’aller jusqu’au bout de ses exigences. Il doit être à la « hauteur » de son image. N’est-il pas « Voulan ibnou Voulane » ? Il se remémore alors les propos de sa compagne :

« Pourquoi « un tel » est ministre et pas toi ? Cet idiot qui vient d’être nommé est-il plus compétent que toi ? Pourquoi a-t-il une VX et pas toi ? Pourquoi sa femme est mieux habillée que moi ? Pourquoi il a des villas partout et pas toi? Etc. »

Et voilà l’homme qui se met à vouloir prouver quelque chose. Pour aller plus vite, il devient un courtisan du pouvoir. S’il gère une caisse, il va commencer à se servir. S’il n’a pas de caisse mais de l’autorité, il fera du trafic d’influence. Et s’il a une brigade, il fera un coup d’Etat.

A en croire (soit dit en passant) , certaines informations, les épouses de certains putschistes auraient été à l’origine des coups d’Etat en Mauritanie. En son temps un certain X ould Y en avait fait la démonstration (voir son blog ).

On comprend l’influence de la femme mauritanienne à l’échelle d’épouse de chef d'Etat, de ministre, de PDG de société nationale, de chefs de projets, de comptables publics etc. Sa vengeance est donc un putsch permanent.

IV- Comment la femme mauritanienne peut sauver la nation.

Aragon disait que « la femme est l’avenir de l’homme » (n’en déplaise à certains de nos oulémas bornés). En Mauritanie, aujourd’hui et plus que jamais, la femme mauritanienne doit venir à la rescousse de l’homme mauritanien. La faillite de ce dernier mène le pays au désastre. Le masculin-pluriel est en souffrance. Le féminin-pluriel est ardemment sollicité.

La femme mauritanienne, est appelée à aider à reconstruire les valeurs sociales en dépérissement depuis une trentaine d’années.

En effet, s’il peut y avoir un catalyseur de cette prise de conscience par l’homme de ces actes, c’est bien la femme. Elle pourra efficacement contribuer à redresser les travers acquis par son congénère durant ces longues années qu’a traversées la Mauritanie et qui l’ont réduit en un pilleur, sous l’effet des systèmes sociopolitiques corrompus qui ont dirigé le pays.

Pour cela, il faudrait que la femme mauritanienne, se débarrasse de tant de pratiques éculées qui ont fait d’elle un être qui vît à l’ombre d’un autre et qui dans cette pénombre lutte pour sa survie à l’encontre même des intérêts de son congénère.

Cette lutte sourde enrobée des us et coutumes sociaux et travestie dans une relation économique dans laquelle l’opulence de l’homme est l’alpha et l’oméga de l’avenir de la femme, se doit de trouver son terme.

Mais s’il est urgent que la femme mauritanienne intervienne pour aider à rejeter les non-valeurs qui minent le pays, il faudrait que tout le système matrimonial mauritanien soit revu et corrigé dans le sens de donner à la famille, et à ceux qui la compose les mêmes droits et les mêmes obligations.

Il est vrai que tant que l’Etat mauritanien ne fait pas de la « cellule familiale », le creuset dans lequel se bâtit l’avenir de la nation, il n’ ya point de salut.

Tant que l’homme ne voit dans le mariage qu’une cérémonie festive et dans la femme un « objet à usage jetable ». Tant qu’il n’est pas civilement et pénalement responsable de sa famille à laquelle il doit subsistance et protection ; tant que l’épouse n’est pas protégée dans son foyer et dans ses droits de compagne et de mère, alors l’homme continuera ses actes irresponsables.

Par ses épousailles sans limites, il a contribué et continue encore à contribuer à l’éclatement des foyers, à l’enfance malheureuse, aux femmes désespérées et sans soutien, en somme à tous les ingrédients d’une société sans avenir. Une société dont les enfants sont sans éducation et dont les mères sont abandonnées à leur sort, va nécessairement vers la faillite sinon l’éclatement et la violence.

Si l’homme mauritanien à détruit l’Etat, par le pillage, le vol et la corruption, il tire nécessairement sont comportement de l’absence de responsabilité qu’il développe déjà dans ses relations sociales. Et si la Femme mauritanienne a bien compris cela, il est nécessaire qu’elle intervienne auprès de l’homme mauritanien pour aider à réhabiliter les valeurs sociales perdues, car, plus que nulle part ailleurs, la femme mauritanienne occupe une place considérable dans « l’emploi du temps » de l’homme mauritanien.

Il faut qu’elle transforme sa vengeance latente , en un combat privé et public visant la conscientisation de son partenaire sur ses actes destructeurs en commençant par se refuser elle-même à le pousser à de telles actes.

En définitive, pour mieux comprendre la faillite et le devenir de l’Etat mauritanien, sa gestion doit être saisie dans ses deux aspects : en genre (masculin/féminin) et en nombre .

Cette approche est bien plus édifiante et rend mieux compte de ses difficultés. En effet, jusque-là les maux de l’Etat mauritanien s’accordaient au masculin-pluriel, en nombre d’hommes (« roumouz el vessad »), il est désormais important qu’il s’accordent aussi au féminin-pluriel pour comprendre sa pénible réalité.

Toutefois, les considérations de cet article ne concernent que celles et ceux qui s’y reconnaissent. La femme mauritanienne et l’homme mauritanien, pris dans leurs particularismes, ne peuvent être ramenés à ce schéma global. Il y a des couples heureux, des familles soudées, il y a des hommes mauritaniens qui sont responsables et des femmes mauritaniennes qui développent les valeurs et les essaiment.

Ce n’est, en vérité, que lorsque le matérialisme galopant frappe la société ou que la soif du pouvoir domine des clans entiers et que la cupidité sonne aux portes des postes publics, que l’homme devient ce qu’il est. Et il est certain que derrière certains actes de certains hommes, il y a la main mise de certaines femmes. Et il est certain qu’au point où en est l’Etat et la société, le salut ne viendra que de ces dernières dans chaque catégorie sociale, dans chaque poste public, dans chaque foyer de Mauritanie.

Pr ELY Mustapha

vendredi 12 mars 2010

Il était une fois à Nouakchott.

C'est le sous-titre de ce roman de notre compatriote Aichetou Mint Ahmedou. C'est l'histoire d'une vie et ses péripéties dans une société tiraillée entre son passé et les exigences de son devenir.Un roman qui ne laissera pas indifférents ceux qui ont connu le Nouakchott d'autrefois. Chacun y découvrira, aussi, la richesse d'une nation et les subtilités socioculturelles de sa société. Tout cela à travers une narration si vivante que les personnages en deviennent si vrais. Un roman repère dans une société qui en cherche. A lire.

Nombre total de pages vues

Nombre de visiteurs

Poésie de la douleur.