samedi 30 juin 2007

Discours à la Nation du Président


Fallait-il un discours ?


Sage, posé lisant conscieusement son discours avec quelques hésitations et quelques points de silences entrecoupés par des gestes brusques signes que la vidéo a subi quelques coups de ciseaux .

Tel s’est présenté en son et image au grand public, dans ce premier discours à la Nation, le Président Sidi ould Cheikh abdallahi. Un seul thème : nos compatriotes exilés à l’étranger, leur retour et la responsabilité des autorités de l’ancien régime dans les exactions qu’ils ont subies.

Un discours qui aurait pu tenir en quatre lignes : « Nous allons rapatrier les réfugiés mauritaniens, nous reconnaissons la responsabilité de l’Etat Mauritanien, et nous demandons à leurs frères en Mauritanie de leur préparer le meilleur accueil ».

Fallait-il un discours pour cela ?

Eu égard à la situation actuelle que vit le pays, il ne fait pas de doute à cela et pour plusieurs raisons.

Il fallait un discours pour voir se manifester publiquement celui qui depuis son éléction, travaillant dans l’ombre, se devait de réitérer à la Nation l’un des points essentiels de ses engagements électoraux : le retour de nos frères déportés.

Ce discours a aussi permi de voir l’homme dans son contexte présidentiel, le verbe à la bouche avec ses gestes et son phrasé non imposés par un quelconque choix électoral : le président au naturel. Et une telle apparition vaut pour ceux qui savent regarder et écouter bien plus qu’une leçon.

D’abord, la sincérité du discours ne fait pas de doute. Le ton et la manière sont ceux d’une personne déterminée à aller jusqu’au bout .

Ensuite, quelques vibrations dans la voix au moment de parler de la responsabiilité du régime précédent trahissent bien une émotion qui , si elle devait s’expliquer par quelque chose, exprimerait une décision difficile mais qui finit par être prise : mettre à la charge des gouvernants précédants les crimes et les délits commis à l’égard des populations déportées.

Cependant, nulle part dans ce discours , cette reconnaissance de la responsabilité de l’ancien régime ne vaut amnestie pour ceux qui gouvernaient en ce temps là. Nulle part dans ce discours cette reconaissance n’a été présentée comme visant à absoudre ces gouvernants des crimes et des délits qu’ils ont commis.

Reconnaitre les responsabilités, organiser le retour dans les meilleurs conditions des réfugiés furent l’essence de ce discours. Discours clair qui évita une langue de bois qui, on le sait, depuis la confrontation du président sidioca, avec son rival Ahmed Ould Daddah en débat télévisé, ne lui est pas chère.

Maintenant le discours doit s’accompagner d'action.
Joindre le geste à la parole c'est ce qu’attendent maintenant les populations concernées.
Car il ne fait pas de doute que ce discours renforce le capital -confiance en la personne du président, mais on le sait: en politique les promesses publiquement tenues sont une épée de Damoclès au dessus de celui qui les tient.

Ainsi, dans les prochains jours, les premiers retours de nos frères exilés seront pour le Président Sidi ould Cheikh Abdallahi une première victoire sur ses détracteurs et le peuple se souviendra de son discours comme une étape historique sur la voie d’une Mauritanie reconciliée.

Dans le cas contraire, on se souviendra de ce discours comme celui d’un homme qui visiblement était sincère, engagé et convaincu de ses actes.... mais que l’on n’a pas laissé faire.

Pr ELY Mustapha

*L'image illustrant cet article est intitulée " l'exil ". Reproduction d'une oeuvre de l'artiste canadien Claude Théberge.

vendredi 29 juin 2007

L’Interview que le président de la République n a jamais donnée


Il est probable que celui qui n’occupe pas la place du Président de la République, ne ressente pas la même chose et ne peut comprendre ses préoccupations et ses contraintes.

Aussi avons-nous essayé d’imaginer ,eu égard au contexte de son élection et de ses engagements, les réponses qu’il aurait pu donner aux différentes questions que chacun se pose et sur lesquelles il y a mille et une spéculations.

Il est, en effet, notoire que le Président n’a jamais pris la parole en public pour répondre à ces questions. Nous les posons quand même à notre imagination mais une imagination qui s’inspire de faits constatés.

Q : Monsieur le Président, pourquoi n’êtes vous pas intervenu pour parler au peuple et lui donner réponse aux mille intérrogations qu’il se pose sur le gouvernement et sur votre façon de gouverner ?

Le Président : Vous savez je suis de nature discrète et je n’ai jamais aimé les feux de la rampe. Je ne compte que sur l’action pas sur les paroles. J’agis, cela ne se voit pas car je suis prudent . J’’agis lentement mais sûrement. A chacun ses méthodes. J’ai pris des engagements vis-à-vis du peuple pour les réaliser dans des délais que j’ai fixés (exemple un an pour les réfugiés) mais je n’ai jamais dit que je vais gouverner à la hussarde. Nulle part dans mon programme politique je me suis engagé à faire une course contre la montre sur quelque sujet que ce soit.

Q : On vous reproche de laisser trop de place dans vos décisions à la volonté de votre entourage immédiat, le colonel Abdelaziz notamment qui ne vous laisserait pas les coudées franches et qu ‘il aurait d’ailleurs influencé la plupart de vos décisions...

Le Président: Vous ne pensez quand même pas que je vais vous dire que c’est vrai. Vous savez , il a toujours existé chez les commenttateurs de la vie publique, une tendance à inventer des intrigues de Palais, celle-ci en fait partie. Le Colonel AbdelAziz est le commandant du BASEP et à ce titre il bénéficie de prérogatives liées à la sécurité de la présidence.Le rapport hiérarchique est respecté.

Q : Qu’ils vous accompagne en prière le vendredi à la Mosquée, fait partie du rapport hiérarchique ?

Le Président : Dans la mosquée, la maison de Dieu il n’y a plus de hiérarchie. C’est un croyant comme moi et la prière réunit tous les musulmans au-delà de leurs différences.

Q : Mais pourquoi lui, plutôt qu’un autre ?

Le Président : Tout est question de circonstance. Il était là quand je suis venu.

Q : Vous auriez pu quand même nommer un autre colonel pour diriger le Basep.

Le Président : On ne change pas une équipe qui gagne. Sincérement, sans lui serions-nous passés par une transition qui nous a mené à la démocratie et à l’élection d’institutions démocratiques ? Et puis, lui, plutôt qu’un autre, il a fait ses preuves.

Q : On vous reproche monsieur le Président de recevoir tout le monde et n’importe qui au Palais, gaspillant votre temps et votre énergie...

Le Président : Venant de m'installer, il fallait bien que je prenne le pouls du microcrosme politique et au-delà. Et cela en un temps très court. C’est ce que j’ai fait et je n’ai refusé de rencontrer personne pour ne pas engendrer la frustration qui , en politIque, est source de tous les dangers.

Q : Mais quel rapport entre recevoir le chef de file de l’opposition , Ahmed Ould Daddah et une entreprise privée prônant l’energie nucléaire ?

Le Président : tout est question d’énergie. Il faut savoir où la dépenser pour mieux s'éclairer...

Q : Monsieur le Président, on vous reproche d’avoir consacré la reconduction des dignitaires de l’ancien PRDS dans les rouages-clefs de l’Etat en les nommant à des postes importants...


Le Président : Soyons sérieux. J’ai été élu parce que j’ai été soutenu par des partis, des groupes et des individus.
Il va de soi qu’ils n’ont accepté de me soutenir que sur la base de certaines conditions si je réuississais. Aujourd’hui que je suis élu, ce serait contraire à mes principes, à la parole donnée et aux préceptes de notre sainte réligion, qui recommande de souscrire aux engagements tenus, de ne pas remplir ce sur quoi je me suis engagé.
On m’a fait confiance, j’ai réussi . Je dois prouver que j’ai été digne de cette confiance. Dans le cas contraire, même mes adversaires dignes de ce nom se doivent de me le reprocher.

Q : Mais voyez-vous , parmi ceux qui vous ont soutenu, il y a ceux auxquels ont reproche bien des choses qui normalement devraient les écarter de la vie publique.

Le Président : Je pourrai vous tenir le raisonnement du Président du RFD sous la transition qui disait que "tant qu’un tribunal n’a pas condamné qui ce soit pour un délit ou un crime on ne peut rien lui reprocher". Donc tout le monde est potentiellement innocent. Ce qui juridiquement est vrai. Mais il faut dire que j’ai quand même essayé, durant tout ce temps de tergiversation dans les nominations, de choisir entre deux maux , le moindre.

Q : Monsieur, le président tant de coupures d’électricité et d’eau , on consacré chez le peuple l’idée suivant laquelle on ne fait rien de concret pour y remédier. Cela est-il justifié ?

Le Président : Oui Cela est justifié dans la perception du peuple qui ne voit pas ce qu’on est en train de faire pour remédier à cela. Nous avons trouvé devant nous une résistance jusque chez les décideurs des entreprises fournissant les services d’eau et d’électricité. Ces derniers étaient habitués à une inertie et une omnipotence qui mettaient vraiment à mal la continuité de ces services. Pour rétablir tout cela, il fallait procéder par à-coup et gérer la situation pour écarter au plus vite les éléments de blocage.
Durant ce temps bien entendu, la gestion de ces compagnies laissait à désirer mais le peuple ne voit que cela mais pas le travail de fond que nous entreprenons pour y remédier et cela ne se fait pas en un jour eu égard aux habitudes, à une culture du laissez-aller ....

Q : Monsieur le président , votre premier ministre a déclaré récemment que le budget de l’Etat accusait un sérieux déficit de 37 millards d’UM, ce qui par la suite a été relativisé sinon contredit par la publication de la situation du Trésor public. Pourquoi une telle conradiction ?

Le Président: Je ne mettrai pas tout sur le compte de l’inexpérience du premier ministre. Ce dernier a déjà eu à gérer des institutions financières telle que la Banque Centrale et connait très bien l’importance qui doit être attachée à l’évaluation d’une situation patrimoniale ou des actifs financiers d’un organisme tel que l’Etat. Je crois qu’il ne s’est pas trompé mais qu’il a retenu une situation budégtaire en intégrant des paramètres surévalués telle que la dette du Trésor. Une situation qui a été ajustée par la suite..

Q : On lui prête pourtant l’intention d’avoir voulu anticiper un déficit budgétaire futur qui aurait été utilisé pour justifier l’irresponsabilité du gouvernement au cas où la politqiue menée n’atteindrait pas ses buts.

Le Président : Je ne crois pas que mettre à la charge d’une gestion passée le fiasco d’une gestion future soit de bonne méthode. Au contraire, je crois simplement que dans sa déclaration de politqiue générale le premier ministre a voulu, au-delà des chiffres, attirer l’attention sur une mauvaise gestion antérieure qui , il est vrai, n’est pas sans incidences sur la gestion actuelle...

Q : Monsieur le Président qu’est-ce qui vous a géné le plus durant ces premières semaines à la Présidence ?

Le Président : D’abord, cette idée selon laquelle, qu’étant constitutionnellement dotés de pouvoir importants, le Président de la République peut tout faire.
Ceci est erroné en réalité car le Président ne gouverne qu’en tenant compte d’un environnement politique et social, d’hommes et de multiples relations qui freinent et son action ou tout au moins la ralentisse. Les paramètres politiques, humains, sociaux, financiers, et même internationaux à prendre en considération sont souvent plus difficile à gérer que la prsise de la décision elle-même.
Et en démocratie, la décision se doit, par définition, d’être réfléchie d’où sa relative lenteur .
Ensuite, cette culture populaire du préjugé défavorable qui domine à l’égard de ceux qui gouvernent. Ceci résulte probablement de la politqiue menée durant ces dernières années.
Il est temps que l’on prête un préjugé favorable à ceux qui gouvernent jusqu’à preuve manifeste du contraire. Je crois que l’actuel gouvernement est jugé sous cet angle socioculturel déterminé par le résultat à court terme, mais avec le temps et les réalisations cette attitude changera sûrement.

Q : Les dernières nominations aux postes diplomatiques et consulaires ont été critiquées comme étant une reconduction dans le système, des membres du gouvernement de l’ancien président Ould Taya...

Le Président : En effet, la plupart de ceux qui ont été nommés à ces postes sont issus de l’ancien régime. Mais y a-t-il une antinomie entre l’éligibilté à un poste actuel et le portefeuille occupé dans des gouvenement précédents. Sinon je serai lepremier concerné.
Maintenant si quelque chose est reproché à une quelconque de ces personnes, il reste à en rapporter la preuve. Surtout si cette preuve peut l’empécher d’occuper cette fonction.

Q : Monsieur le président il y a quand même une philosophie dans votre attitude à l’égard de ces nominations..

Le Président : Oui, au-delà de tout cela , je suis convaincu que si beaucoup d’attitudes ont été reprochées à des personnnes , cela est dû aussi à l’ancien système et à sa culture qui a favorisé cela. Je suis convaincu que dans cette ère nouvelle démocratique dans laquelle nous essayerons de promouvoir le respect, l’égalité et le bien-être, les hommes changeront ; et leurs comportements aussi.

Q : Vous souscrivrez donc à la philosophie Camusienne : « il y a en l’homme plus de choses à admirer qu’à mépriser ».. .

Le Président : Sauf que nous vivons une situation qui n’est pas la peste...

Q : Mais pourtant, monsieur le président, l’on a failli crier famine...sur la scène internationale.

Le Président : Ce fut une alerte qui n a pas bien été refléchie ni concertée et la solution en a été trouvée. Un plan d’achat et de distribution de céréales a été mis en place.

Q : On dit qu’en fait les demandes d’aide internationale ne profitent pas à ceux auxquels cette aide est destinée. Et que c’est une pratique visant à enrichir un certain milieu en Mauritanie.

Le Président : Vue ma situation je ne saurai préjuger d’actes dont je n’ai pas la preuve. Une enquête pourra être diligentée par le Premier Ministre à ce propos puisque l'un des responsables de cet appel à famine a déjà été limogé. C’est autant dire que nous réprouvons cet acte.

Q : Soutenez-vous lePremier Ministre dans l’affaire dite de la SODECI ?

Le Président : Si ce n’était pas le cas, serait-il encore premier ministre ? C’est l’évidence même.

Q : Probablement que vous ne voudriez pas envenimer les choses..

Le Président : Non , le premier Ministre n’est pas au-dessus des lois. Seulement rien d’illégal n’a été constaté dans l’attribution du marché des billets d’avion à la SODECI. Il y a eu appel d’offre, dépouillement, choix de l’adjudicataire par une commission dûment instituée et attribution du marché. La procédure est légale, les délais ont été respectés.

Q :Mais il y a bien un lien de parenté entre le Premier Ministre et le bénéficiaire du marché...

Le Président : Si l’on s’avisait de tenir compte des liens de parenté dans l’attribution des marchés public en Mauritanie,on n’attribuera jamais de marchés à qui que ce soit, puisque en Mauritanie, tout le monde est parent de tout le monde de près ou de loin.
La parenté n’est pas un critère pour résilier un marché. Les seuls critères sont réglementaires, techniques et financiers. S’ils sont réunis, le reste n’est que préjugés. Toutefois, je concède que si un pouvoir quelconque a été exercé à l’égard de la commission ou si un abus de pouvoir quelconque est constaté, les conséquences sur le marché en seraient autres .

Q : Qu’en est-il de la drogue et de ceux qui ont mis a mal le pays et son image en s’enrichissant de ce fléau?

Le Président : L’interpol mène son enquête sur laquelle nous n’interférons pas. Notre police lui prête main forte pour établir la vérité et les responasbilités. Il ne fait pas de doute que nous oeuvrons à éradiquer ce fléau et à sanctionner ceux qui le pratiquent proportionnellement à leur degré de responsabilité...

Q : Même si ce sont des personnes bien placées dans les rouages de l’Etat ? Ne craignez-vous pas des blocages dans ce cas-là ?

Le Président : Certainement, nul n’est au-dessus des lois. Mais bien entendu, il faut que cette responsabilité soit bien établie et non basée sur des allégations et des oui-dires. La gravité de la chose le nécessite. Quant aux blocages, il n’en tient qu’à la justice de remplir son rôle.

Q : Monsieur le Président, une dernière question. Vous avez consenti à renoncer à 25% de votre salaire, pourquoi pas 35% ou 45 % par exemple ?

Le Président : (sourire) Là encore c’est un exemple de la complexité de chaque décison que le Président de la République doit prendre.
Il doit réfléchir avant de la prendre. C’est-à-dire vérifier quelles en seront les conséquences sur les autres.
Ainsi relativement à cette décision, j’ai choisi un pourcentage non pénalisant du revenu...des ministres. Car le salaire d’un ministre est inférieur à celui du président.
Car il était logique que si je renonçais à une part de mon salaire la « solidarité gouvernementale » imposerait certainement aux ministres d’en faire de même. J’ai donc pensé que 25 % c’était raisonnable. Que serait-il arrivé si j’avais opté pour 45% ? Les plus braves se serreront la ceinture, les moins nantis feront un départ volontaire. Le salaire ne pouvant assurer le train de vie d’un ministre, il devient difficile de rester ministre.

Q: Enfin, monsieur le Président, quel dernier mot voudriez-vous adresser à ceux qui vous critiquent.

Le Président: A ceux qui sont dans l'opposition et qui me critiquent, je dis: c'est votre rôle mais faîtes-le de bonne foi; pour ceux qui sont dans la majorité et qui me critiquent, je dis: si vous êtes de bonne foi, n'en faîtes pas votre rôle.

Q: Monsieur le Président, mais "la bonne foi", ça existe en politique?

Le Président: Qui cherche trouve.



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Propos recueillis imaginairement dans une rencontre imaginaire sur des faits qui ne le sont pas.

Pr ELY Mustapha
*L'image illustrant cet article est intitulée "le voyage imaginaire". Reproduction d'une oeuvre de l'artiste canadien Claude Théberge.

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Poésie de la douleur.