Mais les loups veillaient.
Il leur a tendu la main. Ils l’ont mordue.
Ils l’ont encerclé. Ils ont affaibli son autorité. Ils ont bloqué ses décrets à l’Imprimerie officielle. Ils ont monté les parlementaires contre lui. Ils ont sapé ses alliances. Ils ont semé le doute, utilisé sa famille, sali sa femme. Puis ils ont lancé l’assaut. Le 6 août 2008, Mohamed Ould Abdel Aziz, son propre chef de garde, frappe. Coup d’État. Les communiqués militaires se succèdent. Sidioca est prisonnier.
Ce jour-là, les Mauritaniens ont applaudi.
Mais le pays venait de signer un pacte maudit.
Depuis, le malheur ne les a plus quittés.
Dans le Coran, la malédiction touche ceux qui trahissent la vérité, rompent leurs engagements, pratiquent l’injustice ou refusent la guidance.
Elle n’est pas symbolique, elle est réelle, destructrice, durable, parfois générationnelle.
Elle frappe les peuples, les chefs, les hypocrites.
Elle ôte la baraka, ferme les cœurs, bloque les issues.
C’est peut-être ce que la Mauritanie a hérité depuis le 6 août 2008.
فَبِمَا نَقْضِهِم مِّيثَاقَهُمْ لَعَنَّاهُمْ
“Parce qu’ils ont rompu leur engagement, Nous les avons maudits.”
Sourate An-Nisa, 4:155
Rompre une alliance, une parole donnée ou trahir un mandat est cause de malédiction divine.
Ould Abdel Aziz, le putschiste glorifié, s’est cru invulnérable. Il a gouverné dix ans, en accumulant pouvoir, biens, humiliations. Il a muselé les voix, trafiqué les marchés publics, dilapidé les biens de l’État. Il a piégé l'économie dans un modèle de prédation clanique. Puis est venu le tournant : Ghazouani, son frère d’armes, son successeur désigné, s’éloigne. Le sol se dérobe. La justice se réveille. Le dossier du siècle l’étrangle : le procès de la décennie, 29 milliards détournés. L’ex-président est jugé, condamné, humilié.
Le tombeur de Sidioca tombe à son tour.
Autour, les fidèles d’hier se taisent ou fuient. Le système se fissure. Les affaires s'enlisent. La SNIM vacille. L’État paie des fonctionnaires qui ne travaillent plus. Le chômage explose. Les jeunes fuient par la mer. L’administration pourrit. L'opposition se délite. Le peuple ne croit plus à rien.
Et Ghazouani ? Il tient le trône comme on tient une braise. Chaque décret aggrave une fracture. Chaque remaniement trahit une impasse. Il a hérité d’un appareil vicié. Des fonctionnaires clients. Des généraux rois. Un pays qui a vendu son âme pour une illusion de stabilité.
La malédiction de Sidioca est totale.
Car on n’humilie pas un soufi sans en payer le prix.
Ce président, jugé faible, s’était contenté d’agir selon sa conscience. Il avait tenté d’indemniser les victimes de la déportation. Il avait baissé son salaire de 25 %. Il avait demandé des comptes aux compagnies publiques. Il avait refusé de céder aux clans.
Mais dans un pays dressé sur la prédation, la justice est une hérésie.
Ils l’ont sacrifié.
Et depuis, chaque main qui l’a poignardé saigne à son tour.
Ce n’est pas une croyance. C’est un constat.
Ils l’ont renversé. Ils sont tous tombés.
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Ould Abdel Aziz : président tout-puissant, aujourd’hui prisonnier condamné.Humilié.
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Le général Ghazouani : piégé par un régime hérité, bloqué de l’intérieur. Déboussolé.
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Les parlementaires frondeurs : réduits au silence, minés par leur propre cynisme.
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Les affairistes de l’ombre : enrichis hier, exposés aujourd’hui.
Même les militaires doutent. Même les barons s'inquiètent. Le pays n’a plus de cap. L’État est devenu un théâtre d’ombres, dirigé par des hommes sans paix, sans vision, sans mémoire.
Le peuple se souvient.
Il se souvient de ce président effacé, moqué, silencieux. Mais il voit aujourd’hui que lui seul avait parlé de justice, de réconciliation, de dignité.
Sidioca n’a pas perdu le pouvoir. Il l’a quitté avec la conscience tranquille.
Ceux qui l’ont pris, eux, l’ont payé.
Et le paient encore.
Pr. ELY Mustapha
Mon ouvrage: Un soufi parmi les loups. (date de publication 2023)
Cet ouvrage est le premier volume d'une trilogie de trois volumes : De Sidioca à Ghazouani.
Le second volume a été aussi publié voir plus bas

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