samedi 12 juillet 2025

Le jour où Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî, vint en Mauritanie. Par Pr ELY Mustapha.

Un matin d’harmattan sur les dunes, alors que le vent soulevait des tourbillons de sable ocre, un homme descendit de sa monture, enveloppé dans un burnous aussi blanc que son savoir. 
Ce n’était pas un prince, ni un chef de tribu, mais un homme dont la parole valait plus que mille sabres : Shaykh Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî. Son regard, profond comme les puits de Tichitt, semblait lire les douleurs de cette terre qui l’avait vu naître. 
 
En Mauritanie, ce pays aux mille silences et aux sagesses oubliées, il ne venait pas conquérir, mais rappeler. Rappeler les mots d’Allah dans un désert assoiffé de justice, de vérité et d’équité. Et ce jour-là, c’est tout un peuple blessé mais digne, qui , à travers un pauvre citoyen,  l’arrêta pour l'interroger ...

 

Citoyen : Shaykh Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî, notre Mauritanie souffre. La corruption gangrène nos institutions . Des milliards sont détournés dans des projets fantômes, comme les 60 milliards MRO évoqués par l’Inspection Générale de l’État en 2022. Comment expliquer cette dérive ?

 

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : Mon frère, Allah dit dans Son Livre : « Ne dévorez pas mutuellement vos biens par des moyens illicites » (Coran 2:188). Ces pratiques violent le pacte social en Islam, où le gouverneur est un berger responsable de son troupeau. Ibn Taymiyya rappelait que « la justice est la base du pouvoir » – or comment établir la justice quand les caisses publiques sont pillées ? Mon ouvrage Adwâ-ul-Bayân souligne que toute richesse mal acquise corrompt l’âme et la société.

 

Citoyen : Les hôpitaux manquent de tout : 2,36 médecins pour 10 000 habitants, des maternités sans matériel, et 5 décès maternels pour 1 000 naissances. L’État n’y consacre que 4,12% de notre produit intérieur brut de la Mauritanie.

 

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : Le Prophète () disait : « Celui qui ne se soucie pas des affaires des musulmans n’est pas des leurs » (Al-Tirmidhî). Al-Ghazâlî enseignait que négliger la santé publique équivaut à trahir l’amana (dépôt sacré). Dans Al-Mudhakkirah fî Usool-il-Fiqh, j’écris que préserver la vie (hifz an-nafs) est un des cinq objectifs supérieurs de la Charia. Un budget sanitaire indigent est une rupture du contrat social islamique.

 

Citoyen : L’économie stagne malgré nos richesses. Le chômage des jeunes atteint ds sommets et toute une  population vit dans l’extrême pauvreté.

 

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : Ibn Khaldûn analysait déjà au XIVe siècle comment la corruption des élites entraîne le déclin des nations (Muqaddima). Le gaspillage des ressources  contredit le principe coranique de « ne pas jeter par terre ce que vous avez » (17:26.  Sans justice distributive, cette manne financière nourrira seulement l’aristocratie du pouvoir.

 

Citoyen : Familles éclatées, divorces exponentiels, violences policières… La société se délite.

 

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : « Et craignez une fitna (discorde) qui n’affligera pas exclusivement les injustes » (Coran 8:25). Quand le gouverneur ment, le peuple perd ses repères. Al-Mâwardî insistait sur l’exemplarité des juges – or comment attendre l’intégrité des citoyens quand les magistrats sont corruptibles ? Mon livre  Mandhoûmah fîl-Farâ’id rappelle que la famille est le pilier de l’Umma ; sa destruction annonce un effondrement civilisationnel.

 

Citoyen : Que proposeriez-vous, Shaykh ?

 

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : Un retour aux sources : la transparence totale des finances publiques, comme le voulait ‘Umar ibn al-Khattâb avec son registre (Dîwân), la formation éthique des juges et fonctionnaires, selon les règles de Adab Al-Bah-th wal-Munâdhara, la redistribution équitable des richesses minières et gazières, appliquant le verset « afin que cela ne circule pas parmi les seuls riches d’entre vous » (59:7) et enfin, la réforme éducative intégrant le Tawhîd et la morale prophétique pour reconstruire les consciences.

La solution est dans le Coran : « Allah ne modifie l’état d’un peuple que s’il modifie ce qui est en lui-même » (13:11).

Citoyen : L’insécurité grandit avec un taux de criminalité en hausse. Les gangs contrôlent des quartiers entiers de Nouakchott. L’Islam peut-il proposer une solution ?

 

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : Le Messager d’Allah () a dit : « Celui qui parmi vous voit un mal, qu’il le change par sa main ; s’il ne peut pas, par sa langue ; s’il ne peut pas, par son cœur » (Muslim). Al-Mâwardî, dans Al-Ahkâm as-Sultâniyya, explique que la sécurité est un droit fondamental garanti par le gouvernant. La prolifération du crime reflète l’abandon du principe coranique de « entraide dans la vertu et la piété » (5:2). Dans Adwâ-ul-Bayân, j’ai souligné que l’impunité corrode l’ordre social – restaurer la justice préventive (hisba) est une obligation collective.

 

Citoyen : L’environnement se dégrade : les trois-quarts des terres sont touchés par la désertification, et la pêche illégale épuise nos côtes. Que dit la Charia sur ce pillage ?

 

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : Allah dit : « Ne semez pas la corruption sur la terre après qu’elle ait été réformée » (Coran 7:56). Ibn Khaldûn notait dans Al-Muqaddima que la destruction des ressources annonce la chute des civilisations. Le Prophète () a institué des réserves naturelles (himâ) – aujourd’hui, la Mauritanie viole cette sunnah en permettant le pillage des zones côtières. Mon traité Al-Mîthâq al-Bî’î rappelle que préserver l’environnement est une forme d’adoration (ibâda).

 

Citoyen : L’éducation islamique est marginalisée : des écoles coraniques (mahadra) ont fermé en dix ans. Comment inverser cette tendance ?

 

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : « Allah élèvera en degrés ceux d’entre vous qui ont cru et ceux qui ont reçu le savoir » (Coran 58:11). Al-Shatibî, dans Al-Muwâfaqât, lie la survie de la umma à la transmission du savoir sacré. La fermeture des mahadras trahit l’héritage de nos ancêtres, comme l’imam al-Hadramî qui fit de Chinguetti un phare du savoir. Dans Mandhoûmah fîl-Farâ’id, j’appelle à un pacte national pour revitaliser l’enseignement religieux, pilier de notre identité.

 

Citoyen : La jeunesse perd espoir – 55% des 18-25 ans souhaitent émigrer. Quel message leur adresser ?

 

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : « Ne désespérez pas de la miséricorde d’Allah » (Coran 39:53). Hassan al-Banna disait : « L’espoir est un devoir islamique ». À cette jeunesse, je rappelle l’exemple de ‘Umar al-Mukhtâr combattant le colonialisme avec patience (sabr) et ténacité. La reconstruction passe par la jeunesse – dans Adab Al-Bah-th wal-Munâdhara, je propose un programme d’autonomisation fondé sur le triptyque foi-savoir-action.

 

Citoyen : Shaykh : comment croire en un avenir meilleur ?

 

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : Le Coran nous enseigne : « Certes, avec le temps, avec la difficulté vient la facilité » (94:5). L’histoire islamique regorge de renaissance après le déclin – Bagdad renaissant sous al-Ma’mûn, Al-Andalus brillant par sa science. Notre devoir est d’agir, car Ibn ‘Âshir écrivait : « Le changement commence par la purification des cœurs avant celle des institutions ».

 

Citoyen : Les inégalités régionales s'aggravent : le taux de pauvreté atteint 57% au Guidimakha contre 16% à Nouakchott. L’Islam offre-t-il un modèle de justice territoriale ?

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : « Ô croyants ! Soyez stricts dans l’établissement de la justice » (Coran 4:135). ‘Umar ibn ‘Abd al-‘Azîz, le cinquième calife bien-guidé, instaura un système de redistribution équitable entre les provinces. Dans Adwâ-ul-Bayân, j’explique que le principe coranique de « répartition des avantages » (59:7) s’oppose aux disparités géographiques. Ibn Hazm, dans Al-Muhallâ, rappelle que le Trésor public (Bayt al-Mâl) doit prioriser les zones déshéritées – une règle trahie par l’actuel favoritisme urbain.

 

Citoyen : La dette publique excessive , à cause de nos dirigeant dépasse tout ce que nous produisons,  et nous asservit. Les prêts étrangers dominent notre économie.

 

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : Le Prophète () interdisait l’endettement excessif : « L’emprunteur est prisonnier jusqu’à son remboursement » (Bukhârî). L’imam Abû Yûsuf, dans Kitâb al-Kharâj, condamnait les dettes compromettant la souveraineté nationale. Le FMI exige aujourd’hui la privatisation des mines de fer – une violation du hadith : « Les gens sont partenaires dans trois choses : l’eau, les pâturages et le feu » (Abû Dâwûd).

 

Citoyen : La presse indépendante est muselée : 23 journalistes emprisonnés en 2024. Que dit la Charia sur la liberté d’expression ?

 

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : « Celui qui garde le silence face à la vérité est un démon muet » (Al-Tirmidhî). Al-Juwaynî, dans Ghiyâth al-Umam, justifiait la critique constructive des gouvernants. Mon traité Adab Al-Bah-th wal-Munâdhara défend le débat public comme outil de réforme (islâh), à condition de respecter les limites de la révélation.

 

Citoyen : Shaykh : comment résister au désespoir face à cette accumulation de maux ?

 

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : « Par le temps ! L’homme est certes en perdition, sauf ceux qui croient, accomplissent de bonnes œuvres [...] » (Coran 103:1-3). L’histoire nous enseigne que les ténèbres précèdent l’aube – rappelez-vous la Nahda (renaissance) égyptienne après l’occupation française. Dans Adwâ-ul-Bayân, je cite l’exemple de Nûr al-Dîn Zankî redressant Alep, en Syrie, en une génération.

La clé ? Un peuple qui unit foi, savoir et action juste.

 

Citoyen : notre capital humain est en dégradation ainsi nos enfants n’atteindront que 38% de leur productivité potentielle . Les écoles manquent de moyens, et 25% des enfants souffrent de retard de croissance. Comment l’Islam conçoit-il l’investissement dans le capital humain ?

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : « Lisez au nom de votre Seigneur qui a créé » (Coran 96:1).

Al-Zarnûjî, dans Ta‘lîm al-Muta‘allim, affirmait que l’éducation est le fondement de la umma. Cette faiblesse du capital humain en savoir  montre la négligence du hadith : « Chercher la science est une obligation pour tout musulman » (Ibn Mâjah). Dans Adwâ-ul-Bayân, je montre que le retard de croissance physique et intellectuelle viole le droit islamique à une enfance protégée (hifz an-nasl).

 

Citoyen : Le secteur agricole, vital pour de la population, stagne avec une productivité en baisse . Les terres s’appauvrissent...

 

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : Le Prophète (PSL) enseignait : « Celui qui cultive une terre morte en devient le propriétaire » (Bukhârî). Ibn ‘Âshir, dans Al-Murshid al-Mu‘în, liait la prospérité agricole à l’équité fiscale (zakât). L’abandon des oasis , où la baisse du  rendement céréalier, contredit le principe malikite de mise en valeur des terres (ihyâ al-mawât).

 

Citoyen : La majorité  des ruraux n’ont pas d’électricité, et les populations manquent d’eau potable. L’État peut-il ignorer ces zones ?

 

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : « Et Nous avons fait de l’eau toute chose vivante » (Coran 21:30). Al-Shatibî, dans Al-Muwâfaqât, jugeait l’accès à l’eau droit inaliénable (darûriyyât). Ce sont là des besoins de base de vie . Ainsi craignat la soif des populations le alife ‘Umar ibn al-Khattâb creusait des puits publics

 De  tels actes des autorités,  rompent le pacte de Médine garantissant les besoins de base à ceux dont gère les intérêts .

 

Citoyen : Les  populations pauvres ne   bénéficient pas d’aides sociales, malgré nos richesses et les prêts contractés à tour de bras par nos gouvernants. Où va l’argent ?

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : « Malheur aux fraudeurs [...] qui refusent aux gens leurs droits » (Coran 83:1-3). Ibn Taymiyya dénonçait déjà le détournement des aumônes légales (zakât). Si 53% des nécessiteux ne sont pas couverts, c’est que le système trahit la Charia qui exige un recensement précis (hisba) des ayants droit.

 

Citoyen : La Banque Mondiale évoque une « transformation structurelle bloquée ». Quelle issue islamique ?

 

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : « Ô croyants ! Craignez Allah et renoncez aux intérêts restants si vous êtes croyants » (Coran 2:278). Ibn Khaldûn prescrivait de briser les monopoles – je vois que le secteur minier mauritanien, contrôlé à 70% par des capitaux étrangers, génère des rentes anti-islamiques. La solution ? Appliquer le modèle de la sûq al-Islam (marché régulé) où production et redistribution équilibrent intérêt général (maslaha) et propriété privée.

 

Citoyen : Le taux d’alphabétisation stagne à 53%, et 38% des écoles n’ont pas d’eau potable. Comment l’Islam envisage-t-il l’éducation comme pilier du développement ?

 

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : « Allah élèvera en degrés ceux d’entre vous qui ont cru et ceux qui ont reçu le savoir » (Coran 58:11). Al-Zarnûjî, dans Ta‘lîm al-Muta‘allim, soulignait que l’éducation est la colonne vertébrale de la umma. Ce taux d’alphabétisation faible  trahit le hadith : « Chercher la science est une obligation pour tout musulman » (Ibn Mâjah). Dans Adwâ-ul-Bayân, j’explique que négliger l’accès à l’eau dans les écoles viole le principe malikite de préservation de la dignité humaine (karâma).

 

Citoyen : Le secteur informel envahit l’économie, avec des travailleurs sans protection sociale. Quelle solution islamique ?

 

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : Le Prophète () disait : « Donnez au travailleur son dû avant que sa sueur ne sèche » (Ibn Mâjah). Ibn Qayyim al-Jawziyya, dans I‘lâm al-Muwaqqi‘în, insistait sur la justice salariale. L’informalité massive – sans contrat – contredit le concept de ‘aqd al-ijâra (contrat de travail) en droit hanbalite.

 

Citoyen : Les routes rurales sont impraticables en saison des pluies, isolant nos  villages.

 

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : « Préparez contre eux toute la force que vous pouvez » (Coran 8:60). Al-Mâwardî, dans Al-Ahkâm as-Sultâniyya, faisait des infrastructures un devoir de l’État. L’isolement des villages  et les récoltes qui pourrissent faute de transport, viole le principe omeyyade d’aménagement du territoire (‘imârat al-arḍ).

 

Citoyen : La dette publique pesant sur  le  budget de l’État, limite l’investissement productif….

 

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : « Allah anéantit l’intérêt et fait fructifier l’aumône » (Coran 2:276). L’imam Abû Hanîfa interdisait les prêts étrangers compromettant l’indépendance. Avec sa forte  dette, la Mauritanie risque le sort décrit par Ibn Khaldûn : « Les nations s’effondrent quand leurs dépenses dévorent leurs revenus » (Muqaddima).

 

Citoyen : Shaykh. Vos paroles sont une lumière dans nos ténèbres.

 

Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî : « Allah ne retire pas un bienfait à Ses serviteurs tant qu’ils ne changent pas ce qui est en eux-mêmes » (Coran 8:53). La réforme commence par nos cœurs – ensuite, les institutions suivront. Qu’Allah fasse de la Mauritanie un phare de justice, comme jadis Chinguetti fut un phare du savoir.

 

 Lorsque le vénérable Shaykh se tut, le vent du désert sembla se calmer, comme s’il portait ses mots vers chaque recoin de la Mauritanie. Les dunes, témoins silencieuses, reprenaient leur veille, mais les cœurs, eux, étaient désormais éveillés. Dans les ruelles de Nouakchott comme dans les tentes des pasteurs du Hodh, résonnait un même appel : celui de la réforme intérieure, de l’éveil des consciences et du retour aux sources. Ainsi, tel un phare dans l'obscurité, la pensée de Shaykh Mohammed al-Amîne ash-Shanqîtî éclaire encore aujourd’hui les chemins sinueux d’un peuple en quête de sa lumière perdue. Car parfois, il suffit d’une voix ancrée dans le Livre saint pour réveiller une nation.

Pr  ELY Mustapha


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Poésie de la douleur.