dimanche 19 octobre 2008

Le putsch du 6 août 2008


Un coup d’Etat bénéfique

En trente ans, et suite aux coups d’Etats successifs, la société mauritanienne a subi des transformations qui, imperceptiblement, ont dénaturé cette société qui cultivait des valeurs éternelles (I). Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, le dernier coup d’Etat du 6 août 2008 lui fit bénéfique (II)

I- Ce qui advint de la société mauritanienne

La société mauritanienne était bâtie sur une universalité de codes éthiques et de valeurs sociales qui lui donnaient sa dimension de respect et de tolérance. Celle où l’on ne pouvait regarder dans les yeux les grandes personnes, celle où l’on devait courber la tête quand toute personne aux cheveux grisonnants nous adressait la parole, celle où l’on mettait le petit doigt sur le bord de l’assiette de repas commun pour ne pas importuner les invités. Celle où l’on ne pouvait élever la voix en présence des parents et des grandes personnes, celle ou l’on se devait d’être bon, sage et meilleur en tout. Non pas seulement pour soi mais aussi pour sa famille et pour son pays. Il y avait dans cette société une fierté et une dignité qui prenaient leurs sources non pas dans l’appropriation matérielle, mais dans la possession de l’éducation et du savoir. Cadres et repères de l’homme en société.

Cette société dans laquelle l’on sacralisait la relation humaine où tous ceux qui tournaient autour de nous étaient notre famille, pourvu qu’ils aient foulé le sol de la maison familiale, prié avec les parents à la mosquée, partagé un bureau de travail ou habité le voisinage. Cette société où la parole était d’or et où l’attachement se faisait plus à la personne elle-même, à son origine, à son savoir, à son éducation qu’à ses biens et ses atours.
Une société matériellement pauvre et spirituellement gigantesque. Cette société où l’ami de la famille était aussi la famille et chacun cherchait à voir dans l’autre ce qui le grandissait. Une société où les valeurs nous venaient de contes d’autrefois ou s’entremêlaient la foi, la dignité et le courage. Une société où le courage n’ignorait pas la tolérance et la dignité le pardon.

Aujourd’hui, la société mauritanienne, s’entre-déchire autour d’une personne, d’un bien, d’une autorité, d’un pouvoir. Elle a perdu la foi qui maintenait sa cohésion et la conviction en un devenir commun. La société, a force de faire du pouvoir son centre d’intérêt et son ultime sujet, est devenue le reflet de ce pouvoir. Elle a confectionné ses attitudes, ses valeurs et son mode de vie à l’image de ce qui la préoccupe depuis des décennies : le pouvoir.

Ce n’est pas la société qui a imprimé ses valeurs au politique mais l’inverse. Entrainant ainsi une reproduction jusque dans la sphère sociale, des tensions qui l’animent et des tares qui le minent. Les dissensions, l’agressivité partisane, la corruption, le népotisme, l’inimitié, l’esprit revanchard et l’intolérance ont conquis une société entièrement assujettie au politique.

Les conséquences en sont une perte de repère pour toute une société et à travers elle sa jeunesse. Les batailles qui se livrent au sommet trouvent leur reproduction dans la violence sociale et la criminalité galopante. Le respect des anciens et des grandes personnes n’a plus de sens puisque ce sont ces personnes qui au pouvoir donnent le mauvais exemple et qui montrent les formes les plus évidentes de l’intolérance et de la cupidité.

Brassée durant des décennies par des régimes politiques entièrement extravertis ne se préoccupant que de conquérir, d’assujettir et de s’enrichir, au mépris du peuple et de sa culture, au mépris de son idéal et de ses valeurs, la société en est devenue le reflet.

Aussi tout ce que se passe actuellement au sommet de l’Etat et tout ce qui s’y est passé durant ces dernières années n’a pu trouver une réaction de rejet du profond de la société, car elle en est une fidèle reproduction. La société n’est plus le frein au rejet des valeurs, elle accompagne ce rejet, l’applaudit et l’admet. Et tous ceux qui ont conquis le pouvoir par la force savent pertinemment qu’ils peuvent compter sur l’immobilisme de cette société qui » accusera le coup » et qu’ils sauront l’associer à leurs méfaits.

Une société conditionné, préparée à l’assujettissement et dont « l’élite » cupide et intéressée, véritable courroie néfaste de transmission entre la société et le pouvoir, la mettra dans l’escarcelle de ce dernier. Une élite participant à l’instrumentalisation politique d’une société sans repères et sans idéal.

Voilà pourquoi ceux qui usent de la violence pour conquérir le pouvoir, bafouer la société ; ses valeurs et son idéal le font parce qu’ils savent qu’ils trouveront toujours dans cette société ceux qui l’aideront à l’assujettir.

Cette société est-elle donc arrivée à un point de non-retour ?

Cette société a-t-elle définitivement pris les traits de ceux qui la gouvernent par la violence, la cupidité et l’égoïsme depuis plus de trente ans ?

Cette société est elle réactivement morte pour tolérer toutes les violences qu’on lui fait depuis tant d’années à travers des putschs successifs hypothéquant sa volonté, son développement et son devenir ?

Cette société est–elle définitivement classable dans les rayons de l’ethnographie sous l’étiquette : « société détruite par absorption de son énergie vitale par un pouvoir parasite » ?
Heureusement l’espoir est permis pour que cela ne soit pas le cas et voici pourquoi.

II- Les bienfaits d’un coup d’Etat

Outre qu’une société imbue de culture millénaire et de valeurs islamiques pourra toujours résister à l’invasion barbare, la société mauritanienne vient de réagir de façon remarquable au dernier putsch. Elle a réagit à l’invasion, politiquement hégémonique, qui détruit les croyances et les espoirs d’existence.

En effet, si le putsch du 6 août 2008 a révélé quelque chose, c’est bien que la société mauritanienne a pu réagir à la violence et à la confiscation de son avenir.

En effet, pour la première fois, depuis 1978, date du premier coup d’Etat en Mauritanie, la société mauritanienne exprime son désaccord face aux putschs et à ceux qui le réalisent.

Pour la première fois la société mauritanienne n’applaudit pas dans un élan d’ensemble.

Et pour la première fois une résistance organisée s’est mise en place pour réfuter ce mal qui a miné depuis plus de trente ans la Mauritanie, son avenir et qui confisque son développement.

C’est en cela que le putsch du 6 Août 2008, constitue une date charnière dans l’évolution de la société mauritanienne.
Une société qui a pu dire « Non » est une société porteuse d’espoir.

Une société qui depuis trente années a été forcée à dire « oui » en tout et à toutes les occasions, vient de dire « Non » Et ce « Non » est précieux a plus d’un titre.

C’est un « Non » à la violence, à la confiscation du pouvoir.
C’est un « Non » au diktat de la force d’où qu’elle vienne.
C’est un « Non » qui désormais prévaudra à la perpétuation de toute volonté de recommencer à user de la force.

En cela le coup d’Etat du 6 Août 2008 a eu des conséquences que ceux qui l’on perpétré ne prévoyaient pas. Et leur surprise fut grande quand les scénarii qui ont jalonné leurs putschs précédents ne furent pas reconduits à l’identique.

Et si aujourd’hui les putschistes savent qu’ils ne resteront pas au pouvoir, que leur acte est condamné par tous y compris la communauté internationale, c’est bien parce que de tels actes ne leurs sont plus permis car ils ne retrouveront plus dans la société le soutien de leurs forfaits. Ni ne se feront accepter pour et par leur violences. Tout comme ceux qui leurs servent de courroie de transmission pour assujettir le peuple.

Le coup d’Etat du 6 Août 2008, a rendu service à la nation en la sortant de son laxisme et de sa torpeur dans lesquels le régime précédant l’a plongée. Il a déclenché une résistance que plus rien désormais ne saurait arrêter et qui aura raison de tous les actes de violence contre la société dans le futur. La société mauritanienne vient d’expérimenter pour la première fois la résistance à l’oppression. Et c’est bien comme cela que les nations libres ont inauguré leur liberté.

En effet, au-delà des régimes précédents, au-delà du régime que chacun veut rétablir, il est un acquis que nul ne saura désormais nier: plus rien ne sera comme avant.

Et la société pour ses valeurs, et le devenir de ses institutions, n’en sortira que grandie.

Pr ELY Mustapha

2 commentaires:

  1. prof vous m'avez causé une grosse frayeur car à en lire juste le titre" un coup d'etat benefique" je me suis dis "il a cedé à la tentation du pouvoir",car j'ai cru qu'aprés tout ce parcours d'opposition plein de courage et de determination il trouve aziz et son putch benéfique!mais voilà aprés lecture on comprend que vous voulez parlez du reveil de la population qui a su pour la premiére fois dire non et non à un putch!mais dite cette methode est productive car vos detracteurs fous de jois(croyant que vous avez retourné votre veste) vous liron ardemment jusqu'au bou!!!!mais surprise...
    je vous laisse finir ma phrase car j'ai dejà trop parlé.

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  2. Bonsoir Prof,

    Un état des lieux très réaliste et plein d'espoir...
    Merci d'être là.

    Une fidèle Mauritanienne de coeur.

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Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.