mardi 19 août 2025

Politque partisane en Mauritanie : le Machiavélisme au thé vert. Par Pr ELY Mustapha

 Le « machiavélisme mauritanien au thé vert » pourrait se définir comme un machiavélisme politique contextualisé, un  art de gouverner où l’illusion de pluralisme et la division organisée des forces sociales se pratiquent avec la même minutie que la préparation du thé.

Premier verre: amer.
Le pouvoir impose des règles contraignantes, reconnaît des partis faibles, bloque les forces populaires. Comme le premier thé, la politique est amère pour le peuple. Le gaz lacrymogène et les filtres administratifs en sont les ingrédients.

Deuxième verre : doux .
Pour ne pas paraître autoritaire, le régime introduit des signes d’ouverture : plateformes électroniques, dialogues annoncés, reconnaissance de scissions. Le goût s’adoucit, l’illusion de réforme apaise momentanément. Mais tout reste sous contrôle.

Troisième verre : dilué.
À force de divisions et de cooptations, le champ politique devient saturé de micro-formations. Lourd à digérer, il  le dilue, empêche la construction d’une opposition cohérente. Le peuple, lassé, s’habitue à boire ce thé sans fin, tandis que le Prince se maintient.

Le  Machiavélisme au thé vert  montre que le pouvoir en Mauritanie ne se contente pas d’appliquer Machiavel. Il l’adapte à sa culture politique : filtrer comme le thé, adoucir pour apaiser, diluer pour neutraliser. L’objectif reste constant : garder la main sur la théière et décider qui aura droit au verre.

La recomposition du champ partisan mauritanien est  l'illustration  la plus récente de ce  machiavélisme au thé vert. 

Le ministère de l’Intérieur a récemment délivré une série de récépissés de reconnaissance à de nouveaux partis politiques. Derrière cette décision administrative, se cache une stratégie politique calculée. Le choix de reconnaître certains partis, tout en écartant ceux qui disposent d’une assise populaire ancienne, traduit une logique de contrôle et de fragmentation qui répond à des objectifs précis du régime.

La reconnaissance du parti Nemaa, dirigé par Zeinab Mint Taghi, ancienne figure de Tawassoul, et celle du parti de Jamil Mansour, autre ex-leader islamiste, illustrent une volonté d’affaiblir l’ancien bloc islamiste. Le pouvoir cherche à diviser un courant qui avait acquis une légitimité sociale et électorale solide. Reconnaître les dissidences, c’est diluer la force d’un acteur historique. Dans le même esprit, l’intégration de figures issues de l’opposition, comme Abderrahmane Ould Mini, montre la logique de cooptation : transformer d’anciens contestataires en partenaires institutionnels sous contrôle.

Le refus de reconnaissance à l’opposition radicale et aux partis à forte implantation sociale n’est pas accidentel. Ces formations constituent une menace réelle par leur capacité de mobilisation. Leur légitimité repose sur des réseaux populaires indépendants de l’État. Les nouvelles règles, comme l’obligation de recueillir 5 000 signatures réparties sur huit wilayas, deviennent un instrument de filtrage sélectif. Elles neutralisent les formations capables de mobiliser localement mais qui peinent à satisfaire des critères administratifs exigeants et coûteux.

Fondements théoriques de cette stratégie

Cette logique correspond à plusieurs théories politiques connues. Machiavel avait déjà souligné la nécessité, pour un prince, de diviser les forces susceptibles de le renverser. En multipliant les partis satellites et en retardant la reconnaissance des forces populaires, les autorités appliquent une version moderne de cette maxime.

 Levitsky et Way parlent, dans leur concept d’« autoritarisme compétitif », de régimes qui organisent des élections pluralistes, mais en biaisant les règles et en contrôlant les institutions. Gandhi, dans sa théorie sur les institutions autoritaires, montre que ces régimes cooptent des élites politiques en leur offrant des sièges et des structures, afin de canaliser et surveiller l’opposition.

Svolik insiste, quant à lui, sur la gestion du double danger des régimes autoritaires : la menace des élites et celle des masses. Le pouvoir mauritanien agit dans cette logique en divisant les élites et en filtrant les masses.

Enfin, la théorie du sélectorat de Bueno de Mesquita explique que le régime entretient une coalition gagnante limitée, à laquelle il distribue des avantages, et qu’il sanctionne toute tentative de création d’alternatives.

Le corporatisme d’État de Schmitter fournit un autre cadre d’analyse pertinent : l’État contrôle les canaux de représentation, octroie la reconnaissance à certains acteurs et l’interdit à d’autres. L’ouverture d’une plateforme électronique pour la soumission des dossiers donne une apparence de transparence, mais l’usage sélectif des règles montre que cette procédure est avant tout un instrument de tri politique.

L’exemple russe de 2012 est éclairant. Le Kremlin a modifié la loi sur les partis pour enregistrer des dizaines de micro-formations, éclatant ainsi l’opposition et multipliant de faux concurrents. 

Au Maroc, la création et la montée en puissance du PAM ont servi de contrepoids institutionnel au PJD islamiste. En Jordanie, des lois imposant des seuils d’adhérents et une répartition territoriale similaire ont servi à limiter les oppositions.

 En Algérie, le pouvoir a reconnu une multitude de petits partis tout en bloquant d’autres, diluant ainsi les forces contestataires.

 En Égypte après 2013, un pluralisme de façade a permis de renforcer le parti pro-régime, tout en neutralisant les islamistes du paysage institutionnel. 

Ces exemples confirment que la stratégie mauritanienne s’inscrit dans une pratique internationale répandue : organiser un pluralisme contrôlé, où l’opposition existe mais dans des formes fragmentées, divisées et neutralisées (le cas d'u vote du réglement intérieur de l'Assemblée nationale en est un récent machiavélique  exemple - scission, trahison et opportunisme.).

Objectifs inavoués du pouvoir

Le régime cherche donc plusieurs résultats. Poursuivant des objectifs inavoués. Maintenir une image d’ouverture en montrant qu’il autorise de nouveaux partis, mais s’assurer que ces partis sont faibles ou dépendants. Éviter la consolidation d’une opposition structurée et enracinée. Utiliser la reconnaissance comme levier de pression et de négociation avec les forces populaires, tout en fragmentant leurs bases. Préserver ainsi un champ politique éclaté, où les adversaires du pouvoir sont trop divisés pour représenter une menace sérieuse.

 

Ainsi sans en douter donc, la stratégie des autorités mauritaniennes est rationnelle à la lumière des théories politiques sur les régimes autoritaires. Elle combine la division, la cooptation et le filtrage institutionnel. Les exemples internationaux que nous avons cités confirment la logique universelle de ce type de gestion de l’opposition.

 Derrière la façade d’un pluralisme en expansion, c’est en réalité un pluralisme sous contrôle qui se construit. La Mauritanie s’inscrit ainsi dans une dynamique où le pouvoir n’ouvre pas l’espace politique pour renforcer la démocratie, mais pour mieux en fixer les limites…autour d'un thé vert.

 

Pr ELY Mustapha

dimanche 17 août 2025

Quand l’État mauritanien tue par négligence. Par Pr. ELY Mustapha

 

Une fillette est morte.

 

Une âme innocente

 

Qui a voulu jouer...au jeu de la vie.

Et...


Non par fatalité. Ni par caprice du ciel.

Mais la faute d’institutions qui n’ont pas agi.


Elle a tendu la main. Elle a touché un fil….

  

Une fillette est morte électrocutée à Toujounine, dans la wilaya de Nouakchott Nord, après avoir touché des fils électriques tombés au sol lors des pluies. Un drame insoutenable, mais hélas, pas imprévisible. Chaque saison des pluies, les habitants de la capitale assistent au même scénario : inondations, câbles électriques effondrés, absence de sécurisation, accidents mortels. La question n’est plus de savoir si cela se reproduira, mais combien d’autres victimes tomberont avant que la justice ne frappe.

La mort de l'enfant n’est pas un accident, mais un crime par négligence.


La mort de cette fillette n’est pas la conséquence du destin ou d’une fatalité climatique. Elle est le fruit d’un enchaînement de manquements. En droit pénal, l’article 295 du Code pénal mauritanien sanctionne tout homicide involontaire causé par imprudence, inattention ou manquement à une obligation de sécurité. Laisser traîner des câbles électriques sous tension, sans les neutraliser ni les signaler, constitue une violation flagrante de cette obligation.


La chaîne de responsabilité est claire et multiple.


•    La SOMELEC est l’auteur direct de la faute. En tant que gestionnaire exclusif du réseau électrique, elle a le devoir d’entretenir, réparer et sécuriser ses installations. Sa négligence a transformé une rue de Nouakchott en terrain mortel.


•    Le Ministère du Pétrole, de l’Énergie et des Mines, autorité de tutelle, devait contrôler la SOMELEC et imposer des audits techniques réguliers. Son silence est une complicité par abstention.


•    Le Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation, garant de la sécurité publique, n’a ni balisé les lieux, ni interdit l’accès, ni mis en place un plan d’urgence. Son omission constitue un manquement grave à ses devoirs.


•    La Municipalité de Toujounine, en première ligne, devait signaler le danger, fermer les zones à risque, protéger ses habitants. Elle n’a rien fait.


•    La Protection civile, enfin, avait le devoir légal de prévenir les risques liés aux intempéries. Sa carence fautive équivaut à un abandon.

Une responsabilité de l’État, structurelle et répétée


Ce drame n’est pas un cas isolé. Il est le symptôme d’une faillite structurelle de l’État mauritanien à assurer des services publics sécurisés. Les accidents liés aux installations électriques sont fréquents. La répétition de ces drames, année après année, prouve que les autorités sont parfaitement conscientes du danger. En droit, cela signifie que le risque était prévisible et évitable. L’État, par ses organes, a donc accepté implicitement que des citoyens meurent.


Cette responsabilité n’est pas seulement morale ou politique, elle est juridiquement pénale.

 La jurisprudence étrangère l’a confirmé à maintes reprises. En France, dans l’affaire du Drac (1999), des fonctionnaires ont été condamnés pour homicide involontaire après la mort d’enfants lors d’une sortie scolaire, faute de mesures de sécurité. Au Maroc (2017), un office d’électricité et une commune ont été condamnés après l’électrocution d’un enfant sur la voie publique. Au Sénégal (2011), des autorités locales ont été reconnues responsables après des décès causés par des inondations et un défaut d’entretien des infrastructures.


Ces précédents montrent qu’un État ne peut se retrancher derrière la fatalité climatique à l'image , hélas, de sa population qui mentalement vit dans la fatalité et que ses structures administarives et sociales exploitent pour assagir les populations sinistrées . Quand les risques sont connus et que les mesures ne sont pas prises, il s’agit d’un homicide involontaire commis par négligence.

Le sang d’une fillette appelle justice


La mort de cette enfant à Toujounine révèle la valeur réelle que l’État accorde à la vie de ses citoyens. Car si les dirigeants et leurs familles vivaient dans les quartiers vulnérables de Nouakchott, ces fils électriques ne traîneraient pas au sol. Les câbles seraient réparés, les zones sécurisées, les patrouilles déployées. L’injustice sociale s’ajoute donc à la négligence institutionnelle.
Il est temps que la justice mauritanienne s’élève. Qu’elle poursuive la SOMELEC, qu’elle poursuive les ministères de tutelle, qu’elle poursuive la municipalité et la Protection civile. Qu’elle rappelle à l’État que la loi ne s’arrête pas à ses portes.

l’État doit répondre de ses crimes
Un État qui ne protège pas ses enfants n’est pas un État, mais une administration défaillante. Une justice qui n’ose pas sanctionner les institutions qui tuent par négligence devient complice de leur silence.
Il ne s’agit pas d’un accident. Il s’agit d’un crime par omission, répété, institutionnalisé.
Et ce crime appelle une réponse judiciaire ferme.
L’État mauritanien doit être traduit devant ses propres tribunaux, par la voie de ses démembrements. Car en droit comme en morale, la responsabilité n’est pas divisible : quand une fillette meurt électrocutée dans nos rues, c’est l’État qui l’a laissée mourir.

.Ce meurtre par négligence, n’est pas un accident fortuit mais le résultat d'une série de manquements et d'inactions des autorités. Chaque saison des pluies, la population fait face aux mêmes risques : inondations, câbles électriques dangereux non sécurisés, accidents mortels. Pourtant, malgré cette connaissance du danger, aucune mesure préventive sérieuse n'est prise. Le décès de l'enfant relève donc de la responsabilité directe des institutions publiques.

La responsabilité pénale sans équivoque

La responsabilité pénale est clairement imputable à plusieurs entités. Rappelons-le encore : La Société Mauritanienne d’Électricité (SOMELEC), gestionnaire exclusif du réseau électrique, est tenue de maintenir et sécuriser ses installations. Sa négligence a exposé les habitants à un risque mortel. Par ailleurs, le Ministère du Pétrole, de l’Énergie et des Mines, qui exerce la tutelle de la SOMELEC, a failli à son devoir de contrôle et d’audit, ce silence équivalant à une complicité par omission. De même, le Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation n’a pas organisé les mesures de sécurité nécessaires, telles que la signalisation ou l’interdiction d’accès aux zones dangereuses. La municipalité de Toujounine, en première ligne, a,  elle aussi failli à ses obligations en ne prenant aucune action pour protéger les habitants. Enfin, la protection civile n’a pas rempli son rôle légal de prévention des risques liés aux intempéries. Cette chaîne de responsabilités désigne plusieurs niveaux de l’État comme co-responsables de la tragédie.

L’État mauritanien est ainsi accusé d’une défaillance structurelle persistante dans la gestion des services publics essentiels. Cette défaillance conduit à des accidents prévisibles, récurrents et évitables. D’un point de vue juridique, cette négligence répétée engage la responsabilité judiciaire et pénale des institutions concernées. L’État est implicitement accusé d’accepter que ses citoyens périssent par son omission et son laxisme.

Par ailleurs, selon le Code de Procédure Pénale mauritanien en cas de décès dû à une infraction, toute enquête doit être diligentée par le procureur de la République. Les enquêteurs judiciaires et les magistrats, dont le rôle est de faire la lumière sur les faits, sont placés sous la surveillance étroite du procureur et doivent agir sans délai. En cas de négligence des autorités judiciaires ou policières, la Cour Suprême peut intervenir pour enquêter et sanctionner les fautes, notamment par la suspension temporaire ou définitive des fonctionnaires fautifs.

Le Code Pénal mauritanien) sanctionne la responsabilité des personnes et des institutions en cas de négligence ayant causé la mort d’autrui. Bien que la textuelle qualification précise de la faute par omission dans ce contexte soit sujette à interprétation, les articles relatifs aux délits et crimes contre les personnes, notamment ceux sanctionnant les homicides involontaires, ainsi que les règles relatives à la responsabilité administrative et pénale des fonctionnaires, peuvent s’appliquer. La preuve peut être établie par tous les moyens droit  et par le juge selon sa conviction intime. En outre, la constitution d’une partie civile par les victimes ou leurs ayants droit est possible pour obtenir réparation.

Ainsi, sur la base combinée de ces textes, la famille de la fillette et la société civile se doivent , si ce n'est fait, d'engager des poursuites contre la SOMELEC, les autorités gouvernementales en charge du contrôle, la municipalité ainsi que toute autre institution ayant failli à ses obligations sécuritaires. Les manquements graves identifiés sont susceptibles d’être sanctionnés tant sur le plan administratif que pénal, notamment pour homicide par imprudence ou négligence, passible de sanctions lourdes. Ceci vise à garantir que justice soit rendue et que des mesures concrètes soient prises pour éviter de tels drames à l’avenir.



Ainsi, hélas....

Une fillette est morte.

Une âme innocente

Qui a voulu jouer...au jeu de la vie.

Et...


Non par fatalité. Ni par caprice du ciel.

Mais la faute d’institutions qui n’ont pas agi.


Elle a tendu la main. Elle a touché un fil….


Un fil électrique tombé au sol, sous tension.
Et son corps d’enfant a été foudroyé.

Ce n’est pas la pluie qui l’a tuée.
C’est la SOMELEC qui a laissé ses câbles pourrir.
C’est le Ministère de l’Énergie qui n’a pas contrôlé.
C’est le Ministère de l’Intérieur et la Municipalité qui n’ont pas protégé.
C’est la Protection civile qui n’a pas anticipé.


Tous savaient.
Aucun n’a agi.


Alors, Monsieur le Procureur, la question est simple : allez-vous poursuivre ou vous taire ?
Se taire, c’est dire à la SOMELEC : continuez.
Se taire, c’est dire aux ministères : vous êtes intouchables.
Se taire, c’est dire aux habitants : vos vies ne valent rien.

Non. La République vaut mieux que cela.


La Justice vaut mieux que cela.
Je requiers l’ouverture d’une information judiciaire.
Je requiers la mise en examen de la SOMELEC, du Ministère de l’Énergie, du Ministère de l’Intérieur, de la Municipalité et de la Protection civile.
Qu’ils viennent. Qu’ils s’expliquent. Qu’ils répondent.

Car cette mort n’est pas un accident.
C’est un crime par omission.
Et ce crime appelle une réponse.
Pas demain. Pas plus tard.
Aujourd’hui. Ici et Maintenant.

 

Pr. ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.