mercredi 1 juin 2016

Voilà pourquoi Aziz veut dialoguer et pourquoi certains vont au dialogue.




Chacun pourrait s’interroger légitimement pourquoi un « Président » de la République sortant s’évertue-t-il à vouloir dialoguer et attirer l’opposition à travers les déclarations de bonne intention, dans lesquelles certains opposants s’y sont laissé prendre ?
Pourquoi pendant plus d’une décennie où Ould Abdel Aziz a tourné l’opposition en bourrique au sujet de l’accord de Dakar et lui a miroité le dialogue comme une « carotte », se mette à quelques mois de la fin de son second mandat, à appeler au Dialogue ?
En fait, pour comprendre une telle attitude, il faut comprendre que dans l’esprit de ce « président « sortant, il ne s’agit pas de « dialogue » et que ce mot doit être remplacé par « marchandage ».
Le processus de négociation devant aboutir à une solution commune sur un problème de gouvernance, de légalité et de légitimité du détenteur du pouvoir, n’est point dans l’esprit d’Aziz.
Ce processus, pour lui, n’est pas un dialogue mais un processus « donnant-donnant », par lequel il négocie les termes de son départ et dans le cas où ces termes ne sont pas acceptés, il intimidera avec ses barbouzes de l’UPR, et du BASEP. Les premiers, dont des ministres (finances et justice notamment) ont été envoyés en éclaireurs pour tâter le terrain « sur le maintien d’Aziz au pouvoir », leurs déclarations qu’ils affirment être personnels, n’ont trompé personne sur leur commanditaire.
La vive réaction qu’ils ont suscitée, ont fait comprendre à Aziz qu’il doit rechercher une autre solution pour son maintien au pouvoir. Le second, le BASEP, qui effraie l’opposition, est en perpétuel service commandé, pour n’importe quelle intervention ou violence qu’Aziz commettra pour se maintenir au pouvoir.
Alors, au-delà du langage officiel et des attitudes publiques, d’Aziz et des opposants qui l’ont rejoint pour le Dialogue, la question est : que veut Aziz et que veulent ceux de l’opposition qui ont décidé d’aller au Dialogue (Messaoud, Elwaqef...) ?

I-                    Ce que veut Aziz à travers le « Dialogue »
Un président sortant, n’a qu’une seule crainte que sa gestion des affaires de l’Etat ne se retourne contre lui après son départ et que ses mauvais actes ne le rattrapent.
 En effet, en quittant le pouvoir, il devient aussi vulnérable qu’un escargot sans coquille. Chacun pourra désormais lui taper dessus, y compris ses applaudisseurs passés.
On comprend donc qu’Aziz, menaçant indirectement, à travers les déclarations de ses sbires officiels de « rester au pouvoir en modifiant la Constitution », veut amener une opposition intéressée et assoiffée de pouvoir à négocier son départ, avec le maximum de garanties possibles.
-          La première des garanties est, bien entendu, son immunité judiciaire, pour tous les actes qu’il a commis à la tête de l’Etat. Cette immunité devant s’étendre à lui et à toute sa famille.

-          La seconde des garanties est la possibilité de quitter le territoire vers un pays de son choix sans avoir à craindre des restrictions sur les moyens financiers et matériels qu’il aura à emporter ou à sécuriser dans d’autre pays, banques et institutions financières.


-          La troisième des garanties : assurer le maintien dans des postes-clefs des rouages militaires, administratif et judiciaires, des individus (proches ou acquis) qui assureront sa couverture et noyauteront toutes procédures de poursuites à travers des manœuvres dilatoires, blocages institutionnels et procéduriers (administratifs et judicaires etc.) toute poursuites et cela sur un période suffisante pour que le temps fasse son effet (oubli, prescription...).

En effet, si Aziz n’obtient pas à travers le Dialogue ces garanties pourrait-il quitter le pouvoir en sachant qu’il pourra être poursuivi et inculpé pour au moins les chefs d’accusation suivants :


-          de l’enrichissement faramineux de ses proches et moins proches ;

-          des exactions subis par des centaines d’opposants à son régime ;

-          des jugements de tribunaux auto-administrés par l’exécutif à l’encontre de mouvements politiques ;

-          de la criminalité qui a pris son essor en Mauritanie et qui est entretenue pour engendrer la peur chez le citoyen ;

-          de l’appauvrissement du pays et de la détérioration des revenus des ménages ;

-          du pillage des richesses du pays par une nomenklatura à laquelle il n’a apporté aucune limite

-          de l’octroi des marchés publics à la parentèle et autres commerçants véreux ;

-          du bradage et de la vente des institutions de l’Education et de la culture au profit de marchands d’accointance ;

-          de la corruption qui gangrène le pays et qu’il a laissé faire ;

-          Des agissements de sa famille : détention d’armes à feu, atteinte à l’intégrité physique de personnes innocentes ;

-          Dilapidation des biens et de l’usage des biens d’une fondation qui s’est fondée au mépris de toutes les lois de la gestion et des finances publiques.
-           
Donc, le Dialogue qu’Aziz cherche à initier est en fait un engagement qu’il veut faire signer à l’opposition pour les garanties susvisées.


II-                  Ce que veut l’opposition à travers le « Dialogue »

L’opposition battue sur toutes les coutures par l’inertie d’Aziz a, depuis longtemps, oublié l’accord de Dakar, ces dernières velléités étaient de participer à un gouvernement d’Union nationale, Aziz le lui a refusé, autant dire la misère militante dans laquelle elle est tombée. Ne l’ayant pas obtenu, elle s’est forgé une attitude d’attentisme face à une lettre qu’elle a écrite à Aziz sur les conditions de sa participation au Dialogue et à laquelle elle attend, depuis des années, la réponse. Elle attendra encore.
Aujourd’hui, le commun des mortels se demanderait : pourquoi une opposition irait-elle au dialogue avec un Président sortant et qui a épuisé son dernier mandat ?
Aucun intérêt ne dira-t-on. Eh bien non. Voilà que l’APP est disposée à aller au Dialogue invitant le RFD à y participer aussi, sans oublier le fantomatique parti Adil qui s’est déjà porté implicitement volontaire.

Que se passe-t-il donc ? 

Pourquoi, comme nous l’avons déjà souligné, une opposition ne s’organise-t-elle pas, collecte ses moyens matériels et financiers prépare son programme politique, le vulgarise, rencontre ses militants, génère des alliances, déploie son énergie à rassembler une opinion qui lui soit favorable, en d’autres termes prépare avec militantisme sa participation aux prochaines élections ? 

La réponse est Simple : l’opposition,  ou tout au moins celle qui veut négocier,  est fortement intéressée (et davantage ses dirigeants) par les « avantages » (matériels, financiers et personnels) qu’Aziz pourrait lui accorder avant son départ et cela à travers un jeu du donnant-donnant dont l’objectif n’est autre que les garanties qu’Aziz réclamera avant son départ et cités plus haut. 

Prenons l’exemple de l’APP. Pourquoi Messaoud ould Boulkheir, s’est-il porté candidat, en premier, pour participer au dialogue et a même invité Ould Daddah à y participer aussi.

La réponse est claire : Ould Boulkheir a senti les avantages personnels qu’il pourrait tirer d’Aziz avant son départ en jouant sur le registre des garanties et des compromissions. 

En effet, Messaoud Ould Boulkheir a depuis longtemps perdu au contact du pouvoir, son étoffe de militant, il est devenu un « opportuniste » politique. Qui ne se rappelle-pas du retournement de veste dans  son alliance avec Ould Daddah lors des élections de 2007, rejoignant le camp des militaires, et qui ne se rappelle-pas son maintien à la tête de l’Assemblée nationale après le coup d’Etat d’Aziz alors que c’est le président légal et légitime Sidi Ould Cheikh Abdallahi qui l’avait placé là (poste qu’il ne devait qu’à son alliance et non pas au nombre des députés de l’APP élus  à l’assemblée).

« Si le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument », à cette réflexion de Lord Byron nous pourrions ajouter que le confort est aussi corruptible que le pouvoir.

Ould Boulkheir, s’est trop habitué au confort des perchoirs des institutions de la République pour daigner en descendre. Le militant s’est dénaturé au contact des militaires en bas de soie.

En effet, ould Boulkheir a montré lors de ses derniers « emplois » (en tant que résident de la chambre des députés et du CES) ce que l’immobilisme veut dire. Nous nous rappelons que durant les 15 mois au perchoir il n’a pas pipé un seul mot. A telle enseigne d’ailleurs que tout le monde se demandait où il était passé ? Il n’est sorti de son mutisme qu’à l’occasion de sa villégiature au Maroc où il a failli déclencher un incident diplomatique avec l’Algérie. Que faisait-il durant ces quinze mois ? Il s’encensait dans sa demeure à coup de courtisans et d’abondance, alors que le pays souffrait la cherté de la vie et les émeutes à l’Est.

Ce mutisme, dont il ne sortit qu’après le 6 Août 2008, est révélateur d’une personnalité qui ne semblerait chercher à travers sa course politique que le bien-être personnel et les avantages qu’elle peut tirer de son accession aux hautes responsabilités.

Son appel à rejoindre dialogue aujourd’hui n’est qu’exprime que l’attitude d’un vieux militant qui ne pense plus qu’à son confort et la compromission avec le pouvoir.

Alors Aziz trouvera certainement chez lui ce vecteur dont il a besoin pour obtenir les garanties, qu’il réclamera pour son assurer son départ et donc ses arrières.

Mais qu’offrira-t-il à Messaoud ? Un perchoir institutionnel (l’A.N encore ou le CS ou pourquoi pas un Premier Ministère). Mais alors une objection pourrait être faite à cela : Messaoud n’a pas besoin d’Aziz, puisqu’en participant aux élections après le départ de celui-ci il pourrait, accéder au pouvoir. Il suffit qu’il accepte les garanties proposées par Aziz.

Eh bien non, la situation est bien plu complexe. D’abord Aziz ne partira pas sans avoir manipulé tout le processus électoral, comme il l’a déjà fait lors de ces deux précédentes élections (à travers le tribalisme et les moyens du Trésor public), mais cette fois, il le fera au profit d’un autre (genre Medvedev) et Messaoud veut être de la partie (s’assurant un perchoir institutionnel d’avenir). C’est ce que Messaoud veut négocier et offrir en contrepartie des garanties demandées par Aziz.

Messaoud, en allant au Dialogue (négociation marchande), prouve une chose c’est qu’il n’est plus le leader des harratines et que l’APP ne représente plus pour lui qu’un tremplin formel pour pérenniser dans ses privilèges.
Biram, en véritable leader, lui a ravi toutes ses capacités militantes et ses militants et cela il le sait. Négocier avec Aziz pour son salut politique est une carte qu’il va jouer jusqu’au bout.

L’exemple de l’APP allant au Dialogue (mercantiliste) nous édifie sur une chose : l’opposition ne servira à Aziz que pour son immunité et que même si Aziz, ne brigue pas un nouveau mandat, il créera les conditions pour faire élire ceux qu’il désire avec l’appui d’une frange de l’opposition monnayable et corvéable à volonté et qui déjà se prépare à participer au  « juteux » dialogue.
L’ultime attitude, pour l’avenir du pays, est désormais pour le reste de l’opposition, qui voudrait se faire respecter, de faire barrage à un tel dialogue de la défaite et du déshonneur.

Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.