samedi 26 avril 2008

Le descendant de Antar Ibnou Cheddad a dit:

La Mauritanie, un pays qui vit sur ses ancêtres


كن ابن من شئت واكتسب أدباً
يغنيك محمـوده عن النسـب

إن الفتى من يقول : ها أنـا ذا
ليس الفتى من يقول : كان أبي


Il est étonnant de vouloir être quelque chose en se référant à sa lignée. La Mauritanie, un pays extrémement pauvre, qui vit une misère sociale, économique et humaine de tous les jours et tout le monde se targue d'une noblesse qui sied mal à son environnement et à ses actes.

La question existentielle est : peut-on être si noble et vivre dans un pays si appauvri par sa « noblesse »?
La noblesse est-elle dans la lignée ou dans les actes ?

Chaque mauritanien a son arbre généalogique pour faire de l'ombre à son prochain. Un pays désert où il y a tellement d'arbres qui ne produisent aucun fruit. Sinon celui d'une noblesse déplacée d'un pays déclassé dans le concert des nations.
Les mauritaniens ont excélé dans leurs références généalogiques pour prouver on ne sait plus quoi. Peut-être qu’à défaut de devenir, ils veulent être...ce qu'ils furent. Il est plus facile (sinon plus lache) de vivre dans le passé que dans le présent. Surtout quand le présent exige des sacrifices.

Pourquoi se référe-t-on à son arbre généalogique en Mauritanie ?

a- La fonction socio-psychologique de vouloir prouver qu’on est bien né.

En Mauritanie, personne ne s’aventurerait à se présenter comme un znagui, ou un elheimi ou même comme un forgeron. C’est une sous race, des "intouchables , des moins que rien. Des sous-hommes et des sous-femmes… Par contre se présenter comme" d’une lignée guérrière, zouaya, chérifienne et autres c’est plus acceptable. Quand on est fils ou fille de personne, on ne doit ni apparaître ni paraître.

Il faut dire que l’ancien régime avait exarcerbé cette situation où on accusait une tribu de monopoliser le pouvoir et donc la tribu a pris une importance institutionnelle particulière. Elle était devenue le refuge et le bouclier que l’on utilisait pour se défendre.
La revalorisation de l’appartenace à la tribu a éclipsé celle de l’appartenance à la nation. Mais la tribu n’est pas en elle-même un danger ce qui l’est par contre c’est de croire que par sa lignée on est plus précieux que d’ autres, qu’on a un "plus" par rapport à d’autres et pire encore, qu’on est dans les grâces Dieu. Et qu’en s'annonçant comme tel on est forcément sous la bénédiction divine. Ainsi par sa descendance guerrière on sera plus aptes à guerroyer que d’autres ou par sa descendance chérifienne on est de facto béni par l’éternel.

b- Charité bien ordonnée commence par soi-même : le descendant de guerrier.

Je sus à 25 ans que j’étais de la tribu guérrière des Oulad Nasser de la fraction des « Laa'natra ». Donc que j’étais un descendant direct de sa seigneurie "Antarata el Abbsy". L’inénarrable guerrier et poête , celui qui déroutait les armées par son sabre et les poêtes par sa langue.

Je le sus, hélas tardivement (car ça aurait expliqué pourquoi je terrorisais mes petits amis d’enfance), que j’étais de sang royal et que je l’étais d’une noblesse à toute épreuve. Prouvée et signée. Donc , il n y avait rien à dire, j’étais de la race des seigneurs. Seulement voilà, je n’avais ni cour ni de droit de cuissage sur qui ce soit.
Et je me demandais d’ailleurs si, à force de l’éloignement de génération en génération depuis la lointaine Arabie et les croisements multiples de mes ancêtres traversant les mille et une contrées afro-berbères, en multipliant les épousailles et les alliances, si donc mon sang royal n’était pas tellement dilué que l’on n’y retrouverait à peine un globule rouge appartenant à mon illustre arrière (exponentiel) ancêtre.
Mais c’était confortable d’être de la race des seigneurs et de se dire qu’après tout c’est le nom qui compte. Et je devrais d’ailleurs réclamer à cors et à cris qu’il y a une erreur dans mon état civil et que mon vrai nom était « Mustapha Ibnou Cheddad », ou « Ould Cheddad » pour rester un peu Mauritanien; car à vrai dire si nous nous rattachions tous aux abbassides ou aux ommeyades, nous devrions émigrer ("rebrousser chemin" serait mieux) au Moyen orient. Et nous devons faire vite pour au moins profiter du pétrole qui nous reste là-bas puisque le pétrole du pays dans lequel nous nous sommes installés est de mauvaise qualité ou plutôt la qualité de ceux qui en profitent est mauvaise.

Mais voilà, je sus aussi que ce n’est pas mon aieul qui viendra m’appporter mon pain quotidien et qu’un nom quel qu’il soit ne nourrit pas son homme. A quoi servait-il de déclamer que l’on est fils de seigneur si l’on n'agit pas comme les seigneurs. A quoi sert-il de dire que l’on est descendant d’une noblesse quelconque si nos actes n’expriment ni la noblesse du geste , ni moins encore la noblesse du cœur.

Les mauritaniens devraient adopter un emblème national similaire à celui des français. : Le coq. Le coq est, dît-on, le seul animal qui chante avec les pattes dans la boue.

Se rattacher à une tribu quoraichites quelconque si ce n’est du grand Hijjaz ou tout au moins du lointain Cham ne sert à rien, car même si cela était prouvé, cela ne donnerait à aucun Mauritanien le droit d’un visa pour aller en pélérinage…chez ses ancêtres.

Mais qu’est-ce que cela rapporte à notre pays, cette continuelle volonté de vouloir être descendant d’un "grand quelqu’un" ?

c- Des exemples publics récents : les chérifs dans les medias.

Deux cas de déclaration de lignée publiquement déclarée récemment se retrouvent dans l’interview accordée par la l’épouse du Président de la République à un journal et dans un article d’un ancien directeur général de la Snim .
A une question posée par un journal qui l’interviewait la première dame répondît ainsi :

« Vous conviendrez avec moi qu’il n’est point aisé de se présenter soi-même, mais je tâcherai quand même de le faire. Je suis Khattou Bint El boukhary, descendante d’une lignée Chérif ».

Un ancien directeur général de la Snim parlant de lui-même à l’occasion d’une réponse au chef de l’Etat : «(...) C’est cependant toujours le même homme, fier de son origine Quraïchite par son aïeul éponyme paternel Abderrahmane Rakkaz et son aïeul Menny (pseudonyme de Fatimetou), fille de l’Imam El Hadramy, de l’épopée de Boubakar Ben Amer et ses compagnons et de l’histoire de la confédération tribale Idoïch ( …) »

Mais les exemples peuvent être multipliés car chaque mauritanien s’attache à son origine et peut souvent remonter très loin dans son arbre généalogique.
Connaître ses racines est une bonne chose. Car on ne peut, dît-on, connaître où l’on va si l’on ne sait pas d’où l’on vient.

Cependant, le Mauritanien s’en sert pour entrainer une présomption de bonne foi à son égard.
On est de telle lignée ou de telle autre donc forcèment on est dans une situation meilleure que les autres. Si ce n'était pas le cas, pourquoi s’évertue-t-on alors à déclamer sa lignée patriarcale ou matriarcale ?

La question est d’autant plus grave qu’elle peut même être constitutive d’une hérésie car Dieu n’a-t-il pas dît que le plus proche de Dieu est le plus croyant d’entre-vous. (إن أكرمكم عند اللهِ أتقاكم )
Et cette croyance en Dieu, signifie que l’on souscrit à toutes les prescriptions de notre sainte réligion.
Prescriptions qui mettent l’homme dans un perpétuel jugement par rapport à ses actes et non par rapport à sa lignée ou à sa descendance...
Que vous soyez descendant direct de tous les rois d’orient ou d’occident ou de tous les saints de la terre, vous ne pouvez vous prévaloir de cette lignée pour justifier vos actes ni devant Dieu ni devant les hommes.

Que les Mauritaniens comprennent que les puissantes nations d’aujourd’hui se sont bâties justement en reconnaissant que tout développement se doit d’être bâti sur l’humain et autour de l’humain, détaché de tout préjugé quant à ses origines ou à sa descendance. Et que le plus valeureux de leurs ancêtres n’est pas un prétexte pour justifier une mauvaise guerre et que le plus chérif de leurs ancêtre n’est pas un prétexte pour prouver sa bonne foi. Car qu'adviendrait-il alors des lois, de la nation et de l'Etat ?
Sinon une concentration d’humains qui chantent les louanges de leur lignée ancestrale dans une misère qu'ils tirent directement de la lignée de leurs actes .

Pr ELY Mustapha (Ould Antar Ibnou Cheddad)

7 commentaires:

  1. Bravo professeur pour ce rappel fort utile pour beaucoup d'entre nous, y compris parmi ceux qui se prennent pour de grands intellectuels progressistes.

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  2. La citation d'el hajaj au début de votre article est une merveille.
    J'ai ri en vous lisant, c'est vraiment frais ce que vous écrivez et ça fera réfléchir ceux qui ont un peu de cerveau.

    Salutations amicales ibnou cheddad junior.

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  3. cher prof, les mauritaniens ont faits de leurs ancêtres un commerce; ils veulent rester dans leur tête au moyen age; maintenanat c'est Bush qui a toute la noblesse et eux ils seront toujours des esclaves.

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  4. Salut preux chevalier et oncle,

    Tout comme toi,j,ai appris sur le tard que je serais descendant en lignée maternelle de la grande tribu guerrière des Oulad Nasser.
    A aucun moment,de mon adolescence que j,ai en partie passée avec toi,je ne me suis douté de mon extraction martiale.
    Au sortir de l,ENA ,quoique nanti d,un diplôme césame ,je n,ai pu cependant réaliser ma légitime ambition , je dus donc me résoudre à reprendre le chemin de l,université à Paris pour accomplir de la facon la moins astreignante possible la traversée du desert séparant l,école (ENA) du MAEC.
    Et là je vais te raconter certaines déconvenues qui ne te seraient ,mis en situation, certainement pas arrivées à toi le descendant d,Antar et de Abla sûrement aussi.
    Mais avant d,entamer la narration et pour être en conformité avec la typologie tribalo-ethnique de mise en l,espèce ,je me definirais comme un Hassano-pular autrement dit un negro-arabe.
    En 1989 ,à Paris où je poursuivais certaines études universitaires ,j,appris en mai que j,etais suspendu de ma qualité de fonctionnaire et ce malgré une mise en position de stage en règle.
    De retour au pays ,je fis lever la suspension en un jour et j,eus droit à des excuses aussi.Motif, de par mon faciès , je n,etais manifestement pas le prototype classique du negro-mauritanien ,en revanche mon nom lui l,était.(Khalil Balla Gueye)
    J,appris que j,ai été suspendu tout simplement en raison de mon nom de famille.Aberrant et saugrenu,trouves-tu pas?
    Toujours dans le même régistre.
    Fraîchement imbu de la lecture de l,ouvrage de Philippe Marchesin « Tribus,ethnies et pouvoir en Mauritanie » et sucombant au mimetisme ambiant,j,ai été une fois amené à utiliser le jeu de cooptation ehnico-tribale pour "faciliter" une promotion que je méritais du reste.Comme tout le monde.
    Pour mes oncles maternels ,les Oulad Nasser,je n,étais pas suffisamment arabe et de toutes facons d,autres cadres Semites ,Quraichites ou Beni Maakel de pure souche seraient prioritaires.
    L,acceuil décevant et rafraîchissant de mes oncles maternels qui m,ont élevé a fini de me dissuader d,aller voir de l,autre coté.
    En somme ,arabe je ne le serais pas , et noir ,bien que de couleur plutôt foncée je ne le suis pas encore. Je t,enverrai ce soir même une récente photo de moi afin que tu t,assures bien que je n,ai pas changé de couleur comme Michael Jackson.
    Je me suis donc retrouvé dans une sorte de "no mans land identitaire" dans mon propre pays.
    J,ai été litterallement catapulté ,"driven out" du pays faute d,avoir pu trouver un ancrage tribal ou ethnique déterminé.
    Je ne me vois tout de même pas finir ma carrière à 60 piges comme premier conseiller d,ambassade, fonction que j,ai occupée à l,âge de 28 ans déjà !
    Et le resultat ,il est là devant tes yeux.
    Il me souvient d,en avoir parlé en d,autres termes sur Cridem sans préciser la tribu pour denoncer ce mode de distribution du pouvoir et des fonctions anachronique, suranné et surtout inégalitaire.

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  5. Excellent Prof. Ould Daddah avait essayé d'effacer cela, pour être rémis à l'ordre du jour par les militaires que les deux ont suivi à chaque occasion. la cherifeité de la première dame est fausse comme celle du gars du Brakna.

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  6. J'ai été très surpris de trouver dans la lettre de Smaïl O. Amar, un de nos plus brillants cadres, une référence à une supposée généalogie complètement hors sujet pour prouver je ne sais quoi.
    « C’est cependant toujours le même homme, fier de son origine Quraïchite par son aïeul éponyme paternel Abderrahmane Rakkaz et son aïeul Menny (pseudonyme de Fatimetou), fille de l’Imam El Hadramy, de l’épopée de Boubakar Ben Amer et ses compagnons et de l’histoire de la confédération tribale Idoïch, viscéralement attaché à sa culture arabo-musulmane et à son terroir, toujours déterminé à «éveiller les consciences» par l’exemplarité. »
    On comprend plus loin pourquoi c’est signé Ismaël et non Smaïl…

    Mais Smaïl O. Amar ne fait, comme le dit le Pr ELY Mustapha, que rappeler cette tradition qu’ont les tribus mauritaniennes à ramener leurs origines à une famille Quraïchites de préférence avec un aïeul compagnon proche du prophète…
    Je me rappelle tout petit que l’un de mes oncles tenait un vieux cahier jauni avec une généalogie qui se résumait à Vlane O. Med O. Hassan O. Sidi O. Yahya O. Ahmed etc., des centaines de prénoms jusqu’au fameux ancêtre de la Mecque ou de Médine ! Même enfants nous rions de lui. Comment pouvait-il en être à l’âge adulte ? Ne pas en parler, ne pas trop s’étendre sur la question ou ne pas froisser les convictions de certains, c’est l’attitude ambiante conciliante…
    L’histoire de nos origines reste à écrire en partie sans doute par nos chercheurs et historiens avec les outils reconnus et la méthodologie classique. Mais ce n’est sûrement une mince affaire… Par le passé nos étudiants d’histoire qui s’y sont collés l’ont compris rapidement à leur dépend (cf. histoire de Mint El Hassen au sujet des origines de quelques tribus du Trarza), la place n’est que pour les hagiographies…

    Il y a bien quelques années, j’ai eu à lire la thèse de Md Mokhtar O. Bah (jeune membre éphémère du premier gouvernement de Mauritanie) présenté à Tunis, je crois sur le droit musulman en Mauritanie précoloniale. Dans les annexes, on trouvait des textes de nos érudits dont un qui a attiré mon attention. Son auteur en introduction se présente au lecteur comme d’usage en étalant sa généalogie sur une page. Il conclut qu’il est descendant de Ali, le gendre du Prophète ainsi que toute sa tribu pour 3 raisons :
    1- Lui et sa famille ont la propension à avoir des conjonctivites (!) comme la famille Quraïchite du Prophète (?).
    2- Un poète mauritanien confirmé avait dit, il y a bien longtemps, dans un poème au sujet de sa tribu : « quels honorables descendants du plus respecté des hommes… »
    3- Le nombre d’érudits et de ulémas dans la famille ne peut pas tromper…

    C’était juste une introduction à son texte ! Je regrette maintenant de ne pas avoir lu la suite…
    La sagesse de Med Mokhtar O. Bah, que je n’ai pas comprise à ce moment là, est de ne pas avoir commenté le texte en annexe qu’il avait pourtant reproduit et traduit…
    J’ai perdu le bouquin dans mes pérégrinations mais il est intéressant de relire cette partie maintenant…
    A l’école moderne où on apprenait la logique et le raisonnement par la preuve, nous étions déroutés. Surtout si notre héros, c’était Cendrillon et non le Roi Soleil…

    Ne sommes nous pas devenus, comme dit le Pr ELY Mustapha, « une concentration d’humains qui chantent les louanges de leur lignée ancestrale dans une misère qu'ils tirent directement de la lignée de leurs actes »?

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  7. Plus facile,en effet de vivre le passé,même faux que le présent!.Cette manie qu'a aujourd'hui le mauritanien de mentir,de frauder date,en fait de très longtemps!.Chacun s'invente les origines qu'il veut et avec le temps,ses descendants croient au mensonge transmis par les aieuls,géneralement,le seul héritage."Tu acceptes,sans commentaires mes prétendues origines et je fais de même à ton égard et l'histoire de la généalogie est ainsi arrêtée,en Mauritanie".En réalité,aucun mauritanien ne dispose de preuves tangibles et irréfutables de ses origines lointaines et ceci est inhérent à la nature nomade du mauritanien,antinomique,par definition à la conservation des archives.Comment,en effet,peut-on conserver quoi que ce soit,si on change sans cesse de place?.Ce mensonge "individuel" nous a conduit à un autre mensoge collectif,à savoir que les almoravides,c'est nous,sans nous rendre compte de l'incohérence d'une telle assertion,à savoir que les almoravides qui sont à l'origine d'une des plus grandes civilisations du monde ne peuvent pas "enfanter" des nomades qui n'ont comme réalisations que Tichitt ou Chinguitti.En conclusion,nous devons nous ressaisir et se rendre à l'évidence que la reference aux origines et à la tribu-même sans trichage!- ne sert à rien et est contraire à l'esprit de notre sainte religion et à notre volonté commune de bâtir une democratie citoyenne.

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Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.