jeudi 17 avril 2008

De l’Islam, de la politique et de l'Etat.


Vérités et contrevérités
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Il est des vérités qui vont à l’encontre des idées reçues.Il en est une qui dérange: l’islam est bien un mode de gouvernance.
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Les préceptes islamiques gèrent la vie de la cité et le Coran, les hadiths, la doctrine et la jurisprudence musulmanes développent bien une assise fondamentale de la gestion politique des affaires de l’Etat, de la société et du citoyen.
Il est absolument faux de dire que la religion se limite à un rapport limité et personnel entre le croyant et son Dieu. Elle développe aussi tout un environnement de rapports entre tous les croyants, jusque dans la gestion des affaires de leur cité.
Dire que l’Islam n’est pas adapté à la gestion des affaires de l’Etat, dire qu’il est destiné à gérer exclusivement des rapports métaphysiques et spirituels, est une contrevérité.

Toute l’histoire du politique en terre d’islam depuis le prophète Mohamed, que la paix soit sur lui, jusqu’au dernier Calife montre bien que l’islam a été aussi bien la charte des conquérants que la constitution des gouvernants. Toute l’expansion de la civilisation arabo-musulmane s’est faite sur cette base.

L’argumentaire du genre « l’Islam est incompatible avec la gestion de l’Etat et des affaires publiques », est absolument contraire a ce que fut l’Islam et sa formidable capacité à développer ses préceptes et ses méthodes pour embrasser tous les aspects sociaux économiques et politiques de l’Etat.

Pour ne prendre qu’un exemple , mais Ô combien édifiant, peut-on nier que le Calife Omar Ibn El Khattab, que la paix soit sur lui, ne fut pas un grand homme d’Etat, qui fit des principes de l’Islam une doctrine d’Etat et de l’Islam la source principale de l’acte politique ? Source qu’il a su si bien adapter au temps et aux circonstances. Développant par la même la Justice, le droit et l’Etat.

Pourquoi tend-t-on aujourd’hui à court-circuiter la nature politique de l’islam et à le confiner dans une sphère domestique d’un rapport purement spirituel entre l’homme et Dieu et jamais entre l’homme et ceux qui le gouvernent ?

Les raisons en sont multiples et permettent de comprendre pourquoi l’islam en particulier, et les religions en général, sont écartés du politique et ne peuvent valoir idéologiquement.

Parmi ces raisons il y’en eût une qui prit son essor avec la laïcité de l’Etat. La fameuse séparation de l’Etat et de l’Eglise qui, en Europe, marqua un tournant historique majeur dans la gestion des affaires publiques.

Dans sa définition généralement admise, "la laïcité désigne le principe de séparation dans l'État de la société civile et de la société religieuse, ainsi que le caractère des institutions qui respectent ce principe."(Wikipédia)
"Selon ce principe, la croyance religieuse relève de l'intimité de l'individu. Les convictions religieuses (ou l'absence de conviction) de chacun, qu'il faut peut-être distinguer des options spirituelles ou métaphysiques théistes plus ou moins indépendantes des religions, sont alors volontairement ignorées par l'administration."

Mais fait important : la Mauritanie n’est pas un pays constitutionnellement laïque (tels que la France ou le Portugal) c’est un pays où « l’islam est la religion de l’Etat ».

En effet le préambule de la constitution mauritanienne du 20 Juillet 1991 déclare la confiance du peuple en la toute puissance d’Allah et « fort de ses valeurs spirituelles et du rayonnement de sa civilisation, il proclame en outre, solennellement, son attachement à l'Islam (..) »

L’article 5 déclare que « l'Islam est la religion du peuple et de l'État. » et le président de la république est forcément de religion musulmane (article 23)

On comprend bien que l’Islam est la religion du peuple, une collection d’êtres, mais que signifie « l’Islam est la religion de l’Etat » ?

Une entité abstraite, personne morale peut-elle revendiquer une religion ?

Si l’on s’en tient à une définition synthétique de la religion, la notion de « religion de l’Etat » n’a aucun sens.
La religion est un ensemble de croyances et de dogmes définissant le rapport de l'humain avec le sacré.

Ainsi le sens de « religion de l’Etat » n’a de signification que dans la mesure où l’Etat se présente en protecteur du culte musulman, des lieux de culte et s’inspire de l’Islam dans son action et dans les textes juridiques régissant son fonctionnement et la répartition des pouvoirs en son sein (Constitution). L’Islam est aussi la source de son arsenal juridique socio-économique.

Dans cette perspective, la Démocratie y perd beaucoup de son intérêt.

D’abord, un Etat qui affiche une obédience religieuse, islamique ou autre, réalise une chose et son contraire :

- il balaie tout courant politique qui prend appuie sur la religion islamique ou qui en fait son programme. En effet « l’Islam étant la religion de l’Etat », aucune force ne peut entrer concurrence ni faire valoir ce principe constitutionnel autre que l’Etat lui-même. Donc exit tout parti islamique.

- Mais curieusement aussi, il condamne implicitement tout courant politique qui n’accepte pas à priori de gouverner selon les préceptes islamiques ou de s’en inspirer. Exit donc, les partis marxistes, communistes et autres forces ouvrières. Exit les partis libéraux et néolibéraux à aile capitalistique occidentale etc. etc.

L’Etat mauritanien n’étant ni laïc, ni théocratique, il se gère entre deux eaux. Il n’arrive pas affirmer sa laïcité ni à confirmer sa théocratie.
Toute la gestion de l’Etat jusque dans l’octroi des autorisations d’exercice des partis politiques s’en fait ressentir. Il ne s’agit donc nullement d’interdire des partis sur la base de leur obédience religieuse, puisque rien dans la constitution ne le permet mais sur la base de « l’air du temps » (extrémisme, fondamentalisme etc.) Or l’Islam n’est ni par définition ni par essence extrémisme ou fondamentalisme. Il est ce qu’en font les hommes. Et cela vaut pour toutes les religions (extrémistes chrétiens, extrémistes juifs etc.) et toutes les idéologies du monde (extrémistes de gauche, extrémistes de droite). Tout est question de modération.

En Mauritanie, le critère religieux n’est pas exclusif de la lutte partisane et la constitution n’exclut pas ce critère puisque la condition fondamentale pour les partis politiques est « de respecter les principes démocratiques et de ne pas porter atteinte par leur objet ou par leur action à la souveraineté nationale, à l'intégrité territoriale à l'unité de la Nation et de la République » (article 11).

A ce titre le cadre partisan en Mauritanie, se doit d’être repensé non à la lumière de ce que la pensée unique (occidentale ou orientale) voudrait qu’il devienne mais à celle des réalités du pays et du choix de ses populations.

C’est à ce prix qu’une démocratie mauritanienne véritable verra le jour.
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Pr ELY Mustapha

5 commentaires:

  1. "Dans le cadre du Parti du peuple mauritanien, nous avons essayé de poser les premiers jalons d'une démocratie qui s'inspire de son temps, mais évite de plagier ce que d'autres peuples ont conçu au cours de leur histoire spécifique, dans un contexte religieux, économique et ethnique différent."
    "Nous devons, nous Mauritaniens, nous porter garants face au monde que l'Islam est une religion de paix et non de haine, de solidarité et de partage et non d'égoïsme et d'individualisme."
    Moktar Ould Daddah
    épilogue La Mauritanie contre vents et marées.

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  2. Cher monsieur,

    Jadis, vous écriviez des articles achevés, là, à la vitesse de l’exalté, vous nous annoncez une thèse académique sous un titre sans appel : « de ceci de cela » pour finalement n’articuler qu’un billet bien écrit , bien pensé mais hélas à des ténèbres de vos lumières. Que ce se passe-t-il ? Où sont les articles fleuves où tout s’articule comme une horloge suisse qui à l’heure de la conclusion achève l’élan comme il faut par un trait qui annonce l’heure suivante ?

    Passons. Pour ce qui nous occupe :

    Vous dîtes : « L’argumentaire du genre « l’Islam est incompatible avec la gestion de l’Etat et des affaires publiques , est absolument contraire à ce que fut l’Islam » :
    que signifie ce « fut-là », doit-on comprendre que cet argumentaire n’est pas contraire à ce que l’Islam « est » aujourd’hui. Auquel cas, vous nous annoncez le contraire de votre démonstration avant même qu’elle ne s’achève car nous vivons à l’époque du « est » et non du « fut »

    Où trouver de nos jours un de ces grands hommes : « Pour ne prendre qu’un exemple , mais Ô combien édifiant, [ …] le Calife Omar Ibn El Khattab, que la paix soit sur lui, […] grand homme d’Etat, qui fit des principes de l’Islam une doctrine d’Etat et de l’Islam la source principale de l’acte politique ? Source qu’il a su si bien adapter au temps et aux circonstances. Développant par la même la Justice, le droit et l’Etat. »

    Il faut donc que le monde musulman trouve de tels hommes mais encore faut-il qu’ils soient au pouvoir ! Nous y sommes : vous en connaissez beaucoup de nos jours de ces hommes-là ! D’ailleurs comment de nos jours de tels hommes pourraient prendre le pouvoir , s’ils sont du peuple ? et s’ils n’en sont pas : comment de tels hommes peuvent-ils rester au pouvoir cernés par leurs contraires

    Croyez-vous franchement qu’ils diraient au peuple dominé, exploité, détruit : « l’islam est une religion de tolérance, priez mais n’agissez jamais, supportez vos malheurs, accepter de savoir que votre république n’a d’islamique que le nom car les criminels et voleurs qui ont ruinés le pays sont encore actifs, arrogants, vivants dans l’impunité totale , intriguent à souhait au vu et au su de tous, dirigent tout et même votre président que vous avez élu n’y peut rien sans l’aide direct d’Allah ! »

    Vu donc que ces grands hommes-là sont encore trop rares, qu’adviendra-t-il si à leurs places viennent des hypocrites qui se servent de la religion pour tenir le peuple dans l’obscurantisme et gouverner tranquillement ? Qu’adviendra-t-il si de tels hommes sont partout dans les rouages de l’état et que pendant des décennies réduisent à néant tous les esprits qui pourraient les déranger ? qu’adviendra-t-il si c’est eux qui doivent interpréter le coran et placer à leurs guises les hadiths qui sortis de leurs contextes serviront leurs manœuvres ?

    Dans ce cas-là , à l’époque du ‘est’ et non du « fut » , qui peut estimer que le temps est à livrer l’Islam et les croyants à ces hommes d’état-là ? Non ! merci ! car de toutes façons même si l’état est laïc, il suffirait que les citoyens et les gouvernants soient musulman et le pays vivrait sous le ciel des musulmans car chacun à sa place agirait en musulman.

    Vous dîtes : « L’Etat mauritanien n’étant ni laïc, ni théocratique, il se gère entre deux eaux. Il n’arrive pas affirmer sa laïcité ni à confirmer sa théocratie. » :
    pourquoi ne pas dire haut et fort que l’état est hypocrite, vu que nul ne saurait balancer de l’un à l’autre quand l’un est islamique et l’autre non !

    Enfin vous dîtes : « A ce titre le cadre partisan en Mauritanie, se doit d’être repensé non à la lumière de ce que la pensée unique (occidentale ou orientale) voudrait qu’il devienne mais à celle des réalités du pays et du choix de ses populations. « :
    autant dire : ne changeons rien ! car les réalités du pays font que le choix des populations n’a jamais été le sujet sauf pour l’assujettir !

    bien à vous

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  3. Cher professeur,
    Vous dîtes "Une entité abstraite, personne morale peut-elle revendiquer une religion ?"

    Cela résume tout et pose la grande question de la réligion de l'Etat.
    Un article appréciable et très intéressant. Je l'ai relu deux fois. Merci.

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  4. Mauritanien-athé-Moul7id10 mai 2008 à 06:39

    Chèr Pr,
    je suis tellement choqué de voir quelqu'un d'une grande culture entretenir de tels propos...
    Je suis plus choqué , quand vous nier que la Mauritanie n'est pas un etat laic...
    L'islam n'a rien avoir, et ne doit rien avoir avec l'etat mauritanien...
    Le fait de dire que l'Islam est la réligion du peuple, est une contradiction flagrente avec tout principe de liberté... vous etes entrain d'enlever la citoyenneté d'un mauitanien athée comme moi..........je suis maurianien mais je ne suis pas musilman.......est ce que vous trouvez que c'est logique de me priver du droit d'avoir l'ambition d'etre un jour présidant de mon pays.........
    qu'est ce que vous en pensez???

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  5. mauritanien-athé-moul7id10 mai 2008 à 06:40

    j'espere que vous ne censurez pas mon commentaire et que vous y répondiez......merci

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Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.