Misère d’amitié, misère de politique. Par Pr ELY Mustapha

 

« Une amitié qui ne peut pas résister aux actes condamnables de l'ami n'est pas une amitié.” (Alain)

 

Si l’on se devait de faire abstraction des crimes économiques d’un politique, juste le temps d’une contemplation humaine de l’amitié entre deux hommes, compagnons de route, l’on ne peut, au nom de la morale, que se poser des questions de ce qu’il advint entre ces deux hommes.

Compagnon d’arme et de fortune (mal acquise), de plus de 30 ans, de Ghazouani, Aziz est lâché par ce dernier qui l’a laissé, publiquement,  à la vindicte parlementaire et aux crocs judiciaires. Invoquant, il est vrai les principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs.

D’aucuns diraient qu’il n’a que ce qu’il mérite, mais au-delà du droit et de la justice, qu’en dirait la morale ?

Le philosophe Alain écrivit « qu’une amitié qui ne peut pas résister aux actes condamnables de l'ami n'est pas une amitié.”

Comment concevoir au-delà des faits qu’un homme arrivé au sommet de l’Etat, puisse contempler son compagnon trainé dans la boue, malmené moralement et physiquement. Pas une intervention personnelle de soutien moral, ne serait-ce qu’un mot d’amitié et de réconfort. Laissé à son destin Aziz se débat et invoque à demi-mots le soutien d’un ami qui ne vient pas.

Machiavel écrivit : « Un homme qui veut être parfaitement honnête au milieu de gens malhonnêtes ne peut manquer de périr tôt ou tard. Un prince qui veut se maintenir doit donc apprendre à n'être pas toujours bon, pour être tel que les circonstances pourront l'exiger. » (Le Prince – chapitre 15)

Et c’est probablement cet esprit, qui a supplanté l’élan d’amitié et qui dicta au détenteur du pouvoir de laisser son compagnon à son sort. Mais cette attitude semble déroger à notre culture et à nos valeurs sociales, dans lesquelles il est bien affirmé que la vraie fraternité s’exprime durant les dures épreuves de la vie.  (إنما الأخوان في الشدائد).

S’il y a un enseignement à tirer de cet épisode d’une amitié qui a tourné en inimitié, c’est bien que les grecs avaient excellemment défini l’amitié en ce qu’elle ne peut être qu’une relation libre entre égaux. Elle ne survit plus lorsque l’ami devient sujet du prince, son ami.

Cette situation explique le rejet de la morale en politique. La seconde renvoie au champ du pouvoir soumis à la tactique que dictent les rapports de force. Quant à la première, la morale, elle relève du monde des principes qui en politique font souvent défaut. C’est en cela que dans son « Eloge à l’amitié »,Tahar Ben Jelloun affirmait à juste titre que “la politique dénature et ruine l'amitié.”

Et il est fort probable que la misère de cette amitié que nous contemplons, n’est que l’expression la plus évidente de la misère politique, de l’esprit, de l’humanité et de la morale que nous vivons.

Le poète Ibnou el Abd n’écrivit-il pas ;

عَنِ المَرءِ لا تَسأَل وَسَل عَن قَرينَهُ * * فَكُلُّ قَرينٍ بِالمُقارِنِ يَقتَدي

Misère d’amitié, misère de politique.

Pr ELY Mustapha

 

إِذا شاءَ يَوماً قادَهُ بِزِمامِهِ ** وَمَن يَكُ في حَبلِ المَنيَّةِ يَنقَدِ
إِذا أَنتَ لَم تَنفَع بِوِدِّكَ قُربَةً ** وَلَم تَنكِ بِالبُؤسى عَدوَّكَ فَاِبعَدِ
أَرى المَوتَ لا يُرعي عَلى ذي قَرابَةٍ ** وَإِن كانَ في الدُنيا عَزيزاً بِمَقعَدِ
وَلا خَيرَ في خَيرٍ تَرى الشَرَّ دونَهُ ** وَلا قائِلٍ يَأتيكَ بَعدَ التَلَدُّدِ
لَعَمرُكَ ما الأَيامُ إِلّا مُعارَةٌ ** فَما اِسطَعتَ مِن مَعروفِها فَتَزَوَّدِ
عَنِ المَرءِ لا تَسأَل وَسَل عَن قَرينَهُ * * فَكُلُّ قَرينٍ بِالمُقارِنِ يَقتَدي

 

معلقة طرفة بن العبد) من)