samedi 19 avril 2008

De la citoyenneté et de l’Etat

Homo sapiens sapiens

Trop vite citoyen d’un pays aux frontières tracées, à la hâte, en équerre.
Le système étatique s’installa et précéda la prise de conscience de la citoyenneté. Celle d’hommes enchaînés encore à leur tribalisme et à leur régionalisme. Concepts plus palpables, plus proches, plus utiles, et plus compréhensibles pour eux qu’une entité aussi diffuse que l’Etat.

L’existence même de l’Etat en souffre. Son acceptation par le citoyen l’est encore plus. L’allégeance à l’Etat est un concept qui ne fait l’objet d’aucun consensus. Autrefois nomade, libre et sans contrainte de temps et d’espace, le mauritanien a gardé dans son mental cette liberté qui fait qu’il ne croit pas en l’Etat. Il le tolère.

Quarante-huit ans après l’indépendance, le Mauritanien n’est pas plus citoyen qu’il ne l’était en 1960. Il est devenu citadin, mais pas citoyen. Un être des villes, un individu, contraint à leur mode de vie. Nullement un être partie prenante au devenir d’une nation qu’il entend préserver et améliorer pour les générations futures.

La différence entre individu et citoyen est de taille.

En effet, être "citoyen" signifie que l’on fait partie d’un corps politique, d’un État, qu’on a dans cette collectivité nationale, des droits, des obligations, et donc des responsabilités.

Au contraire être un « individu » n’implique rien d’autre qu’une appartenance à une espèce biologique: l’homo sapiens sapiens.

Le citoyen est celui qui apporte par son action quotidienne une pierre à l’édifice de la maison « nation ». Car dans son droit, elle sera son refuge. La citoyenneté est un acte d’allégeance qui signifie, depuis Aristote, d'avoir pour sa cité (aujourd’hui l’Etat) un attachement tel que le citoyen exposera sa vie pour la défendre et défendre par la même ses institutions.

La citoyenneté est antinomique de tout ce qui porterait atteinte aux biens publics et privés. Tels que le vol et la corruption.

En Mauritanie, et jusque dans certains salons, on se vante de sa propre malversation et de sa corruption. La corruption est au coin de la rue. Tout le monde se fait rançonner. Du taximan, par le policier, aux administrés, par les fonctionnaires.

Les grands marchés publics sentent le souffre et les dessous de table, le moindre service administratif ou économique est monnayé par des individus (non des citoyens) sans scrupules.
L’Etat semble impuissant et de cette impuissance les individus en tirent une source d’irrespect pour ses agents et ceux qui le représentent.

Ce n’est pas la carte d’identité infalsifiable qui fera un citoyen infalsifiable.
Ce n’est pas le recensement patronymique qui fera des individus des citoyens reconnus.
C’est bien plus que tout cela. C’est l’image que l’Etat renvoie à l’individu qui le décidera à devenir ou non citoyen.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la citoyenneté ne se décrète pas. Elle est une conviction, une attitude. Le reflet d’un environnement sociopolitique, institutionnel et partisan respectable.

L’image que l'Etat, durant ces longues années, a renvoyé l’individu mauritanien est éminemment négative.
Tout Etat n’a, en effet, que les « citoyens » qu’il mérite.

Réhabiliter l’Etat aux yeux du citoyen est la première des priorités de toute action politique nationale.
Purger les rouages de l’Etat de la corruption, du népotisme et de la malversation. Assainir les finances publiques.
Revoir la stratégie sociale et culturelle d’intégration des individus dans le giron de la nation. Communiquer et informer. Ouvrir les forums, les discussions, et permettre l’interpellation populaire des responsables.
Accepter le dialogue et le compromis. En somme, inviter les individus sous un arbre à palabre national et permanent.
En résumé, mettre l’Etat au service du citoyen est une condition d’acquisition de son allégeance. Et de réduction de sa résistance et de sa violence. Car c'est dans l'absence de conscience de sa citoyenneté que l'on sombre dans la violence à l'égard de la chose publique.

Mais qui, de ceux qui ont tenu un jour en Mauritanie les rênes du pouvoir, a accepté de jouer le jeu d’une démocratie condition sine qua non d’émulation positive de la citoyenneté ?

La réponse est simple : aucun. Pourquoi ? Parce que même au pouvoir ont doit être (et rester) citoyen. Or, le pouvoir en Mauritanie reste encore une affaire d’individu(s). Homo sapiens sapiens.
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Pr ELY Mustapha

2 commentaires:

  1. Très bien dit. Surtout que ce sont d'ailleurs ceux qui nous gouvernent qui n'ont aucun sens de la citoyenneté; s'ils ne sont pas tout simplement des nationaux d'autres pays (marocains, sahraouis et autres).
    C'est pas seulement des sapiens, c'est des savent rien de ce qu'ils causent comme injustice au pays.

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  2. Citoyens? citoyens de quoi? La Mauritanie pour eux c'est voler, voler et encore voler c'est tout;;;;

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Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.