mercredi 19 septembre 2007

Un Faucon pour la Mauritanie.

Voilà pourquoi on ne peut lutter contre la corruption


Un document du Ministère de l’Economie et des Finances largement distribué sur son site nous fait l’état des lieux, des engagements internationaux de la Mauritanie en matière de lutte contre la corruption, des voies et procédures administratives, financières, juridictionnelles, institutionnelles etc. pour lutter contre la corruption.
En somme un déluge de bonnes intentions qui verse dans l’étalement d’une vision panoramique et en technicolor de la corruption en Mauritanie. La seule chose qu’on en retient c’est que l’administration, y compris celle qui a élaboré ce document, reconnait sa corruption.
Non, la lutte contre la corruption n’a pas besoin d’un document à palabre qui ressasse en long et en large ce que l’on retrouve dans tous les documents internationaux et nationaux de lutte contre la corruption. De l’ONU à l’OCDE, de l’EU à la banque mondiale, de la Biélorussie au Benin, tous on élaboré des textes juridiques pour la lutte contre la corruption. Et Après ? Ni l’ONU, Ni les pays de l’OCDE et de l’Union européenne qui disposent de tant de moyens pour lutter contre la corruption n’ont pu la vaincre , ne parlons même pas de la Biélorussie , bu Bénin et de la centaine d’autres Etats du monde qui ont décidé de lutter contre la corruption.
Le rapport du ministère de l’économie et des finances pourrait se résumer en un mot : « la corruption en Mauritanie existe à tous les échelons de l’Etat , du simple policier au haut commis en passant par toute l’administration publique, les corps constitués, les organes politiques, juridictionnels, économiques, sociaux et militaires …»

Un constat sans appel et un aveu sans détour d’une administration minée par la corruption. La corruption un monstre d’Etat que l’on veut combattre avec des tigres en papier : des rapports et des textes à profusion fussent-ils une synthèse au petit bonheur de tout ce que les organisations internationales nationales ont cogité jusque-là.

Cessons de nous leurrer, la corruption n’est pas affaire de textes à proclamer, ni de conventions internationales à signer, ni de bonnes intentions à déclarer, mais d’action.
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Qu’ajouterons-nous alors de neuf en Mauritanie à tout ce qui existe pour lutter contre la corruption ?

Sur le plan du droit tous les codes existent du code pénal au règlement général sur la comptabilité publique en passant par la pléiade de codes qui régissent le devoir et les obligations du fonctionnaire et les sanctions afférentes...
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Sur le plan des organismes de contrôles, la Cour des comptes existe, L’Inspection générale des finances existe, les inspections départementales des ministères existent, l’Inspection générale d’Etat existe , la direction du contrôle des impôts existe, les juridictions de tous ordres existent…
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Alors qu’est-ce qui manque pour lutter contre la corruption ?
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Ce qui manque c’est justement ce que aucun texte ne résout : trouver des personnes non corrompues pour mettre en œuvre toute réforme contre la corruption. Des personnes compétentes, dévouées, incorruptibles, bénéficiant d’une indépendance financière, protégées par leur statut et par les autorités .
Des personnes indépendantes de leur tribus, indépendantes de leur clan , indépendantes de leurs opulence et n’ayant pas un passé mafieux ou judiciaire quelconque…des personnes capables de travailler sous haute pression 20 heures d’affilée et de pouvoir dire « non » à toutes les instances du pouvoir.
Guidées par le seul devoir de justice et la volonté de réussir; aguerries à la lutte contre la corruption, par leur expérience, et par leur courage.

Ces personnes là, ce ne sont pas les textes qui les inventent, ce ne sont pas les stratégies élaborées au fond d’un département ministériel ou d’un conseil consultatif qui les inventent, elles naissent dans un système qui a la volonté de lutter contre la corruption , une volonté acquise depuis longtemps , il les recrute dans des corps judiciaires et administratifs, magistrats et fonctionnaires, qui furent affectés à cette lutte dans les tribunaux et dans les administrations. Et qui réussirent avec plus ou moins de bonheur cette mission. Or on n’en connait pas et personne ne s’est illustré dans cette fonction et pour cause. La corruption était le lot de tout le monde y compris ceux-là même qui était sensés en être les boucliers .

Le juge italien Giovanni Falcone débutait toujours ses interrogatoires par cette phrase :

« Dites ce qu'il vous plaira, mais sachez bien que cet interrogatoire sera pour vous un calvaire, car j'essaierai de vous faire tomber dans tous les pièges possibles. Si par hasard, vous parvenez à me convaincre de la vraisemblance de vos propos, alors et alors seulement, je pourrais envisager de soutenir votre droit à vivre et à être protégé face à la bureaucratie et face à Cosa Nostra ».
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Qui en Mauritanie est capable aujourd’hui de tenir ce langage ?
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Combien de Falcone dans nos administrations ? Combien de Borrelli dans nos juridictions ?
C’est ce qu’il faut se demander. Se demander qui a les mains propres pour lutter contre la corruption et surtout remettre au placard « cette stratégie nationale de lutte contre la corruption (2007-2010) » qui si elle a une valeur quelconque c’est de montrer que l’on cherche encore à figer dans les textes et dans les procédures ce qui, on le sait, ne se fait qu’avec des hommes qui y consacrent leur temps et souvent y laissent leurs vies. Des Falcone, des faucons.
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Contre la corruption et tout ce qui a la nation nuit, on pense stratégie, mais on agit. Et là où les faucons ne volent pas, les pigeons font leurs nids.
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Pr ELY Mustapha
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* La peinture illustrant cet article est intitulée "Faucon pélerin et perdrix rouges" elle est du peintre animalier, lithographe et sculpteur Pierre Roussia. Son site: http://www.pierre-roussia.com/v2/index.php

lundi 17 septembre 2007

L’opposition mise en cage

Où est Ahmed Daddah ?

Y’a-t-il un capitaine à bord ? Pourrions-nous dire. Ahmed Daddah a disparu de la scène politique. Une brève apparition lors des inondations de Tintane et c’est tout. Va-t-il limiter ses apparitions aux inondations ? Ce qui est certain c’est que le calme plat règne sur le parcours politique récent de cet homme politique.
L’homme qui était de toutes les situations, qui pourfendait vents et moulins s’est assagi d’un seul coup. La scène politique mauritanienne le désole-t-il à ce point ou a-t-il trouvé que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ?
De toute évidence, Ahmed Daddah, n’est plus de toutes les guerres, il semble avoir choisi le front de la paix. Mais est-ce là le rôle d’un opposant historique ?

On aurait pu le croire, si arrivé au pouvoir il avait été satisfait des réformes entreprises et si convaincu de ses réalisations, il s'était refugié dans le calme, celui de la satisfaction d’un travail accompli. Or on le sait, il n’en est rien.

Le paysage socio-économique est en déliquescence avancée et le pouvoir n y a pas apporté des solutions convaincantes, la scène politique se repeuple d’ombres mystérieuses de jadis, le paysage politique se recompose à la hussarde en une mosaïque partisane à l’allure de déjà-vu. La drogue sévit et la mafia s’est appropriée les créneaux du système économique, le pauvre citoyen peine sous le poids d’une économie de la cherté, de l’endettement, du besoin et de la pauvreté.

Et dans tout cela où est Ahmed Ould Daddah? Où est, à travers lui, toute l’opposition qu’il haranguait ?

C’est aujourd’hui et maintenant que l’opposition se doit de jouer son rôle. C’est aujourd’hui et maintenant que le système politique en place a besoin d’interlocuteurs dynamiques et capables de redresser la barre à travers une opposition contrepoids au dérapage.

Le vide du paysage politique laisse perplexe ces 47,15% de Mauritaniens qui ont voté Ahmed Daddah, aux élections présidentielles, et qui se retrouvent aujourd’hui devant un homme qui semble peiner à continuer cette lutte qu’ils lui ont confiée.

Ahmed Daddah a-t-il baissé les bras ?

Tout semble le faire croire à travers sa disparition du paysage médiatique.

L’opposant aguerri s’est-il laissé prendre par le confort institutionnalisé de sa « fonction » de leader de l’opposition et s’est, à travers cet office, imposé un droit de réserve ?

On ne saurait le dire mais si l’on compare l’homme dynamique, virulent, actif, dénonciateur et pourfendeur de l’ordre d’avant mars 2007 et celui d’aujourd’hui, assagi, prudent, épisodique dans ses déclarations, effacé on peut dire qu’Ahmed Daddah n’est plus ce qu’il était. Car rien ne justifie une telle attitude. Ni la situation économique et financière, ni la situation politique du pays ni sa situation sociale ne sont des motifs de satisfaction . Et l’opposition semble avoir disparu de la scène politique.

Quelles conclusion en tirons-nous ?

Une conclusion qui se base sur un constat amère : l’opposition et son leader se sont laissés piéger par l’institutionnalisation de leurs fonctions.

D’un côté le leader de l’opposition s’est trouvé enfermé dans une fonction aux devoirs et aux rôles législativement bien définis le transformant en une institution statique qui se meut avec le pouvoir , qui l’accompagne, qui se concerte mais ne s’oppose pas. Une forme de « ministère de l’opposition » qui a institutionnalisé une neutralité de fait basé sur une gestion « concertée » de l’opposition. On ne s’oppose plus : on discute. Une opposition à palabre.

De l’autre côté une opposition prise dans l’enceinte du parlement et qui avec ses quelques députés s’évertue chaque jour à discuter, à amender des lois oubliant que ce n’est là qu’une infime part de son rôle.
Une opposition qui s’est complètement réduite à un rôle en aval de pronunciamiento sur des actes qu’elle aurait du plutôt moduler en amont par l’influence qu’elle doit exercer sur le pouvoir à travers son opposition sur le terrain social et économique. En somme auprès du peuple. Et à travers ses méthodes de sensibilisation populaire, ses dénonciations, ses manifestations, ses négociations et son poids dans la scène politique partisane.

L’institutionnalisation de l’opposition , « parlementarisée » et réduite à amender des lois dont la confection et l’essence lui échappe, la fonctionnarisation de son leader, le réduisant à un gestionnaire de l’opposition, explique pour une large part cette léthargie dans laquelle l’opposition est tombée.

Or l’opposition a besoin de liberté, elle a besoin de n’être liée que par des principes qu’elle défend. Elle doit être présente dans le peuple et avec lui . Défendant pied-à-pied et au jour le jour ses intérêts. Haranguant les foules quand il le faut , appelant à la résistance quand c’est nécessaire. Bref une opposition qui s’oppose.

Or en entrant dans le jeu de l’institutionnalisation et de la « fonctionnarisation" , l’opposition a été prise au piège. Elle est devenue une partie du système auquel elle est sensée s’opposer. On l’a mise en cage..dorée.

Pr ELY Mustapha
* La calligraphie illustrant cet article est de Moustapha Al-Arabi elle reproduit en Calligraphie un proverbe russe: "Pour le rossignol, cage dorée n'est pas une joie". Site Web: http://www.kaosmos.be/oeuvres/artistes/moustafaalarabi.htm

mercredi 12 septembre 2007

Pour une Mauritanie plurilingue





Esquisse d’une solution



1. La pratique de la solution

Les constats :

- La langue française est une langue étrangère et ne peut servir de langue officielle.
- Les langues nationales vue leur pluralité ne peuvent jouer le rôle de langue officielle
- La Langue arabe est une langue parlée par une majorité de la population
- La langue arabe peut jouer le rôle de langue officielle
- La langue officielle et les langues nationales se doivent d’être apprises par tous les Mauritaniens

Les impératifs :

- La langue officielle, l’arabe doit être obligatoirement enseignée à tous le mauritaniens
- Les langues nationales doivent être obligatoirement enseignées à tous les mauritaniens.

Les objectifs :

- Tous les mauritaniens doivent utiliser dans leurs relations officielles la langue arabe
- Tous les mauritaniens doivent à terme parler toutes les langues nationales.

Les moyens :

Mettre à contribution le système éducatif et l’enseignement pour asseoir une politique de maîtrise aussi bien de la langue officielle, l’arabe, que des langues nationales.
Ainsi la langue arabe sera obligatoire pour tous les cursus d’enseignement (primaire, secondaire, universitaire et professionnel). Tous les mauritaniens apprendront obligatoirement la langue arabe. Cette obligation d’enseignement de la langue arabe est accompagnée des mesures suivantes :

- Programmation d’une langue nationale obligatoire à enseigner pour tous les mauritaniens, à côté de la langue arabe (même charge horaire, même coefficient).

- A chaque cycle d’enseignement sera affecté l’enseignement d’une langue nationale obligatoire . Une langue nationale au cycle primaire, une seconde langue nationale au premier niveau cycle secondaire (collège), une troisième au second niveau du cycle secondaire programmée etc.

Par ce moyen le Mauritanien scolarisé qui aura terminé l’un quelconque de ces cycles (primaire, secondaire etc.) aura appris la langue arabe, langue officielle, et une, deux ou trois langues nationales. A l’université, l’apprentissage des langues sera approfondi de façon équivalente.

Résultats :

- Le Mauritanien, pourra à chaque étape de son cursus éducatif apprendre une langue nationale et en fin de parcours, il sera plus à même de dialoguer avec ses compatriotes dans leur propre langue.
- Les craintes de « discrimination » et « d’assimilation » à travers le choix de la langue arabe disparaîtront par elles-mêmes. Car chaque mauritanien est obligé d’apprendre la langue de son compatriote et finira par l’adopter.
- Après quelques années de ce régime d’enseignement des langues, la langue arabe, langue officielle, sera parlée par tous les mauritaniens et l’utiliseront pour tous leurs actes officiels et les langues nationales seront, avec l’arabe, les langues du peuple parlées par tous.
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2. La théorisation de la solution

Si l’on veut théoriser cela pour plus de visibilité on dira que grâce à cette stratégie le processus des langues en Mauritanie suivra trois étapes principales en partant d’une situation d’origine.

Avant la réforme (situation d’origine) : actuellement la langue arabe ne touche pas les negro-mauritaniens tout comme les langues nationales ne touchent pas les arabes mauritaniens. Ces langues évoluent dans deux sphères sociales séparées. Ce qui éminemment négatif pour l’unité et l’intégration nationale de communautés ayant le même destin.


Au Début de la réforme : D’abord, destiner la langue arabe à être une langue « horizontale » devant assurer la communication entre tous les mauritaniens (langue officielle). Transcendant les communautés. Ensuite, présenter les langues nationales comme étant des langues « verticales » ne touchant que les communautés qui les parlent. Le système éducatif va donc assurer l’interpénétration des langues à travers leur apprentissage obligatoire pour tous les mauritaniens.




En cours de réforme : lorsque les premières générations auront terminé le cursus de l’école primaire ou du collège. La tendance va aller dans le sens de « l’horizontalité » des langues nationales pour rejoindre la langue arabe et auront tendance à devenir des langues parlées par tous.




A la fin de la réforme : Application complète de la reforme aux premières générations de scolarisés. Les langues nationales auront acquis la même « horizontalité » que la langue arabe. Elles seront parlées par tous les mauritaniens en même temps que la langue arabe.


Si cette réforme est appliquée sur une période de 10 (pour ses premiers résultats) à 18 ans (pour un résultat définitif) , alors à la fin de cette période, on aura une Mauritanie plurilingue, aux couches sociales mieux intégrées entre-elles à travers le dialogue car l’apprentissage des langues aura facilité la communication. Toutes les langues seront les langues de tous le Mauritaniens.



Simple Simulation :




Mes convictions personnelles :

Après la période de réforme, il sortira du système éducatif une génération de mauritaniens qui parle indifféremment ses langues nationales accroissant ainsi ses capacités de dialogue, de tolérance et de fraternité. Chacun découvrira la langue de l’autre et chacun saura que sa langue est équivalente en richesse en humanisme et en sensibilité à celle de l’autre. Alors il l’adoptera, l’apprendra davantage et c’est là où nous arriverons à une Mauritanie plurilingue où tous ses enfants auront compris la valeur du proverbe : « qui ignore une chose a tendance à la haïr ».



Pr ELY Mustapha

mardi 11 septembre 2007

Bienvenue sous la tente ocre

Le Marabout-président



De L’avis de tous ceux, y compris les étrangers, qui ont rencontré le Président Sidi ould Cheikh Abdallahi, le sentiment est le même : c’est un homme affable, qui vous écoute attentivement qui ne vous interrompe jamais et qui vous donne cette impression de tranquillité. Ses gestes sont mesurés et posés. Il interroge plus qu’il n’expose avec un sens de la mesure donnant à celui qui l’écoute cette impression qu’il a toujours bien répondu a ses interrogations. Tous ceux qui ont rencontré Sidi ould cheikh Abdallahi, sont repartis avec la ferme conviction qu’il y avait chez cet homme une qualité réelle de conciliation et un vouloir inné de ne point irriter.

Un homme sage qui cherche dans la satisfaction de certains la satisfaction de tous. Satisfaire tout le monde sans irriter personne. Parler sans aller au-delà de ce qui peut être dit , se suffire de faire comprendre. A la profusion de mots il préfère le peu de mots justes. Aux mots qui dérangent, ceux qui concilient . Et quand chacun y va de ses doléances, il rencontre l’avis d’un interlocuteur qui lui laisse de l’espoir en de jours meilleurs.

En replaçant toutes ses remarques dans leur contexte socioculturel mauritanien, Sidi ould Cheikh Abdallahi, apparaît comme l’envers d’une image d’Epinal : un Marabout sous une tente ocre. Avec lui, comme on sied à le dire dans les grandes zouaya, la présidence est une « tente de grande famille ».

Sidi Ould Cheikh Abdallahi dispose de qualités certaines qui sont sans conteste, en diplomatie, un atout majeur, mais le sont elles dans la gestion de l’Etat ?

La conciliation d’intérêts est une œuvre que justifient les relations humaines, elle est souvent utile dans les arbitrages de groupes, de personnes, d’autorités mais elle devient inefficace sinon même dangereuse dans la gestion publique. Les acteurs de la gestion publique ont besoin d’ordre et de commandement, de fermeté dans la direction et de choix solides dans les hommes et les objectifs. Ils ont besoin de sécurité tant dans leur encadrement que dans la constance et l’unicité de la prise de décision. En somme, une rigidité à l’image des outils qu’ils utilisent.

Il est impossible de gérer l’Etat en recherchant de façon permanente la conciliation. Toute volonté de gouverner nécessite au préalable d’avoir choisi un option de développement. Un programme politique visant à appréhender, en fonction de la vision du leader politique et l’idéologie qui le guide, tous les secteurs de la vie sociale, politique et économique. En somme un programme à exécuter et à défendre. Et l’on voit bien dans cette optique que la conciliation doit servir ce programme et non l’annihiler en gérant de façon continue, à travers une recherche permanente de conciliation, les conditionnalités et les résistances posées par les autres forces politiques de l’opposition notamment.

En ce domaine Sidi Ould Cheikh Abdallahi, pèche par excès, il veut gouverner l’Etat dans une paix institutionnelle qui éviterait les frictions politiques en associant à ses efforts toute force contraire. C’est la raison pour laquelle ceux-là même qui devaient jouer avec des forces institutionnelles, un contre-pouvoir à savoir les partis d’opposition se sont mis à rechercher un « gouvernement d’unité nationale ». La personnalité du nouveau locataire du palais ocre s’y prêtait à merveille. C’était cependant sans compter sur les engagements qu’en homme d’honneur Sidi Ould Cheikh Abdallahi a pris à l’égard de ceux qui l’on soutenu. La droiture sans concession, voilà encore une qualité de cet homme qui l’empêche d’aller à contre-courant de ses engagements même s’ils sont en contradiction avec les intérêts de la gestion publique. Les nominations fort contestables et critiquées par un pan non négligeable de la classe politique et de l’intelligentsia, illustrent dramatiquement bien cette difficulté pour cet homme à arbitrer entre l’intérêt d’un groupe qui l’a soutenu et l’intérêt d’une nation qui a voté pour lui. Arbitrage qui met en balance la personnalité de l’homme de principes pour qui le respect de la parole donnée est sacré et le statut de l’homme d’Etat pour qui l’intérêt de tous doit primer l’intérêt de quelques uns. Et la balance pencha dans le sens que l’on sait.

Aujourd’hui, l’Etat Mauritanien ne souffre pas de son président, il souffre d’un état d’esprit, d’une forme de gouvernance « molle » qui s’affaisse sous le poids d’une gestion publique minée par les défauts hérités.

L’attitude conciliante du Président dans la gestion des affaires publiques trouverait son impact favorable dans un terroir politico-institutionnel spécifique. A savoir un régime traditionnellement démocratique ayant développé des us et coutumes d’une gestion saine et contrôlée et où la responsabilité des agents publics et hauts commis de l’Etat est passée en force de chose partagée et où le respect des lois prime l’intérêt personnel, tribal et clanique.
Or l’Etat mauritanien ne répondant pas par définition à cette description que se passera-t-il si le président persévère dans la gestion conciliante des intérêts publics ?

Outre la lenteur déjà fortement remarquée dans le processus de décision publique, s’ajoutera une complexité qui prendra sa source dans la tendance naturellement héritée d’un régime de gabegie, de profiter au maximum de l’inexpérience politique des décideurs. Ainsi, profitant d’une volonté conciliatrice, toute décision défavorable à leurs intérêts est présentée par des lobbies constitués comme vitale et doit suivre le méandres des consultations des acteurs sociopolitiques avec ce que cela entrainera comme lenteurs et blocages.
Cependant ce qui est certain, c’est que le Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi gère l’Etat à sa manière. Lente, conciliatrice à l’excès ou conciliante des intérêts, il n’en demeure pas moins qu’il a cette qualité de gérer en son âme et conscience.

Avec le temps changera-t-il de stratégie ? Nul ne le sait. Mais ce qui à craindre n’est pas vraiment ce que la nature profondément honnête de cet homme puisse imprimer à la gestion de l’Etat, c’est plutôt ce que la nature profondément malhonnête de certains pourrait, malgré lui, lui faire faire contre son âme et conscience.

Pr ELY Mustapha
* La peinture illustrative s'intitule "l'échiquier" est du peintre Francis Boutleux. Son site: http://boutexpo.free.fr/gallery/

samedi 25 août 2007

GSM : Le Grand Siphonnage de la Mauritanie



Les télécoms en Mauritanie ou comment on confisque le développement.





Chinguitel, vient de se lancer sur le marché du mobile mauritanien. Les medias nationaux en ont fait l’événement et l’on fait croire au pauvre peuple que c’est une bonne chose. Et les arguments développés ne manquent pas, au mépris du bon sens en sacrifiant au calcul économique irréfléchi.

Les arguments officiels et officieux ? Les voici :

La « concurrence dans le secteur de télécommunications contribuera dans le succès des politiques de gouvernement concernant l'accès universel aux services de base, modernisation administrative, pauvreté et l'allégement d'emploi aussi bien que l'accès de facilité aux régions rurales éloignées" dira le ministre chargé de ce secteur.

Arguments globalement, contestables et singulièrement, fallacieux. Ces arguments tournent tous autour de la « concurrence dans le secteur de télécommunications » qui va donc contribuer au succès des politques du gouvernement, et cela dans les secteurs :

- De l’accès universel aux services de base
- De la modernisation de l’administration
- De la pauvreté
- De l’emploi
- De l’accès aux régions rurales

Outre qu’il est défendu d’en rire, on comprend bien qu’on vient de faire de la « concurrence dans le secteur des télécoms »un vecteur du développement.

Cela est-il défendable pour la Mauritanie ?

Evidemment , on connait depuis longtemps le rôle clef que peuvent jouer les télécommunications dans le décloisonnement des structures économiques, dans la circulation de l’information et dans la prise de décision. L’infrastructure des télécommunication est outil de développement certain.

Toutefois, le développement à outrance de l’outil de communication accaparé par des investisseurs ayant pour seul souci le profit dans un pays parmi les plus pauvres du monde pose certainement des questions quant à son apport pour le dévelpppement. Un pays dont le revenu annuel par tête d’habitant est l’un des plus bas au monde peut-il se permettre de developper une telle infrastructure téléphonique (trois licences !) pour un pays qui compte moins de trois millions d’habitants ?

Une telle stratégie trouverait sa place dans une économie émergente ou en croissance, réelle, continue dans laquelle le niveau de vie des populations est elévé ou permettant de supporter les charges financières que le téléphone « individualisé » fait supporter aux individus et aux ménages. Mais cela ne peut être en Mauritanie ou les compagnies du téléphone pénalisent un développement embryonnaire par la confiscation des ressources du pays.

Une confiscation des ressources qui met à mal le développement d’un pays dans lequel la détention d’un GSM est devenue plus importante qu’une assurance maladie. Un pays qui fait partie du groupe des PMA (Pays les Moins Avancés) dont le Produit National Brut par habitant est faible, soit environ 420$ en 2000,. Et dont un peu moins de la moitié de sa population(46,3%) vivait en 2000 en dessous du seuil de pauvreté.

Que cherchent ces compagnies dans un pays à faible niveau de développement humain ? En effet, Selon les données du rapport mondial sur le Développement Humain publié par le PNUD en 2004, l’Indice de Développement Humain (IDH) de la Mauritanie s’établit à 0,465, ce qui correspond au 152è rang, sur les 177 pays classés par le rapport.

Suivant le dernier rapport du Groupe des Nations-unies pour le développement, « L’analyse de l’évolution de la Mauritanie au cours des quarante années qui ont suivi son indépendance montre que le développement économique et social de ce pays a été contrarié tout au long de la période par quatre contraintes majeures liées entre elles:

(i) Un manque de ressources marqué au niveau de l’Etat et une pauvreté prononcée des ménages engendrés par une insuffisance des ressources intérieures au regard des besoins en services sociaux et par des opportunités de revenus limitées pour les individus.

(ii) Une base productive peu diversifiée qui rend les performances sociales et économiques fragiles aux chocs exogènes.

(iii) Un environnement physique difficile et en détérioration rapide

(iv) Un cadre institutionnel faible et générateur d’une capacité d’absorption limitée qui a notamment entravé l’efficacité des programmes d’aide extérieure.


Qu’apportent les licences GSM à cette situation de non-développement ?

Regardons de près ce que rapportent les "compagnies GSM" en Mauritanie. En deux temps: A qui cela NE profite-t-il pas. Et à qui cela profite-t-il ?

I- La confiscation des ressources du développement :

Valeur ajoutée : Absence de création de capital fixe

Ces compagnies participent de façon systématique à la fuite et réexportation des ressources nationales. En effet, les capitaux amassés par ces sociétés en Mauritanie sont rapatriés en masse. La part consacrée à l’investissement sur le territoire est quasi-nulle. Ces compagnies n’investissent ni dans l’industrie ni dans l’agriculture et ne réalisent même pas un transfert de technologie. Elles créent le besoin, vendent leurs produits et exportent les bénéfices. Nulle part dans les conventions passées avec ces compagnies elle ne sont parties-prenantes d’une participation au développement par le réinvestisssement d’une part de leurs bénéfices sur le territoire national.

Au niveau des ménages : l’endettement

Aujourd’hui, personne ne doute en Mauritanie du poids que prennent les dépenses de communication dans le budget des ménages. Depuis l’installation du premier opérateur GSM en Mauritanie, cette part ne fit que grimper au détriment des dépenses de nécessité impérieuses pour le développement de la famille . L’éducation, la santé, l’assurance . Certaines familles se privent même de dépenses vitales (médicaments) pour l’achat de crédits téléphoniques.

Par la publicité, la manipulation du consommateur à travers les bonus et autres avantages fictifs, ces compagnies ont généré une consommation « négative » et à outrance du téléphone qui n’est plus un outil de communication , à utiliser avec escient, mais un vrai produit de consommation courante autant que les denrées de première nécessité.

Le pays est tombé dans le piège du portable et une part énorme de ses ressources est consacrée à la facture téléphonique prépayée ou post-payée des ménages. Ceux-ci sont tombés dans ce cycle infernal .

Le revenu étant égal à la consommation plus l’épargne (R= C+E), cette épargne s’est considérablement réduite au profit de la consommation. Et quelle consommation ! Une consommation dans laquelle la part des dépenses téléphonique dépasse souvent les 30% du maigre revenu des ménages.


Ce pourcentage peut dramatiquement croître du fait de « l’individualisation » du téléphone. Chaque membre de la famille dispose de son téléphone portable et chaque membre devient un consommateur de crédits téléphoniques entrainant par la même une dépense supplémentaire qui grève le budget familial.

A ce phénomène d’individualisation s’ajoute un facteur de célérité dans la consommation des crédits téléphoniques notamment chez la jeunesse où le téléphone est devenu le moyen privilègié de contact et de relations publiques. La culture mauritanienne développant d'ailleurs une attitude de frime et de "m'as-tu-vu" favorable à l'endettement.

Les compagnies ont donc crée un phénomène d'accoutumance au téléphone mobile qui fait qu’il est devenu une « impérieuse nécessité » engendrant le gaspillage des ressources des ménages.

Inévitable confiscation des resources nationales (endettement des ménages, pénalisation de l’épargne...) dont les autorités publiques n’ont pas (ou ne veulent pas ) en saisir la dimension soit par intérêt (de lobbies) soit par négligeance.

Au niveau des entreprises : le besoin structurel de financement

Les entreprises ne disposent pas suffisamment de moyens d’investissement du fait de la rareté de l’épargne. L’épargne des ménages étant grévée par les dépenses téléphoniques, elle ne bénéficie ni au système financier ni au système économique. Or un système économique sans épargne gérée par le système financier et bancaire servant à financer le crédit à l’économie (entreprises, ménages etc), est voué à l’endettement de l’Etat par le recours au financement extérieur, à l’emprunt et à l’aide extérieur pour apporter son concours à l’économie nationale.


On pourrait penser que les ressources dont disposerait l’Etat au titre des droits, taxes et autres impôts qui lui sont versés par ces compagnies de GSM permettraient de financer le concours à l’Economie or il n’en est rien . Ces ressources sont davantage orientées vers les grands projets qui eux aussi ont confisqué les investissements du développment à moyen terme. Défaillances intsitutionnelles déjà signalée par les organisations internationales du développment : « les défaillances institutionnelles au niveau des capacités de programmation et de gestion de l’économie se trouvent à l’origine des mauvais choix en matière d’investissement opérés dans les années 1970 et au début des années 1980 (projet minier des Guelbs, projets industriels surdimensionnés, etc.) » (United Nation Development group, Rapport 2002 sur la Mauritanie)

II- L’enrichissement étranger au détriment du pays

Mauritel ou le siphonnage de l’économie

Maroc Telecom est depuis 2001 actionnaire à 54% de Mauritel, l’opérateur historique de Mauritanie. Durant le premier trimestre 2007, l’ensemble des activités en Mauritanie ont généré un chiffre d’affaires brut de 290 millions de dirhams (25,887 millions d’euros environ), en hausse de 28,6% sur une base comparable.
L’activité Fixe de Mauritel a réalisé au 1er trimestre 2007 un chiffre d’affaires brut de 80 millions de dirhams (7,14 millions d’euros environ), stable par rapport à 2006, et en croissance de 7,5% sur une base comparable. Au 31 mars 2007, le parc Fixe de Mauritel s’est établi à plus de 39 000 lignes, en hausse de 8,4%.L’activité Mobile de Mauritel a réalisé au 1er trimestre 2007 un chiffre d’affaires brut de 210 millions de dirhams (18,75 millions d’euros environ), en hausse de 30,4% et de 39,1% sur une base comparable. Cette performance a été réalisée principalement grâce à la croissance du parc qui a atteint près de 687 000 clients, en hausse de 39,9% par rapport à 2006.


Que représentent les 103,548 millions d’euros (soit 34,537 Milliards d’Ouguiyas) chiffre d’affaire de télécom maroc à travers mauritel ?


Voici des ordres de grandeur :

A travers Mauritel , le Maroc aura engrangé comparé au budget mauritanien 2007 (après loi réctificative) :

- Un peu moins du budget 2007 pour l’aménagement du territoire (35, 8 miliards d’ouguiyas)

- Deux fois le budget accordé au développement rural (soit 12,3 milliards d’ouguiyas)

- et presque deux fois celui consacré aux investissements publics dans le secteur industriel, hors SNIM (soit 13,08 milliards d’ouguiyas)


Si l’on compense les déductions qui seraient faite du chiffre d’affaire pour obtenir le bénéfice net par les taux d’accroissements annuels attendus de ce chiffre d’affaire dont on a pas tenu compte (hausse moyenne de 28,6% ), on comprend l’ampleur de la machine à siphonner (aspirer) l’économie du pays.

Mattel, tout est amorti et gagné d'avance.

Outre son chiffre d’affaire, Tunisie télécom, qui détient 51 % de Mattel, a totalement amorti en 2006 la somme des 28 millions de dollars par lesquels elle a achété GSM Mattel.

Créée en 2000 avec un financement de 60 millions d’euros ; elle compte, à ce jour, 260.000 abonnés, avec un objectif de porter ce chiffre à 300.000 à la fin de 2005, et jusqu’à 500.000 dans les prochaines années. En 2004, MATTEL a réalisé un chiffre d’affaires de 38 millions de dinars tunisiens avec un bénéfice de 2,4 millions de dinars tunisiens ; pour les six premiers mois 2005, la société a fait un chiffre d’affaires de 23 millions de dinars tunisiens, et un résultat projeté de 5 millions de dinars tunisiens(webmanagercenter).

En 2005 Mattel permis à Tunisie Télécom d’engrager un chiffre d’affaire de 4,394 milliards d’ouguiyas, pour les six premiers mois, soit en six mois l’équivalent de 60% du chiffre d’affaire annuel une année plus tôt ! C’est autant dire la progression fulgurante des chiffres d’affaires des sociétés de télécom. Si on on estime forfaitairement ce chiffre d’affaire pour toute l’année 2005 , il atteindrait les 10 milliards d’ouguiyas. Mais il est certain vu la prospérité du secteur que les chiffres d’affaires se situent bien au-delà de ces montants !

Mais d’ores et déjà rien que pour Mauritel et Mattel, on a déjà une idéee des ressources financières que ces sociétés sortent du pays au profit d’autres capitaux et d’autres économies pénalisant ainsi de façon structurelle le développement du pays .


En effet, la question se pose de savoir que rapportent pour le développement économique ces millions de téléphones mobiles en Mauritanie? Si l’on conçoit que toute économie nécessite des voies de communication (géographique ,hertziennes ou radio) il n’en demeure pas moins important de considérer que c’est là un vaste champ de gaspillage de ressources nationales à l’échelle interne (endettement des ménages et des entreprises , inexistance d’épargne, absence de financement de l’économie par des ressources internes ...) et d’enrichissement à outrance de compagnies étrangères et d’accumulation de capitaux à travers des services télécoms servis à outrance (exportation de devises par mille et un canaux, absence d’investissement sur le territoire national et mise en dépendance d’une économie fragile).

Et voilà que dans cette mise en hypothèque des ressources nationales au titre du GSM surgit un troisième opérateur qui s’enrichira, exportera nos ressources financières et contribuera à laisser un pays exangue.


III- Que faut-il faire avant que le pays ne soit démunis de ses moyens ?

Il est urgent que des mesures soient prises allant dans le sens:

- De l’information publique et de la sensibilisation du citoyen sur l’importance pour ses ressources et celles du pays d’une rationalisation de l’usage du téléphone
- De la négociation d’un accord cadre avec les compagnies du téléphone et l’Etat pour consacrer une part de leurs bénéfices à l’investisssement dans les secteurs prioritaires nationaux. Cet accord pouvant fixer les avantages à accorder s’il y alieu.
- De la mise en place d’un protocole financier obligeant les opérateurs du téléphone à conserver dans les institutions bancaires et financières nationales d’une part de leurs bénéfices sous formes de dépôts (rémunérés ou non) permettant à ces institutions de financer l’économie nationale.
- D’un contrôle rigoureux des taux de change appliqués à ces opérateurs lors du rapatriement d’une part de leurs bénéfices et du pourcentage de ces bénéfices pouvant être annuellement rapatriés.

Sans ces mesures basiques les opérateurs téléphoniques vont siphonner (aspirer) l’économie nationale de ses ressources monétaires et financières et participeront à confisquer le développement d’un pays qui a besoin de toutes ses ressources pour ...survivre.
Mais enfin où sont les décideurs ? Non pas ceux qui négocient leurs avantages mais ceux décidés à protéger les intérêts de leur pays pour qu’il ne soit pas vendu...pour un coup de téléphone.

Pr ELY Mustapha

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A lire : Dans un ouvrage récent intitulé « Telecommunications dependency : The African Saga (1850-1980). Alternative Communications Inc., 1986. » Jacques Habib Sy démontrait la gravité de la dépendance des pays africains des multinationales qui accaparent leurs réseaux de télécommunication. Un ouvrage à lire en voici le résumé :
« Using a multidisciplinary approach this book's major contention is twofold: 1) Telecommunications technology has been used in colonial times as a way to keep Africa in the framework of the unequal international division of labour. ln the post-colonial period, telecommunications technology has been used by multinational corporations to control the African telecommunications market and to strengthen their economic activities through the creation and maintenance of outward-oriented national networks ; 2) The underdevelopment of Sub-Saharan African countries in matters of telecommunications technology use and manufacture are rooted in the decisive impact of the telecommunications planning strategies and methods implemented in Africa by the African states. “
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lundi 20 août 2007

Le jour où Keynes vint en Mauritanie


Lorsque John Maynard Keynes, débarqua en Mauritanie, la première impression qu’il eût et qu’il consigna dans ses mémoires, fut la richesse du pays en ressources naturelles...et la pauvreté des gens...en ressources élémentaires.

Ce fut pour lui un élément fondamental de réfléxion et il passa de longs mois sous une khaima en méditation pour théoriser ce paradoxe. Il s’appliqua notamment à comprendre le rôle que les pouvoirs publics ont joué dans cette misère. Lui, fervent défenseur de l’interventionnisme économique de l’Etat, voici que cela contredisait sa philosophie de l’Etat bienfaiteur.

Je l’ai rencontré par hasard, enturbanné debout à la lisière d’une kebba en profonde méditation devant un groupe de groupe de jeunes gens desoeuvrés à l’ombre d’une baraque branlante.

Question : Monsieur Keynes ? John Meynard Keynes je suppose ?
Keynes : Lui-même, Sir...

Q : Quel spectacle n’est-ce pas ?

Keynes : Oui, ça me rappelle les jeunes de Liverpool...

Q : Ce n’est pas le plein emploi ...

Keynes : tout-à-fait, nous ne sommes pas dans une situation de chomage incompressible, ou de faible durée. Tout le monde ici chôme. Curieux n’est-ce pas ?

Q: Et pourtant, monsieur Keynes l’Etat mauritanien est plus qu’interventionniste.... Cela aurait du vous faire plaisir.

Keynes : C’est justement ce qui me fait refléchir....je dois revoir mon multiplicateur !

Q : Vous pensez qu’il n’est pas applicable aux réalités économiques mauritaniennes ?

Keynes : Vous savez, depuis le temps que l’Etat investit et que la pauvreté est criante, cela mérite une révison de mon modèle.

Q : Qu’est--ce à dire ? Sommes-nous les laissés-pour compte « d'un cercle vertueux de la croissance économique » ?

Keynes : Je suis certain qu’il y a quelque chose de particulier à votre économie.Voyons voir. En principe l'activité économique repose sur le niveau de la demande effective anticipée par les agents économiques...

Q : La demande effective est faible et l’anticipation par les agents économiques de cette demande est quasi-nulle...Il faut donc relancer la demande ?

Keynes : Effectivement. Car en relançant la demande, les entreprises accroitront leur offre aussitôt absorbée par cette demande qui générera une distribution de revenus par la relance de l’emploi et donc un accroissement des inverstissements des entreprises et donc distribution de richesses..Formation brute capital fixe d’où croissance économique.

Q : Cela doit être en principe le processus de croissance attendu de toute économie. Mais alors qu’est-ce qui passe en Mauritanie ? Il y a des consommateurs, il y a une demande, il y a des entreprises et il y a l’Etat..pourquoi cela ne marche pas ?

Keynes : Je crois que chez vous la demande est faible et l’offre l’est aussi..

Q : Et votre "multiplicateur" alors ?

Keynes : Effectivement, si la demande n’est pas forte l’état peut relancer l’économie à travers la dépense publique...

Q : depuis qu’il existe l’Etat mauritanien ne fait que dépenser...Est-ce à dire que les tenants de l’école classique qui jugent inefficaces les politiques de relance budgétaire ont quelque part raison ?

Keynes : Non ! Bien sûr que non ! Le problème est ailleurs. En fait lorsque j’ai préconisé l’interventionnisme public et le déficit budgétaire commme moyen de relancer l’économie, j’avais pensé ces solutions dans le contexte d’un économie occidentale où l’investissement public était repris dans le circuit économique et social de la Nation.

Q : C’est intéressant ça. Cela veut dire?

Keynes : Pour être simple, voilà comment fonctionne mon multiplicateur : lorsque l’Etat fait une relance budgétaire donc en investissant, les revenus vont augmenter donc la consommation va augmenter. Les entreprises, pour face à cette consommation, vont augmenter leur production d’un niveau équivalent à la part de revenu consacré à la consommation. D’où hausse de l’emploi et distribution de nouveaux revenus entrainant une nouvelle propension à consommer . D’un autre côté la part du revenu non consommé, à savoir l’épargne augmente dégageant ainsi d’importants capitaux permettant l’investissement. Après une certaine période, l’économie va s’auto-financer par l’épargne réalisée grace à l’accroissement du revenu des agents économiques.

Q : Donc , si je comprend bien au bout d’un certain cycle (disons cinq ans, par exemple) la relance budgétaire devient neutre tout en ayant permis, sur la période, la croissance économique.

Keynes : Il faut préciser, et c’est important, que cela ne se réalise que dans une économie dynamique et qui a des caractéristiques qui me semblent absentes de votre économie.
Ainsi mon multiplicateur a été élaboré pour une économie qui avait ses propres moyens de production. Ces moyens de production étaient mis en oeuvre par des capitaux nationaux et généraient une valeur ajoutée répartie sur cette économie. Valeur ajoutée dont bénéficiaient ses agents économiques en revenus supplémentaires répartis et en épargne. Ce n’est pas le cas en Mauritanie. Je crois qu’il y a un effet que j’appelerai de « déperdition » dans mon multiplicateur quand on l’applique à votre pays..

Q : C’est probablement notre politique monétaire qui ne s’articule pas efficacement avec notre politique budgétaire...

Keynes : Il est important, en effet, que la politique monétaire soit combinée avec la politique budgétaire de déficit des dépenses publiques....

Q : Quelle analyse en faites-vous ?

Keynes : Je crois que, pour la Mauritanie, tout tourne autour de la production nationale.Or celle-ci en termes de valeurs ajoutées est quasi-inexistante.Or toute détermination de l’accroissement de la masse monétaire passe nécessairement par une prise en compte de l’élasticité de cette production nationale.
Ainsi par exemple toute volonté d’accroître le pouvoir d’achat est forcèment limitée par la faiblesse de l’appareil de production national mauritanien. Ainsi Augmenter les salaires équivaudrait à accroître l’inflation, la resorption de monnaie par une offre marchande correspondante et donc par la consommation est théoriquement réduite. Aussi l’Etat se trouvera sous contrainte extérieure d’importation, d’endettement extérieur pour faire face à une demande à laquelle la production nationale ne peut faire face. Les conséquences en sont alors évidentes pour la politique monétaire qui se trouve biaisée et dénaturée par des facteurs exogènes (contraintes extérieures).

Q : Cela signifie donc que l’on ne pas peut parler de politique monétaire que si l’Etat développe une politique industrielle et commerciale....

Keynes : On ne peut relancer l’investissement si l’Etat achète tout de l’Etranger y compris ses machines....Or c’est par l’investissement, y compris par le déficit budgétaire, que l’on génère la croissance fondement du plein emploi et de l’accroissement des recettes publiques qui cycliquement rétablireront les équilibres budgétaires.

Q : Cela signifie-t-il qu’en Mauritanie nous ne sommes ni maître de notre politique budgétaire et encore moins de notre politique monétaire qui doit l’accompagner.

Keynes : Je crois que cela est principalement dû à la nature même de l’économie et des finances publiques de votre pays. L’absence d’un tissu industriel productif, la faiblesse du pouvoir d’achat font que le déficit budgétaire ne peut être un moyen de relance de l’économie..

Q : Cela est-il définitif ?

Keynes : Ce qui handicape à mon avis fondamentalement la croissance économique du pays et empèche les politiques de l’Etat (budgétaire et monétaire notamment) de jouer leur rôle, c’est que le budget est confisqué par les engagements financiers de l’Etat à long terme...

Q : Et à long terme on est tous morts !

Keynes : Non pas de pécipitation. Ça je l’ai dit dans un autre contexte...
Ce qu’il faut dire c’est que les pouvoirs publics mauritaniens ont adopté une stratégie de développement qui hypothèque durablement toute amélioration de la situation économique et sociale du pays. L’enlisement de l’Etat dans les projets de grande envergure financés à coup d’endettements internationaux hypothèque toute appréciation de l’efficacité des politiques budgétaires adoptées.
L’Etat Mauritanien n’est ni maître de la quasitotalité de ses ressources (provenant de l’emprunt international) ni de ses investissements (monopolisés par des projets d’envergure ). Cela se répércute nécessairement sur le développement social et économique du pays. Aucune orientation ferme vers une politqiue industrielle, permettant de doter le pays de ses outils de production, aucune stratégie d’infrastructure de base immédiate, permettant aux populations d’améliorer leur niveau de vie et leur environnement économique, ne sont réalisées en continu.
Si aujourd’hui, les populations mauritaniennes souffrent du manque de tout (de l’eau à l’électricité en passant par les produits alimentaires) et si le niveau de vie s’est considérablement dégradé suivi par la flambée des prix, le chômage et la crise des ménages, c’est que l’Etat Mauritanien investit ailleurs dans des projets dont la rentabilité ne se concevra que dans plusieurs années... Et d’ici-là...

Q : On est tous morts !

Keynes : Pas encore. Mais je crois que l’investissement dans les projets prioritaires à moyen et court terme auraient mieux aidé à aller vers le développement...Ainsi le grand projet "d’Aftout Essahli" apportera probablement de l’eau jusqu’à Nouakchott mais il n’améliorera nullement une situation industrielle et infrastructurelle qui se serait d’ici là fortement dégradée...

Q : Est-ce à dire que l’Etat aurait dû investir dans les ressources humaines (formation, éducation, savoir-faire ), dans l’amélioration du niveau de vie des populations (hôpitaux, infrastructures urbaines etc), dans la création des institutions de développement (institut de recherche, laboratoires), dans la maîtrise des technologies, dans le développement d’un tissu industriel et commercial compétitif, et dans le renforcement et l’assainissement des sytèmes financiers et bancaires, supports de l’économie, avant d’entamer de tels projets d’envergure qui monopolisent ses ressources et laissent les populations démunies et le pays sans ressources, ni infrastructures ?

Keynes : D’autant plus qu’il faut savoir que ces grands projets, jusqu’à leur réalisation, vont réduire à néant toute velleité de l’Etat d’adopter une politique budgétaire visant à relancer l’investissment et la croissance.
En effet (outre qu’il accapare ses ressources), le financement de ces projets provenant de l’emprunt étranger va servir à financer des compagnies étrangères maître d’oeuvre des projets qui fourniront les biens (machines, outils, etc) et les services (ingénieurs, techniciens etc) et tout cela de l’étranger !
Cela signifie que l’Etat ne réalisera pas grâce à ces investissements sur ces grands projets, une distribution de revenus à l’échelle nationale (la main d’oeuvre étant étrangère) , ni ne participera à financer une industrie nationale (qui fournirait les machines et les outils).
Donc pas d’accroissement de revenus pas de création de valeur ajoutée par les entreprises nationales (inexistantes). L’Economie de votre Etat ne bénéficiera donc pas de l’investissement réalisé par l’Etat. Or je l’ai dit une politqiue budgétaire ne se conçoit que par une capacité de maîtrise des flux financiers budgétaires et une politique monétaire appuyée sur un politique industrielle... Il ne sert à rien de relancer l’investissement si on acquiert ses machines à l’étranger et de surcroit si on les acquiert par un endettement qui ne serait pas contrebalancé par une politique de croissance permettant son remboursement.

Q : Vous me semblez très pessimiste, monsieur Keynes...

Keynes : Et vous, ne l’êtes-vous pas ?

Q : Je crois que je vais me tourner vers les monétaristes....ils sont moins keynésiens.

Keynes me regarda d’un oeil réprobateur, remit son turban qui pendait à son cou prit un air de philosophe (qui siérait bien à Hayek) et dit : Keynésien ou pas, je crois que ce qui vous manque en Mauritanie, ce n’est pas la théorisation de ce qui arrive à votre économie, c’est l’intégrité des hommes qui la dirigent.

Q : L’intégrité ? M’écriais-je. Oui , je crois aussi. Mais n’aurions-nous dû pas commencer par là , monsieur Keynes ?

Il eût un hochement de tête, et s’en alla. Et pendant que sa silhouette enturbannée disparaissait derrière les quelques baraques de cette banlieue nauséabonde, je me disais que si John Maynard Keynes avait posé pied ici c’est que nous en valions bien la peine. Allez savoir pourquoi.

Pr ELY Mustapha
* Le tableau illustrant ce texte est de Sylvie Roy et s'intitule "Envol". Site de l'artiste: http://www.sylvieroy.ca

mercredi 25 juillet 2007

Le don d’ubiquité : ou le paradoxe des sénateurs de l’étranger... qui sont à l’intérieur.



« Les Mauritaniens à l’étranger sont représentés au sénat », en huit mots la constitution mauritanienne scella le sort de la représentativité de mauritaniens à l’étranger.
Puis vînt la démocratie et « les mauritaniens à l’étranger » furent représentés par des mauritaniens... qui ne sont pas de l’étranger.
Une formidable illustration du ministère de l’intérieur qui s’occuperait des affaires étrangères.

Alors posons-nous des questions sur ce paradoxe mauritanien.

Questions évidentes :

· Comment les mauritaniens à l’étranger peuvent-ils être représentés par des personnes qui ne sont pas issues de leurs rangs ?

· Comment les représentants des mauritaniens à l’étranger peuvent-ils être élus par des électeurs qui ne sont pas issus des mauritaniens à l’étranger ?

· Comment ces représentants peuvent-ils comprendre et gérer les préoccupations des mauritaniens à l’étranger s’ils ne vivent pas ces réalités.


Réponse unique peu évidente à ces questions évidentes :

Les représentants, en Mauritanie, de mauritaniens à l’étranger (qui n’y sont pas) ne peuvent remplir cette mission que s’ils ont le don d’ubiquité (la faculté d’être, au même moment en plusieurs endroits à la fois.)

Cela est-il possible ?

Oui cela est possible dans deux cas :

Le premier cas : si l’on considère les sénateurs représentants des mauritaniens à l’étranger comme des « divinités ». En effet suivant la mythologie, l’ubiquité est l’attribut des divinités. C’est l’ubiquité de croyance.

Donc les sénateurs nous représentant sont des dieux. Ce qui, comme on le voit, est contraire à l’islam.

Le second cas : Si les sénateurs représentant les mauritaniens à l’étranger sont soumis à la physique quantique. Ils sont alors des particules d’un système unique qui peuvent exister en deux endroits différents. Ils représenteraient donc les mauritaniens à l’étranger à une vitesse proche de celle de la lumière. C’est l’ubiquité quantique.

Conclusion :

Donc, les mauritaniens à l’étranger accepteraient bien que les sénateurs qui ont été élus (par d’autres sénateurs qui, eux non plus, ne sont pas à l’étranger) puissent les représenter s’ils prouvent :

· Soit qu’ils ont le don d’ubiquité divine.
· Soit qu’ils sont soumis à l’ubiquité quantique.

En somme, les sénateurs de l’étranger (qui sont à l’intérieur) doivent prouver qu’ils sont à l’étranger (bien qu’il soient à l’intérieur). Bref, qu’ils sont une "bande" à moebius législative.


La raison populaire les condamnant déjà (« on ne peut être au four et au moulin »), il ne manquerait plus que le ridicule pour faire sombrer l'institution.


Pr ELY Mustapha


** Le tableau d'art figuratif illustrant cet article est intitulé "le don d'ubiquité". Il est du peintre Lionel Valot: http://www.lionel-valot.com/Galerie-8.htm

mardi 17 juillet 2007

.Voilà comment il faut sauver Mohamed El Ghassem


. Un test pour notre diplomatie

L’Etat mauritanien se doit de réagir pour sauver notre compatriote Mohamed El Ghassem de la peine de mort prononcée contre lui par les tribunaux soudanais.

Du point de vue du droit international tout Etat est le protecteur de ses ressortissants en terre étrangère tant que cette protection n’a pas été expressement confiée par cet Etat à un autre Etat (exemple en temps de guerre ou de ruptures des relations diplomatiques).

L’Etat d’origine doit protéger ses ressortissants lésés par des actes contraires au droit international commis par un autre Etat.

Dans le cadre de la protection diplomatique, l’Etat intervient, en son propre nom, en faveur de son ressortissant.

Bien que pratiquement, cette intervention est difficile car les conditions posées peuvent s'avérer complexes, l’Etat intervient beaucoup plus souvent en faveur de ses nationaux au titre de la protection consulaire.

Une protection consulaire expréssement prévue par la convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963.

La convention de Vienne sur les relation consulaires est entrée en vigueur pour la mauritanie le 20 Août 2000 et pour le Soudan le 22 Avril 1995 (après que le premier pays y a adhéré le 21 jullet 2000 et le soudan le 23 mars 1995).
Le soudan a donc « adhéré » tout autant que la Mauritanie à cette convention sur les relations consulaires.

C’est autant dire que les dispositions de cette convention lient les deux Etats au sens de la convention de Vienne sur le droit des traîtés du du 23 mai 1969. En effet celle-ci dispose en son article 15:
« Le consentement d'un Etat à être lié par un traité s'exprime par l'adhésion:a) lorsque le traité prévoit que ce consentement peut être exprimé par cet Etat par voie d'adhésion..(..) »

Ce qui est bien le cas de la convention de Vienne sur les relations consulaires qui admet « l’adhésion » et la « succession » comme modes de consentement des Etats à être liés par ses dispositions.

D’autre part, la convention de Vienne sur le droit des traités dans son article 2 mentionne bien que « l’accord international conclu par écrit entre Etats et régi par le droit international .(..) quelle que soit sa dénomination « (traités, convention, charte etc) lie les parties.

L’Etat soudanais est donc bien lié par la convention sur les relations consulaires que la Mauritanie peut bien faire valoir pour interférer dans le processus de condamnation de son ressortissant.

Elle peut recourir à l’article 36-b de cette convention de Vienne sur les relations consulaires qui est explicite.

En effet cet article dispose que «Si l’intéressé en fait la demande, les autorités compétentes de l’Etat de résidence (ou la personne a été condamnée) doivent avertir sans retard le poste consulaire de l’Etat d’envoi (c’est-a-dire le pays du ressortissant) lorsque, dans sa circonscription consulaire, un ressortissant de cet Etat est arrêté, incarcéré ou mis en état de détention préventive ou toute autre forme de détention.

Sur la base de cet article l'’Etat Mauritanien peut agir à deux niveaux :

- sur le plan du défaut d’information par l’Etat soudanais de la détention de son ressortissant

- et si même l’Etat Mauritanien a été informé, il pourrra s’appuyer sur l’absence de célérité dans l’information car l’article 36-b précité mentionne bien que l’Etat du resortissant doit être « averti sans retard ».

Or cette notion d’avertissement sans retard est éminemment importante car elle peut avoir des conséquences importantes sur la révision du procès.

En effet, la jurisprudence récente de la Cour Internationale internationale de justice (CIJ), la plus haute instance juridictionnelle des Nations unies, confirme l’obligation pour l’Etat condamnant les ressortissants d’un autre Etat d’en avertir ce dernier.

Ainsi dans l’arrêt des « 51 mexicains » condamnés par les Etats-Unis d’Amérique à la peine de mort, la Cour Internationale de justice a rendu le 31 Mars 2004 un arrêt « obligatoire et sans appel » qui juge que les Etats-Unis, en condamnant à mort 51 Mexicains sans au préalable informer les autorités consulaires de leur pays, ont violé la Convention de Vienne sur les relations consulaires.

Et mieux encore « la Cour Internationale de justice demande un réexamen du verdict et de la peine prononcés ».

Ainsi fort de son droit l’Etat Mauritanien pourra aller assister son ressortissant et pourquoi pas le tirer des prisons soudanaises. Le droit étant de son côté, l’Etat mauritanien pourra négocier une solution préservant les intérêts du prévenu. Son ressortissant.

Ceci est d’autant plus important que la constitution soudanaise reconnait la préeminance des traités internationaux sur le droit soudanais. Un droit qui est très repressif.

En effet, basé sur la Sharia, le Code pénal soudanais prévoit des punitions corporelles comme les flagellations, les amputations, les lapidations et les crucifixions, en plus de l'exposition du corps en public après l'exécution.Sur la base de l’article 146 du Code pénal soudanais de 1991, n'importe qui commettant le délit d'adultère doit être puni par la lapidation si le coupable est marié ; cent coups de fouet si le coupable n'est pas marié, tandis que l’homme célibataire peut être sujet, en plus des coups de fouet, à l’exil pendant un an. Selon les articles 167 et 168, la peine pour le délit de vol à main armée, dite « harraba », est la mort ou la mort suivie de la crucifixion. L'article 171 établit que n'importe qui commet un vol peut être condamné à l'amputation de la main droite si la valeur des choses volées est égale ou supérieure à 4,25 grammes d'or.

Mais tant ce code que cette shariaa, sont écartés par l’application du droit international précité. Nous en avons donné la preuve.

Aussi pour sauver notre concitoyen, il n’en tient qu’ à notre diplomatie de se mettre à l’oeuvre.

Elle peut aussi recourir, pour renforcer son argumentaire, à l’arsenal du droit humanitaire international car la peine de mort est incompatible avec le droit humanitaire international et les obligations du Soudan, en particulier envers le Pacte international sur les droits civils et politiques que le Soudan a ratifié et la Convention contre la torture et les traitements et punitions cruels, inhumains ou dégradants qu'il a signée.

Je suis convaincu que si une simple volonté de notre diplomatie est mise dans cette affaire de sauver notre concitoyen, elle y arrivera.

Hélas ce qu’il y a craindre c’est que le danger ne vienne ni du Soudan (qui pourra commuer la peine), ni des contradicteurs (contre les arguments desquelles le droit international est évident), mais de...la Mauritanie.

Le laxisme connu de notre diplomatie, le peu de cas qu’elle fait de ses ressortissants qu’elle ignore à l’étranger serait lui le premier des dangers.

Souhaitons que sous ce régime démocratique, notre diplomatie se ressaisisse et s’occupe de son devoir premier : protéger les ressortissants mauritaniens à l’étranger et à, travers eux, l’image de l’Etat.

Le cas de notre compatriote Mohamed El Ghassem , condamné à mort, et auquel elle peut porter secours se doit d’être un test pour notre nouvelle diplomatie ; celle d’un pays démocratique.

Nous l’invitons vivement à le réussir.

Il y va, dans le futur, de la crédibilité de notre Etat, de notre image à l’extérieur, du respect du droit de nos ressortissants à l’étranger par les autres Etats. Et il y va, dans l’immédiat, de sauver la vie de notre concitoyen. Cela ne vaut-il pas l’enjeu ?

Pr ELY Mustapha


Le tableau représenté s'intitule Le Cygne menacé peint vers 1650 par Jan Asselijn (1610-1652)

vendredi 13 juillet 2007

Le Discours du premier ministre

De la vision à l’illusion : le songe du développement charitable.


Après le discours du Premier ministre, il reste des questions sans réponse :

· De quelle vision s’agit-il ?
· Qu’est-ce qu’une vision pour la Mauritanie ?
· Et pourquoi 2030 ?

De quelle vision parle le Premier ministre ?

Vision à la Martin luther king ? Vision à la Nostradamus ? Ou vision hallucination ?
Certes il s’agit d’une vision politIque, notre Premier Ministre « a fait un rêve » . Il s’est projété dans l’avenir et cela a donné « une vision ».

Qu'on se le dise on ne refera plus de King et Nostradamus s’est depuis longtemps trompé.
La Mauritanie n’a pas besoin de vision ! Elle a besoin de plan de développement économique et social. Elle a besoin d’une planification concrète de son développement. Un plan indicatif un plan rigide qu’importe ! Un plan directeur pour sortir de l’ornière du sous-développement.

La Mauritanie a-t-elle besoin d’une vision ?

La Mauritanie a besoin moins de vision que d’action. Elle a besoin que chacun prenne à bras le corps ses obligations et souscrivent à ses droits.
Il faut appeler au travail et non au rêve. Une vision ne tire pas du sommeil elle y replonge. Et depuis bien des années ce pays dort sur les lauriers de sa pauvreté transformée en opulence pour une minorité.

Si l’on a eu une vision, c’est que l’on est proche de la somnolence.

La preuve en est que l’on appelle au soutien financier international pour nous aider à réaliser ce songe. Encore une politique de la main tendue qui rend cette vision bien charitable.

Quand le Premier ministre commence son discours par : « Mesdames et Messieurs les représentants des organismes donateurs », on est loin de l’idéal auquel ce songe devrait mener.
C’est une vision de la dépendance et d'une aide conditionnelle qui finira dans les poches de certains et qui continuera à maintenir le peuple dans les chaines de la pauvreté !

Une vraie vision doit être celle de compter sur ses propres forces et sur le développement des capacités créatrices de son peuple et sur l’optimisation des ressources de son pays. Pas une vision-donation. Une vision qui prend la charité pour horizons et la dépendance pour raison n’est pas une vision , c’est une illusion.

Martin Luther King n’a pas dit « J’ai fait une rêve », restons esclave ! Il a dit rompons les chaines de l’esclavage , du racisme et de la discrimination.

Le discours aurait du être : notre vison est de rompre les chaines de la dépendance, de la pauvreté de l’aide internationale, de la mendicité et de la politique de l’obole tendue. Voici le rêve et la vision.

Mais bâtir une « vision » sur les donations c’est ne pas croire en ses propres moyens et en ses propres forces.

Nous voulons une (pana)vision du développement , pas une (télé)vision de celui-ci. Fiat panis ! Non fiat mendicitas !

Pourquoi une vision pour 2030 ?

Keynes l’avait bien dit (pour éviter de le repéter) : « A long terme nous sommes tous morts ».

2030. Quels sont les paramètre objectifs d’une telle vision ? Est-ce parce que le 1er janvier 2030 sera un mardi ? Un mardi gras.

Ou plutôt parce que « La population mondiale passera d'environ 6 milliards de personnes aujourd'hui à 8,3 milliards en 2030 » (FAO) et que nous devons chercher à survivre ? Ou est-ce parce que nous sommes contaminés par le mimétisme de voisinage (« Prospective Maroc 2030 »).Ou parce qu’il y a tant de projections de rapports internationaux sur 2030 ?

2030. Une date butoir. Une projection d’une vision qui met dans le futur les besoins d’aujourd’hui.

Messieurs, on n’a pas besoin de « vision » on a besoin de plans de développement respectables et respectés. On n'a pas besoin de projeter si loin notre avenir quand le présent est misérable.

Pr ELY Mustapha

* La peinture illustrant cet article et intitulée "tout n'est qu'illusion" est de Jeanne Oliveira(http://www.toaac.ch/web/Manika_Falquet_Jeanne_Oliveira.asp)

dimanche 8 juillet 2007

Lettre au président de la République



Monsieur le président,


Votre discours à la Nation fut un discours historique. Un discours plein de bon sens. Un discours qui consacre des engagements pré-éléctoraux. Mais un discours avant l’heure.

Ce qui aurait dû être fait avant ce discours, monsieur le président, c’est la mise en place d’une stratégie rationnelle, concertée et étudiée pour le retour effectif de nos compatriotes .

Votre discours aurait dû être celui de la fin et non du début. Le couronnement d’un acte et non ses préparatifs.

L’Etat a manqué de stratégie. Une stratégie qui aurait dû précéder tout discours. Une stratégie préalable préparant le retour des réfugiés et qui aurait évité les conséquences actuelles d’un tel discours sur les esprits.

Cette stratégie aurait dû s’articuler autour d’une commission composée d’autorités reconnues pour leur neutralité, leur objectivité et leur compétence.

Cette commission, chargée de la collecte de toutes les informations nécessaires à la mise en place des voies et moyens du retour, aura confectionné un rapport de diagnostic et de propositions concrétes qui partent des réalités de terrain.

Sur la base de ce rapport on aurait établi :

1. Le nombre des réfugiés dans tous les pays concernés en coordination avec les institutions internationales concernées-HCR notamment

2. L’identification des liens administratifs (pièces d’identité) ou familiaux (filiation) ou de terroir (habitat, implantation) et tout autre moyen d’identification reconnu par la commission en concertation avec les autorités nationales, les organisations humanitaires et en conformité au droit international privé et au droit international humanitaire. Les missions de la commission dans les camps, et ailleurs, auront sur la base de ces procédures délivré aux réfugiés des cartes électroniques d’identification (avec des caractéristiques techniques définies) leur permettrant d’entrer sur le territoire aux points géographiques du territoire mauritanien préalablement définis (voir point 5 ci-dessous)

3. L’enveloppe financière à allouer à la relocalisation géographique et à l’insertion professionnelle et à l'indemnisation.

4. La localisation des lieux de retour avec identification des droits de chacun sur des biens ou sur un emploi.

5. L’identification en collaboration avec les pays limitrophes et les organisations humanitaires de couloirs géographiques d’entrée sur le territoire organisant et le décompte des entrées et l’enregistrement des personnes aux fins de suivi administratif (état civil , aide financière)


6. La mise en place d’un réseau informatisé centralisé de fiches électroniques (définies au point 2 ci-dessus) permettant l’enregistrement rapide et la collecte des données aux fins du registre national des noms et patronymes pour compléter les données de l’Etat civil .

7. L’Affectation de moyens matériels (véhicules, laisser-passer) et formation rapide d’un personnel qualifié pour l’accueil aux points d’entrée géographiques (administratifs, médecins..)

8. Mise en place d’un calendrier d’ouverture des points d’entrées géographiques en concertation avec les pays limitrophes sur la logistique du transport et d’accomodation des personnes jusqu’aux points d’entrée.

9. Désignation des organisations nationales et internationales chargées de l’observation du processus de retour.
Et quand, enfin, nos compatriotes auront regagné leur patrie, alors, monsieur le président votre discours aurait alors pris tous ses effets.

Mais, maintenant, après ce discours avant l’heure, quel est le sentiment général qui prévaut ?

Une sorte d’amertume et même un sentiment d’appréhension d’un mécontentement qui ne dit pas son nom.
Monsieur le président, ce mécontentement ne vient pas du fait que nos frères vont revenir (au contraire!), ni de la souscription que vous avez faite de vos engagements qui sont tout à votre honneur, c’est que les conséquences sociopolitiques d’un tel discours n'ont pas été suffisamment évaluées

Monsieur le président,
l’absence de la stratégie sus-visée a engendré les effets récurrents suivants sur le grand public :

- La méconnaissance du nombre de nos compatriotes attendus a reveillé les vieux démons de l’équilibre démographique de la Mauritanie. L’élasticité du rapport Maures-négro-africains est mis à rude épreuve. Ce qu’il faut à tout prix éviter. Et cela aurait pu l’être si le "point 1" de la stratégie est respecté (nombre de réfugiés), car cela aurait permis à l’opinion publique d’adhérer au projet de retour en connaisance de cause. Et éviter ainsi les supputations sur le « raz-de-marée » humain que certains groupes malintentionnés utilisent pour engendrer la confusion dans les esprits.

- La méconnaissance des procédures de retour et des moyens (administratif, techniques etc .) d’identification des réfugiés entrainent la réaction classique selon laquelle : « tout négro-africain de quelque rive quelle soit du fleuve pourra se déclarer Mauritanien ». Comment saura-t-on distinguer le « non mauritanien» du reste. La réponse au point 2 de la stratégie éviterait de telles interrogations qui ne sont pas sans incidence sur un état d’esprit latent et qui ne demande qu’à émerger au moindre incident.

- La détermination de l’enveloppe financière est plus qu’importante car elle montre déjà la volonté de l’Etat de prendre en charge la relocalisation et l’insertion des rapatriés. Ce qui balayerait les appréhensions de ceux qui utilisent l’argumentaire fallacieux selon lequel, les rapatriés seront laissés à eux-mêmes les transformant ainsi en délinquants potentiels ou qui viendraient se greffer en oisifs sur les resources nationales déjà maigres du pays. Argumentaire de la criminalité et de la famine que le point 3 de la stratégie aurait largement contribué à aménuiser et à réduire à sa plus simple expression. L’Etat épaulera les rapatriés et leur offrira les moyens nécessaires à leur subsistance (emploi, travail, soutien etc.)

- Ce que craint actuellement une bonne part de la population riveraine du fleuve est la relocalisation des nouveaux venus. Quelles terrres leur octroyer ? Quels biens meubles et immeubles ont-ils laissés et s’il ya lieu occupés par d’autres etc. Une phobie d’un retour annoncé et qui n’arrange pas certains. Le point 4 de la stratégie sur la « localisation des lieux de retour avec identification des droits de chacun sur des biens et sur son emploi » aurait permi de planifier les difficultés et de trouver des solutions juste et acceptées de rechange en cas de conflit sur des biens ou des ressources (indeminisation, échange etc.)

- L’identification de couloirs géographiques pour le retour sont très importants pour la bonne organisation administrative et la gestion humaine maîtrisée du flux des retours. Le point 5 de cette stratégie évitera les différends avec les pays frontaliers et permettra la concentration des efforts et des moyens matériels et humains sur des points stratégiques et d’asssurer une sécurité territoriale et une surveillance des frontières continues.

- La célérité des procédures à travers un système informatisé centralisé est une donne essentielle pour éviter le blocage des opérations à travers un rescensement manuel (qui reste cependant complémentaire). Ainsi par exemple le système informatique pourra simplement servir à enregistrer aux points géographiques d’entrée les cartes magnétiques qui auraient été remises, dans les pays d’accueil, aux mauritaniens qui auraient été identifiés par la commission ou les missions dépéchées par la commission dans les camps. Cette carte servira à reconstituer l’état civil et suivre le dossier administratif (indeminisation, emploi, travail, restitutions de biens etc). Le point 6 de la stratégie pourrait beaucoup contribuer au retour rapide et ordonné.

- Quand à l’identification des moyens matériels et humains nécessaires à la logistique du retour, l’identification des organisations d’observation et la fixation d’un calendrier de retour à travers les points géographiques d’entrée en concertation avec les pays limitrophes, ce sont des points essentiels pour éviter tout blocage en terme de ressources, en terme de dénonciation par les organisations humanitaires et en terme de non disponiblité des autorités des pays limitrophes pour participer aux opérations. En somme les points 7, 8 et 9 de la stratégie sont les lubrifiants de l’appareil de rapatriement.

Une telle stratégie de rapatriement aurait eu le mérite :

- d’informer le grand public sur ce que l’Etat va faire et donc asseoir la confiance et obtenir l’adhésion nationale.

- de couper court à la volonté de manipulation de groupes malveillants d’une frange de la population

- de réaliser le retour dans la sérénité et le calme des esprits

- d'éviter aux rapatriés le sentiment de retour au pays où ils seront sans ressources, sans papiers et démunis de moyens de recours.

Cette stratégie ,précédant votre discours, aurait fait de ce dernier le courronnement d’une reconciliation nationale et non pas tel qu’il est ressenti actuellement : un discours aux mille conséquences et qui fait naître dans les esprits échauffés un imaginaire que certains n’hésitent pas à transformer en phobie.

Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.