Tout moyen (ou toute idée) qui permettrait de rapprocher les mauritaniens et d'éponger les clivages tribaux, ethniques et raciaux ainsi que les barrières linguistiques et socio-économiques se doit d’être révélé et discuté. Cet article en tire son essence.
Ainsi, dans une optique de rapprochement de la communauté nationale maure
et négro-africaine de notre pays, la transcription des langues nationales en alphabet
arabe permettrait d’apporter les bénéfices suivants :
-
Un même alphabet de base arabe sera enseigné à tous dès le primaire.
-
L’apprentissage de l’arabe sera plus accessible en lecture et en écriture
aux enfants négro-africains.
-
L’apprentissage des langues nationales utilisant l’alphabet arabe sera plus
accessible en lecture et en écriture aux enfants maures.
-
Le partage d’un même alphabet de base facilitera la diffusion, l’édition et
la vulgarisation de l’arabe et des langues nationales
-
L’accès à travers un même alphabet de toutes les communautés maures et
négro-africaines aux sources écrites de leur religion commune, l’islam et son
apprentissage.
La phonétique des langues nationales (Poular/Wolof/Soninké…) demandant un
lettrage supplémentaire pour traduire cette phonétique, cela fut réalisé pour
l’alphabet arabe pour l’écriture des
langues africaines en arabe (voir plus loin dans cet article, « l’Ajmi ») .
Jusque-là, les langues africaines sont pour la plupart
écrites en semblant de lettres latines mais cela fut un échec total dont les
raisons résident dans la « phonétisation » de l’alphabet devant
permettre la transcription de ces langues ce qui a mis en échec à une véritable
transcription latine de ces langues.
Cette transcription phonétique a mis en échec toute possibilité d’édition
ou de publication des écrits en ces langues car l’alphabet supposé être latin,
qui n’en était pas véritablement. Et cela à cause de l’introduction et de
l’invention de lettres nouvelles devant rendre compte de la phonétique des
langues africaines. La littérature mondiale ne foisonne pas d’ouvrages écrits
en langues africaines et les maisons d’édition n’en publient pas des centaines.
Alors pourquoi continuer à écrire nos langues nationales en alphabet latin
hybride « phonétisé », alors que nous pourrions utiliser l’alphabet
arabe ?
En effet, qu’on le veuille ou non la
transcription des langues africaines en Alphabet latin hybride phonétisé est un
échec. Les spécialistes sont unanimes à ce sujet et cet échec est originel puisqu’il
prend sa source dans la façon avec laquelle l’alphabet utilisé par les langues
nationales a été conçu pour justement les transcrire.
« Ces alphabets, écrit un spécialiste, ont été conçus par des
personnes ayant une triple caractéristique :
– C’étaient des spécialistes de linguistique, qui utilisaient
systématiquement l’alphabet phonétique international pour transcrire les
langues africaines, comme on leur avait appris durant leur cursus
universitaire. Alors que cet alphabet a été conçu pour faire des recherches de
phonétique et non pour créer des alphabets. Le résultat est que la majorité des
langues africaines des pays francophones sont écrites avec des caractères
phonétiques spéciaux qui sont absents de la plupart des polices de caractères
en usage chez les imprimeurs et sur Internet.
– Ces linguistes étaient généralement dénués de tout sens pratique. Ils ne
connaissaient rien aux techniques de la presse, de l’édition et de
l’imprimerie, et ils s’imaginaient que les industriels allaient construire du
matériel d’impression conforme à leurs désirs et leurs directives.
– C’étaient souvent des nationalistes culturels qui voulaient totalement
rompre avec l’influence française, et qui donc ne se posaient pas le problème
de la coexistence du français et des langues africaines (paradoxalement, ils
furent soutenus par certains milieux politiques qui voulaient entraver l’usage
écrit des langues africaines et les cantonner dans le simple domaine de la
recherche universitaire).
Le résultat est que le système graphique conçu pour les langues africaines
est parfois si éloigné du français, qu’un bachelier est incapable de lire sa
propre langue maternelle, qu’il n’arrive pas à reconnaître. »[1]
Même l’UNESCO s’est découragée pour éditer en langues nationales
phonétiquement latinisées.
« Les problèmes posés à l’édition par la graphie des langues
africaines »
« (...)En 1995, l’Unesco a édité une Anthologie de la poésie d’Afrique
au sud du Sahara où devaient figurer des poésies en de nombreuses langues
africaines, avec la traduction en français. Or, que s’est-il passé ? Le service
édition de l’Unesco a jugé qu’il était trop compliqué d’imprimer des textes en
langues africaines à cause de la présence des caractères phonétiques. Seules
les traductions en français ont donc été éditées. Conclusion : l’Unesco est
incapable d’appliquer les décisions qu’elle a elle-même prises. »[2].
L’UNESCO avait, proposé en 1980, « Alphabet africain de référence », mais
sans succès.
L’histoire plaide en faveur de la transcription : un retour aux
sources
Alors devant cette incapacité de l’alphabet latin à rendre compte de la
richesse phonétique de nos langues nationales, l’alphabet arabe est un atout à
envisager car il est riche, phonétisable à l’infini et surtout pour les raisons
de cohésion, de rapprochement de nos communautés, citées plus haut. Et beaucoup
plus que tout cela c’est un patrimoine national. Ainsi « le peul s’écrit
en caractères arabes depuis au moins le XVIIIè siècle[3]. »
Ainsi aujourd’hui encore « L’adjami (en arabe عجمي ʿaǰamī) est un ensemble d’alphabets dérivés de l’alphabet
arabe, utilisés en Afrique. Ces alphabets ont été ou sont encore utilisés en
Afrique de l’Ouest, pour l’écriture du haoussa, du peul, du wolof, du
diola-fogny et de plusieurs langues mandingues comme le mandinka, le bambara et
le dioula, et en Afrique de l’Est pour l’écriture du swahili ou du somali.
En Afrique de l’Ouest, une harmonisation a été organisée par l’Organisation
des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) et
l’Organisation islamique pour l'éducation, les sciences et la culture (Isesco)
au niveau international. Au niveau national, les adjamis sont normalisés au
Sénégal avec les Caractères coraniques harmonisés et au Tchad avec l’alphabet
national tchadien. [4]»
« C'est l'Islam qui donna l'écriture aux foulah; ils puisèrent dans le
Coran les caractères indispensables pour fixer leurs mots. Les observations
qu'on peut faire pour l'arabe sont à peu de chose près les mêmes pour le peulh.
Ils écrivent de droite à gauche, sans ponctuation pour fixer leurs
propositions ou leurs phrases; pas de distinction de majuscules à minuscules.
La première page chez eux est la dernière chez nous. Par contre la langue peulh
n'est pas aussi gutturale que l'arabe, aussi les caractères ont-ils des
équivalents plus doux. Par l'accord qu’ils font souvent dans les terminaisons à
même assonance, c'est une langue musicale et harmonieuse, qui gagne beaucoup à
être étudiée. [5]"
A méditer pour les générations et leur devenir futurs au-delà des ressentiments et des préjugés présents.
Pr ELY Mustapha
[1] Gérard GALTIER, « Les langues africaines, l’éducation et l’édition suivi de
Le cas de Mayotte », in Foued LAROUSSI (dir.), Mayotte, une île plurilingue en
mutation, Les Editions du Baobab, Mayotte, 2009, pp. 49-66.
[2] idem
[3] Marie-Eve Humery « L’écriture du Pulaar
(Peul) entre l’arabe et le français, dans la vallée du fleuve Sénégal »
Thèse en Science de la Société- (CMH-ENS) / Sorbonne Panthéon - Paris I. -2013
[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Adjami
[5]Manuel pratique de langue Peulh", par L.
ARENSDORFF, Commis aux Affaires Indigènes de l'Afrique Occidentale Française. 1913.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Bienvenue,
postez des messages respectueux des droits et de la dignité des autres. Ne donnez d'information que certaine, dans le cas contraire, s'abstenir est un devoir.
Pr ELY Mustapha