mercredi 19 septembre 2007

Un Faucon pour la Mauritanie.

Voilà pourquoi on ne peut lutter contre la corruption


Un document du Ministère de l’Economie et des Finances largement distribué sur son site nous fait l’état des lieux, des engagements internationaux de la Mauritanie en matière de lutte contre la corruption, des voies et procédures administratives, financières, juridictionnelles, institutionnelles etc. pour lutter contre la corruption.
En somme un déluge de bonnes intentions qui verse dans l’étalement d’une vision panoramique et en technicolor de la corruption en Mauritanie. La seule chose qu’on en retient c’est que l’administration, y compris celle qui a élaboré ce document, reconnait sa corruption.
Non, la lutte contre la corruption n’a pas besoin d’un document à palabre qui ressasse en long et en large ce que l’on retrouve dans tous les documents internationaux et nationaux de lutte contre la corruption. De l’ONU à l’OCDE, de l’EU à la banque mondiale, de la Biélorussie au Benin, tous on élaboré des textes juridiques pour la lutte contre la corruption. Et Après ? Ni l’ONU, Ni les pays de l’OCDE et de l’Union européenne qui disposent de tant de moyens pour lutter contre la corruption n’ont pu la vaincre , ne parlons même pas de la Biélorussie , bu Bénin et de la centaine d’autres Etats du monde qui ont décidé de lutter contre la corruption.
Le rapport du ministère de l’économie et des finances pourrait se résumer en un mot : « la corruption en Mauritanie existe à tous les échelons de l’Etat , du simple policier au haut commis en passant par toute l’administration publique, les corps constitués, les organes politiques, juridictionnels, économiques, sociaux et militaires …»

Un constat sans appel et un aveu sans détour d’une administration minée par la corruption. La corruption un monstre d’Etat que l’on veut combattre avec des tigres en papier : des rapports et des textes à profusion fussent-ils une synthèse au petit bonheur de tout ce que les organisations internationales nationales ont cogité jusque-là.

Cessons de nous leurrer, la corruption n’est pas affaire de textes à proclamer, ni de conventions internationales à signer, ni de bonnes intentions à déclarer, mais d’action.
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Qu’ajouterons-nous alors de neuf en Mauritanie à tout ce qui existe pour lutter contre la corruption ?

Sur le plan du droit tous les codes existent du code pénal au règlement général sur la comptabilité publique en passant par la pléiade de codes qui régissent le devoir et les obligations du fonctionnaire et les sanctions afférentes...
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Sur le plan des organismes de contrôles, la Cour des comptes existe, L’Inspection générale des finances existe, les inspections départementales des ministères existent, l’Inspection générale d’Etat existe , la direction du contrôle des impôts existe, les juridictions de tous ordres existent…
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Alors qu’est-ce qui manque pour lutter contre la corruption ?
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Ce qui manque c’est justement ce que aucun texte ne résout : trouver des personnes non corrompues pour mettre en œuvre toute réforme contre la corruption. Des personnes compétentes, dévouées, incorruptibles, bénéficiant d’une indépendance financière, protégées par leur statut et par les autorités .
Des personnes indépendantes de leur tribus, indépendantes de leur clan , indépendantes de leurs opulence et n’ayant pas un passé mafieux ou judiciaire quelconque…des personnes capables de travailler sous haute pression 20 heures d’affilée et de pouvoir dire « non » à toutes les instances du pouvoir.
Guidées par le seul devoir de justice et la volonté de réussir; aguerries à la lutte contre la corruption, par leur expérience, et par leur courage.

Ces personnes là, ce ne sont pas les textes qui les inventent, ce ne sont pas les stratégies élaborées au fond d’un département ministériel ou d’un conseil consultatif qui les inventent, elles naissent dans un système qui a la volonté de lutter contre la corruption , une volonté acquise depuis longtemps , il les recrute dans des corps judiciaires et administratifs, magistrats et fonctionnaires, qui furent affectés à cette lutte dans les tribunaux et dans les administrations. Et qui réussirent avec plus ou moins de bonheur cette mission. Or on n’en connait pas et personne ne s’est illustré dans cette fonction et pour cause. La corruption était le lot de tout le monde y compris ceux-là même qui était sensés en être les boucliers .

Le juge italien Giovanni Falcone débutait toujours ses interrogatoires par cette phrase :

« Dites ce qu'il vous plaira, mais sachez bien que cet interrogatoire sera pour vous un calvaire, car j'essaierai de vous faire tomber dans tous les pièges possibles. Si par hasard, vous parvenez à me convaincre de la vraisemblance de vos propos, alors et alors seulement, je pourrais envisager de soutenir votre droit à vivre et à être protégé face à la bureaucratie et face à Cosa Nostra ».
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Qui en Mauritanie est capable aujourd’hui de tenir ce langage ?
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Combien de Falcone dans nos administrations ? Combien de Borrelli dans nos juridictions ?
C’est ce qu’il faut se demander. Se demander qui a les mains propres pour lutter contre la corruption et surtout remettre au placard « cette stratégie nationale de lutte contre la corruption (2007-2010) » qui si elle a une valeur quelconque c’est de montrer que l’on cherche encore à figer dans les textes et dans les procédures ce qui, on le sait, ne se fait qu’avec des hommes qui y consacrent leur temps et souvent y laissent leurs vies. Des Falcone, des faucons.
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Contre la corruption et tout ce qui a la nation nuit, on pense stratégie, mais on agit. Et là où les faucons ne volent pas, les pigeons font leurs nids.
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Pr ELY Mustapha
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* La peinture illustrant cet article est intitulée "Faucon pélerin et perdrix rouges" elle est du peintre animalier, lithographe et sculpteur Pierre Roussia. Son site: http://www.pierre-roussia.com/v2/index.php

7 commentaires:

  1. cher prof
    tant q'il n'y a pas une vraie politique de sanction les detournements,le vol des biens publiques persisteront quand ont voie tous ces roumouz el vessad revenir et de la façon la plus intelligente occuper les memes postes qu'ils ont deja pilles ont sz dit q'il faut 70ans ou meme plus pourque ça change.
    bien fait pour nous qui avons eu l'opportunite du changement et l'avons rejetee.
    çaha evtourak prof

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  2. Merci Prof. On en connait des prix nobels. Mais le votre que le peuple doit vous donner est tout un autre. On ne savait memême pas qu'un ministère ait sorti une stratégie de lutte conte la pauvrété ! Ils ne l'appliqueront pas. Je suis certain que cela n'a pas été discuté en conseil des ministres. Juste un zélé qui a vendu sa mêche au ministre ... comme au temps de Ould Taya. Merci. Nul besoin de bouger de ta position de chercheur/enseignant. Qui nous guiderait sans toi? Le fonctionnaire zélé qui a pondu la stratégie? Forget it.

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  3. Prof,

    j'avoue que sur le plan théorique vous êtes imbattables, mais en pratique vous avez beaucoup de chose à apprendre.

    Vos contributions sont très intéressantes et dénotent d'un gigantesque esprit scientifique.

    Sanhaji

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  4. Bonsoir,

    Anonyme du 19 septembre 2007 19h :13, merci pour tes souhaits comme je te souhaite à toi et à tous ceux qui visitent ce blog bon ramadan. Mon souhait est que ce mois saint apporte à notre pays beaucoup de prospérité et de tranquillité, qu’il donne à ses enfants un espoir réel de changement pour toutes les composantes de la société vers un nation meilleure dans le concert des nations .

    Anonyme du 19 septembre 2007 19h :28, voici mon mail : ely_mustapha@hotmail.com

    A tous, je sais qu’il est parfois difficile de faire des constats amères à l’égard de son propre pays et parfois, je me demande si aux yeux du monde ça en vaut vraiment la peine. Mais entre le silence qui vous assimile à un fossoyeur des réalités d’un pays qui appelle au secours et une parole qui peut éclairer le monde pour lui porter secours, je préfère la parole.

    Et cette parole je la partage avec vous, avec ses errements et ses failles mais ce qui me ravît c’est qu’avec vous ce n’est pas un monologue. Et qu’en définitive elle n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Merci encore et bon ramadan.

    Pr ELY Mustapha

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  5. Sanhaji,

    Tu es là yakhouya? Je t'avais laissé tout Canalh. Tu defies Prof sur le plan pratique des choses démocratiques? Si tu gagnes, tu m'informe. Bonne chance. A-

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  6. Cher Sanhaji,

    Merci pour votre contribution.

    Il est vrai que l'on apprend , toujours et chaque jour.

    Pour me comprendre, ma philosophie tient en une phrase:

    L'essentiel n'est pas de chercher à évaluer ce que l'on sait (car, à l'échelle humaine, on ne sait jamais rien ni en théorie ni en expérience) mais simplement savoir si, humblement, ce que l'on sait peut aider les autres à savoir.

    Je ne regarde jamais ce que je possède , mais ce que je peux donner aux autres.

    Et c'est par retour de refléxions (comme celle que vous avez aimablement faite) que je capitalise, pour mieux investir dans la compréhension de ce que je ne sais pas.

    En somme, si nous pouvions aider à laisser un savoir, aussi maigre soit-il, en héritage ce serait le but d'une vie bien remplie. C'est certainement celui de la mienne.

    Fraternellement

    Pr ELY Mustapha

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Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.