Une position géographique au carrefour d'enjeux majeurs
La Mauritanie occupe une position géographique exceptionnelle qui en fait un acteur pivot entre plusieurs espaces stratégiques. À cheval entre le monde arabe et l'Afrique noire, elle bénéficie d'une façade maritime de 755 kilomètres sur l'océan Atlantique, un atout géostratégique majeur qui suscite l'intérêt des grandes puissances mondiales, notamment la France . Cette position lui confère un rôle de carrefour entre le Maghreb et l'Afrique subsaharienne, faisant d'elle un point de passage incontournable et un acteur central dans la région.
La Mauritanie partage des frontières avec des pays aux situations sécuritaires contrastées, ce qui renforce sa valeur stratégique. Au nord, elle borde le Maroc et le Sahara occidental, zone de tensions persistantes. À l'est et au sud-est, elle jouxte le Mali, en proie à l'instabilité et aux groupes armés terroristes. Cette position d'interface lui confère un rôle de verrou sécuritaire dont l'importance n'échappe pas aux stratèges français.
La stabilité relative dont jouit la Mauritanie contraste avec la situation volatile de certains de ses voisins, ce qui en fait un îlot de stabilité précieux dans une région troublée . Cette particularité lui permet de servir de base arrière pour les opérations de sécurité régionales, un atout que la France cherche à capitaliser dans sa stratégie de lutte contre le terrorisme au Sahel.
Une neutralité diplomatique valorisée
La Mauritanie a su cultiver une position de neutralité active dans des conflits régionaux sensibles, notamment concernant le Sahara occidental . Cette posture diplomatique équilibrée lui permet de maintenir des relations avec diverses puissances régionales et internationales, renforçant sa valeur comme partenaire fiable pour la France dans un environnement régional polarisé.
La Mauritanie, partenaire clé dans la lutte antiterroriste
Un héritage de coopération renforcé
La coopération sécuritaire entre la France et la Mauritanie s'inscrit dans la continuité des efforts communs déployés dans le cadre de l'opération Barkhane. Lancée en 2014, cette opération militaire française au Sahel visait à lutter contre les groupes armés djihadistes dans toute la région . La Mauritanie, en tant que membre du G5 Sahel, a joué un rôle important dans cette architecture sécuritaire régionale, participant activement aux efforts de stabilisation.
En octobre 2021, la deuxième Commission militaire mixte (COMMIXTE) entre la France et la Mauritanie s'est tenue à Nouakchott, permettant de dresser un bilan positif des nombreuses actions de coopération réalisées au profit des Forces armées mauritaniennes depuis 2019 . La délégation française, conduite par le général de brigade Peltier, avait alors confirmé la poursuite d'un partenariat avec le même niveau d'ambition jusqu'en 2023 . Cette coopération s'est depuis approfondie, comme en témoigne la rencontre de janvier 2025 entre les responsables de défense des deux pays.
Vers l'établissement d'une base aérienne française
Les développements récents indiquent que la France envisage sérieusement de transférer ses forces aériennes actuellement stationnées au Sénégal vers la Mauritanie . Des pourparlers à un stade avancé seraient en cours entre Paris et Nouakchott, bien que les discussions restent complexes. Cette initiative s'inscrit dans la reconfiguration de la présence militaire française dans la région suite aux tensions avec certains pays sahéliens comme le Mali et le Niger.
L'implantation d'une base aérienne française en Mauritanie constituerait un tournant stratégique majeur, offrant à la France un point d'ancrage solide dans une région où sa présence militaire est de plus en plus contestée. En cas de difficultés à finaliser cet accord, des solutions provisoires sont envisagées, notamment le stockage temporaire du matériel logistique militaire sur le sol mauritanien .
Face aux nouvelles rivalités d'influence en Afrique
La concurrence géopolitique avec la Russie
Le rapprochement franco-mauritanien s'inscrit dans un contexte marqué par l'influence croissante de la Russie en Afrique, particulièrement dans la région du Sahel. Cette situation a incité les puissances occidentales, dont la France, à réévaluer leurs alliances stratégiques . Le Kremlin a développé un réseau d'alliances militaires et économiques qui cherche à redéfinir les rapports de force dans cette région cruciale pour la sécurité mondiale.
La France, qui a longtemps exercé une influence majeure en Afrique de l'Ouest, se retrouve aujourd'hui confrontée à une compétition géopolitique accrue. Dans ce contexte, le partenariat avec la Mauritanie prend une importance renouvelée. Il s'agit pour Paris de maintenir sa présence et son influence dans une région stratégique face à la montée en puissance d'acteurs concurrents.
Un repositionnement stratégique après les crises sahéliennes
Les bouleversements politiques au Mali, au Burkina Faso et au Niger ont considérablement affecté le dispositif militaire français dans la région. Contrainte de se retirer de ces pays suite à des tensions diplomatiques et à l'hostilité des nouvelles autorités, la France cherche à reconfigurer sa présence au Sahel. La Mauritanie apparaît comme une alternative crédible pour accueillir les forces françaises redéployées.
Le choix de la Mauritanie n'est pas anodin. Il s'explique par la stabilité politique relative du pays, sa position géographique stratégique et l'excellente qualité des relations bilatérales. Par ailleurs, la Mauritanie n'a pas connu les mêmes mouvements anti-français que d'autres pays de la région, ce qui en fait un partenaire plus fiable sur le long terme.
Le renforcement du partenariat stratégique entre la France et la Mauritanie a un impact notable sur les relations de Nouakchott avec ses voisins, notamment ceux qui ont choisi de chasser la France de leur territoire, comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Ce contexte régional tendu modifie les équilibres diplomatiques et sécuritaires en Afrique de l’Ouest.
Une consolidation de la position mauritanienne au sein du G5 Sahel
La Mauritanie, en renforçant ses liens avec la France, se distingue comme un partenaire stable et fiable dans la région, notamment au sein du G5 Sahel. Ce positionnement lui permet de jouer un rôle de pivot dans la coordination régionale contre le terrorisme et le crime organisé, en appui aux efforts de la force conjointe du G5 Sahel. Cette posture est d’autant plus importante que plusieurs voisins, confrontés à des crises politiques internes, ont réduit ou expulsé la présence militaire française, créant un vide stratégique que Nouakchott contribue à combler.
Tensions diplomatiques et rivalités régionales
Le choix de la Mauritanie de maintenir et d’intensifier sa coopération avec la France peut être perçu par ses voisins comme un alignement politique et sécuritaire qui creuse les divergences au sein de la région. Les pays ayant expulsé la France, souvent sous l’influence de nouvelles alliances avec la Russie ou d’autres acteurs, voient dans le partenariat franco-mauritanien un facteur de polarisation. Cette situation complique la coopération régionale, notamment dans la lutte contre le terrorisme, qui nécessite pourtant une coordination transfrontalière efficace.
Un rôle stabilisateur dans un environnement régional fracturé
Malgré ces tensions, la Mauritanie joue un rôle stabilisateur en servant de pont entre les différents acteurs régionaux. Sa neutralité relative et son engagement dans des partenariats multilatéraux, incluant la France, l’Union européenne et l’OTAN, lui permettent de favoriser un dialogue politique et sécuritaire plus large. Ce positionnement est crucial pour maintenir un minimum de coopération régionale, notamment dans la gestion des flux migratoires, la lutte contre les trafics et la sécurité transfrontalière.
Impact sur les dynamiques d’influence
Le renforcement du partenariat franco-mauritanien s’inscrit dans une compétition d’influence plus large en Afrique de l’Ouest. Alors que certains voisins se tournent vers des partenaires alternatifs, la Mauritanie devient un relais clé de la présence occidentale dans la région. Cette dynamique peut exacerber les rivalités, mais elle offre aussi à Nouakchott un levier diplomatique et économique renforcé.
En somme, l’intensification du partenariat entre la France et la Mauritanie contribue à renforcer la position stratégique de ce dernier pays dans une région marquée par des ruptures avec la France. Ce choix crée des tensions avec certains voisins qui ont rejeté la présence française, mais il confère aussi à la Mauritanie un rôle stabilisateur et un levier d’influence important dans le Sahel et au-delà.
Enjeux économiques et énergétiques
Les ressources naturelles, facteur d'attraction
Au-delà des considérations sécuritaires, la Mauritanie présente un intérêt économique certain pour la France. Le pays dispose d'importantes ressources minérales, notamment de fer et d'or, qui suscitent l'intérêt des investisseurs internationaux . Ces richesses naturelles constituent un facteur d'attractivité supplémentaire pour la France, soucieuse de diversifier ses sources d'approvisionnement en matières premières stratégiques.
Le potentiel gazier offshore
La découverte et l'exploitation du champ gazier offshore de Grande Tortue Ahmeyim (GTA), partagé entre la Mauritanie et le Sénégal, ouvrent de nouvelles perspectives économiques. Ce gisement, dont les réserves sont estimées à plus de 450 milliards de mètres cubes de gaz, a commencé à produire ses premiers volumes commerciaux fin 2024 . Le projet, développé notamment par BP et Kosmos Energy, avec une participation des sociétés nationales mauritanienne et sénégalaise, représente un investissement de 7,5 milliards de dollars.
Pour la France, qui cherche à diversifier ses sources d'approvisionnement énergétique, notamment dans le contexte des tensions avec la Russie, le gaz mauritanien constitue une opportunité stratégique. Les entreprises françaises pourraient jouer un rôle dans l'exploitation et la commercialisation de cette ressource, renforçant ainsi les liens économiques bilatéraux.
Opportunités de développement des infrastructures
Le développement du secteur gazier mauritanien s'accompagne d'importants besoins en infrastructures. La France, forte de son expertise dans ce domaine, peut contribuer à la réalisation de projets structurants. Les gouvernements mauritanien et sénégalais espèrent que l'exploitation du gaz offshore permettra d'attirer des investissements dans les infrastructures, la formation et les industries locales liées à l'énergie .
Vers une alliance stratégique renouvelée
La Mauritanie s'affirme aujourd'hui comme un partenaire stratégique majeur pour la France en Afrique de l'Ouest. Sa position géographique unique, sa stabilité relative, son rôle dans la lutte contre le terrorisme et ses ressources naturelles en font un pilier essentiel de la stratégie française dans la région.
Face aux défis sécuritaires persistants au Sahel et à la concurrence croissante d'autres puissances comme la Russie, la France cherche à consolider son alliance avec Nouakchott. Le projet d'installation d'une base aérienne française en territoire mauritanien illustre cette volonté de renforcer les liens bilatéraux et de garantir une présence durable dans cette région stratégique.
L'avenir de cette relation dépendra de la capacité des deux pays à approfondir leur coopération militaire et économique, tout en respectant les intérêts mutuels. Pour la Mauritanie, le partenariat avec la France offre des garanties sécuritaires et des opportunités de développement. Pour la France, la Mauritanie représente un point d'ancrage essentiel dans sa stratégie africaine, lui permettant de maintenir son influence dans une région où sa présence est de plus en plus contestée.
La relation franco-mauritanienne pourrait ainsi devenir le modèle d'un partenariat renouvelé entre la France et l'Afrique, fondé sur des intérêts stratégiques partagés et une coopération mutuellement bénéfique. Dans un contexte régional en pleine mutation, cette alliance apparaît comme un élément de stabilité et une réponse adaptée aux défis communs.
Depuis la crise au Sahel, la France a intensifié sa présence financière en Mauritanie, renforçant ainsi ses liens économiques et stratégiques avec ce pays clé de la région. Cette dynamique s'inscrit dans un contexte de repositionnement français face aux bouleversements sécuritaires et géopolitiques au Sahel.
Une augmentation significative de l'aide au développement et des prêts souverains
La France, via l'Agence Française de Développement (AFD), est l’un des principaux bailleurs bilatéraux en Mauritanie. En 2023, l’AFD a engagé près de 350 millions d’euros dans une trentaine de projets, principalement dans les secteurs de l’eau, de l’agriculture et de l’éducation . Cette aide s’est renforcée avec l’ouverture, depuis 2023, de prêts souverains à hauteur de 40 millions d’euros par an, notamment pour des projets d’hybridation des centrales thermiques et de sécurité alimentaire . Ce passage de la Mauritanie d’un état de surendettement élevé à modéré selon les critères du FMI et de la Banque mondiale a permis à la France de diversifier ses instruments financiers, combinant dons et prêts concessionnels.
Des investissements privés français en hausse et structurants
Le secteur privé français est également très actif, avec une cinquantaine d’entreprises implantées en Mauritanie, générant plus de 2 000 emplois directs et indirects . Le principal investissement est celui du groupe Méridiam dans les infrastructures portuaires, avec 155 millions d’euros investis dans le terminal à conteneurs et hydrocarbures du port de Nouakchott, opérationnel depuis fin 2021 . Cette infrastructure est stratégique pour le commerce maritime et la logistique régionale, renforçant la position de la Mauritanie comme hub entre l’Afrique subsaharienne, le Maghreb et l’Europe.
Par ailleurs, TotalEnergies, acteur français majeur, investit dans le projet d’hydrogène vert « Nour », un des plus avancés en Afrique, qui illustre la volonté française de s’inscrire dans la transition énergétique mauritanienne . Ce projet s’inscrit dans une logique de diversification économique et énergétique, en phase avec les priorités de développement durable.
Un cadre institutionnel favorable à l’investissement français
La Mauritanie a adopté un nouveau code des investissements garantissant une égalité de traitement entre investisseurs locaux et étrangers, ce qui facilite et sécurise les investissements français . Le pays a également mis en place un guichet unique (APIM) pour simplifier les démarches administratives des investisseurs, un dispositif particulièrement apprécié par les entreprises françaises .
Un contexte macroéconomique stabilisé soutenant la coopération financière
La Mauritanie bénéficie d’un programme de financement avec le FMI, d’une durée de 42 mois et d’un montant de 86 millions de dollars, visant à moderniser la politique budgétaire et le cadre monétaire . La Banque mondiale prépare également un nouvel appui budgétaire. Ces soutiens macroéconomiques renforcent la crédibilité financière du pays et rassurent les investisseurs français.
Une stratégie française renforcée par la crise sécuritaire au Sahel
Face aux difficultés rencontrées dans d’autres pays sahéliens, la France a recentré sa coopération sur la Mauritanie, pays stable et stratégique. L’intensification de la présence financière française traduit une volonté de consolider un partenariat durable, combinant sécurité, développement économique et influence géopolitique. Le soutien financier français contribue à renforcer les infrastructures, la sécurité alimentaire et les capacités énergétiques, éléments clés pour la stabilité régionale.
Ainsi, depuis la crise au Sahel, la France a accru son
engagement financier en Mauritanie à travers une aide au développement
renforcée, des investissements privés structurants et un appui institutionnel
adapté. Cette intensification traduit la reconnaissance de la Mauritanie comme
un partenaire stratégique incontournable dans la nouvelle configuration
géopolitique ouest-africaine.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Bienvenue,
postez des messages respectueux des droits et de la dignité des autres. Ne donnez d'information que certaine, dans le cas contraire, s'abstenir est un devoir.
Pr ELY Mustapha