La Mauritanie fait face à des défis
structurels profonds : pauvreté endémique, chômage élevé, accès insuffisant à
l’eau, à l’électricité, à la santé et à l’éducation, inégalités régionales
marquées, gouvernance fragilisée. Et pourtant, le pays regorge de ressources
naturelles et d’un potentiel humain considérable. Ce contraste interpelle
directement les pouvoirs publics : pourquoi ce décalage entre les richesses
disponibles et les conditions de vie de la population ? Cet article dresse un
état des lieux lucide et appuyé sur des données vérifiables, et propose une
stratégie chiffrée, fondée sur la mobilisation des ressources nationales,
l’investissement dans les services essentiels et une justice sociale renforcée.
Un appel à l’action pour transformer les promesses en progrès réels.
Loin des envolées
institutionnelles, la Mauritanie reste un des pays les plus mal classés au
monde. Son Indice de Développement Humain (IDH) 2022 est de seulement
0,540, ce qui la place au 164ᵉ rang sur 193 pays. Dans le rapport Doing Business 2020 de
la Banque mondiale, le pays occupait la 152ᵉ place sur 190 économies (indice de
facilité de faire des affaires). Sur le plan de la sécurité, la Mauritanie
n’est guère mieux lotie : elle est classée 114ᵉ sur 163 au Global Peace
Index 2023 (score 2,228). Quant à la
gouvernance, Transparency International lui attribue un Indice de perception
de la corruption de seulement 30/100 (score inchangé), le classant 130ᵉ sur
180 pays. C’est la même austérité statistique dans tous les classements : ni
progrès ni espoir de progrès à court terme.
Pauvreté et chômage
En 2024, près de 28,4 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté national (us$3,65/jour PPP). Autrement dit, plus d’un Mauritanien sur quatre est pauvre aujourd’hui. Cette pauvreté s’est stabilisée après avoir tourné autour de 28–29 % ces dernières années . Si l’on prend le seuil international extrême (1,90 $/j), la Banque mondiale constatait 6 % de la population concernée en 2014, mais ces chiffres “internationaux” masquent en réalité une majorité de la population aux revenus très faibles. Le chômage est également préoccupant, surtout chez les jeunes : environ 23 % des 15–24 ans sont sans emploi (dernière estimation World Bank), tandis que le taux de chômage global reste à deux chiffres. Ces statistiques traduisent l’incapacité du pays à créer des emplois décents et à offrir des perspectives à sa jeunesse.
Sécurité alimentaire et vulnérabilité rurale
La Mauritanie un désert. Les sécheresses et inondations récurrentes exposent des centaines de milliers de personnes à la faim. Le Programme alimentaire mondial (PAM) signale que près de 365 000 Mauritaniens étaient en situation de vulnérabilité alimentaire en 2024, avec 13 % souffrant de malnutrition aiguë pendant la période de soudure . Selon la “Cadre Harmonisé” de mars 2023, près de 500 000 personnes étaient en insécurité alimentaire aiguë lors de la saison maigre (juin-août 2023) . Plus largement, une analyse 2021 montrait que 484 000 individus avaient besoin d’aide humanitaire et plus d’1,37 million (près de 1/3 de la population) vivaient en situation de « crise alimentaire » .
Ces chiffres réels démentent toute idée de stabilité : Monsieur le Président, un demi-million de vos administrés risquent la famine.
Accès à l’eau potable et à l’électricité
Les infrastructures de base sont minimalistes. D’après la CIA/IndexMundi, seulement 84,4 % de la population disposaient en 2017 d’une source d’eau améliorée (98,7 % en milieu urbain contre 68,4 % en milieu rural) – et la situation n’a guère changé depuis. L’accès à l’électricité est tout aussi faible : 47,7 % de la population avait de l’électricité en 2021 (la majorité en zone urbaine). Près de la moitié des Mauritaniens restent ainsi privés d’électricité courante et d’eau potable sécurisée. Dans les campagnes, l’électrification et l’adduction d’eau potable restent quasi inexistantes, aggravant la misère rurale.
Santé et éducation en souffrance
Les indicateurs sanitaires témoignent d’une situation critique : l’espérance de vie n’atteint qu’environ 65 ans (64,9 ans, estimation 2021) , reflet d’une santé publique dégradée. Le taux de mortalité infantile est de 52,1 décès pour 1 000 naissances (2021) et le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans reste élevé (37,8‰) . Les dépenses de santé par habitant sont très faibles et la densité médicale catastrophique, avec par exemple moins d’un médecin pour plusieurs milliers d’habitants. L’éducation n’offre pas de meilleur tableau : seul un Mauritanien sur deux sait lire et écrire (taux d’alphabétisation d’environ 53,5 % de la population adulte, dont 43 % chez les femmes) Le nombre moyen d’années de scolarité (primaire à supérieur) ne dépasse pas 9 ans , et près de la moitié des enfants sortent du système scolaire sans diplôme (45 % des enfants ne sont pas scolarisés selon le PAM ). L’état lamentable des écoles et hôpitaux publics, l’absence de médecins spécialisés et la faiblesse des réseaux de prévention expliquent ces résultats dramatiques.
Criminalité, insécurité et inégalités régionales
Le pays subit une insécurité grandissante dans certaines zones : trafic humain, banditisme et influence djihadiste menacent les régions sahéliennes. Le classement du GPI (Global Peace Index) le place seulement au 114ᵉ rang La criminalité locale, bien que moins médiatisée que dans les pays voisins, demeure mal documentée et souvent impunie. De nombreux observateurs soulignent par ailleurs l’essor d’une délinquance juvénile alimentée par le désœuvrement et l’exclusion (enclave urbaine de Nouakchott, bidonvilles, travailleurs migrants sans statut, etc.).
Le cumul de pauvreté, chômage et faiblesse de la présence policière crée un terreau propice à la violence non contrôlée, sans parler de tensions interethniques aggravées par l’inégalité.
Corruption et impunité
Sur ce volet, la réalité dépasse sans doute la perception internationale déjà très pessimiste : avec un score CPI de 30/100, la Mauritanie est classée 130ᵉ sur 180 pays (pire note qu’en 2014, et stable depuis plusieurs années). La crédibilité de l’État est minée par des scandales jamais vraiment élucidés – des affaires de détournements ou de népotisme font régulièrement la une locale, et peu souvent la prison. L’absence de sanctions fortes contre les pouvoirs publics campe un climat d’impunité généralisée. Par exemple, le rapport PPLAAF (2023) rappelle que l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz est sous le coup d’accusations pour “détournement de fonds publics”. Et aujourd"hui condamné à 15 ans de prison mais rares ceux qui l'ont servi au pouvoir, condamnés.
Ce laxisme institutionnel fait payer au citoyen lambda le tribut d’une corruption endémique : détournements de subventions sociales, favoritisme dans les marchés publics, blocage d’enquêtes financières, etc.
Services publics et infrastructures défaillants
En milieu urbain comme rural, l’État peine à offrir des services de base : routes impraticables (seuls 6 % des routes sont bitumées selon des estimations de la Banque mondiale), hôpitaux sous-équipés, écoles sans enseignants, absence de couverture internet fiable. Par exemple, moins de 60 % des ménages ont accès à une latrine améliorée., les coupures d’électricité sont quotidiennes, et certaines régions n’ont toujours pas d’adduction d’eau courante ni d’établissements de santé à moins de 50 km.
L’Etat affiche de grandes ambitions (« Mon ambition pour la nation »), mais ses résultats concrets restent mitigés: la population ne voit guère plus de cliniques ni de voies ferrées…
Les statistiques officielles (Banque mondiale, ONU, ONG internationales) dressent un tableau sans fard de la Mauritanie : pays pauvre et inégal, aux services publics limités, où la moitié de la population survit en dessous de la ligne de pauvreté, où l’eau et l’électricité restent un luxe, et où la vie est souvent écourtée par la maladie ou l’absence de soins.
Monsieur le Président, ces chiffres – totalement vérifiables – dessinent une réalité bien différente du “miracle économique” que l’on vante en haut lieu. Ils interpellent directement le pouvoir : le salut national ne viendra pas de slogans ou d’ambitions non financées, mais d’actions concrètes pour réduire la pauvreté, améliorer les infrastructures essentielles et appliquer enfin l’État de droit.
Les Indicateurs internationaux et nationaux (Banque mondiale, ONU, Transparency International, GPI, UNICEF, CIA, etc.), données officielles illustrent sans détour les défis réels auxquels la Mauritanie fait face.
Pour sortir la Mauritanie de la Crise voici une stratégie chiffrée.
C’est une stratégie chiffrée pour sortir la Mauritanie de la crise à travers une mobilisation des richesses, une volonté politique affirmée et une justice sociale renforcée.
La Mauritanie a les moyens de se défaire de ses fléaux. Ce qui manque, c’est une stratégie cohérente, chiffrée et fondée sur la justice sociale. Cette feuille de route, appuyée sur ses richesses et son génie humain, pourrait transformer radicalement l’avenir du pays. Le temps de l’action est venu.
Objectif général :
Réduire de moitié la pauvreté, doubler l’accès à l’électricité et à l’eau potable, réduire le chômage des jeunes de 50 %, améliorer l’indice de développement humain (IDH) de 0,540 à 0,620 d’ici 2030.
I. Mobilisation des ressources nationales : un levier économique
1. Secteur minier (fer, or, cuivre, lithium)
- Production actuelle (fer) : environ 12 millions de tonnes/an (SNIM)
- Exportations minières : supérieure à 1,2 milliard USD/an
🔹Action : Réviser les conventions minières pour augmenter les redevances de 3 à 6 % soit un gain estimé : +150 M USD/an
🔹Investir 20 % des recettes minières dans un Fonds de souveraineté pour le développement humain (éducation, santé, eau, jeunesse)
2. Gaz naturel offshore (Grand Tortue Ahmeyim – GTA)
- Production attendue à partir
de 2024–2025 : 2,5 millions tonnes/an de GNL
🔹Action : S’assurer que l’État perçoive au moins 40 % des revenus nets du projet → recette estimée : Supérieure à 300 M USD/an à maturité
🔹Affecter 30 % de ces revenus aux infrastructures de base rurales
3. Pêche maritime (zone économique exclusive > 230 000 km²)
- Exploitation actuelle très
sous-optimale (surpêche étrangère)
🔹Action : Réduction de 30 % des licences étrangères plus le développement d’une flotte nationale semi-industrielle aboutissant à la création de 15 000 emplois directs et indirects
II. Accès universel à l’eau potable et à l’électricité (2025–2030)
1. Eau potable
- Population non desservEnviron 1,3 million de personnes (principalement zones rurales)
🔹Objectif : Atteindre 95 % de couverture nationale en 2030
🔹Coût estimé : 350 M USD sur 5 ans (stations de pompage solaires, forages, mini-réseaux)
2. Électricité
- Taux d’accès actuel : environ 48 %
🔹Objectif : Passer à 90 % d’ici 2030
🔹Investissement nécessaire : 600 M USD (mix photovoltaïque-réseau hybride)
🔹Financement : Partenariats public-privé , recettes gazières et financement AfDB/IDB
III. Un plan Marshall pour l’éducation et la santé
1. Éducation
- Déficit : taux
d’alphabétisation environ 53 %, 45 % des enfants non scolarisés
🔹Objectif : scolarisation universelle jusqu’à 14 ans d’ici 2030
🔹Actions : - Recrutement de 10 000 enseignants
- Construction de 2 000 écoles
rurales
🔹Budget sur 5 ans : 300 M USD
2. Santé
- Taux de mortalité infantile :
52,1‰ ; très faible couverture médicale
🔹Objectif : Réduire ce taux de 50 %
🔹Actions : - Formation et recrutement de 3 000 personnels de santé
- Construction/rénovation de 100
centres de santé communautaires
🔹Coût : 250 M USD
IV. Emploi, jeunesse et filets sociaux
Chômage des jeunes : Supérieur à 23 %
🔹Objectif : réduire à moins de 12 %
🔹Mesures :
- Création de 5 pôles régionaux d’innovation et de formation (agri-business, BTP, TIC, énergies)
- Microcrédit jeunes et femmes rurales (fonds de 50 M USD)
- Service civique rémunéré pour 20 000 jeunes par an (éducation, assainissement, numérique
V. Lutte contre la corruption et réforme de l’État
🔹Objectif : Passer de 130ᵉ à 100ᵉ au classement CPI de Transparency Int.
🔹Mesures :
- Publication obligatoire des marchés publics
- Sanctions pénales renforcées (création de chambres anti-corruption)
- Audit annuel des finances publiques (rapport public et en ligne)
- Création d’une Agence nationale pour la transparence (ANAT)
Financement global d'un plan effectif (2025–2030)
Domaine |
Budget estimé (USD) |
Eau & électricité |
950 M |
Éducation & santé |
550 M |
Emploi, jeunesse, filets |
250 M |
Infrastructures rurales |
400 M |
Gouvernance & digitalisation |
100 M |
Total sur 6 ans |
2,25 Mds USD |
Sources de financement :
- Ressources internes nouvelles (minières, gaz) : environ 900 M USD
- Aides internationales ciblées (IDA, FSD, BAD, BID, Union européenne) : environ1 Md USD
- Partenariats publics-privés (énergie, TIC, BTP) : environ 350 M USD
La Mauritanie n’est pas pauvre – elle est appauvrie. Par l’inefficacité, l’accaparement des richesses, l’absence de vision stratégique. Ce pays a tout pour réussir : un potentiel énergétique, une richesse minière immense, une position géostratégique enviable. Il lui manque une stratégie volontariste, chiffrée, cohérente.
Pr ELY Mustapha
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Bienvenue,
postez des messages respectueux des droits et de la dignité des autres. Ne donnez d'information que certaine, dans le cas contraire, s'abstenir est un devoir.
Pr ELY Mustapha