lundi 12 mai 2025

La Mauritanie face au FMI : entre tutelle financière et quête de souveraineté économique. Par Pr. ELY Mustapha

 

« Celui qui dépend financièrement n’existe pas »

 

Avec un PIB de 10,45 milliards USD en 2023 et une croissance projetée à 4,2 % pour 2024, la Mauritanie affiche une résilience économique portée par ses ressources minières et gazières. Cependant, son partenariat avec le FMI, marqué par des conditionnalités strictes, interroge sur l’équilibre entre stabilité macroéconomique et confiscation du développement.

Entre 2002 et 2015, les mesures d’austérité liées au FMI ont fait bondir le taux de pauvreté de 40 % à 57 %, selon la Banque mondiale.

Une gouvernance transparente, une fiscalité équitable et une volonté politique de privilégier les investissements productifs sur le remboursement de la dette sont les conditions pour se passer du FMI. Comme le montrent les BRICS (40 % du PIB mondial en 2024), un nouvel ordre économique multipolaire émerge – la Mauritanie a les atouts pour en être un acteur, non un spectateur. à condition de transformer ses richesses en leviers de développement endogène.

 

Ressources stratégiques et vulnérabilités structurelles

La Mauritanie dispose d’atouts majeurs :

  • Secteur extractif : 76,28 % des exportations en 2023, incluant 13 millions de tonnes de minerai de fer (2 producteur africain) et un potentiel gazier via le projet Greater Tortue Ahmeyim (GTA), estimé à 19 milliards USD de revenus sur 30 ans.
  • Hydrogène vert : Projets en développement pour 150 000 tonnes/an, visant l’exportation vers l’UE.

 

Pourtant, l’économie reste fragile :

  • Dépendance aux matières premières : 30 % des recettes budgétaires liées aux mines, exposées aux chocs des prix mondiaux.
  • Dette publique : 44,5 % du PIB en 2024, malgré une baisse depuis 2021 (52,4 %), avec un service de la dette absorbant 25 % des revenus en 2024.
  •  

Le FMI : un frein déguisé au développement

Les programmes du FMI (EFF/ECF et RSF) ont injecté 148,4 millions USD depuis 2023, mais imposent des réformes controversées :

  • Ajustements budgétaires : Réduction des subventions (énergie) et plafonnement de la masse salariale publique, compromettant les dépenses sociales (santé, éducation).
  • Conditionnalités structurelles : Privatisations sectorielles, ouverture aux capitaux étrangers, et création d’une autorité anti-corruption aux prérogatives limitées.
  • Priorité à la dette : Le déficit budgétaire a été réduit à 0,1 % du PIB en 2024, mais au détriment des investissements publics, pourtant essentiels pour un pays classé 153/180 à l’indice de gouvernance mondiale.

 

Impact : Entre 2002 et 2015, les mesures d’austérité liées au FMI ont fait bondir le taux de pauvreté de 40 % à 57 %, selon la Banque mondiale.

 

Scénarios d’émancipation : leviers et stratégies

 

1.    Capitalisation sur le gaz et diversification industrielle

 

Le projet GTA, dont la production devrait démarrer en 2027, pourrait générer 600 millions USD/an dès 2030. Une gestion transparente permettrait :

  • La création d’un fonds souverain (30 % des revenus gaziers), inspiré du modèle norvégien, pour financer infrastructures et diversification.
  • La transformation locale du minerai de fer en pellets (20 millions de tonnes/an), ajoutant 2,5 % au PIB.
  •  

2.    Réforme fiscale et optimisation des recettes

 

  • Élargissement de l’assiette fiscale : La TVA ne représente que 12 % du PIB, tandis que les exonérations minières coûtent 2,1 % du PIB (Banque mondiale, 2024).
  • Indexation des redevances minières sur les prix mondiaux, passant de 5 % à 10 %, comme le préconise l’Institut international des finances publiques.

 

3. Intégration régionale et partenariats alternatifs

 

  • ZLECAf : Accès à un marché de 1,3 milliard de consommateurs pour exporter électricité renouvelable (parc éolien de Boulenouar, 100 MW) et produits agricoles.
  • Coopération Sud-Sud : Prêts en devises locales via les BRICS+, réduisant l’exposition au dollar. Les BRICS, qui représentent 40 % de l’économie mondiale (FMI, 2024), offrent des financements sans conditionnalités strictes.

 

4. Transition énergétique et résilience climatique

 

  • Solaire et éolien : Potentiel de 4,5 kWh/m²/jour et 6 m/s, capable d’alimenter 70 % des besoins nationaux d’ici 2030 (Banque africaine de développement).
  • Échanges dette-climat : Conversion de 3,1 milliards USD de dette en projets verts, suivant l’exemple de l’Équateur.

 

Projections comparées : scénario FMI contre  autonomie mauritanienne

 

Indicateur

Scénario FMI (2025)

Scénario souverain (2025)

Croissance PIB

4,0 %

6,1 %

Dette/PIB

43 %

38 %

Réserves de change

6 mois d’imports

9 mois d’imports

Taux de pauvreté

55 %

48 %

 

Quelques défis à surmonter :

  • Prix du gaz : Une baisse de 15 % (comme en 2024) affecterait les recettes.
  • Géopolitique : Instabilité au Sahel et dépendance technologique (89 % des équipements miniers importés).
  • Gouvernance : Corruption persistante (153/180 à l’indice de perception) et lenteur des réformes structurelles.

 

La Mauritanie possède les ressources pour s’affranchir du FMI :

  1. Rentabiliser le gaz via des contrats take-or-pay et un fonds souverain.
  2. Diversifier l’économie en priorisant l’agriculture (16,8 % du PIB) et les énergies vertes.
  3. Renforcer les alliances régionales (ZLECAf) et les partenariats Sud-Sud (BRICS+).


    Il est vrai cependant que ce qui  manque ce ne sont pas ressources naturelles  mais une  gouvernance humaine qui sert et non se sert. Et le FMI y trouve son compte pour ses réformes.  Pas le peuple.

 

Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.