dimanche 2 mars 2025

Clash Trump-Zelensky et droit diplomatique et consulaire. Par Pr ELY Mustapha

 « La courtoisie ne coûte rien, mais achète tout » (Proverbe ukrainien)

Le clash entre Trump et Zelensky soulève plusieurs questions importantes concernant le droit diplomatique et consulaire, codifié principalement dans la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961 et la Convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963. Ces conventions établissent un cadre juridique pour les relations diplomatiques entre États souverains et visent à faciliter le développement de relations amicales entre les nations.

L'un des principes fondamentaux du droit diplomatique est l'immunité accordée aux diplomates. L'article 29 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques stipule que les agents diplomatiques ne peuvent être soumis à aucune forme d'arrestation ou de détention. Le traitement hostile de Zelensky par Trump dans le Bureau ovale pourrait être considéré comme une violation de ce principe, même s'il ne constitue pas nécessairement une infraction légale
De plus, l'article 22 de la Convention établit l'inviolabilité des locaux de la mission diplomatique. Bien que l'incident ne se soit pas produit dans une ambassade, le principe d'inviolabilité souligne l'importance du respect et de la protection accordés aux représentants diplomatiques.

L'article 3 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques définit les fonctions d'une mission diplomatique, qui comprennent la représentation de l'État accréditant, la protection des intérêts de cet État et de ses ressortissants, et la négociation avec le gouvernement de l'État accréditaire. Le comportement de Trump envers Zelensky pourrait être interprété comme entravant ces fonctions diplomatiques.
De même, l'article 5 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires énumère les fonctions consulaires, notamment la protection des intérêts de l'État d'envoi et l'assistance à ses ressortissants. L'approche de Trump pourrait être perçue comme compromettant ces fonctions.

L'article 40 de la Convention sur les relations consulaires stipule que "L'État de résidence traite les fonctionnaires consulaires avec le respect qui leur est dû et prend toutes mesures appropriées pour empêcher toute atteinte à leur personne, leur liberté et leur dignité". L'attitude agressive de Trump envers Zelensky pourrait être considérée comme une violation de ce principe

Implications pour les relations internationales

Cet incident met en lumière la tension entre la realpolitik et les principes du droit diplomatique. Il soulève des questions sur la manière dont les dirigeants interagissent sur la scène internationale et sur le respect des normes diplomatiques établies.
Le comportement de Trump pourrait potentiellement affecter la confiance dans les institutions internationales et les pratiques diplomatiques établies. Il rappelle l'importance de maintenir des normes de conduite diplomatique, même dans des situations de conflit, pour préserver l'ordre international fondé sur des règles.
Ne constituant pas nécessairement une violation directe du droit diplomatique, ce clash soulève des questions importantes sur l'interprétation et l'application des principes diplomatiques dans le monde moderne. Il met en évidence la nécessité de réaffirmer l'importance du respect mutuel et de la courtoisie dans les relations internationales, principes fondamentaux du droit diplomatique et consulaire par définition, le traitement des chefs d'État étrangers.
Ce comportement a donc été problématique à plusieurs égards :

-  La Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961 établit des normes de respect mutuel entre représentants d'États. Le fait de de "crier" sur un chef d'État étranger et de l’invectiver dans le Bureau ovale va à l'encontre de ces principes de courtoisie diplomatique.

-  L'article 29 de la Convention de Vienne stipule que la personne de l'agent diplomatique est inviolable. Bien que Zelensky ne soit pas un diplomate au sens strict, en tant que chef d'État, il bénéficie d'une protection similaire. Le traitement hostile qu'il a subi pourrait être interprété comme une atteinte à sa dignité.

-  Les pressions exercées sur Zelensky pour qu'il négocie avec la Russie selon des termes spécifiques pourraient être considérées comme une ingérence dans les affaires intérieures de l'Ukraine, ce qui est contraire aux principes du droit international.

Un “bullying" qui ne dit pas son nom.

Bien que le terme "bullying" ne soit pas un concept juridique précis en droit international, le comportement décrit présente des caractéristiques qui s'apparentent à effectivement à de l'intimidation ou du harcèlement :

-  Utilisation d'une position de pouvoir pour exercer une pression indue

-  Comportement agressif et hostile

-  Tentative de coercition pour obtenir un résultat spécifique

Ces éléments correspondent aux définitions courantes du bullying.

La notion de contrepartie représente un élément central dans l'analyse du bullying, constituant souvent la motivation sous-jacente aux comportements d'intimidation. Cette dimension mérite une attention particulière car elle permet de distinguer entre négociation légitime, inhérente à la diplomatie, et coercition abusive relevant du bullying. La récente confrontation entre Trump et Zelensky, notamment concernant des allégations de demandes relatives aux terres rares ukrainiennes, offre un cas d'étude révélateur des problématiques éthiques et juridiques soulevées par de telles pratiques.

Si l'on compare cette situation à d'autres cas historiques, on peut établir un parallèle avec les pressions exercées par des puissances coloniales pour l'accès aux ressources naturelles de territoires plus faibles. Plus récemment, on peut évoquer les accusations portées contre la Chine concernant sa "diplomatie du piège de la dette" en Afrique, où des prêts considérables seraient accordés en échange d'accès privilégiés aux ressources naturelles. Ces cas partagent une caractéristique commune avec la situation Ukraine-États-Unis : l'asymétrie de pouvoir entre les parties et l'utilisation de leviers de pression (aide militaire, prêts financiers) pour obtenir des avantages économiques.

La particularité du cas ukrainien réside dans le contexte de vulnérabilité extrême du pays, engagé dans un conflit existentiel avec la Russie et donc vitalement dépendant du soutien américain. Cette dépendance crée une situation où le refus de la contrepartie demandée pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour la sécurité nationale ukrainienne, renforçant considérablement le caractère coercitif de la demande. De plus, la forme même de la demande, présentée non comme une proposition de partenariat économique normal mais comme une exigence formulée dans un contexte d'intimidation verbale, accentue sa nature problématique du point de vue du droit diplomatique.

La communauté internationale dispose de plusieurs moyens pour réagir à ce type de comportement :

  •  Condamnation diplomatique : Les autres pays et organisations internationales peuvent exprimer leur désapprobation par des déclarations officielles.
  •  Résolutions de l'ONU : L'Assemblée générale ou le Conseil de sécurité pourraient adopter des résolutions condamnant ce type de comportement.
  •  Médiation : Des pays tiers ou des organisations internationales pourraient proposer leur médiation pour apaiser les tensions.
  •  Renforcement des normes : La communauté internationale pourrait travailler à renforcer les normes de conduite diplomatique.
  •  Soutien à l'Ukraine : Les autres pays pourraient accroître leur soutien diplomatique et matériel à l'Ukraine pour contrebalancer la pression américaine.

La communauté internationale a un rôle important à jouer pour condamner et décourager de telles pratiques, afin de préserver l'intégrité des relations internationales basées sur le respect mutuel et la courtoisie diplomatique.

Quelle stratégie pour les pays africains ?

Cet incident souligne l'importance pour ces les pays africains et les pays en développement de repenser leurs stratégies diplomatiques et de sécurité afin de naviguer dans un environnement international de plus en plus complexe et imprévisible.
Une stratégie clé pour ces pays serait de diversifier leurs alliances et leurs partenariats internationaux. En s'appuyant trop lourdement sur une seule grande puissance, comme les États-Unis, les pays en développement se rendent vulnérables aux caprices de la politique étrangère de cette nation. Par exemple, imaginons un pays africain hypothétique, le Zambezi, qui a traditionnellement compté sur l'aide militaire et économique américaine. Suite à l'incident Trump-Zelensky, le Zambezi pourrait décider de renforcer ses liens avec l'Union européenne, la Chine et l'Inde, tout en développant des alliances régionales plus solides avec ses voisins africains. Cette approche multidirectionnelle permettrait au Zambezi de maintenir une position plus équilibrée et résiliente sur la scène internationale.
Une autre stratégie cruciale serait de renforcer l'autonomie nationale et régionale. Les pays africains et en développement pourraient investir davantage dans leurs propres capacités de défense et de sécurité, ainsi que dans le développement d'industries stratégiques. Prenons l'exemple fictif du Sahelia, un pays d'Afrique de l'Ouest qui, inspiré par les événements récents, décide de lancer un ambitieux programme de modernisation de son armée et de développement de son industrie technologique. En collaborant avec des pays voisins et en attirant des investissements ciblés, le Sahelia pourrait réduire sa dépendance aux importations d'armes et de technologies, renforçant ainsi sa position stratégique.

La diplomatie multilatérale offre également une voie prometteuse pour les pays en développement. En s'engageant plus activement dans les forums internationaux comme l'ONU, ces nations peuvent faire entendre leur voix et influencer les décisions mondiales. Imaginons un scénario où un groupe de pays africains, menés par le Nigeria et le Kenya, forme une coalition pour pousser à la réforme du Conseil de sécurité de l'ONU.

Cette initiative pourrait viser à obtenir une représentation permanente pour l'Afrique, changeant ainsi la dynamique des relations internationales et donnant aux nations africaines un poids accru dans les affaires mondiales.
La médiation et la résolution des conflits représentent un autre domaine où les pays africains et en développement peuvent jouer un rôle crucial. En se positionnant comme médiateurs neutres dans les conflits internationaux, ces pays peuvent accroître leur influence diplomatique. Un exemple hypothétique serait celui de l'Éthiopie prenant l'initiative de médier un conflit complexe au Moyen-Orient, en s'appuyant sur son expérience de gestion des tensions régionales en Afrique de l'Est. Cette démarche pourrait non seulement contribuer à la paix mondiale, mais aussi renforcer le statut de l'Éthiopie en tant qu'acteur diplomatique majeur.

Enfin, le renforcement de la coopération Sud-Sud offre de nombreuses opportunités. Les pays en développement peuvent partager leurs expériences, leurs technologies et leurs meilleures pratiques pour relever des défis communs. Imaginons un partenariat innovant entre le Brésil, l'Inde et plusieurs pays africains pour développer des solutions agricoles durables adaptées aux climats tropicaux. Ce type de collaboration pourrait non seulement améliorer la sécurité alimentaire dans ces régions, mais aussi créer de nouveaux modèles de coopération internationale qui ne dépendent pas des grandes puissances traditionnelles.
En adoptant ces stratégies multidimensionnelles, les pays africains et en développement peuvent aspirer à une plus grande autonomie et à une influence accrue sur la scène internationale. Bien que les défis restent nombreux, ces approches offrent des voies prometteuses pour naviguer dans les eaux troubles de la géopolitique mondiale, tout en poursuivant leurs propres intérêts et objectifs de développement.

           Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.