mardi 21 novembre 2023

Voilà pourquoi je tutoie Ghazouani et le commun des mortels. Par le Pr ELY Mustapha

 Certains de mes lecteurs se sont offusqués du fait que mes articles « tutoient » les autorités et ne les « vouvoient » pas. Je comprends que leur vécu d’allégeance à l’Etat moderne et à ses servitudes leur aurait fait croire que les gouvernants seraient au-dessus d‘eux et que, par habitude, le « vouvoiement » à l’occidental soit devenu un signe de « respect » honnête pour certains et servile pour d’autres.

 Aux fins de compréhension, il est important de mentionner que le « vous » occidental, deuxième personne du pluriel, (forme atone avant le verbe, ou complément d'un impératif affirmatif, se plaçant après le verbe, sujet, objet direct ou indirect) s’adresse à une personne ou à un groupe de personnes … il induit l’absence de familiarité et non point, forcément, le respect

Le « tu », deuxième personne du singulier, oriental, celui qui découle de langues sémitiques et donc de l’arabe, notamment, s’adressant à un individu ne fait pas disparaitre le respect et le « vous », s’adressant à un individu ou à un collectif d’individus n’implique pas, par définition, le respect.

Pour mieux comprendre cela, et pour appréhender la dimension sémantique d’honneur et de dignité humaine (hélas, disparue aujourd’hui face à l’allégeance rampante et aux « courbettes » intéressées), transcendant l’esthétique syntaxique d’un pronom personnel, permets-moi, cher lecteur, de te raconter cette histoire tirée de notre inestimable patrimoine musulman :

 

A son arrivée en pèlerinage à la Mecque, Hicham Ibn Abdel Mâlik , Calife omeyyade (71-125 de l’hégire), demanda qu’on lui fasse venir un homme parmi les compagnons du prophète.

On lui répondit : « Ô émir des croyants, Ils sont tous morts. »

« Un parmi les Tabi’in, alors », demanda-t-il . (Un parmi les disciples du Prophète - PSL).

On lui ramena Tawous ben Qiçan Al Yemeni El Hamdani, l’un des disciples du prophète (PSL) ,

Dès qu’il entra chez le sultan, il se déchaussa au bord du tapis et lui adressa le « salam » sans l’interpeller par son titre « émir des croyants ».

Au lieu de cela, il dit :

 « Assalamou alayka Ya Hicham » (que la paix soit sur toi, Ô Hichem.)

Il ne l’appela pas non plus par sa kounya (qui est une appellation traditionnelle par référence à la descendance immédiate. Exemple:Abou Ali, Abou Ahmed etc.) - mais plutôt s’assit face lui en demandant :

«Comment vas-tu Ô Hicham ? ».

 

Hicham se mit en colère au point qu’il faillit le tuer et lui demanda ce qui le poussait à agir de la sorte.

Tawous ben Qiçan Al Yemeni El Hamdani lui dit alors :

« Agir comment ? »

Hicham s’énerva de plus belle et lui répondit :

« Tu t’es déchaussé au bord de mon tapis, tu n’as pas baisé ma main, tu ne m’as pas salué en m’appelant émir des croyants, tu ne m’as pas non plus appelé par ma kounya et tu t’es assis en face de moi sans m’en demander la permission et tu m’as interpellé en disant ‘ô Hicham’ ».

 

Tawous lui répondit :

- « Concernant le fait de m’être déchaussé au bord de ton tapis, je le fais cinq fois par jour entre les mains de mon Seigneur, il ne me punit pas, ni ne se met en colère contre moi.

 

- Quant au fait que je n’ai pas baisé ta main, et bien j’ai entendu Ali Ibn Abi Talib (que Dieu l’agrée) dire : « Il n’est permis à personne de baiser la main de quelqu’un si ce n’est sa femme par désir ou son fils par miséricorde. »

 

- Quant au fait de ne pas t’avoir salué en t’appelant « émir des croyants », c’est parce que tout le monde n’est pas satisfait de ton émirat, et je déteste mentir.

 

- Pour ce qui est de ne pas t’avoir appelé par ta kounya, Allah soubhanahou wa ta‘âla a appelé ses alliés en disant : « Ô Dawoûd, ô Yahyâ, ô Îssâ » et a appelé ses ennemis par leur kounya: « Périssent les mains d’Abou Lahab » (Sourate 111, Verset 1.)

 

- Si je me suis assis face à toi, c’est parce que j’ai entendu Ali Ibn Abi Talib (que Dieu l’agrée) dire :

 « Si tu veux regarder un homme parmi les gens du feu, regarde un homme assis et autour de lui un groupe de gens se tenant debout. »

 

Hicham lui dit alors : « Conseille-moi ! »

Il lui dit alors : « J’ai entendu Ali Ibn Abi Talib (que Dieu l’agrée) dire : « Il y a dans la géhenne des serpents tels une clôture et des scorpions tels des mules, ils mordent chaque émir qui est injuste envers ses gouvernés. »

Il se leva alors et sortit.

Alors cher lecteur, que sommes-nous pauvres mortels face aux métaphores de ce disciple du Prophète Mohamed (PSL) ? Sinon d’interpeller sur leur gouvernance ceux qui nous gouvernent à la forme pronominale de ce qu’ils sont : de simples mortels.

Et en tant que simple mortel parmi les autres, j’ai toujours tutoyé mon entourage, quel que soit son rang.   Simplement parce qu’il serait d’une grande curiosité d’interpeller l’Eternel, Allah et à son prophète Mohamed (PSL) par un « tu » et un « toi » (tu es mon Dieu, toi, mon Dieu. Tu es mon prophète et toi mon prophète !  أنت ربي… - أنت النبي) et… de ne pouvoir tutoyer Ghazouani ou quelle que autre autorité temporelle de ce bas-monde!

Les pronoms personnels n’ont de sens que face aux mortels et non devant l’éternité.


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اللهم أنت ربي لا إله إلا أنت

Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.