vendredi 26 septembre 2008

Stratégie de la junte en Mauritanie: la birmanisation

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« Une démocratie où fleurit la discipline »

Une nouvelle anodine est passée dans la presse internationale, mais à y voir de près, elle ne l’est pas. Il s’agit du débarquement de troupes marocaines à Zouérate et dans la région du Tiris Zemmour. Objectif avoué : aider à lutter contre le terrorisme d’El Qaida au Maghreb.
Mais si l’on y regarde de plus près, c’est là un feu vert donné par la junte aux marocains d’établir une présence militaire marocaine sur le territoire mauritanien, ce qui constitue un aveu de la junte de s’aider du Maroc dans sa stratégie de pérennité au pouvoir en s’appuyant sur son voisin du Nord. Les déclarations récentes du roi Mohamed VI favorables à la junte ne laissent aucune ambigüité en ce qui concerne l’appui que la junte demande au Maroc.

Que signifie une telle situation (I) et quelles conséquences du régime militaire en Mauritanie sur la sous-région (II)?

I - la stratégie isolationniste de la junte.

Si l’on y regarde de près et malgré les mises en demeure internationales, les condamnations, la rupture des accords financiers et la suspension de l’aide internationale, la junte fait la sourde oreille et continue à monopoliser l’Etat et les institutions en plaçant ceux qui lui font allégeance à tous les échelons de l’administration publique. Mieux encore, elle use et abuse de son pouvoir pour faire adhérer à sa cause des militants anti-putschistes en leurs proposant la direction d’entreprises nationales. La junte reprend à son compte ce que son chef reprochait justement au régime de sidioca de vouloir acheter les adhésions au gouvernement de ould El Waghef.

Mais ce qui est plus grave , c’est qu’ à travers son entêtement et la répression qui sourde dans le pays, la junte ne s’achemine vers une stratégie réelle d’enfermement et d’isolement par rapport au reste du monde , en comptant sur le soutien de pays frontaliers (le Maroc notamment ) et en cherchant le soutien d’autres pays qui expérimentent cet isolement en droite ligne de la Corée du Nord et autres dictatures qui défient le monde. Sans dédaigner les alliances contre-nature (voir note article: "A combien vont-ils vendre la Mauritanie?")

Les militaires mauritaniens ressemblent étrangement par leur comportement de vouloir rester au pouvoir à ces militaires birmans qui en 1988 s’emparèrent du pouvoir et qui instaurèrent au fur et à mesure une dictature qui finit par l’assujettissement du peuple à sa volonté instaurant les travaux forcés et censurant les libertés publiques et bafouant les droits de l’homme.

Des instruments de coercition qui mirent la Birmanie, actuel Etat du Myanmar , au ban de la communauté internationale. Son peuple est quasi-analphabète avec un taux de mortalité élevé et une économie où le trafic de l’opium est soutenu par l’Etat.

Pays où les militaires pour pérenniser au pouvoir ont modifié la constitution en justifiant leur acte en ce que la nouvelle Constitution établirait « une démocratie où fleurit la discipline ».
Pays où les militaires se sont octroyés 50% du budget de l’Etat, où les partis d’opposition ont été interdits et où la justice est assujettie à l’exécutif. Et ou sévit le monopole des médias et la répression des journalistes.

Des images d’une Birmanie de la dictature dont certains traits ne sont pas sans nous rappeler d’autres qui existent déjà en Mauritanie depuis le putsch du 6 août 2008, et qui risquent de s’aggraver dans les jours à venir si la junte ne trouve pas (ou ne met pas) un terme à son pouvoir.

II- Les dangers du régime putschiste pour la sous-région

Récemment, une information citée par des sources médiatiques internationales a fait état des pressions qu’aurait exercées le Maroc sur le Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, pour l’achat du port de Nouadhibou. Une stratégie marocaine de monopole de toutes les zone d’accès à la mer sur la côte Nord-Ouest atlantique au détriment de l’Algérie qui souhaitait une ouverture vers l’atlantique à travers ce port.

D’autre part, le rapprochement évident entrepris par la junte avec le Maroc, n’est pas sans conséquences sur l’Affaire du Sahara occidental. Rapprochement dans lequel les dirigeants du Polisario voient un complot contre leurs revendications territoriales. Et les algériens une déstabilisation de la sous-région.

C’est ainsi que les autorités algériennes ont dénoncé le putsch et pris, des mesures diplomatiques œuvrant à la non-reconnaissance du putsch à l’échelle de la communauté internationale.

Le débarquement des militaires marocains dans le Tiris-Zemmour, ne fait que conforter les algériens sur les velléités du Maroc et les intentions de rapprochement de la junte de son voisin au détriment du peuple sahraoui.

Dans ce contexte , la Mauritanie, le maillon le plus faible de la sous-région risque de se voir entrainée dans une tension sous-régionale dont les conséquences sur la stabilité du pays et sur son développement peuvent être catastrophiques.
L’alignement de la junte sur le Maroc va déclencher des mécanismes de déstabilisation dont la Mauritanie, à déjà eut de macabres expériences. Notamment la guérilla jihadiste et les attentats terroristes. Or ces deux phénomènes ne peuvent être jugulés qu’à travers une coopération intensive entre les pays de la sous-région. Or ce qui est en train de se passer est bien le contraire de cela.

Et il est certain que cela ne profite nullement au combat qui doit être livré de façon concertée. La tension engendrée par la junte à travers son comportement et son alliance préférentielle n’est pas propice à maintenir la paix.

En conclusion, tous les indicateurs nationaux et internationaux indiquent que la junte est acculée à disparaître, qu’elle doit quitter le pouvoir pour éviter le pire pour elle et pour le peuple. Mais ce qui est encore le pire à craindre c’est qu’elle ne soit déjà prise dans la gangue du système politico-laudateur mauritanien et de la machinerie sociale qui coupe les gouvernants des réalités jusqu’à ce qu’ils sombrent dans le désastre.

A voir les attitudes de désolidarisation de la junte qui commencent à s’exprimer (dernière en date, les 18 sénateurs démissionnaires du groupe de soutien au putsch) et les soutiens publics qui se font rares, on comprend que les rats commencent à quitter le bateau qui coule.

A la « démocratie où fleurit la discipline », préfèrons la Démocratie où l’espoir bourgeonne.
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Pr ELY Mustapha

2 commentaires:

  1. PROF,Vous commencez a perdre votre objcivité.

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  2. Merci Prof de mettre a flot ces quelques infos qui seraient passees inaperçues a cause de nos debat pro et anti-coup. C'est tres grave et la junte nous fait tomber dans cette histoire du Sahara ocidental, malgre que nous avons tous crié depuis belle lurette quele pays devait se tenir dans un role de stricte neutralite. Messoud a essaye de jouer la-dessus et il s'est vite excuse. J'ai aussi trouve bizarre que la presse algerienne ne parle pas beaucoup de la RIM ces derniers jours. Le coup de Tourine est evidemment le debut de la stabilisation du pays par l'exterieur. J'ai des doutes que ce soit les algeriens qui aient fait ce coup parcequ'ils n'en avaient pas besoin et c'tait un peu tot. Tourine ressemble a un coup des marocains, qui en signant les decapitations façon GSPC, auraient voulu mettre cela sur l'algerie. C'tait peut-etre pour justifier ce saut sur Zouerate. Juste un hypothese. A-

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Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.