samedi 10 novembre 2007

Circulez…à droite

Les caractères d’une police sans caractères

De nouvelles nominations viennent d’être opérées à la tête des directions de la police nationale. Rien de neuf sous le ciel. Des policiers qui ont été mutés d’une direction vers l’autre ou d’un service à l’autre avec un impact tout relatif sur les améliorations tant attendues en profondeur. En effet, la Police nationale n’est pas une simple affaire de cooptation ou de nominations de personnes, c’est une institution qui a montré ses limites et ses dérives, ses incapacités et ses dangers pour l’Etat de droit et la sécurité du citoyen.
Il n’est pas un responsable nommé à quelque poste qu’il soit dans l’appareil policier qui ne soit connu de tous et chacun peut apprécier à son niveau les tenants et les aboutissants des nouvelles nominations aux directions centrales et régionales de la police nationale.
Apporter une solution à ce corps est moins affaire de personnes, dont on sait dans le passé ce qu’elle ont fait de cette police, qu’une affaire de réorganisation, de rénovation et de réglementation rigoureuse du corps de police avec les droits, les obligations et les sanctions sans lesquelles la Police nationale, qu’elles que soient les personnes nommées continuera a voguer dans une impunité qui ne trouve ses limites nulle part. Ni les responsables de ce corps n’en ont donné une image respectable, ni les institutions qui les encadrent ne les ont obligé à la donner. Et pour cause : c’est une police qui, pour bon nombre de citoyens, est sans caractères, frustrée et corrompue.
En effet, depuis bientôt trente ans la police est devenue une institution au service des intérêts de ses chefs. Un corps gangrené par la corruption et les népotismes. Même ceux qui de l’intérieur de ce corps ont réagi à cette déviation notoire de la police se sont vus écartés.
Une police qui ne donne même pas d’elle-même une image attendue d’un corps d’Etat démocratique.
Pour s’en convaincre, il suffit d’apprécier l’état des lieux qui renvoie une image sociale des plus sombres de la police. Mais si cette image est due au comportement ostensiblement répréhensible de cette police, il reste que les raisons de ce mal prennent leur source dans des considérations bien moins évidentes.

I -L’image de la police : l’état des lieux en Mauritanie

Si partout dans le monde le mot « police » n’inspire pas forcément un élan de joie et d’enthousiasme, en Mauritanie il a cette caractéristique de déclancher automatiquement un élan vers... sa poche.

Une police fiduciaire : confusion entre judiciaire et monétaire

Il suffit de visiter les postes de police pour s’en convaincre. Des agents débraillés avachis qui sirotent le thé à la devanture de leurs bureaux. En surnombre et prêts à bondir au premier billet vert. Des agents qui vous auscultent des pieds à la tête qui vérifient vos signes extérieurs de richesse ou de pouvoir sur lesquels ils ajustent toutes leurs attitudes, leurs manières et le niveau de service que vous méritez.
Quant aux chefs de poste, il faut les chercher pour les trouver. La plupart arrondissent leurs fins mois en dehors des bureaux. A croire que c’est la seule notion retenue du concept administratif « d’arrondissement de police » ou municipal. Une police qui prend tout ce qui est rond au premier degré. Tout lui inspire la monnaie dans ses différentes divisions, les point ronds, les panneaux de signalisation, les nids de poule. Une police fiduciaire. Au sens divisionnaire du terme. Sens giratoire obligatoire, sens interdit, les procès verbaux sont quant à eux une véritable monnaie scripturale.

Une police politique : confusion entre sûreté et liberté

Mais la police n’est pas seulement perceptrice d’argent indu, elle joue aussi un rôle qui est bien plus répréhensible : la répression au service du politique. Celui-ci a depuis bien des années mis une certaine police à son service. Une police rampante qui n’a de police que le nom et qui torture jusque dans les locaux de l’école de Police.
Une police qui s’est spécialisée dans la falsification des documents, des faits et des preuves d’accusation et qui sous la bénédiction de certains de ses chefs a mené à des incarcérations arbitraires et des procès fictifs de centaines de citoyens.
Les fameux procès politiques, les incarcérations privatives d’exercice de leur activité des opposants à l’ancien régime en a été l’expression la plus immédiate. Ce qui guide cette police ce n’est pas le respect de la déontologie ni des codes de procédures, c’est une volonté de réduire la contestation légitime, c’est de juguler l’idée même qui naîtrait dans le conscient du citoyen de défendre ses droits. Une confusion manifeste entre servir la « sûreté » de l’Etat et servir des intérêts politiques. Et sur ce plan la Direction de la sûreté de l’Etat s’est érigée en véritable administration de répression de mouvements politiques légaux internes qu’une direction assurant la sûreté de la Nation.

Une police en gras : confusion entre servir et se servir

Il fallût qu’un avion balance quelques kilogrammes de drogue sur l’aéroport de Nouadhibou pour que l’on se rende compte que depuis vingt au moins la Mauritanie était une importante plateforme de la mafia des narcotiques en Afrique de l’Ouest . Vingt ans ! Et depuis plus de vingt ans la police nationale n’a pas « pipé » un seul rapport officiellement connu sur ce trafic, ni n’a lutté ouvertement contre cette mafia ni n’a alerté l’opinion nationale ou internationale sur cette pratique.
Pourtant la direction de la police judiciaire, la direction de lutte contre les crimes économiques existent et pourtant c’est comme si durant ces vingt dernières années le trafic de drogue n’a jamais existé. Que peut-on en tirer comme conclusions ?
Naïvement que la Police nationale n’était pas au courant. Ce qui est une réponse d’autant plus ridicule que la Police est au courant de tout or pour être plus juste chacun sait que la police nationale était au courant de tout et qu’elle ne voulait rien laisser transparaître. Mais alors la question devient plus cruciale : au profit de qui gardait-elle le silence ? Dans les corps militaires et paramilitaire, le secret ne vaut que lorsqu’il s’agit de sécurité nationale, d’un impératif national. Qu’en était-il du trafic de la drogue ? Un telle argumentation ne pouvait donc s’appliquer à un telle dissimulation qui prend sa source ailleurs. Et si l’on se réfère au bon sa les raisons de cette dissimulation ne trouvent leur explication que dans la police elle-même. En effet, à moins d’une incompétence flagrante de ses agents d’un aveuglement permanent de ses chefs, il est impossible sue la police nationale n’ait pas été au courant de ce trafic. Alors pourquoi n’a-t-il pas agit ? La réponse ne peut être que de deux ordres : où elle est neutralisée par ses chefs ou elle est elle-même partie prenante à ce trafic. Dans le premier cas ses chefs se sont servie de l’institution pour bénéficier de ce trafic, dans le second cas c’est toute l’administration de la police nationale, ou tout au moins ses services affectés à cette mission, qui est impliquée directement dans le trafic des narcotiques en concert avec d’autres corps constitués militaires et paramilitaires.
C’est autant dire donc que la logique nous pousse à dire que la Police nationale a été durant ces dernières années aux mains de lobbies internes et externes qui l’ont instrumentalisée pour leurs intérêts. Les grandes richesses de Nouakchott faîtes en temps record issues de ce corps et du corps militaire et paramilitaire en témoignent largement.
Ainsi la police nationale se doit d’être fondamentalement restructurée et remodelée à l’image et aux missions du nouvel Etat démocratique et ce ne sont pas des nominations de personnes qui vont réaliser cela mais une réforme en profondeur de toute l’institution. Il faut que cette police qui s’est engraissée par le trafic et qui mine encore les rouages de la police nationale par le trafic d’influence, la corruption soit identifiée et écartée. Il ne s’agit pas de faire un « mouvement » dans le corps de la police mais de faire une translation complète d’un bord vers l’autre. Il ne s’agit pas de modification, mais de mutation.

Une police sans caractères : confusion entre les genres

Lorsque l’on examine de près les raisons des déviations qui touchent la police nationale on y retrouve à la fois un élément matériel doublé d’un élément psychologique. Du côté matériel ce qui pousse le agents à la corruption c’est davantage le manque de moyens de subsistance qu’une nature portée à la corruption. Le salaire du policier est dérisoire dans une société où les salaires les plus importants ne résistent pas à la cherté de la vie et la famille nombreuse.
Toutefois, cette situation a entrainé par sa pratique répétée une corruption d’usage difficile à combattre. C’est une corruption qui est devenue spontanée, le policier se sert comme s’il allumait une cigarette, un geste non retenu qui prend sa source dans l’habitude qui n’a trouvé en face ni résistance civique ni dénonciation de la part des pouvoirs publics. Et pour cause souvent toute la hiérarchie était mise à contribution.
Mais si la corruption est visible est ostentoire, il reste que l’autre élément sournois invisible et non dit mais pourtant visible à travers ceux qui le représentent: la frustration.
En effet, notre police n’a pas d’identité, depuis des dizaines d’années elle est gouvernée par les militaires et ses chefs sont nommés dans ce corps. Cela lui enlève tout caractère, c’est un corps dont la tête ne lui appartient pas. Une gorgone frustrée.
La police ne s'est donc pas perçue ces dernières années comme un corps homogène, une institution bénéficiant de structures de direction propres issues de ses rangs et gérées dans le cadre d’une stratégie à laquelle elle participe et dans laquelle elle est partie prenante à travers ses cadres supérieurs. Jusqu’aux nominations de ce 7 septembre 2007, la Police c’est des policiers dirigés par des militaires et tout corps constitué ressent dans ces conditions la frustration. Alors ses membres s’en détachent, vont à la dérive et gèrent leurs propres intérêts en dehors d’un corps auquel ils ne s’identifient que partiellement.
Il n ya donc pas de police en Mauritanie, au sens institutionnel mais une multitude d’agents au service de l’institution militaire.
Durant ces vingt dernières années, la police n’a été qu’un instrument dont le politique gère le dénuement et la frustration.

II-L’image de la police : l’état des lieux en Afrique

A la Conférence sur la reforme de la police et la démocratisation dans les pays africains post conflictuels (Kenya 12-15 mars 2007) il a notamment été souligné :

« L’exigence d’une réforme de la police, pour la rendre plus responsable, se fait sentir dans le
monde entier. Différentes raisons expliquent un tel consensus international à ce sujet. Voici
quels sont les facteurs favorisant l’exigence d’une réforme de la police :

1. Constat, au sein des services de police, que les agents sont systématiquement
corrompus.
2. Le gouvernement abuse de ses pouvoirs de police, surtout lorsqu’il s’agit de réprimer et
brutaliser les censeurs et les opposants au régime en place, les minorités et les groupes
les plus exploités.
3. Constats de cas de violence à l’encontre de certains membres de la société civile ou d’une sous-culture, identifiable comme telle au sein de la société (raciale, ethnique, sociale, religieuse, et en tant que classe sociale, d’âge ou d’appartenance sexuelle).
4. Transition d’un régime autoritaire à une forme de gouvernance démocratique et vice versa : les fonctions de police s’en trouvent alors redéfinies.
5. Sortie d’une situation de conflit (guerre civile) pendant laquelle les forces de police ont réussi à ne pas se désintégrer.
6. Accroissement du taux de criminalité et du sentiment d’insécurité, qui donne au public l’impression que la police est inefficace.
7. Développement socioéconomique (par ex., urbanisation rapide, industrialisation, différentiations au sein de la population) et mutations technologiques (par ex. l’informatique), procurant aux criminels de nouvelles formes d’action, qui sont autant de nouvelles difficultés pour la police censée les réprimer.
8. Engouement mondial en faveur des Droits de l’Homme, en politique, dans les milieux universitaires et dans la société civile en général.
9. Mondialisation : entraîne la mondialisation de la criminalité également, alors qu’elle se cantonnait antérieurement au niveau local et dans des entreprises particulières.
A certaines époques et dans certains pays, ces facteurs ont joué en faveur de la réforme de la
police, car le public exigeait par conséquent qu’elle devint plus efficace, responsable et
réactive.

Sans forces de police responsables, représentatives, réactives, effectivement présentes et efficaces, la transition démocratique et le développement économique en Afrique ne sauraient que stagner et régresser. Il est donc urgent que les pays africains prévoient et appliquent des mesures exhaustives de réforme de la police, en vue de parvenir à une bonne gouvernance – favorable au développement économique, à la sécurité et à la paix civile. (Réformes des polices en Afrique :

Dans la littérature en sciences sociales émanant de la plupart des pays africains les forces de police sont décrites comme très brutales, corrompues, inefficaces, pas assez réactives ni responsables à l’égard des populations. C’est pourquoi les forces de police africaines ne jouissent pas de la confiance d’une large partie de la population qu’elles sont censées servir.
Inefficacité, corruption et brutalité s’attachent à la façon dont les populations perçoivent les agents de police, ce qui a conduit à un manque total de confiance envers les institutions publiques de police. De même, des milices se sont formées, afin de fournir les services que la police de l’état ne rendait pas. Le plus souvent, ces milices sont payées par les communautés locales pour les défendre contre les abus commis à leur encontre par les agents de police. Ces problèmes ont incité maintes nations africaines à exiger la réforme de leur police.
Gouvernements et citoyens africains s’accordent quant au besoin urgent de réformer la police.

Mais c’est dans un petit nombre de pays seulement que les organisations émanant de la société civile, parfois en collaboration avec des agences étatiques, ont placé cette exigence de réforme en tête de leurs priorités politiques (c’est le cas de l’Afrique du Sud, l’Ouganda, le Kenya, le Mozambique, le Ghana et le Nigeria). Dans beaucoup de pays, par contre, les projets de réforme de la police n’ont pas dépassé le stade des grands discours ou de protestations sporadiques de la part d’activistes en faveur des droits civils.
Dans nombre de pays du continent, on relève un manque de confiance de la part du public par rapport à leur police. Les données tirées de l’enquête menée dans 15 pays africains par l’Afrobarometer2 en 2002 et 2003 démontrent que les citoyens se défient fortement de la police, surtout au Nigeria, en Afrique du Sud, au Kenya, en Zambie, en Ouganda et au Cap Vert (tableau 1).

Dans beaucoup de pays africains, les citoyens percevaient leur police comme corrompue (tableau 2). Ces données apportent la preuve de l’existence de certains problèmes rencontrés par les forces de police africaines et de l’urgence des réforme. Les agents de police étaient aussi considérés comme beaucoup plus corrompus que les fonctionnaires de justice. Au Nigeria, en Ouganda, au Kenya, au Mali et au Ghana, les citoyens estimaient que les agents de police étaient très corrompus.

La réforme de la police est une tâche redoutable, pour plusieurs raisons. Le premier problème a à voir avec le terme même de réforme. Il suggère qu’il existe une situation, soit inacceptable soit indésirable, qui appelle par conséquent l’introduction de mesures politiques correctives, pour améliorer la situation. On suggère une réforme suite à l’observation de carences de la police ou de sa désaffectation aux yeux de la nation. Or, dans ces circonstances, se dressent alors des intérêts âprement défendus, de l’intérieur et à l’extérieur des forces de police, qui s’acharneront à résister au changement parce qu’ils profitent largement du statuquo. L’action de la police dans des pays en situation de « transition » ou de « démocratisation » est empêtrée dans des contradictions multidimensionnelles et des intérêts de classe contradictoires. Dans les pays en voie de démocratisation, on attend donc des réformateurs de la police qu’ils comprennent ces contradictions et oppositions, et tâchent de les résoudre. Sous les régimes totalitaires antérieurs, s’est développée une culture caractérisée par l’impunité, l’existence de milices et une forme d’intervention policière marquée par la violence. Cette culture ne disparaît pas comme par magie pendant la transition vers un système politique fondé sur le droit et la liberté.

Depuis quelques décennies, la réforme de la police en Afrique reçoit le soutien des gouvernements étrangers et de donateurs, surtout grâce à l’action du « UK Department for International Development » (DFID, Secrétariat d’Etat du Royaume Uni pour le Développement International) et le « United States Aid for International Development » (USAID, Aide au Développement International, aux Etats-Unis). Cependant, ces efforts ne se sont pas avérés aussi efficaces que prévu. Un échec comparable a été constaté dans les pays d’Amérique-Latine où ont été engagées des réformes, elles aussi menées par des instances étrangères. Voici ce qui a été observé ailleurs qu’en Afrique:
les efforts visant à rendre les forces de police actives, responsables et respectueuses de l’état de droit seront mis en échec, à moins d’accorder toute l’importance qu’elle mérite à la nature des contextes politiques et économiques d’où ces pays tentent de sortir – contextes qui bénéficiaient précédemment de la protection de la police.
Aujourd’hui, la réforme de la police en Afrique s’engage au sein d’un environnement dans lequel la transition démocratique n’a fait que de faibles progrès et qui même, dans certains cas, n’a fait qu’empirer.

La réforme des polices africaines doit relever plusieurs défis. Certains d’entre eux exigent qu’on leur prête grande attention:
· Absence d’un cadre légal, économique et politique compatible avec une gouvernance démocratique capable de garantir une action démocratique de la police.
· Non-reconnaissance du besoin de programmes nationaux de développement politique et socio-économiques, au sein desquels prédominent des programmes de justice pénale visant à empêcher les délits et menaces mettant en péril la sécurité et la paix civile.
· Absence d’une stratégie nationale exhaustive en termes de police, comprise comme faisant partie d’une réforme plus large et plus complète du secteur de la justice.
· Absence d’instances capables de développer les éléments de réforme de la police au moyen de partenariats entre l’état et les organisations de la société civile.
· Faiblesse d’un plan d’action réaliste en vue d’appliquer la réforme de la police, même dans des pays où le gouvernement est fermement décidé à réformer sa police.
· Régulation inadéquate et mauvaise coordination entre les initiatives privées et publiques en faveur de la sécurité et de la paix civile.
· Les ressources en formation sont extrêmement faibles au sein des forces africaines de police.
· Ressources inadéquates pour appliquer les réformes dans la police.
· Absence de partenariats et de réseaux capables de soutenir réforme de la police et action policière démocratique.
· Manque d’éducation civique : au lieu d’orienter la population dans le sens d’un partenariat avec la police, l’hostilité mutuelle reste à l’ordre du jour.
· Contrôle démocratique inefficace par la société civile de la police, pour s’assurer qu’elle fournisse un service en harmonie avec les principes démocratiques d’action policière.
· Subversion du professionnalisme et de l’autonomie opérationnelle de la police par des régimes autocratiques
Il est très important de souligner que les réformes de la police en Afrique sont actuellemententreprises sans pouvoir s’appuyer au préalable sur des données et informations fiables. Les recherches sur la police et l’action policière dans les pays d’Afrique ont besoin d’être développées, et généreusement parrainées par les gouvernements, les organismes privés, les donateurs et les organisations caritatives pourvoyeuses de bourses pour les étudiants.

Sans données fiables, engager les réformes s’apparenterait à préconiser un traitement médical avant tout diagnostic. De même que des médicaments inopportuns ne peuvent qu’aggraver l’état du patient, des réformes lancées sans recherche préalable d’informations ne sauraient que s’avérer contreproductives. » (« Questions et défis » par Etannibi EO ALEMIKA, « IDASA's Police Reform and Democratisation in Post-Conflict African Countries conference (12-15 March 07) » et Etannibi E. Alemika (eds.) Droits de l’Homme et Police, dans le contexte des
pays en situation transitionnelle, The Hague: Kluwer Law International)

III- Les solutions institutionnelles : la police à bras-le-corps


Il convient d’abord d’examiner comment est organisée la Police en Mauritanie et de proposer des solutions d’amélioration.

La police nationale une police..classique.

Du point des textes l’organisant en Mauritanie la police nationale st concentrée administrativement dans une superdirection : La direction générale de la Sûreté Nationale.
Celle-ci comprend sept directions et deux services :

- la direction du Contrôle ;
- la direction du Personnel et de la formation
- la direction de la Sûreté de l'Etat ;
- la direction de la Surveillance du Territoire ;
- la direction de la Police Judiciaire et de la Sécurité Publique ;
- la direction du Matériel et des Affaires Financières ;
- la direction de l'Ecole Nationale de Police.
- le service des télécommunications
- le service de la coopération interpolice

Cette super-direction est chargée :

- de l'administration et de la coordination des services de police ;
- du maintien et du rétablissement de l'ordre ;
- de la surveillance du territoire;
- de la police des étrangers ;
- du contrôle de la circulation des personnes;
- de la sécurité intérieure;
- de la préparation et de l'exécution des textes législatifs et réglementaires relatifs l'ordre public ;
- de la recherche et du la constatation des infractions aux lois pénales ;
- de l'arrestation des auteurs desdites infractions conformément aux dispositions du code de procédure pénale,
- de l'application de la réglementation concernant les réunions, les manifestations, les spectacles publics, les associations, la presse, les publications, le cinéma, les débits de- boissons, les hôtels et garnis, les restaurants, les cafés, les jeux, les marchés, le contrôle des armes et munitions.

Tout comme dans la plupart des pays, la police nationale en Mauritanie se répartie fonctionnellement entre Police administrative et la Police judiciaire qui sont organisées en structures centrales et en structures territoriales déconcentrées. Ces deux polices bien que remplissant des rôles spécifiques sont complémentaires et indépendantes. Elles se répartissent dans des structures centrales et des structures territoriales. Les structures centrales de la Police nationale sont constituées essentiellement de la direction générale et des directions qui en dépendent ainsi qu’une inspection de la Police nationale. Les structures territoriales de la Police nationale comprennent dans les régions des commissariats ayant des compétences sur des arrondissements, des communes ou des quartiers.
La police administrative est une structure destinée à garantir et à assurer l’ordre public. Son image sociale est celle du « policier qui règle la circulation » Elle veille à la sécurité publique et à la protection des personnes, des biens et des institutions publiques; garantir l’ordre, la paix, la tranquillité et la salubrité publiques.
Quant à la police judiciaire, elle est l’auxiliaire des autorités judiciaires, notamment des procureurs et leurs substituts et des juges d’instruction près des tribunaux
Les attributions de la Direction de la Police judiciaire sont celles qui sont déterminées par le Code de procédure criminelle, ainsi que lois et règlements régissant la matière. Elle a notamment pour rôle de constater les infractions aux lois pénales, en dresser procès-verbal, en établir les circonstances et en rassembler les preuves, de rechercher les auteurs des crimes, délits et flagrants délits; de surveiller et rechercher les malfaiteurs opérant ou se réfugiant sur le territoire national coopérer, si nécessaire , avec les organisations étrangères de police; de lutter contre la contrebande et le trafic illicite des stupéfiants; fournir toutes informations susceptibles de prévenir ou de réprimer les atteintes à l’ordre et la sûreté nationale..

La police nationale une police à encadrer et à contrôler

Séparation des corps

La séparation du corps de la police du corps militaire. Ces deux corps ne doivent interférer à l'avenir que pour les besoins fonctionnels de la sécurité nationale (coordination, coopération etc.), non par subordination organique notamment (nomination des chefs de la police dans le corps militaire ou tout autre corps extérieur à la police). De cela dépend l’existence de la police et de son sentiment d’appartenir à un corps qui garantit à travers ses propres structures ses droits et ses obligations.

Mise en place d’une Inspection générale de police

Bien qu’il existe actuellement au ministère de l’intérieur mauritanien une inspection générale de l'administration Territoriale (IGAT), elle ne joue pas le rôle que devrait jouer une inspection générale de polices. Ce rôle est confié par les textes à la « Direction du Contrôle » qui est « chargée d'une façon générale et permanente de l'inspection, de l'encadrement, et du suivi des différents services centraux et territoriaux de la Police Nationale. A ce titre, elle a un rôle à la fois éducatif et répressif. Elle a notamment pour mission de veiller à l'application des instructions de la direction générale de la Sûreté Nationale concernant l'accomplissement de la mission, et l'utilisation des moyens humains et matériels dévolus aux services de police. L'action de la Direction du Contrôle ne peut être mise en mouvement que par le directeur général de la Sûreté Nationale. La Direction du Contrôle comprend deux services : le Service des Inspections et le Service Organisations et Méthodes.
En effet, l’Inspection est un service de conseil, de contrôle et d’enquête. Elle est souvent appelée « police des polices » du fait que son contrôle et ses enquêtes sont menées a l’égard du personnel de la police. Toutefois on entend en Mauritanie très peu parler de cette inspection tout comme d’ailleurs toutes les inspections. Elle doit être dynamisée en personnels et en moyens pour jouer son rôle. Notamment recevoir les plaintes et procéder aux enquêtes relatives aux atteintes aux droits humains et tous autres abus qui pourraient être reprochés aux fonctionnaires de police ou toutes plaintes portées par un citoyen contre un membre de la Police nationale ; assurer l’inspection et le contrôle périodiques des services de police et sur l’état général des forces de police ainsi que sur les problèmes qui portent atteinte à leur bon fonctionnement;

Création d’un Conseil supérieur de la Police nationale

La police nationale doit inscrire son action dans un cadre stratégique national qui détermine ses orientations et fixe ses objectifs au service de la Nation. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de constituer une autorité supérieure devant jouer ce rôle. Ainsi un conseil supérieur de la Police nationale pourra être crée pour définir la politique et les stratégies nationales et tout ce qui est relatif aux missions de la Police nationale. Il initiera et participera de façon directe ou indirecte à la définition des grandes orientations de la politique d’action de la Police nationale. Et dans toutes les circonstances où des mesures touchent fondamentalement ce corps (statut, missions etc.) son avis préalable sera requis.
Ce conseil pourra être présidé par le chef de l’exécutif, et ayant pour membres les ministres de la justice et le ministre de l’intérieur, les directeur généraux de la police, l’inspecteur général de la police, et des représentants du syndicat de la police.

IV- Les solutions humaines : "penser" le corps

Si les critiques que l’on porte à la police prennent leur source dans le comportement et l’apparence de nos policiers, la cause première de ce comportement et de cette apparence reste l’Etat. Si l’on parle de corruption c’est que celui qui en est accusé n’a probablement pas le choix, si on parle de l’infraction à la réglementation et à l’insécurité, c’est que probablement ilk n’a pas les moyens d’y faire face ou de l’assurer. Si l’on parle de déviation de la mission de police c’est que celui qui le fait est probablement sous haute contrainte hiérarchique.
Alors des mesures se doivent d’être prise pour porter remède à cela. Et il ne fait pas de doute que ces remèdes ne peuvent être qu’un révision de la situation matérielle du policier et une reconsidération de son statut.

Le dénuement et l’autorité : pour une police droite

Le dénuement est source de tous les maux. Quand il frappe le simple citoyen, il se transforme en endettement ou en mendicité Quand il frappe un dépositaire de l’autorité, alors l’autorité se monnaye et devient une valeur d’échange. La corruption n’est en vérité que l’expression d’un système d’échange ou l’autorité se convertit en monnaie. Un système d’échange fixe où la valeur de change est proportionnelle au degré d’autorité. Pour supprimer ce marché de l’autorité , il faut « démonétiser » cette autorité, et la rendre non monnayable en neutralisant ses dépositaires à travers leur indépendance financière de ce marché. En somme, rémunérer suffisamment le policier, dépositaire de l’autorité de l’Etat afin qu’il ne recourt plus au marché de la corruption.
Pour cela il convient de revoir les grilles salariales du corps de la police, de développer un système mutualiste des agents de la police nationale permettant de prendre en charge les aspects socio-économiques de la vie du policier et de sa famille (santé, éducation etc.).

La confiance et la sécurité : pour une police à corps

Lorsque l’on examine les journaux officiels de ces vingt dernières années l’on constate un nombre non négligeable de policiers qui ont été radiés du corps pour abandon de poste. Ce phénomène s’explique sans aucun doute par la précarité de l’emploi et l’insignifiance de la rémunération mais il trouve aussi ses origines dans une entropie corporative, une dissolution du policier dans un corps auquel il ne s’identifie que par les signes extérieurs de l’uniforme et non par un adhésion à une mission dans un système qui développe une culture d’intégration de ses membres. Adhésion à une institution dans laquelle, ils ont confiance en leur avenir professionnel et matériel. Le corps développe un sentiment corporatif au sens « administratif » du terme lié au besoin d’emploi et non au sens « familial» lié à l’attachement au besoin de servir une mission à laquelle on adhère du fait de son importance pour la communauté nationale.

Il convient donc de revoir non pas seulement le statut de la police mais celui du policier, d’évaluer sa condition, de définir un système de valeurs et d’appartenance à l’institution policière à laquelle il appartient et auquel il peut s’identifier. Un système de valeurs qui est aujourd’hui défaillant et que le comportement d’un policier, dont les principes sont à la dérive, perpétue jusque devant le citoyen. Et celui-ci lui renvoyant bien son image lui rappelle encore davantage sa condition (comme le montre sondage sur ce blog).

En définitive, qu’ il se mette au gras ou au maigre, le corps de la police n’a de caractères que ce que le style de l’Etat veut bien lui donner. En Mauritanie, durant ces trente dernières années, la police à été forgée par un Etat dont le style était à l’image de ses figures.

Pr ELY Mustapha

2 commentaires:

  1. Merci Prof pour hatha tajine de ce samedi. Je suis le premier cette fois-ci. Lira et commentera sans faute. A-

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  2. PR Ely merci pour ce courage a évoquer des problèmes sensibles mais essentiels pour la bonne marche de la société.
    En ce qui concerne la police c’est un secret de polichinelle qu’elle a été sous la direction de
    L’autre ELY (Ould Mohamed vall) transformée en une institution pour ramasser l’argent au profit des hiérarchies et les distributions étaient réglementées sur des bases codifiées en fonction des positions et des grades, être affecte a un carrefour donne ou un poste particulier était une punition ou une faveur en fonction du pécule et des ristournes generees.
    Dans ces conditions ou le profit et l’enrichissement était la seule motivation et la raison d’être de tout un corps, il est normal que la corruption gangrène ce corps et entraîne toutes les dérives face a l’argent facile même sale. La solution ne peut être qu’une refonte totale de la police tout en demandant des comptes a ses chefs notamment Colonel Ely et les collaborateurs qui ont institutionnalisé la grande corruption de la police. Comme vous l’avez bien dit dans votre précédent article la guerre du Sahara et l’arrivée des militaires au pouvoir ont crée les conditions favorables pour cette situation catastrophique ; Le tandem TAY-ELY se sont occupes du reste pour rationaliser et banaliser la corruption.

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Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.