vendredi 5 octobre 2007

Au-delà de la primature


A quoi sert et ne sert pas un premier ministre


Il est du bon devoir de citoyen d’observer et de comprendre pour le salut des institutions. Institutions qui ne vivent que grâce aux responsables qui les gouvernent. Un gouvernail qu’ils tiennent avec souvent la ferveur d’un dépositaire de pouvoir mais que le pouvoir émousse au gré de ses transformations Il en est ainsi de la fonction de premier ministre qui n’existe pas dans tous les régimes, qui se justifie par une existence constitutionnelle et qui se motive par des besoins institutionnels. Pour la comprendre, comprenons sa finalité.

I-A quoi sert un Premier Ministre ?

A priori, un premier ministre est un ministre premier. Celui qui a préséance sur tous les autres et qui se différencie des autres ministres par sa capacité de rencontrer plus facilement le Président de la République. Un premier ministre est une courroie de transmission qui véhicule au sein de l’équipe ministérielle les orientations de politique générale définies par le Président de la République. Il est responsable des actes de chacun de ses ministres et rend compte de la politique générale de son gouvernement.

Voilà en somme, ce que le Premier Ministre est censé faire tout au long de sa journée de travail , viser, superviser, ordonner, coordonner.
Mais ce n’est là que la face apparente d’une médaille dont le revers est souvent plus corsé que cela. Et tout premier Ministre se doit de le savoir. La science politique nous apprend qu’un premier ministre est un bouclier . Un paravent derrière lequel, celui qui a été élu au suffrage universel, donc intouchable exerce une politique dont il recueillera les satisfécits et dont les retours négatifs s’arrêteront au niveau du premier ministre.

Le premier ministre est donc le premier responsable de la mauvaise politique. ..du président. Il encaissera les retours de manivelle d’une politique qu’il ne fait qu’appliquer à travers « une lettre de mission ». Une lettre de mission qui se transforme en une lettre de démission lorsque le Président pris dans l’engrenage de sa politique se doit de mettre en œuvre la stratégie du « bouc émissaire ». On sacrifie le premier ministre, jamais le Président de la République. Et pourtant si le premier ministre n’est pas l’instigateur de la politique générale de l’Etat, il reste qu’il est le véritable moteur de la politique de la Nation. Est-ce là une juste récompense ? Curieuse institution constitutionnelle que celle de premier ministre qui s’apparente un peu à ces soupapes de chaudières qui sautent quand la pression interne dépasse un seuil de tolérance. Ainsi est fait le régime présidentiel. Au président la chaudière, au premier ministre la soupape. Mais que seraient les chaudières sans les soupapes ?

II- A quoi ne sert pas un premier ministre ?

Bien entendu un premier ministre, n’est un pas ministre à tout faire. Un premier ministre n’est pas un ministre- Joker, il n’est pas destiné à remplacer au pied-levé ses ministres défaillants. Il assume et rapporte au président de la République qui le nomme, le révoque à son gré tout autant que ses ministres. Le premier ministre n’est pas habilité à présider le conseil de ses ministres, le président le dispense de cette tâche. Mais dans tout cela rien d’exceptionnel, c’est ce que la constitution d’un régime présidentiel attribue comme compétences au premier ministre.
Mais quelle paix pour le premier ministre si la constitution était son seul souci? La réalité est toute autre. Et du point de vue de la structure "organigrammique" de l’Etat , le Premier Ministre se trouve exactement dans la « zone tampon » qui sépare l’immuable et l’universel (le président de la république) de l’amovible et du conjoncturel (les ministres et leur administration).
Il est en quelque sorte en plein dans le détroit des influences, des turbulences. A l’embouchure des courants montants et descendants qui traversent la République dans le sens montant du palais ocre et dans le sens inverse descendant vers son administration. Il gère une résultante de forces qu’il doit gérer suivant les lois de la statique. La statique étant l'étude des conditions auxquelles doivent satisfaire les forces appliquées à un corps ou système de corps pour que celui-ci reste au repos. Une politique statique que déjà l’administration publique avait, dans son immense inertie, expérimentée dans le champs de ses administrés. Mais les forces qui s’exercent sur le premier ministre sont toutes autres. Elles sont diverses et souvent inattendues.
De façon synthétique ces forces sont souvent descendantes dans le sens palais ocre-primature. Tout ce qui se situe du côté de la présidence converge vers le premier ministre, car le véritable portail de la présidence c’est la primature. Pourtant curieusement ce n’est pas le premier ministre qui nomme ses ministres, ni les hautes fonctions de l’Etat , ni ne les révoque, il propose et c’est le président qui dispose. Et pourtant c’est le premier ministre qui en gère toutes les conséquences et c’est la raison pour laquelle, il ne doit pas être une passoire, ce que beaucoup de monde exerçant une poussée de haut en bas voudrait qu’il devienne. Une poussée inverse à celle d’Archimède.
La pression étant plus forte sur la partie supérieure, d'une primature immergée dans ses difficultés, que sur sa partie inférieure, il en résulte une poussée globalement verticale orientée vers le bas.Et c’est là ou la statique prend tout son intérêt. Le corps primature doit rester au repos quelles que soient les forces qui s’appliquent. C’est cela qui fait les grandes primatures.

Mais quel est l’objectif de ces forces qui veulent que le premier ministre fasse ce à quoi il ne sert pas ? Le vouloir d’influence. Une influence de ceux qui constitutionnellement n’en ont pas qui veulent la dériver de ceux qui l’ont. Par un effet de proximité.
Interférences dans les nominations, immixtion dans les politiques gouvernementales, intimidations, tels sont les comportements qu'un Premier ministre subi et dont la gestion relève du tact , de la nature et de l’expérience mais aussi et surtout, dans une démocratie, du poids partisan du Premier Ministre. Le meilleur bouclier face au président pour un premier ministre dans un régime présidentiel ne peut être que le contrepoids que lui donne son propre parti politqiue.
On peut dire sans se tromper que la statique d’un premier ministre est proportionnelle à l’importance de son parti dans l’Etat, et à sa représentation nationale.
Application simple en politique du premier principe fondamental de la statique : « Un corps au repos ne peut entrer en mouvement, et lorsqu'il est en mouvement, il ne peut changer la manière dont il se meut, sans l'action de quelque cause, à laquelle on donne en général le nom de force ou de puissance » .

En somme, faire jouer la science de l’équilibre à un Etat mauritanien dans lequel ce qui manque ce n’est pas a volonté de ceux qui veulent bien faire mais de ceux qui veulent leur faire ce pour lequel ils n’ont pas été élus. Et le seul rempart pour un premier ministre qui ne veut pas servir ce à quoi il ne sert pas c’est son assise partisane. C’est la seule force qui neutralise toutes les autres.


Pr ELY Mustapha

3 commentaires:

  1. Le pm est un homme sérieux et travailleur, le seul problème c'est come vous le dîtes les influences, mais il va les gérer sinon ce sera difficile pour lui et pour le pays qui veut du cocret.

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  2. Prof ELY votre message est plein d'enseignement pour celui qui veut écouter, mais croyez-moi même si le PM qui est un homme de bonne volonté veut le faire on lui cachera tout. En Mauritanie les dirigeants sont entourés de cercles vicieux qui veulent les garder dans l'ignorance de ce qui est réel pour leurs propres intérêts jusqu'à ce que la catastrophe arrive.

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  3. Cher Pr Ely,

    Si j'étais le PM, j'accrocherai votre article sur la porte de mon bureau! Pour qu'on me prenne pas pour un inconscient.

    Hamidou

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Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.