jeudi 8 octobre 2020

Lettre au policier mauritanien... qui se matraque lui-même. par Pr ELY Mustapha

Civilisation et violence sont des concepts antithétiques.”

                      Martin Luther King

Policier, demain toi aussi tu plieras l’échine de douleur devant des policiers plus violents que toi.

Demain, tu te courberas sous les coups, lorsqu’en retraité tu manifesteras pour ta pension que des corrompus que tu défends auront mise dans des châteaux en Espagne.

Demain, tes enfants crieront la misère parce que ceux-là mêmes que tu matraquais, étaient venus revendiquer non seulement leurs droits, mais aussi celui de tes propres enfants, dans tous les domaines de l’éducation à la santé.

 Demain tu regretteras d’avoir obstrué par tes matraquages les marches de ces citoyens pacifiques qui marchaient pour que face à l’injustice, le pays soit meilleur, pour toi et pour les générations futures.

Pourquoi d’ailleurs attendre demain ? Policier, aujourd’hui, regarde-toi.

Lorsque rangeant ta matraque et ton uniforme au placard de service, tu te retrouves, dans la rue, dans la famille, dans la misère. Lorsque, quittant ce képi ou ce béret derrière lequel tu emprisonnais ta conscience en te transformant en machine à frapper, cette conscience ne te revient-elle pas quand tu subis, en tant que simple citoyen, la frustration, l’injustice et la violence ?

Le kaki, ou le treillis, sont-ils devenus pour toi une drogue, aussitôt revêtus que tu te transformes en violent ?

Mais qui protèges-tu au juste, policier ?

Durant dix ans, tu as protégé des corrompus, et tu as fait couler le sang d’étudiants, de femmes et de d’hommes pour protéger des fossoyeurs de la République qui aujourd’hui sont tous sur les bancs de la justice. Ne devrais-tu pas y être aussi ?

Ne devrions-nous pas t’accuser de forfaiture et nous constituer partie civile contre la police qui a été, durant des décennies, le bouclier de ces corrompus en dispersant par la violence tous ceux qui protestaient. La police n’a-t-elle pas agi contre la volonté de tout en peuple dont les citoyens marchaient contre la corruption, le mal et la misère ?

Policier, tu as été au service de la corruption et de l’injustice. Et cela n’est pas ton rôle, même si on te le fait jouer.

Policier, ton rôle est de défendre le citoyen et de protéger les institutions. Ton rôle n’est pas de violenter le citoyen pacifique et de l’empêcher de défendre ses droits.

Si tu crois que ton malheureux salaire doit justifier ta violence, sache que ce salaire autant que tes matraques, ton gaz, tes armes, tes véhicules, jusque ton uniforme, c’est ce citoyen que tu violentes qui te les fournit. Il te les fournit non pas pour l’agresser, mais pour le protéger. Tu ne remplis donc pas ton rôle. Pire encore ton excès de zèle permanent fait que tu agresses les manifestants de marches pacifiques. Au nom de quel droit, de quels objectifs et de quelles missions ?

 

Dans toutes les polices du monde, il y a des hommes et des femmes qui sont formés autrement qu’au maniement de la matraque. Une police formée aux objectifs de sa mission et à son importance.

On y trouve des fonctionnaires qui connaissent leur responsabilité et les limites de leur action qu’elle soit préventive, dissuasive ou punitive. En somme, il n’y a pas dans la police que des exécutants imbus du réflexe de violence et qui utilisent leur autorité pour violenter les citoyens.

Et pourtant un tel constat semble ne pas s’appliquer à la police mauritanienne qui use et abuse de ses moyens humains et matériels pour agresser, humilier et maltraiter le citoyen. Cela nous mène à poser la question : avons-nous une police, régie par le droit ou une milice régie par l’omnipotence ?

Comment un corps, équipé, entretenu, payé par le citoyen et mobilisé pour le défendre, le sécuriser et lui porter secours, est devenu un moyen de répression et de violence caractérisée, non pas à l’égard de criminels, qui d’ailleurs lui échappent, mais à l’égard de simples citoyens qui ne font que revendiquer pacifiquement leurs droits ?

Si depuis des années, cette répression dure et si les chefs administratifs de cette police, ainsi que son ministre font la sourde oreille, à une telle criminalité, cela ne peut signifier qu’une chose, qu’il ne s’agit plus de police au sens où on l’entendrait dans un régime républicain, soucieux du droit et des libertés, mais d’une milice organisée qui agit au grand jour et qui est couverte par une totale impunité. Comme ses chefs l’ont été.

Policier mauritanien, tu ne prendras conscience de tes actes et tu ne renonceras à la violence illégitime, que lorsque tu comprendras, que sous les ordres d’inconscients, tu pensais matraquer des citoyens… alors que tu te matraquais toi-même.

Mais d’ici là, tu auras servi encore et encore l’injustice et favorisé la misère…et, ton tour viendra et …tu plieras l’échine de douleur devant des policiers encore plus violents que toi.

 

Pr ELY Mustapha

 

samedi 3 octobre 2020

Synthèse sur une thèse: Le Doctorat du PM en est-il un ?


Tous ceux qui ont passé des dizaines d’années dans de longues études et des recherches difficiles, au prix de mille sacrifices, familiaux, matériels et personnels, vivant souvent avec le minimum et poussant l’adversité jusqu’à bout de souffle au nom du savoir et de la science, pour obtenir au bout du monde un Doctorat, ne peuvent que se poser des questions sur la prolifération indue de ce titre.

 Cet ultime couronnement de la reconnaissance académique, ce diplôme des diplômes, cette marque indélébile d’une abnégation qui confère à son titulaire l’admiration et le respect, le doctorat, mérite notre attention. Le doctorat (du latin doctorem, de doctum, supin de docere, enseigner) est le grade universitaire le plus élevé.

Dans la plupart des pays, la préparation d'un doctorat dure en général trois à cinq ans (durée jugée normale en sciences formelles et naturelles) et peut se prolonger plus longtemps en sciences humaines et sociales (six ou sept ans en droit). En 2013, une étude de l'AÉRES (l’Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur) dévoile que, en France, « cette durée calculée à partir du nombre global de doctorants (14 000) et du nombre de soutenances par an (1650) est de 8,5 années, ce qui conduit à une estimation du taux moyen d’abandon de près de 40 % » (Wikipédia)

Ceci permet de comprendre aisément que des titulaires de doctorats authentiques, doctorat d’Etat et doctorat d’université, se sentent offusqués par ce foisonnement de diplômes aux appellations nouvelles qui toutes contiennent le terme « Doctorat », et qui ne correspondent pas aux standards de l’acquisition académique de cet ultime grade universitaire.

En effet, voici que ces dernières années apparaissent sous l’impulsion d’une mode « anglo-saxonne », des diplômes portant tous le label « Executive ». Ce furent les fameux « Executive Master of Business Administration (E-MBA) », puis arrivèrent les « Executive Doctorate of Business Administration (E-DBA) »  pouvant aussi porter sur d’autres domaines que le Business Administration.

Le constat à l’égard de ces diplômes « Executive » :

-          Ils s’adressent à des professionnels ayant plusieurs années d’expérience dans leur domaine

-          Ils sont délivrés à des professionnels qui n’ont pas forcément les diplômes prérequis (exemple Master) pour le doctorat

-          Ils coûtent très chers (Exemple : le EDBA, HEC de Paris, coûte 92.950 Euros)

-          Ils se préparent dans des délais variables en fonction des établissements qui les délivrent, mais ont cette caractéristique que le contenu qu’ils délivrent, en séminaires, notamment est très réduit.

-          Les documents (mémoire, thèses) qui sont présentés par les candidats pour obtenir le E-MBA ou E-MDBA, sont sans commune mesures avec les mastères et doctorats classiques.

-          Ils sont le plus souvent délivrés en on-line.

Ces diplômes s’adressent donc à des professionnels en exercice généralement (entrepreneurs, chef d’entreprise etc.) qui veulent capitaliser leur expérience, à travers une recherche qui aura une valeur ajoutée pour leur formation.

Dans tous les cas ces formations « Executive », ne peuvent être considérées comme académiques, quoi qu'en disent les établissements qui les promeuvent, mais comme, leur nom l’indique, une distinction professionnelle, sur la base de l’expérience et non pas d’un mémoire ou d’une thèse universitaire, mais comme un mémoire « d’exercice ».

 

En effet, comme cela a pu être noté « dans la plupart des domaines, la thèse est un vrai document approfondi constituant souvent plusieurs centaines de pages qui représentent plusieurs années de travail des meilleurs étudiants de fins d’études universitaires… »

Et même pour les thèses de médecine, « les médecins (déjà docteurs) qui se destinent à la recherche, et souvent à l’Université, refont une thèse. Cela leur permet de devenir (si la thèse est bonne) maître de conférences, chargé de recherches ou, plus tard encore, professeur d’université (exceptionnellement, on trouve parfois des maîtres de conférences qui ne sont pas docteurs, plus exceptionnellement encore des professeurs d’université). Ces docteurs en médecine inscrivent ainsi un « vrai sujet de recherche », de thèse, pour soutenir une thèse de médecine incorporant une véritable recherche. Ces médecins-là passeront plusieurs années sur leur thèse (tout en travaillant souvent en service hospitalier) pour devenir des chercheurs accomplis (chercher, trouver et publier). » (https://www.hervecausse.info/Le-titre-de-docteur-n-appartient-pas-aux-medecins--N-est-pas-docteur-qui-veut-et-qui-l-est-a-son-honneur--Mise-au_a249.html )

En droit, en économie et dans toutes les disciplines universitaires la thèse de doctorat est l’aboutissement de plusieurs années de travail, de recherches après la licence, la maitrise et le mastère. D’autre part, l’inscription en thèse de doctorat fait l’objet de sélection par une commission de thèses de l’université et une sélection rigoureuse des sujets se faisant suivant des paramètres stricts, sur l’intérêt scientifique du sujet retenu, de son apport par rapport aux recherches déjà effectuées etc. La thèse de doctorat a une universalité à travers son apport à la recherche scientifique que la « thèse » de l’Executive Doctorate, n’a pas.

Cette dernière est toute centrée sur son titulaire, son expérience et son objectif d’améliorer cette expérience par des outils, méthodes et concepts nouveaux.

 

Maintenant qu’en est-il du diplôme obtenu cette semaine par le Premier ministre ?

 

Voici les données :

-          Le premier ministre s’est inscrit en 2017, dans la promotion -  Executive DBA Dakar – Promotion n°4 (2017-2020).

-          Coût total du EDBA : environ 21 000 euros de frais d’inscription.

-          Le programme peut être suivi principalement en ligne.

Soit :

-          Première année : 16 jours de séminaires (4 jours en « conduite de thèse », 8 jours en « Paradigmes thématiques I et II » et 4 jours en « Méthodologie qualitative et quantitative »)

-          Deuxième année : 3 jours en suivi de thèse

-          Troisième année : 3 jours en suivi de thèse.

-          Total : 22 jours en 3 ans (durée du programme.)

Il a obtenu son Executive Doctorate in Business Administration le 1er octobre 2020.

Ce « diplôme » peut-il être assimilé à un doctorat ? Comparons avec un doctorat d’université.

Pour en juger, voici le programme d’un doctorat d’université en Sciences de gestion, à titre d’exemple, celui de l’Université Paul Valérie-Montpellier 3 où l’admission est subordonnée à l’obtention d’une note de 14/20 au mastère.

« La formation doctorale est organisée au sein des Écoles Doctorales et d’un Collège Doctoral Languedoc Roussillon.

Elle comprend un encadrement scientifique, assuré par : le Directeur de thèse ainsi que par l’Unité de Recherche qui accueille l’étudiant, et une formation, prise en charge par l’École doctorale.
Cette formation est organisée autour de trois domaines une formation à la Recherche et par la Recherche, des formations transversale et une aide à l’insertion professionnelle.

L’ensemble de la formation doctorale constitue une expérience professionnelle de recherche sanctionnée, après soutenance de thèse, par la collation du grade de docteur. La durée légale de la thèse est de trois ans pour les doctorants ayant un contrat et 6 ans pour les non financés.

L’autorisation de soutenance est délivrée après :

  • La justification de la formation
  • La publication d’une production scientifique évaluée par les pairs (comité de lecture)

La formation proposée par l’École Doctorale est organisée par année, et constituée d’un tronc commun et d’options.

Afin que le/la doctorant(e) puisse organiser un parcours de formation équilibré sur les trois années, il est recommandé de :

  • Respecter l’articulation Tronc Commun/Options
  • Valider annuellement les crédits de formation afin de ne pas devoir acquérir la quasi-totalité des crédits durant la troisième année de thèse.


En effet, au terme des trois ans le/la doctorant(e) devra avoir validé 100 Crédits Formation(CF), avoir une publication scientifique et l’autorisation de soutenir sa thèse. » (https://www.univ-montp3.fr)

Notons enfin que tout au long des trois ans, le doctorant doit assister aux conférences, séminaires, colloques, ateliers, Journées doctorales, Journées d'étude etc.

Nous comprenons donc que ni au niveau du contenu pédagogique, ni à celui de l’encadrement, ni au niveau de la durée ou à la densité du travail à fournir par le doctorant d’université, l’on puisse comparer un « Executive Doctorate » à un Doctorat d’université. Et seul ce dernier confère le titre de docteur, au sens premier de ce titre.

Ainsi « l’Executive Doctorate », ne serait qu’un renforcement de capacités de professionnels sur des thématiques leur permettant de mieux appréhender et avancer dans leur métier.

Mohamed Bilal, ne s’est pas lui-même trompé sur ses objectifs professionnels et sur ce diplôme en s’inscrivant en DBA, puisqu’il mentionne en répondant à une interview le 14 septembre 2020, avec l’association des anciens du Business Science Institute : « Je me suis engagé dans une thèse d’Executive DBA dans l’objectif, d’approfondir, conceptualiser et documenter cette expérience notamment dans le domaine des infrastructures BTP en vue d’en faire profiter les professionnels du secteur et de renforcer mes connaissances théoriques à ce sujet ».

En effet, c’est cela que fut le premier rôle assigné aux « Executive MBA » avant que l’on introduise les Executive Doctorate, que l’on a tendance à assimiler à des doctorats au sens académique du terme. Alors qu’ils ne peuvent être que des diplômes professionnels de renforcement de capacités.

Ceci dit, il reste que la valorisation de l’expérience, particulièrement pour les diplômes du supérieur pour entreprendre une thèse de doctorat est une excellente chose. Faudrait-il cependant que tous les critères scientifiques, académiques et pédagogiques soient réunis pour qu’il s’agisse d’un véritable cursus de doctorat et que si des aménagements peuvent être accordés aux professionnels ayant de solides expériences dans leur domaines , ce sera surtout au niveau de la durée (exemple 2 ans et demi au lieu de trois ans) puisqu’ils ont déjà capitalisé une expérience leur permettant d’enrichir leur thèse, mais aucune concession à faire sur le contenu scientifique, en quantité, qualité,  durée de la recherche, participation aux conférences, colloques , séminaires, ateliers,  recherche et publication scientifiques .

Il faudrait dire que les diplômes «Executive» sont devenus, ces dernières années, (après les «les mini-MBA et mini-masters» et autres inventions diplômantes),  pour beaucoup d’universités une « poule aux œufs d’or », par lesquels ils attirent,  sur des cycles de formations extrêmement courts sur 3 ans en contrepartie de frais d’inscriptions faramineux, des professionnels en exercice capables de débourser de conséquents montants,  pour obtenir un titre de « docteur », sans pour autant que les programmes qu’ils proposent ne soient assimilables à ceux de véritables cycles de doctorats. Ni même que leur organisation réponde aux standards des écoles doctorales et autres cursus complémentaires aux thèses.

Porter le titre de « Docteur » est lourd de conséquence, il est à la fois l’expression d’un attachement au savoir, à la promotion de l’homme par la connaissance, au rejet de l’ignorance et de la falsification. (Voir mon article « Etes-vous Docteur, docteur ? » . lien : https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/etes-vous-docteur-docteur-147092 )

La cour de Cassation française, Chambre criminelle a, elle-même, sanctionné ceux qui dénient ou font douter sur le vrai titre de « docteur », de ceux qui, légalement et légitimement, le détiennent (Cour de cassation. Chambre criminelle. Audience publique du 20 janvier 2009.  N° de pourvoi: 07-88122 – Base Légifrance).

Enfin, il reste quand même louable que toute personne qui recherche à progresser scientifiquement en allouant à sa promotion intellectuelle des moyens financiers conséquents, mérite considération.

 Toutefois, il convient de ne point se tromper de cursus. Car toute « thèse » reste hypothèse…de doctorat.

Ce qui fera la différence, c’est le savoir reconnu et les connaissances déjà acquises par celui qui l’a soutenue…et, en cela, la thèse, jamais, pour celui déjà bien formé, ne sera une prothèse.

 

Pr ELY Mustapha

 

jeudi 1 octobre 2020

Criminalité endémique ou la faillite d’un ministère. Par Pr ELY Mustapha

 

 A  la mémoire de

 Khadijetou Oumar Sow

 et Moyma Mint Mohamed Amar.

 Paix à leurs âmes.

Du ministère de l’intérieur, l’on ne connait que les images sanguinolentes d’étudiants battus en sang ou de manifestants pacifiques violentés et bastonnés pour l’on ne sait quelle raison. Du ministère de l’intérieur l’on ne connait que ces agents aux carrefours qui monnayent les passe-droits.

Du ministère de l’intérieur, l’on ne connait que cette administration routière qui cautionne, les milliers de véhicules, ces tombereaux de la mort, ces carcasses tétaniques qui sillonnent les villes et qui tuent tous les jours.

Du ministère de l’intérieur, l’on ne connait que les milliers d’enregistrements d’accidents, de décès de la route, de constat de viols et d’agressions devenus le quotidien de la vie urbaine.

Du ministère de l’intérieur, l’on ne connait que ces patrouilles arrogantes qui, souvent,  ignorent la loi, ridiculisent et molestent le citoyen lui refusant toute dignité.

Du ministère de l’intérieur, l’on ne connait qu’une police violente ignorant toute déontologie, formée à la matraque et à la répression de toute expression d’opinion. La police générale chargée du maintien et du rétablissement de l’ordre public, une police notoirement répressive.

Quant à la sécurité civile et la gestion des crises relevant des compétences su ministère, voilà que le ministre vient de déclarer, à la suite du conseil des ministres du 30 septembre 2020 : « Selon les chiffres en notre possession, une baisse de la criminalité a été observée sur les 7 derniers mois. Nous rappelons qu'un centre de coordination de l’action des forces sécuritaires a été créé avec pour objectif de rendre la ville de Nouakchott beaucoup plus sûre. Cela passe par l’usage des méthodes traditionnelles mais également d’outils modernes de surveillance, des marchés et lieux publics notamment",

Les chiffres, quant à la baisse de la criminalité, n’étant pas publiés, c’est le citoyen qui en est juge, jour et nuit.

Les déclarations contredisant la réalité, la question est alors de savoir : d’où vient l’impuissance des autorités publiques à juguler cette criminalité ascendante ?

L’actuel ministre de l’Intérieur et de la décentralisation est l’héritier d’une situation de criminalité qui a prévalu depuis des décennies et la combattre relève du mythe…de Sisyphe.

En effet, ce ne sont pas les mesures répressives ni le renforcement des capacités en « surveillance de lieux publics et des marchés », ni la capture et le dépôt des délinquants dans des prisons surpeuplées qui va résoudre la problématique de la criminalité.

Cette criminalité continuera à se renforcer et à exister parce que sa solution ne réside pas dans la coercition et la répression mais dans une stratégie qui dépasse le ministère de l’intérieur, et qui s’ancre dans la structure même de gouvernance.

 

Voici ce que rapporte en 2020,   l’OSAC (Overseas Security Advisory Council) du Département d’Etat Américain ( Mauritania 2020 Crime & Safety Report) :

« Le Département d'État des États-Unis a évalué Nouakchott comme étant un lieu de menace CRITIQUE pour le crime dirigé ou affectant les intérêts officiels du gouvernement américain.

 « Le gouvernement mauritanien signale une augmentation des crimes violents (par exemple, meurtre, voies de fait, coups et blessures, vols, cambriolage occupé, enlèvement, détournement de voiture) et non violents (par exemple, vol, cambriolage de véhicule, vandalisme, cambriolage inoccupé) depuis 2015, qui affectent tous de manière prédominante les Mauritaniens; Les criminels ont tendance à ne pas cibler spécifiquement les Occidentaux, bien que des ressortissants américains et d'autres expatriés occidentaux aient été victimes de crimes à Nouakchott ces dernières années, notamment de vols et d'agressions sexuelles.

Les gangs criminels sont actifs dans les principales villes.

Le gouvernement mauritanien a pris de petites mesures pour atténuer la criminalité. Par exemple, la garde nationale et la gendarmerie patrouillent dans les quartiers les plus criminels, en particulier dans le sud de Nouakchott. Ces initiatives ont permis de réduire l'activité criminelle à la fin de 2017, mais les forces de l'ordre étant de plus en plus impliquées dans des crimes, y compris un vol à la lumière du jour très médiatisé de la banque BMCI et de multiples cas d'agression sexuelle, il est difficile de vérifier les allégations gouvernementales de progrès des initiatives de réduction de la criminalité.

Les crimes de rue et les crimes d'opportunité sont également en augmentation à Nouakchott.

Les crimes de rue typiques incluent le vol à la tire, l'arrachement de sac à main, le vol de téléphone portable, le vol de véhicules et les agressions. Il y a également des rapports de piétons signalant des automobilistes (un type courant de covoiturage) pour voler leur véhicule ou leurs effets personnels. Des risques similaires de criminalité existent à Nouadhibou, Rosso et dans d'autres villes (..). »

Conduire en Mauritanie peut être extrêmement dangereux.

Les règles de circulation et l'étiquette du conducteur diffèrent considérablement des règles de la route à la américaine. De nombreux Mauritaniens conduisent sans se soucier des limites de vitesse, des panneaux de signalisation ou des feux de signalisation. Il est courant que les conducteurs se frottent aux véhicules adjacents lorsqu'ils se précipitent pour se positionner sur la voie. Les conducteurs changent de voie sans vérifier au préalable la présence d'autres véhicules. Les conducteurs passent illégalement sur les accotements et peuvent pousser les autres automobilistes lorsqu'ils reviennent sur la chaussée. Ce mépris flagrant pour la sécurité de base entraîne de fréquents accidents de la route et des blessures aux conducteurs et aux passagers. Pour réduire le risque d'accident ou de blessure, adoptez une posture de conduite défensive. Cela signifie souvent céder la priorité aux conducteurs plus agressifs.


De plus, les obstructions et les dangers de la chaussée causée par le sable à la dérive, les animaux et le mauvais entretien affligent souvent les automobilistes. Les piétons tentent souvent de traverser des rues animées sans attendre que la circulation transversale ralentisse ou s'arrête. Ces risques, associés au nombre de conducteurs non formés et de véhicules mal entretenus, rendent impérative une plus grande prudence. Conduisez avec une extrême vigilance et portez toujours une ceinture de sécurité Évitez de conduire la nuit.

Les transports publics ne sont pas sûrs en Mauritanie, en particulier à l'intérieur.

 Les taxis et les transports publics ne sont pas des moyens de transport sûrs pour les visiteurs occidentaux. (…). Presque tous les taxis et autres formes de transports publics ne sont pas réglementés et en mauvais état. Des agressions sexuelles ont eu lieu la nuit dans des taxis. Refusez les promenades d'étrangers; les sujets proposant des manèges ont attiré des victimes dans leur véhicule pour une agression sexuelle.

(https://www.osac.gov/Content/Report/37f54420-a772-4254-af59-1875fb6f7f5a

 

La situation n’est donc pas sous contrôle comme pourrait le faire croire la déclaration du ministre de l’intérieur sur la baisse de la criminalité. Le rapport 2020  de l’OSAC précité mentionne, en effet, « qu’il  est difficile de vérifier les allégations gouvernementales de progrès des initiatives de réduction de la criminalité. »

 

Aussi, posons-nous simplement les bonnes questions et éliminons les mauvaises.

Les mauvaises questions, qui ne servent que les solutions à court terme, sont les suivantes :

-          Comment renforcer les effectifs et les moyens de la police pour réprimer davantage?

-          Comment aggraver les peines pour des sanctions plus lourdes?

-          Comment déployer des centaines d’agents pour dissuader de la criminalité ?

 Etc.

Autant de questions que tous les ministres de l’intérieur, présent et passés,  se sont posées en appelant des millions d’ouguiyas en renforcements budgétaires annuels, sans que cela ne donne le moindre résultat.

En effet, la lutte contre une criminalité, passe d’abord par la question que tout commun des mortels se poserait : pourquoi la criminalité s’accroit de jour en jour?

La réponse à cette question coule de source : parce que les méthodes et les moyens utilisés sont inadaptés.

En effet, prenons juste un exemple. Voici une machine industrielle qui se met à produire une barre métallique tordue alors qu’elle devait produire une barre métallique bien droite. La question est : faudrait-il continuer à vouloir, redresser, entre l’enclume et le marteau, chaque barre métallique produite, ou plutôt réparer la machine ? La situation devient alors ingérable si la cadence de production augmente, sans intervention. Car à ce moment-là,  ni les moyens matériels , ni les moyens  humains alloués à la production,  ne suffiront.

C’est exactement, ce qui arrive à ce ministère Sisyphe qui est celui de l’intérieur. Un ministère au bout d'une chaine de production d’une délinquance qu'il  poursuit, réprime et emprisonne, sans succès. Car la « machine » qui les produit est détraquée et continuera à en produire de milliers.

Cette machine « sociale » qui n’est autre que la société produit, par fournées entières des délinquants, que ni la répression, ni la correction, ni la privation de liberté ne va arrêter.

La vraie question est alors la suivante : Pourquoi ?

Réponse : parce que le délinquant est le produit de ceux-là même qui veulent le supprimer.

En effet, qu’est-ce qu’un délinquant produit par la société mauritanienne ?

C’est un reflet de la délinquance qui sévit au sommet de l’Etat. Qu’il vit chaque jour et à laquelle il s’identifie chaque jour. En effet, les gouvernants, eux-mêmes n’ayant pas donné l’exemple, comment voudrions-nous que ceux qui les contemplent n’agissent pas de même. Pire, ils les prennent en exemple.

Le délinquant est un paria, un chômeur, un laisser pour compte familial ou social, un dépendant des stupéfiants ou tout simplement une progéniture de la classe bourgeoise corrompue qui a phagocyté l’Etat et qui a pris sa parentèle en modèle.

Et ce délinquant ne disparaitra pas par la répression. Il s’en créera des milliers tous les jours, tant que les conditions de son existence perdurent  toujours et dictent son comportement criminel.

 Et l’impuissance du ministère de l’intérieur de juguler s’explique justement par le fait que les facteurs qui président à la délinquance lui échappent, il ne fait que « redresser » une barre métallique indéfiniment tordue et produite à une cadence qu’il ne peut maitriser.

Alors ce ministère ne fait plus que jouer de la matraque, de la répression, des arrestations, des emprisonnements de façon indéfinie engagent des moyens humains matériels et financiers grandissant avec les résultats que l’on sait.

C’est ainsi qu’il convient de repenser totalement la lutte contre la criminalité en Mauritanie, et elle  ne passe pas en priorité par le ministère de l’intérieur.

Elle passe par un modèle de gouvernance qui doit:

-          Mettre à contribution le chef de l’Etat lui-même qui doit être « visible », présent pour dynamiser par ses directives la société et lui donner confiance en son action.

-          Moraliser la vie politique, en donnant l’exemple d’une bonne gestion transparente et des résultats probants

-          Assainir l’administration publique, en éradiquant les poches de la corruption et de l’incompétence (voir : mon article :  «Khadijetou Sow, le crime en col blanc »  http://cridem.org/C_Info.php?article=739257 )

-          Appliquer urgemment un programme national de création de l’emploi doté de moyens suffisants pour résorber le chômage.

-          Apporter un soutien massif aux structures de l’éducation nationale. En renforçant le tissu éducatif en moyens humains et matériels en quantité et en qualité.

-          Mettre en place une politique de formation professionnelle efficiente, privilégiant le formations moyennes et courtes à forte valeur ajoutée et à forte employabilité pour les jeunes.

-          Améliorer par des actions ciblées et efficaces les conditions économiques et sociales de la jeunesse défavorisée (des banlieues et de l’intérieur du pays)

-          Juguler les poches de pauvreté dans les zones sensibles et lutter contre le dénuement des populations à risque de développement de « sites » de délinquance.

-          Mettre en place une véritable politique de lutte contre la criminalité à travers l’éducation, l’emploi, l’entreprenariat et  adossée sur de véritables structures de conseil et d’assistance aux jeunes dans tous les lieux de rencontre (clubs, maison de jeunes, complexes sportifs, événements) afin de créer le contact et générer la confiance.

-          Encourager les forums publics pour l’expression de la jeunesse sur ses préoccupations et ses doléances et affecter une structure administrative pour leur suivi et leur concrétisation avec les organismes concernés.

Si tout cela n'est pas fait, l’on pourrait, sans se tromper, dire que la lutte livrée par le ministère de l’intérieur et de la décentralisation est perdue d’avance, ses résultats épisodiques n’en garantissent pas la pérennité.

En effet, la véritable lutte contre la criminalité ne relève pas du ministère de l’intérieur mais d’abord et avant tout de la volonté du chef de l’exécutif, lui-même de mettre en place une véritable gouvernance de l’intégrité, de la transparence et de l’efficacité dans la gestion de la chose publique.

C’est uniquement à travers une tel mode de bonne gouvernance, que la criminalité pourra être résorbée.

En effet, tant que la société se reflète dans un Etat de corruption, ses membres ne seront que l’exemple le plus affiné de la délinquance de ses dirigeants. Une criminalité devenue endémique.

Et des victimes innocentes, connues et inconnues, continueront, chaque jour et chaque nuit, à payer de leur vie la turpitude des gouvernants.  Faillite d’un ministère, reflets d’une société.

 Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.