dimanche 9 novembre 2025

Déclaration de Nouakchott : Lorsque le FMI prend nos gouvernants pour des idiots. Par Pr ELY Mustapha

 


Ce qui frappe dans la déclaration du FMI, c’est ce ton paternaliste qui cherche à rassurer tout en dictant la conduite à tenir, comme si les gouvernants mauritaniens étaient incapables d’une véritable analyse critique ou d’initiatives novatrices. Ce qui,  tout en restant à démontrer , nen fait pas moins que les recommandations du FMI sont standardisées, souvent déconnectées des dynamiques locales et des aspirations citoyennes, réduisant la marge de manœuvre de l’État, prisonnier d’une logique de conformité technique.

Cette approche trahit une forme d’infantilisation de la décision publique en Mauritanie : sous prétexte de “dialogue” et “accompagnement”, le FMI impose l’agenda, balise la conduite des politiques, et transforme les gouvernants en exécutants dociles, avec pour unique horizon l’atteinte d’indicateurs validés à Washington.

L'analyse de la récente déclaration du Fonds monétaire international (FMI) sur la situation économique en Mauritanie, met en lumière les zones d'ombre et les sous-entendus du discours officiel des institutions financières internationales face aux réalités locales.

La récente mission du FMI en Mauritanie s'est conclue par des félicitations officielles : objectifs quantitatifs atteints, respect des seuils de déficit, recommandations en matière de gouvernance. Le FMI relaie une image d'une économie mauritanienne résiliente, avec l’obtention de nouveaux financements : 6,44 millions de DTS (environ 8,7 millions de dollars) et 59,44 millions de DTS (près de 80,6 millions de dollars), validés pour soutenir la stabilité macroéconomique.

Pourtant, derrière ce discours, le FMI relève une croissance en nette décélération pour 2025 (de 6,3% en 2024 à 4,2% en 2025), principalement due à la contraction du secteur extractif, alors même que les prévisions tablèrent sur une envolée grâce à l’exploitation gazière Grand Tortue Ahmeyim. L’institution insiste sur la nécessité de “réformes structurelles” et de “mobilisation des ressources internes”, sans évoquer concrètement l’impact social des ajustements recommandés.

Des recommandations surannées et déconnectées

Le FMI appelle à flexibiliser le taux de change et à intensifier la collecte fiscale, dans une rhétorique classique de soutenabilité budgétaire et de lutte contre l’inflation. Cette logique technocratique feint d’ignorer la dépendance chronique de l’économie mauritanienne à l’extractif, la fragilité des institutions de régulation, et la vulnérabilité des ménages face à toute taxation ou dévaluation soudaine.

En outre, alors que l’institution mentionne le besoin de “mesures compensatoires bien ciblées” via le registre social, elle passe sous silence l’insuffisance des programmes sociaux existants et la faible efficacité redistributive dans un contexte de pauvreté persistante et de marginalisation des régions rurales.

Le FMI salue les “progrès en gouvernance”, tout en exhortant les autorités à accélérer l’application des lois sur les entreprises publiques et la Zone franche de Nouadhibou. Or, il reste peu disert sur la réelle capacité des gouvernants à traduire ces recommandations en politiques concrètes, dans une administration marquée par l’immobilisme et le manque de moyens humains qualifiés.

On observe un fossé entre le ton affable du FMI et la réalité de la gouvernance mauritanienne : alors même que la Cour des comptes et les organes de contrôle restent sous-dotés, le Fonds se contente d’encourager sans exiger des délais fermes ni sanctionner le retard dans la mise en œuvre des réformes.


La cécité du FMI face aux graves défaillances de l’administration publique mauritanienne constitue une faiblesse récurrente de son accompagnement : les rapports officiels occultent souvent les contre-performances, les dilapidations et les détournements massifs de biens et ressources publiques, pourtant dénoncés par la Cour des comptes et l’opinion.

Dilapidations et détournements : une impunité persistante

En 2025, plusieurs rapports officiels et investigations de l’Inspection Générale de l’État (IGE) révèlent des détournements massifs atteignant dix milliards d’ouguiya dans différents secteurs publics, avec des ministres et de hauts fonctionnaires directement impliqués. La Cour des comptes identifie aussi des malversations allant jusqu’à 40 milliards d’ouguiya, mais le gouvernement préfère requalifier ces délits en simples fautes de gestion, illustrant le niveau d’impunité et de confusion entre mauvaise gestion et vol institutionnalisé. Malgré la multiplication des affaires, les sanctions, quand elles existent, demeurent sélectives et souvent motivées par des intérêts politiques.

La gestion des finances publiques souffre de contrôles insuffisants, d’apurements irréguliers, et de retards dans la publication des rapports budgétaires, qui ne respectent pas les normes internationales. Les rapports d’exécution restent incomplets et tardifs ; la Cour des comptes signale régulièrement la surreprésentation de clientèles politiques et tribales dans la distribution des ressources, ce qui bloque toute réforme structurelle. L’exemple de la SOMELEC, avec une dette explosant de 385 à 800% en l’espace d’un an, illustre la persistance de dérives managériales et financières dans les entreprises publiques, dans une indifférence quasi totale des autorités.

Les rapports du FMI affichent une satisfaction de façade : objectifs macroéconomiques atteints, plans d’action “sur la bonne voie”, et encouragements à accélérer la lutte contre la corruption. Or, l’institution se contente de relayer les engagements superficiels du gouvernement et minimise systématiquement l’ampleur des scandales. Même quand elle salue la création d’une Autorité anti-corruption ou l’adoption de lois sur la déclaration de patrimoine, le FMI omet d’analyser leur réelle application et leur manque d’impact sur la transparence publique.

De plus, le FMI refuse de conditionner ses appuis financiers à des avancées concrètes dans la lutte contre la corruption et l’amélioration de l’efficacité administrative, maintenant une posture complaisante qui favorise la reproduction des mêmes pratiques délétères. Cette tolérance complaisante à la mauvaise gouvernance, doublée d’un discours technocratique optimiste, confine à l’aveuglement, voire à la complicité passive dans la perpétuation des défaillances structurelles du système public mauritanien.

L’inadaptation du FMI à la réalité mauritanienne, son refus d’affronter les problèmes d’incompétence, de dilapidation et de détournements dans l’administration, prive le pays d’un véritable levier de réforme et consacre ainsi le cycle infernal de la mal gouvernance.

Des preuves publiques de détournements et dilapidations en Mauritanie sont abondamment documentées par les rapports officiels, notamment ceux de la Cour des comptes, ainsi que par des enquêtes citoyennes et médiatiques.

Le rapport 2022-2023 de la Cour des comptes révèle plusieurs centaines de milliards d’ouguiyas d’irrégularités financières, impliquant de hauts responsables de divers secteurs publics. Il signale des dépenses publiques non justifiées, des contrats attribués sans appel d’offres, et la confusion systématique entre faute de gestion et détournement, traduisant l’impunité persistante au sein de l’administration.

Près de 10 milliards MRU de dépenses financées par des bailleurs extérieurs et 5,8 milliards MRU de recettes correspondantes n’ont jamais été inscrits au compte général des finances publiques. Au ministère de la Santé, plus de 800 millions MRU de dépenses n’ont pas été justifiées, tandis que des achats directs ont été effectués pour plus de 300 millions MRU sans appel à concurrence, dont un contrat ROCHE dont la livraison n’a pas été intégralement prouvée.

Mauritania Airlines affiche une dette fiscale supérieure à 1,2 milliard MRU, sans audit externe depuis 2019 et avec 450 millions MRU de dépenses non justifiées pour la maintenance.

De nombreux cas de malversation, falsifications et factures fictives sont identifiés comme des agissements de “réseaux de corruption organisés”, parfois qualifiés d’“association de malfaiteurs”, dont l’objectif est l’accaparement des deniers publics et la destruction de l’économie nationale. Face à cette situation, des partis comme le FRUD exigent des poursuites systématiques et l’exclusion des fonctionnaires impliqués dans ces actes.

Les rapports d'associations confirment la persistance d’attributions occultes de contrats publics, notamment dans le secteur extractif et les douanes, tandis que la vente des diplômes et postes mine l’intégrité de l’administration éducative et sanitaire.

L’affaire du Fonds Covid-19 a révélé l’affectation illégale de près de 300 millions MRU à des activités sans rapport avec l’objet initial du fonds.

Un scandale récent de narcotrafic a mis au jour des tentatives de corruption à hauteur de milliards d’ouguiyas visant des agents des forces de sécurité, avec complicité de fonctionnaires et défaillance des dispositifs institutionnels de contrôle.

Ces exemples, tirés de sources publiques et rapports officiels, illustrent la gravité, l’ampleur et la diversité des pratiques de détournement et de dilapidation des ressources publiques en Mauritanie, ainsi que l’inefficacité persistante des mesures de sanction et de contrôle.

 

40 ans de misère …en compagnie du FMI

 

En définitive, le discours du FMI, se voulant un discours "d'expert” ne fait qu' infantiliser la décision nationale.

La déclaration du FMI, comme toutes celles d'ailleurs qu'il déclame depuis 40 ans en Mauritanie,  loin d’être un simple rapport technique, participe à l’enfermement du débat économique mauritanien. Elle masque, avec le vernis du langage diplomatique et de l’expertise, les insuffisances profondes du système, tout en confisquant aux dirigeants locaux la capacité de repenser, adapter, et réorienter les modèles de développement à l’aune des réalités nationales...en somme les adresser comme on hèle un incapable majeur.

Et depuis le premier ajustement structurel, 40 ans déjà, à nos jours,  la Mauritanie est toujours pauvre. Une misère que le FMI, depuis 40 ans,  en déclamant le contraire dans ses déclarations…prend, depuis 40 ans,  nos gouvernants  pour des idiots.

Pr ELY Mustapha

dimanche 2 novembre 2025

Nommer et déshonorer : Traduire l’État mauritanien en justice. Par Pr ELY Mustapha

L’affaire est simple dans ses faits et redoutable dans ses implications: à la suite d’observations financières consignées par la Cour des comptes, l’exécutif publie une liste nominative de trente personnes présentées comme « présumées » impliquées. 
 
Or la transmission de dossiers à la justice par la Cour a une finalité exclusivement juridictionnelle, non médiatique. Publier des identités à ce stade viole la présomption d’innocence, le secret procédural et la protection de la réputation et des données personnelles. Le droit positif offre, dans une telle situation, des fondements solides pour obtenir, en urgence, le retrait des publications, la réparation intégrale du préjudice, et, le cas échéant, la sanction des divulgations illicites.

 

Trente noms livrés au public: réparer l’irréparable

La publication publique des noms constitue, en elle‑même, une sanction sociale et institutionnelle avant l’heure. Elle inflige un dommage immédiat et profond à l’honneur de la personne, altère durablement son image et sa réputation, atteint sa famille et son entourage, et porte atteinte à sa dignité.

N'est-il pas des plus déshonorant pour un Etat que de jeter ses fonctionnaires en pâture ; n'est-il pas plus triste aux yeux de tout citoyen de voir ce fonctionnaire figurant dans cette infame liste des 30 (un secrétaire général de ministère)  demander pardon à sa famille et  à ses enfants . Pardon de quoi, pardon à qui ? Ni aucun ministère public n'a déjà qualifié de délit ou de crime ses actes , tout come ceux des autres fonctionnaires au moment de la publication  de la liste par le gouvernement. Or la qualification de l'acte est l'élément générateur de tout procès et de mise n jugement…. Jusque-là il ne s'agit que de fautes de gestion (relevant de la compétence de la Cour des comptes) soit une infraction à la législation budgétaire, financière et comptable publique, punissable par la retenue de salaire annuel du fonctionnaire ou de  sa fraction; ou cumulativement,  s'il y a lieu,  d'une sanction disciplinaire ou administrative….mais nullement d'une sanction pour délit ou crime (Contrainte financière  /incarcération etc.) que seuls les tribunaux pénaux ont le compétence de prononcer.. Car ni le délit ni le crime ne sont encore établis. Il s'agit d'une simple présomption qui comme toute présomption de ce type n'est pas irréfragable et peut souffrir, recevoir, la preuve contraire .  Or la liste a été présentée publiquement et a été perçue par le public comme elle de corrompus et de criminels. Une mauvaise foi qui ne sied pas à l'honneur de ceux qui doivent veiller sur la chose publique et à la préservation de son image.



Dans l’écosystème numérique, cette exposition de personne non encore jugés, est pratiquement irréversible: les captures, relais et indexations rendent illusoire tout retour à l’oubli, même en cas de classement sans suite ou de relaxe définitive. En d’autres termes, l’État inflige, par la communication nominative prématurée, une peine qui ne dit pas son nom, sans base légale ni contrôle du juge, alors que le droit commande la retenue, l’anonymisation et le respect effectif de la présomption d’innocence.

Le réflexe politique consistant à se dédouaner de toute responsabilité pénale présumée en répondant à la contestation populaire et aux tensions suscitées par un rapport de la Cour des comptes ne saurait justifier la mise au pilori de personnes non jugées.

L’État de droit impose une exigence de retenue: informer sans stigmatiser, expliquer sans accuser, corriger sans désigner des « coupables » avant l’heure.

 La présomption d’innocence n’est pas une clause décorative; elle protège des vies, des familles et des carrières. Y déroger au nom de l’apaisement immédiat revient à sacrifier les garanties fondamentales sur l’autel de l’opinion, alors même que seule la justice, au terme d’un procès équitable, peut établir la vérité et, le cas échéant, prononcer des sanctions.

 

Quand l’information devient sanction: défendre l’honneur face à l’arbitraire

Sur le cadre constitutionnel, la présomption d’innocence irrigue tout l’ordre juridique: nul ne peut être présenté comme coupable avant un jugement définitif. Cette garantie s’articule avec la dignité de la personne et la protection de la vie privée: l’État, dépositaire de l’intérêt général, doit proportionner sa communication et ne diffuser des données nominatives sensibles qu’en présence d’une nécessité impérieuse, d’une base légale claire et de garanties suffisantes. La transparence administrative ne prime jamais les droits fondamentaux: elle s’exerce par des synthèses anonymisées, la publicité des montants recouvrés et des mesures correctrices, non par la stigmatisation d’individus avant toute décision de justice.

Sur le droit applicable à la Cour des comptes, la loi organique encadre trois piliers: jugement des comptes, sanction des fautes de gestion, et assistance aux pouvoirs publics. Lorsqu’apparaissent des faits susceptibles de qualification pénale, le ministère public près la Cour transmet le dossier au ministre de la justice aux fins d’exercice de l’action publique. Cette mécanique est probatoire et juridictionnelle: elle ne confère aucunement à l’exécutif un pouvoir de « nommer  et déshonorer».

La finalité de contrôle des finances publiques est la correction des irrégularités, la responsabilisation des gestionnaires et, le cas échéant, la saisine pénale. Dévoiler des noms avant l’engagement régulier de la procédure pénale détourne cette finalité et expose l’État à une faute de service.

 

Noms publiés, droits piétinés: faire condamner l’État

Le droit de la procédure pénale impose la retenue. Le secret du déroulement des enquêtes et de l’instruction, la sérénité de la justice et la protection des témoins prohibent les communications nominatives inutiles et prématurées. Même lorsque des informations d’intérêt public doivent être portées à la connaissance des citoyens, elles le sont dans des termes factuels, non conclusifs, et sans identification des personnes tant que l’organe de poursuite ou la juridiction n’ont pas donné à l’affaire une publicité régulière. La présomption d’innocence n’est pas un vernis rhétorique: elle commande la forme et le contenu du discours public, y compris celui de l’État.

Le droit pénal encadre lui aussi les dérives de communication. Imputer publiquement des crimes ou délits à des personnes identifiées, en les présentant comme acquises, caractérise la diffamation publique si l’assertion porte atteinte à l’honneur et à la considération. Révéler des éléments couverts par le secret de l’enquête, ou par le secret professionnel, engage la responsabilité pénale de leurs auteurs. La nature « exacte » d’une information ne suffit pas à la légitimer: une divulgation peut être exacte et néanmoins illicite si elle viole un secret légal, méconnaît la présomption d’innocence, ou procède sans base légale et sans nécessité.

À ces fondements s’ajoute la protection des données personnelles. Une liste nominative associant des individus à des « suspicions d’infractions » constitue un traitement de données relatives à des infractions, catégorie particulièrement sensible. À défaut de base légale spécifique, de finalité déterminée, de nécessité stricte et de minimisation, ce traitement est illicite. L’administration, en tant que responsable de traitement, engage sa responsabilité: retrait, limitation, rectification, notification aux destinataires, et, le cas échéant, sanctions administratives et réparation civile.

 

Exposer n’est pas juger: traduire l’État, protéger les droits

L’illégalité de la publication nominative de ces 30 personnes ressort alors de quatre vices cumulatifs.

 D’abord, l’absence de base légale: aucune disposition ne confère à l’exécutif un pouvoir général de publier les identités transmises par la Cour des comptes aux fins judiciaires.

Ensuite, l’atteinte caractérisée à la présomption d’innocence: qualifier publiquement des personnes de « présumées » n’exonère pas lorsque la présentation induit la culpabilité aux yeux du public. En outre, la violation du secret procédural se matérialise lorsque la communication précède ou interfère avec les actes de justice.

 Enfin, la disproportion: la poursuite d’un objectif de transparence peut être satisfaite par des moyens moins attentatoires, tels l’anonymisation et la communication de données agrégées.

Attaquer l'Etat en justice: les voies et moyens

La stratégie contentieuse pour ces personnes ayant subi ce préjudice à la fois moral et matériel doit être simultanément réactive et structurée.

 En première ligne, le juge des référés peut être saisi pour faire cesser le trouble manifestement illicite: retrait immédiat des listes, déréférencement, publication d’un rectificatif rappelant la présomption d’innocence, le tout sous astreinte. Le fondement réside dans l’atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales, l’absence de base légale claire de la publication, et la disproportion. La preuve se construit par des constats numériques horodatés, l’archivage des pages officielles, et la démonstration d’impacts concrets (perte d’emploi, résiliation de contrats, préjudices de réputation).

Sur le fond, un recours de pleine juridiction en responsabilité administrative permettra d’obtenir la condamnation de l’État pour faute de service et la réparation intégrale des dommages. Le préjudice moral (atteinte à l’honneur, anxiété, souffrance) et le préjudice économique (opportunités perdues, ruptures contractuelles, perte de chance) doivent être chiffrés et documentés (attestations, expertises, pièces comptables). L’action collective des trente personnes, fondée sur un noyau factuel commun, renforce la cohérence probatoire et l’efficacité procédurale, tout en optimisant les coûts.

Des actions pénales complémentaires peuvent être envisagées lorsque les éléments le justifient: plainte avec constitution de partie civile pour diffamation publique ou violation de secrets légaux. L’objectif n’est pas la sur-pénalisation, mais la restauration du droit: rappeler que la parole publique est aussi justiciable des limites protectrices des personnes. En parallèle, la saisine de l’autorité de protection des données permet d’obtenir des injonctions de mise en conformité, la suppression ou la limitation du traitement, des amendes administratives, et la notification du retrait à tous les destinataires du fichier litigieux.

Contrer la défense de l'Etat: ni transparence, ni intérêt public

La défense de l’État invoquera certainement la « transparence » et l’« intérêt public ». La réplique repose sur deux pierres angulaires: la proportionnalité et l’anonymisation. La transparence n’autorise pas l’atteinte nominative lorsque le même objectif peut être atteint par des moyens moins attentatoires. L’exactitude alléguée ne neutralise pas l’illicéité si la communication méconnaît la présomption d’innocence ou les secrets légaux. L’intérêt public véritable est mieux servi par la publicité des résultats (sommes recouvrées, réformes engagées, sanctions administratives prononcées) que par l’exposition de personnes non jugées.

Il faut donc agir par étapes .

La première est la  constitution du collectif, des mandats, la collecte des preuves numériques, l'évaluation initiale des dommages.

Dans la seconde, le référé d’urgence visant retrait, déréférencement et communiqué rectificatif.

Dans la troisième, assignation en responsabilité avec chiffrage affiné des préjudices et demande de publication judiciaire du rectificatif sur les mêmes canaux et pour une durée équivalente.

En quatrième étape, le cas échéant, dépôts de plaintes pénales ciblées et articulation d’arguments constitutionnels subsidiaires si un texte est invoqué à tort pour justifier la publication.

 

En définitive, et au-delà du litige, l’enjeu est éthique et institutionnel.

Le contrôle des finances publiques et la lutte contre la corruption exigent rigueur, indépendance et pédagogie. Mais l’État de droit impose que la transparence demeure compatible avec les droits fondamentaux: présomption d’innocence, réputation, vie privée et régularité des procédures.

Traduire l’État en justice lorsque ces bornes sont franchies n’est ni un acte d’hostilité ni un obstacle à la probité; c’est la condition même de la confiance dans les institutions.

Une victoire contentieuse ici ouvrira la voie à des protocoles de communication responsables: anonymisation par défaut, circuits de validation juridique, formation des porte‑parole, et séparation stricte entre contrôle financier, action disciplinaire et information du public.

Tel est l'Alpha et l'Oméga présidant à toute bonne gouvernance d'un Etat respectueux du peuple qui demande des comptes …et de la dignité de ses fonctionnaires que l'on juge.

 

Pr ELY Mustapha

 

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Poésie de la douleur.