samedi 13 octobre 2007

Le poison de l’opposition


Le dialogue et la concertation.



Qu’est-ce que l’opposition dans la nouvelle démocratie ? Rien. Que veut-elle devenir ? quelque chose. Comment s’y prend-t-elle ? Très mal.


.
Sa dernière sortie médiatique, témoigne d’une timidité à toute épreuve. Une opposition qui a un président et qui agit sur un mot d’ordre n’est pas une opposition c’est soit une coalition de petits porteurs dans une assemblée générale de société anonyme, soit un regroupement d’intérêt testamentaire dans une succession patrimoniale. En tout cas ce n’est pas une opposition au sens de force de frappe et de dissuasion dans un Etat de droit.

Que s’est-il passé pour que l’opposition devienne ce qu’elle est aujourd’hui ? Simplement qu’elle n a pas tiré les leçons du passé politique récent du pays.

I- L’opposition ou la sape psychologique: les leçons du passé.

Jamais une stratégie n’a été aussi brillante et aussi sournoise que celle qui réduisit l’opposition et lui enleva sa victoire aux présidentielles et aux législatives. Ceux qui dirigèrent la transition , avaient décidé de miner l’opposition et de la réduire autant que possible à travers une stratégie de « concertation » qui a permis de « piéger » ceux qui justement pouvaient tout faire basculer. Les « renards » de la transitions aguerris aux faux compromis et aux jeux de la souricière avaient décidé de neutraliser une opposition qui à la veille du 3 Août 2005 avait une force et une légitimité qu’ils craignaient par-dessus tout. Cette opposition qui sortait d’une haute lutte contre l’ancien régime et dont certaines composantes avaient même pris les armes contre lui risquait de remettre en cause le coup d’Etat lui-même et la transition elle-même.
Il aurait suffit que l’opposition ne reconnaisse pas le coup d’état, qu’elle s’agrippe à ses acquis historiques qu’elle « tape sur la table » pour que ceux qui ont élaboré la transition dans des buts inavoués reculent et cèdent devant ses doléances. Cela ne fut pas fait parce que les renards de la transition avaient très vite identifié le talon d’Achille de l’opposition en la personne de ses leaders et notamment Ahmed Ould Daddah.

Cette identification se confirma pour eux très vite lorsque Ahmed ould Daddah fut le premier reconnaître le coup d’Etat et son apport pour la démocratie. Il devenait alors un « interlocuteur » qui allait servir de porte d’entrée, un cheval de Troie pour déstabiliser l’opposition. La bonne foi d’Ahmed Daddah n’avait d’équivalent que la mauvaise foi de ceux qui allient « l’utiliser » malgré lui. Et c’est là où l’œuvre de sape psychologique commença à la manière d’une forteresse assiégée.
Durant les premiers mois on le consultait on le travaillait dans le sens du poil et le travail psychologique finit par prendre : la conviction du leader du RFD en la volonté des militaires de céder le pouvoir à l’opposition et de façon démocratique. Par cette politique d’amadouement ils ont obtenu deux choses :

- L’immunisation : Faire passer calmement la transition jusqu’à son terme et appliquer leur plan stratégique

- La neutralisation : Assagir l’opposition à travers l’un de ses principaux leaders jusqu’à la mettre à genou
Cette situation se manifesta à travers les idées lancées par Ahmed Ould Daddah dans sa fameuse déclaration sur « l’absence de chasse aux sorcières » qui reprenait l’argumentaire du CMJD et ses déclaration dans l’interview à Jeune Afrique. ELY Ould Mohamed Vall déclarait en effet en Septembre 2005 : « Il n'y aura ni règlement de comptes, ni chasse aux sorcières, ni esprit de revanche. « (JA L’Intelligent » September 2005)
Le 07 septembre 2005 Ahmed Daddah déclarait à l’AMI : » ''j'ai confiance, en toute objectivité, dans le projet du CMJD''.
Il était devenu ce que le CMJD voulait qu’il devienne « la courroie de transmission » avec l’opposition en la « piégeant » dans le processus d’un dialogue et d’une concertation qui allait être fatal pour toute l’opposition.

« le RFD, déclarait Ahmed Daddah, en tant que parti, est favorable au principe du dialogue sur les questions nationales qui nous concernent tous. Nous nous réjouissons donc de cette initiative et pensons qu'elle marque le début d'une concertation que nous espérons approfondie, franche et exhaustive. Concernant le comité chargé du processus de transition, je tiens à préciser que cette période transitoire est essentielle parce qu'elle déterminera tout ce qui la suivra. C'est pourquoi nous estimons que tous les acteurs doivent y participer, y compris les partis politiques, la société civile, les leaders d'opinion, avec tout le sérieux et toute la franchise requise... »


Et la boucle est bouclée. Ahmed Daddah était devenu l'appât auquel on miroitait mille et une bonne intentions dont il nourrissait ses espoirs de changement.


Les militaires , en s’appuyant sur une structure gouvernementale triée dans le tas des anciens du régime précédent, avec lesquels ils partageaient les mêmes préoccupations de défense de ses intérêts et de ses basses-œuvres avait mis en place une stratégie psychologique militaire qui, comme on le sait, utilise de multiples techniques de déstabilisation de l'adversaire utilisant la psychologie préventivement, ou simultanément, à l'usage de la force.

Une stratégie qui ressemble étrangement à celle utilisée par les experts militaires dans le Chiapas mexicain : diviser et semer la confusion dans les esprits pour atteindre des buts de déstabilisation des structures villageoises. A travers une pseudo- politique d’ouverture au dialogue, le gouvernement opposait les chefs de village en accordant plus d’importance officielle à l’un deux et en le favorisant financièrement et matériellement par rapport aux autres. Ce qui, à moyen terme, entrainait la division et les blocages dans les rapports villageois. De la division et des rancunes naissaient alors les dénonciations.

Lorsque Ahmed Daddah a compris qu’il n’était pas l’interlocuteur unique du CMJD, que celui-ci jouait son propre jeu, il fît machine arrière à travers les dénonciations que l’on sait sur la « dérive » du CMJD notamment après que Sidioca fut pressenti au mois de juillet 2006 comme candidat « favori » du CMJD. Mais déjà en décembre 2006 le vent avait tourné et la stratégie du CMJD était à son apogée.

La dissidence de Messaoud Ould Boulkheir qui permit à Sidioca de remporter la victoire , tient de cette stratégie car on se rappelle très bien que pour justifier son ralliement à Sidioca, le dirigeant de l’APP avait reproché à Ahmed Daddah d’avoir eu un plan secret avec le CMJD de constitution d’un gouvernement. La stratégie de déstabilisation avait joué.

Concertation et dialogue furent les deux armes absolues de la stratégie des autorités de transition pour « endormir » l’opposition et gagner du temps pour échafauder ses plans et les mettre à exécution.
Cette stratégie de « la concertation anesthésiante » est encore aujourd’hui mise en œuvre par l’actuel régime politique car, par certains de ses aspects , il est une continuité de la transition. La présence encore aujourd’hui de l’un des personnages clef du putsch de 2005 au palais et la plupart de ceux qui ont servi la transition et le régime précédent aux postes-clefs en est la preuve éclatante.

Mieux encore, la transition avait pensé à un mécanisme pour pérenniser cette « concertation » et neutraliser l’opposition même après l’avènement de l’ère démocratique : le statut de leader de l’opposition.


Le piège institutionnel se referma alors et l’opposition est actuellement toute réduite à cette fonction de « concertation » qui lui enlève tout rôle et toute volonté sinon ceux d’entériner ce que le « leader » glane comme assurances et expressions de bonnes intentions de Sidioca sur tout et sur rien. Encore une foi la bonne foi du leader mise à contribution à travers une concertation dont on sait ce qu’elle a donné par le passé.

II- L’opposition doit réagir à la sape psychologique : tout remettre en question

Il est incontestable que l’actuel régime utilise la concertation pour neutraliser l’opposition et gagner du temps. Gagner du temps pour s’affermir politiquement et consolider son assise financière.


- S’affermir politiquement: l’expression la plus immédiate est le projet de création du grand parti présidentiel qui vise à damer le pion à l’opposition et au-delà. Quelle fut la réaction de l’opposition à ce « danger » institutionnel d’un parti-état ? La concertation !

- Consolider ses assises financières : On le sait outre que le favoritisme n’a pas quitté l’Etat, voici que commence la liquidation des entreprises publiques pour « renflouer », les caisses de l’Etat. Une cession d’actions de l’Etat dont on ne sait en fin de parcours si elle servira vraiment l’Etat à travers son budget. Et qu’elle est la réaction de l’opposition face à la menace qui touche les entreprises publiques ? La concertation !

Et qu’a donné cette concertation ? Une conférence dénonçant ces aspects relayée par la presse.

Quel impact cela aura sur la politique du gouvernement ? Rien ! On se concerte avec l’opposition mais on ne l’écoute pas. On continue à structurer le parti-état (Sidioca vient de nommer les commissions de constitution du parti) et on continue à négocier la cession des entreprises publiques.
Alors est-ce là une opposition qui a un poids sur la scène politique ? Une opposition qui s’accroche à des concertations comme si elle était l’antichambre du pouvoir . Eh bien non. Cette opposition là, le peuple n’en veut pas ! Elle est inefficace, anesthésiée par un pseudo-dialogue et réduite à sa plus simple expression : un contre-pouvoir qui ne contre rien.

Quelles sont les solutions ? Il faut que l’opposition se ressaisisse. Qu’elle quitte immédiatement ce processus de « concertation » et de « dialogue »,quelle renonce à l’institution de leader et qu’elle entre… en opposition !


Qu’elle adopte sa propre vision des problèmes à résoudre, qu’elle élabore sa propre stratégie d’intervention pour contraindre le gouvernement à discuter et à obtempérer s’il le faut.

Si les problèmes sont connus et attendent solution (refus du parti-état, refus du bradage des entreprises publiques, rehaussement du niveau de vie, dénonciation de la corruption et du trafic d’influence etc.), quelle est la stratégie à adopter ?


La voici :
- Se déconnecter du giron des pouvoirs publics et donner à l’opposition son autonomie (« pas de leader, pas de concertation »)

- Utiliser les moyens légaux pour protester : grèves limitées ou généralisée, alerte de l’opinion publique nationale et internationale

- mise à contribution des cadres et des forces intellectuelles de l’opposition pour critiquer (socialement, économiquement, financièrement) et publier leurs critiques des mesures gouvernementales partout où cela peut influencer le système (ouvrages, travaux de conférences et de colloques etc.)

- Entreprendre des meetings et des sittings de protestations

- Investir les aires d’information (presse écrite, audiovisuelle nationale et internationale) etc.


En résumé : Etre une force politique réelle qui agit sans complaisance et avec les moyens d’une véritable opposition.

Il faut inverser la vapeur, il ne faut plus que ce soit les leaders de l’opposition qui demandent audience au président de la République, il faut que ce soit le président de la république qui les requiert pour audience.
Car ce sera là, la reconnaissance de leur poids et leur capacité à influencer sur le terrain les choses et leurs cours. Dans cette optique la « concertation » ne sera plus à sens unique comme elle l’est aujourd’hui, mais une concertation dans laquelle chaque partie à un poids et peut négocier son point de vue.

Puisse l’opposition comprendre cela , sinon s’en est fini d’elle. Elle restera un faire-valoir d’une politique qui s’affermit de jour en jour, institutionnellement et financièrement.


Et alors il ne sera plus loin le temps ou elle devra se soumettre ou disparaître. Car en politique, une opposition qui ne joue pas son rôle est non seulement une traitrise à l’égard de ceux qu’elle représente mais aussi la pire des menaces pour un Etat de droit.

Pr ELY Mustapha

8 commentaires:

  1. Prof,là vous y touchez de trés prés!En Mauritanie l'opposition est un vain mot,qu'on utilise souvent à mal escient par certaines composantes de cette sphère heteroclites et politicienne locale.Il n'ya aucun parti de l'opposition,politiquement "opposé" ,il s'agit plutot de groupes d'individus sans orientation politique definie d'où leur divergences à tous azimuts.Il n'existe actuellement aucun parti politique veritablement bien structuré et politiquement opposé

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  2. Prof
    Tout ce que vous dites à,propos de l'opposition est bien réel.Mais la question qui me taraude l'esprit est la suivante:cette incapacité d'évoluer,de se developper,de décoller ne serait-elle inhérente à l'homme mauritanien,qu'il soit opposant ou au pouvoir?
    A+

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  3. Petinent constat pr ely de nôtre quotidien d'aujourd'hui.
    Nous les mauritaniens nous ne meritons pas un état car pour avoir un etat nous avons besoin d'un gouvernement, un peuple au sens du mot, un territoire.
    On n a pas de gouvernement car le peuple n'existe ps.Pour parler d'opposition il nous faut un gouvernement, ou au moins un esprit critique qui s'indigne contre les violation quotidienne de notre mauritanité(corruption de nos cadres,

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  4. On en a marre de ceux qui violent notre mauritanité. Une opposition bornée, un gouvenement qui ne peut jouer pleinement son rôle sans l'existance de ce citoyen au vrai sens du terme qui dénonce la moindre injustice, qui est revolté dans l'âme. Le gouvernement est un fait emergent de la société, les peuples ont les gouvernements qu'ils meritent.

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  5. je disait et je la repete que tant que l'individu mauritanien appartient à une tribu la Mauritanie n'existera jamais comme état.
    Proffesseur : Laisser SVP les symptomes de coté et attaquer le vrai probleme : comment éradiquer le tribalisme à jamais ?

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  6. Je veux savoir si le Pr Ely Moustapha a donné l'autorisation à un certain vlane de publier l'article sur cridem. Car, l'article est publié sur cridem et un journaliste d'alakbar a meme demandé l'autorisation de le publier à cridem or, cette autorisation doit être du ressort de l'auteur.
    Merci

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  7. Je crois que le copyright des écrits du Prof doivent être libres. J'avis même souhaité que certains de ses articles soient publiés par un des journeaux serieux de la place. J'aimerai bien que ses ecrits soient repris par Cridem ou autre, apres un delai d'1 ou 2 jours apres publication sur son site.

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  8. Exusez mon retard, c’est en effet moi qui ai fait paraître sous mon pseudo l’article complet de notre cher professeur, c’est donc que je lui reconnais bien des qualités, pour avoir déjà fait sur cridem son éloge sans équivoque avant cet admirable article sur l’opposition

    Le cridem reçoit 7000 visites jour, j’ai pensé ainsi attirer plus de monde par ici aussi ai-je ajouté l’adresse du blog en marge de l’article, puis j’ai laissé passer quelques commentaires pour faire aussi le commentaire qui suit, j’espère que tout cela sera une preuve de plus de l’admiration que m’inspire les efforts du professeur, ce qui ne me prive pas de lui servir une nuance que j’espère être à la mesure de sa bonne foi.

    « Nul homme n'est parfait, et monsieur Moustapha n'est pas en reste. Ces attaques envers Monsieur Daddah sont parfois justes quand il s'agit du machiavélisme du CMJD, oui monsieur Daddah a été instrumentalisé mais qui ne le fut pas dans ce pays, toute la mauritanie le fut, et monsieur Moustapha est resté lucide que parce qu'il vit ailleurs qu'en mauritanie.

    De plus monsieur Moustapha règle un petit compte de candidat à candidat, car monsieur Moustapha devait être candidat aux dernières élections présidentielle et il s'est retiré quand il y a compris l'autre piège du CMJD, ne pas faire voter la DIASPORA, très nombreuse dit-on donc à craindre à éliminer.

    Monsieur Moustapha a raison sur tout sauf sur la non nécessité d'un leader, ne sera-t-il pas lui-même un jour, très bientôt peut-être, encore candidat, c'est là où l'homme quitte sa caquette de professeur pour celle de candidat en sourdine qui ne veut laisser à monsieur Daddah aucun des lauriers qu'il mérite et que nul ne peut lui retirer.

    Monsieur Moustapha attaque trop le Leader pour ces raisons inavouables, or toute opposition dividée et perdue à tout jamais. C'est vieux comme le temps: diviser pour règner, c'est d'ailleurs là tout le squelette de la logique admirable du professeur, mais cette logique se perd quand elle laisse la place à la logique du candidat Moustapha. Nul n'est parfait ni Daddah ni Moustapha qui en accusant en fait trop et ce trop là est de trop justement, gardons donc l'essentiel du raisonnement sans la pique d'un candidat déçu dans son élan à un candidat historiqe représentant près de 48% du pays

    L'opposition doit méditer cet article, mais ne pas se diviser , bien au contraire, se rassembler derrière son leader légitime qui représente, vote à l'appui, près de la moitié du pays

    Les conseilleurs ne sont pas les payeurs

    tout est dit

    vlane

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Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.