samedi 31 mai 2025

Le Tah de Lam: un état de l'âme d'une Nation. Par Pr ELY Mustapha


 « Nous sommes tous les bâtisseurs d’un même rêve. »

Il est des images qui traversent le temps et qui, en un simple geste, renversent les murs de la méfiance et de la division. Celle d’Aïssata Lam, jeune femme négro-mauritanienne rayonnante, haut responsable de l'Etat, donnant une accolade chaleureuse à son compatriote maure, Sidi ould Tah, tout juste élu à la présidence de la Banque Africaine de Développement (BAD), fait partie de ces moments rares et précieux qui réconcilient  l'espoir et l' idéal.

L’Instant où la Mauritanie s’est Reconnue

Dans cette accolade, il y a tout : la fierté d’un peuple, la reconnaissance du mérite, la joie partagée, la promesse d’un avenir commun. Aïssata Lam, par son geste, a transcendé les clivages hérités de l’histoire, rappelant que la Mauritanie, riche de sa diversité, ne saurait s’accomplir que dans l’union de ses enfants. 

Sidi ould Tah, par son parcours exemplaire, prouve que l’excellence n’a ni couleur, ni tribu, ni frontière,  Aïssata Lam se souvenant, probablement,  avec émotion que son père fut aussi un fonctionnaire respecté à la BAD. Un sentiment de continuité et de réussite partagée, renforçant son espoir pour l’avenir de la Mauritanie.

Ce geste n’est pas anodin. Il est un appel vibrant à la fraternité, à l’unité, à la reconnaissance de l’autre dans sa différence et sa complémentarité. Il dit à chaque Mauritanien, qu’il soit maure, peul, soninké, wolof ou harratin : « Nous sommes tous les bâtisseurs d’un même rêve. » Il rappelle que la grandeur d’un pays ne se mesure pas à la pureté illusoire d’une identité, mais à la capacité de ses enfants à s’aimer, à se soutenir, à s’élever ensemble.


Certains, sur les réseaux sociaux,  ont voulu voir dans cette image autre chose qu’un moment de fraternité : les opportunistes y ont cherché des calculs politiques, les racistes ont tenté d’y lire une trahison, les bigots et les religieux extrémistes y ont projeté leurs propres peurs. À tous ceux-là, il faut répondre avec force : la haine, le soupçon, la division ne mènent qu’à l’appauvrissement moral et à la ruine du vivre-ensemble.

Ceux qui refusent de voir la beauté de ce geste ne font que révéler leur propre enfermement. Ils oublient que la Mauritanie n’a jamais grandi dans l’exclusion, mais dans l’ouverture, dans la solidarité, dans la reconnaissance mutuelle. Ils oublient que chaque victoire, chaque réussite, chaque moment de joie partagé est une pierre posée sur le chemin de la réconciliation nationale et la grandeur d'une Nation.

Un Avenir Commun à Bâtir

L’image d’Aïssata et de Sidi est une invitation à dépasser les préjugés, à rejeter les discours de haine, à construire une Mauritanie où chaque citoyen, quelle que soit son origine, a sa place, son rôle, sa dignité. Elle est la preuve éclatante que l’unité n’est pas un rêve lointain, mais une réalité à portée de main, pour peu que chacun accepte d’ouvrir son cœur.

 

La Mauritanie ne se construira pas sur la division. Les discours de haine, de suspicion, de rejet qui  ne pourront  jamais bâtir une nations forte. Ils n’engendrent que souffrances, frustrations et stagnation. Ceux qui s’opposent à la fraternité ne font que retarder l’inévitable marche de l’histoire, car la jeunesse mauritanienne, elle, a déjà choisi l’espérance. Le vouloir quotidien de notre vivre-ensemble. Elle sera celle qui aura compris que l’émotion partagée est le plus puissant des ciments, et que la fraternité est la seule voie vers la grandeur.

Un image qui renvoie  une Mauritanie, où ceux qui sont partis de gré ou de force reviendront, où  les martyrs verront, dans la justice, leur mémoire honorée, où les écoles enseignent l’histoire commune de tous ses enfants, où les places publiques résonnent de toutes les langues du pays, où l’on célèbre ensemble les fêtes communes. Un pays où le mérite, le talent, la solidarité sont les seules clés du succès. Un pays où l’on ne demande plus « d’où viens-tu ? » mais « où allons-nous ensemble ? »

Cette belle image de fraternité est une accolade qui doit rester ouverte pour nous tous mauritaniens, que nous devrions renouveler entre nous, à chacune de nos réussites et à chacun de nos espoirs exaucés.

Une accolade toujours ouverte sur notre fraternité pour que se ferment à jamais les parenthèses sur ce qui nous divise.

Pr ELY Mustapha

 

mardi 20 mai 2025

Pourquoi veulent-ils tous devenir Présidents de la BAD ? (Une enquête exclusivement désintéressée - et un manuel pour les perdants) .Par Pr ELY Mustapha

« L’humour est, dit-on, la politesse du désespoir » …ou une forme avancée d'une dépression ...à venir . LOL. Au choix.

 

Alors que la course à la présidence de la Banque Africaine de Développement (BAD) ressemble de plus en plus à un concours de promesses en prime time, cinq candidats se battent pour un fauteuil magique censé résoudre tous les maux de l’Afrique. Entre projets pharaoniques, diplomatie de canapé et ambitions personnelles masquées en altruisme continental, décryptage d’une comédie politique où chaque acteur joue « le sauveur qui n’existait pas ».

« Moi président, je ferai de l’Afrique un Disneyland du développement »

Amadou Hott (Sénégal) promet monts et merveilles : éradiquer la faim avec des drones agricoles, électrifier le continent grâce à des hamsters énergétiques, et résoudre le chômage des jeunes en les transformant en influenceurs TikTok. Son programme ? Un cocktail de mots-clés : « digitalisation, PPP, ZLECAf ». Peu importe si 40% de l’Afrique n’a pas l’électricité : il compte lancer une appli pour ça. « Le futur est dans le cloud ! », clame-t-il, sous les applaudissements de pays crédules qui oublient que le cloud a besoin… de serveurs. Et donc d’électricité.

Sidi Ould Tah (Mauritanie), lui, mise sur la magie des « infrastructures résilientes ». Après avoir triplé le capital de la Banque Arabe (BADEA) – un exploit aussi utile qu’un parapluie en plein désert –, il veut désormais séduire l’Afrique avec des routes intelligentes… qui évitent les nids-de-poule grâce à l’IA. Son atout maître ? Avoir convaincu le Congo-Brazzaville que construire un stade à Oyo était une priorité continentale.

La BAD, ce club VIP où l’on entre par coup de pouce.

Derrière les discours enflammés sur « l’autonomie financière » ou « l’intégration régionale », se cachent des calculs géopolitiques plus retors qu’un épisode de House of Cards :

·         Samuel Maimbo (Zambie), ex-banquier mondialiste, mise sur le soutien des États-Unis. Son argument choc : « J’ai réduit les délais de projets à la Banque mondiale… de trois semaines ! ». Un héros.

·         Abbas Mahamat Tolli (Tchad) joue la carte « sobriété réaliste ». Traduction : « On va arrêter de financer les éléphants blancs… sauf si c’est moi qui les propose ».

·         Bajabulile Swazi Tshabalala (Afrique du Sud), seule femme en lice, brandit l’étendard de la parité. Son slogan : « La BAD sera verte, rose et notée AAA… comme mes chaussures ! »

Les parrains : pétrodollars vs cacahuètes

Chaque candidat a son sugar daddy :

·         Sidi Ould Tah carbure aux petrodollars du Golfe. Après un dîner avec l’Arabie saoudite, il a promis de « verdir les déserts… avec des pipelines ». Le roi Salmane aurait murmuré : « On paie, mais on veut des selfies avec les girafes ».

·         Amadou Hott, lui, mise sur la France. Macron lui aurait glissé : « Si tu nommes un Français directeur, on oublie la dette du Sénégal… et on te prête un consultant McKinsey ! ».

Et le Nigeria dans tout ça ?

Le géant africain, premier actionnaire de la BAD, observe la mêlée en ricanant. « Laissez-les se battre, de toute façon, c’est nous qui décidons », glisse un ministre nigérian, avant d’ajouter : « Et si ça foire, on créera notre propre banque… avec des jeux de cartes et des jetons ! ».

Épilogue : Et si la BAD n’était qu’un prétexte ?

Au final, cette élection ressemble à une partie de Monopoly où chaque joueur mise sur l’avenir de l’Afrique… avec l’argent des autres. Les candidats promettent des miracles, les États actionnaires rêvent de contrats juteux, et les populations, elles, attendent toujours l’électricité.

Mais ne soyons pas cyniques : après tout, comme le disait un sage (anonyme, pour éviter les représailles), « la BAD, c’est comme le café instantané… ça donne l’illusion d’être réveillé ».

(Article rédigé avec l’aide précieuse de 54 États membres et 27 pays non régionaux… qui n’ont strictement rien lu.)

 

Maintenant sachant que le siège convoité ne peut accueillir quune seule personne, voici un Manuel du candidat perdant à la présidence de la BAD

Manuel du candidat perdant à la présidence de la BAD
(Édition revue et désespérée)

Vous rêvez de briguer la présidence de la Banque Africaine de Développement (BAD) sans avoir le moindre soutien politique, financier ou même familial ? Félicitations ! Voici le guide survivaliste pour survivre à une campagne « aussi utile qu’un ventilateur en Antarctique ».


Règle n°1 : Promettez l’impossible… mais en anglais

·         Exemple pratique : « Je vais éradiquer la pauvreté en recyclant les tweets de Elon Musk en monnaie locale ». Peu importe si 60% de l’Afrique rurale n’a pas internet : l’important est d’utiliser des mots comme « blockchain », « disruption » ou « écosystème ».

·         Astuce historique : En 2005, Donald Kaberuka a remporté l’élection après 7 tours en promettant… attendez, personne ne s’en souvient.

Règle n°2 : Trouvez un parrain étranger… même s’il vous méprise

·         Option Gulf : Comme Sidi Ould Tah, liez-vous à un État du Golfe. Votre slogan : « Des pipelines pour la paix ! » Bonus : offrez un chameau doré aux électeurs… virtuel.

·         Option ex-coloniale : La France adore financer des candidats francophones. En échange, acceptez de rebaptiser le siège de la BAD « Rue du Général de Gaulle ».

Règle n°3 : Ignorez les besoins réels… misez sur le folklore

·         Stratégie gagnante : Proposez un stade flottant sur le lac Tchad (même asséché) ou une usine de drones dans le Sahel (alimentée à l’énergie solaire… la nuit). Les États voteront pour vous, ravis de dépenser l’argent de la BAD.

·         Avertissement : Si on vous demande des détails, répondez : « C’est dans le pipeline » 

 

Règle n°4 : Jouez la comédie de l’unité africaine… en divisant

·         Scénario testé : En 2005, le Rwanda et le Nigeria se sont déchirés pendant 2 mois. Kaberuka a gagné en promettant aux francophones de parler anglais… et aux anglophones de parler français.

·         Technique 2025 : Dénoncez « l’impérialisme anglophone » à Libreville, puis vantez « le pragmatisme anglophone » à Lagos. Personne ne vérifiera.

Règle n°5 : Préparez votre reconversion… avant même de perdre

·         Plan B : Comme Olabisi Ogunjobi (battu en 2005), préparez votre autobiographie : « J’ai failli sauver l’Afrique… et autres blagues ».

·         Plan C : Recyclage express en consultant international. Votre expertise ? « Échec certifié par la BAD ».


Épilogue : Le seul vrai conseil


La présidence de la BAD est une loterie où les gagnants sont ceux qui savent perdre avec élégance. Comme le disait un ancien candidat anonyme : « Si vous n’avez pas de programme, inventez-en un… puis attendez que les électeurs oublient ».

(Manuel rédigé avec l’aide de 7 tours de scrutin, 14 éliminatoires et 3 crises existentielles… facturés à la BAD).

Pr ELY Mustapha

lundi 19 mai 2025

Le jour où Mokhtar Ould Daddah revint en Mauritanie. Par Pr ELY Mustapha.

Ceci  n’est pas une conversation ordinaire, mais un face-à-face entre deux époques, entre l’idéal fondateur et le constat d’un pays à la dérive.

Une place modeste de Nouakchott, à l’aube, alors que la ville sommeille encore sous la lumière dorée du désert. 

Des bâtiments aux façades usées rappelant une époque révolue. 

Des  enfants, à peine éveillés, jouant pieds nus dans la poussière. 

Et Mokhtar Ould Daddah, silhouette intemporelle, droit, presque irréel dans la brume matinale se tenant  face à un citoyen en tenue simple, fatigué par les années et les désillusions, qui l’interroge avec respect mais sans complaisance.

 Le vent chaud soulève parfois un pan de tissu, une feuille de journal, ou un mot oublié. Autour d’eux, le silence des passants et le cri lointain d’un marchand ambulant renforcent la gravité de l’instant : ce n’est pas une conversation ordinaire, mais un face-à-face entre deux époques, entre l’idéal fondateur et le constat d’un pays à la dérive.

 

Mokhtar Ould Daddah : « Je me souviens d’une Mauritanie où l’unité nationale était un combat quotidien, où chaque geste visait à réconcilier nos communautés et à construire des institutions fortes. Dans La Mauritanie contre vents et marées, j’écrivais que notre jeunesse devait incarner l’espoir d’une nation réconciliée. Aujourd’hui, que reste-t-il de cet idéal ? »

Citoyen mauritanien : « Hélas, la corruption a gangrené tous les niveaux de l’État. Des anciens présidents comme Mohamed Ould Abdelaziz sont accusés de détournements massifs, et des policiers monnayent leur silence face aux réseaux de migration illégale. Les juges, les ministres… personne n’est épargné. Comment en sommes-nous arrivés là ? »

Mokhtar Ould Daddah : « Le clientélisme et l’avidité ont remplacé le sens du service public. J’avais pourtant institué le Parti du Peuple Mauritanien pour unifier le pays, non pour servir des intérêts privés. Quand les dirigeants oublient que leur légitimité vient du peuple, l’État devient une proie. »

Citoyen mauritanien : « Les hôpitaux publics, comme le CHN ou l’Hôpital Cheikh Zayed, manquent de tout. Les médicaments disparaissent, et seuls les plus riches survivent. La pauvreté multidimensionnelle touche 58 % de la population. Comment accepter cela ? »

Mokhtar Ould Daddah : « La santé et l’éducation étaient les piliers de notre projet. Si les ressources sont volées, c’est toute une génération sacrifiée. En 1960, nous avons choisi l’indépendance pour sortir de la dépendance, pas pour recréer de nouvelles chaînes»

Citoyen mauritanien : « Les langues nationales sont marginalisées, les communautés se replient. Le "vivre ensemble" n’est plus qu’un slogan. Les familles éclatent, les divorces explosent, et la violence policière terrifie les quartiers. »

Mokhtar Ould Daddah : « La Mauritanie ne peut exister sans le respect de sa diversité. J’ai toujours cru en un État qui transcende les clivages tribaux et linguistiques. Si les institutions ne protègent pas les plus faibles, elles trahissent leur mission. »

Citoyen mauritanien : « Et l’endettement ? Les dettes étranglent notre économie, tandis que les dirigeants gaspillent l’argent des ressources naturelles. Le pouvoir promet de lutter contre la corruption… mais les arrestations restent sélectives»

Mokhtar Ould Daddah : « Un pays ne se relève que par l’intégrité de ses leaders. Dans mon livre, je rappelais que la Mauritanie ne survivrait qu’en cultivant la vertu collective.  Retrouvez cet esprit de sacrifice, exigez des comptes, et surtout, croyez encore en votre capacité à changer le destin. »

Citoyen mauritanien : « Vos mots résonnent comme un remède à notre désillusion. Mais comment espérer quand le système entier semble verrouillé ? »

Mokhtar Ould Daddah : « L’espoir naît de l’exigence. En 1960, nous étions une poignée à croire en cette nation. Aujourd’hui, c’est à vous d’écrire le prochain chapitre – hors des marécages de la corruption. »

 

Citoyen mauritanien : « L’éducation, autrefois pilier de votre projet, est en lambeaux. Les écoles manquent de professeurs qualifiés, et les classes surchargées n’ont parfois ni eau ni électricité. Le taux d’abandon scolaire dépasse 30%, et l’enseignement professionnel n’offre aucune perspective. Comment en sommes-nous arrivés à sacrifier l’avenir de nos enfants ? »

Mokhtar Ould Daddah : « L’éducation était le socle de notre indépendance. J’avais rêvé d’écoles où les fils de nomades et de pêcheurs apprendraient ensemble. Aujourd’hui, le manque d’investissements – à peine 4,12% du PIB pour la santé et l’éducation combinées – trahit cette promesse. Sans éducation digne, comment bâtir une nation ? »

Citoyen mauritanien : « Les frontières sont devenues des passoires. Narcotrafic, corruption policière… Des gendarmes ont intercepté des cargaisons de psychotropes, mais des milliards d’ouguiyas ont tenté de les faire taire. Comment l’État a-t-il pu perdre le contrôle à ce point ? »

Mokhtar Ould Daddah : « La souveraineté se gagne par l’exemplarité. Quand des fonctionnaires monnayent leur silence ou que des permis de pêche sont vendus au plus offrant, l’État devient complice de sa propre déliquescence. »

Citoyen mauritanien : « Même la justice est à deux vitesses. L’ancien président Mohamed Ould Abdelaziz a été condamné pour corruption, mais combien d’autres échappent aux poursuites ? Les juges rendent des verdicts sous influence, et la violence policière reste impunie. »

Mokhtar Ould Daddah : « Un État qui ne protège pas les faibles légitime l’injustice. Dans Contre vents et marées, je rappelais que la loi devait être un bouclier pour le citoyen, non une arme pour les puissants. »

Citoyen mauritanien : « Les langues nationales sont reléguées aux oubliettes, et les communautés se méfient. Le "vivre ensemble" n’est qu’un leurre pendant que les terres des minorités sont accaparées. »

Mokhtar Ould Daddah : « Notre force résidait dans notre diversité. Marginaliser une langue, c’asphyxier une part de notre âme. La Mauritanie ne sera unie que si chaque communauté se sent respectée. »

Citoyen mauritanien : « L’endettement étrangle l’économie, et les ressources naturelles sont pillées. Le fer, le pétrole… Tout part à l’étranger tandis que 58% de la population vit dans une pauvreté multidimensionnelle. »

Mokhtar Ould Daddah : « Nous avions nationalisé les mines en 1974 pour reprendre notre destin. Aujourd’hui, les contrats opaques et la gabegie appauvrissent le pays. Seule une gestion transparente des richesses brisera ce cycle. »

Citoyen mauritanien : « Face à ce naufrage, que pouvons-nous faire ? »

Mokhtar Ould Daddah : « Exiger des comptes, comme en 1960. L’espoir renaîtra quand chaque Mauritanien refusera de se taire. La jeunesse doit reprendre le flambeau : éduquez-vous, unissez-vous, et imposez une nouvelle éthique au pouvoir. Le changement viendra de ceux qui croient encore en cette Mauritanie que nous avons tant aimée. »

Citoyen mauritanien : « Vous évoquez souvent la jeunesse. Mais comment croire en elle quand les universités sont des mouroirs à espoirs, et que nos diplômés fuient vers l’Europe ? »

Mokhtar Ould Daddah : « La Mauritanie, c’est ce qu’en fera sa jeunesse. » Dans Contre vents et marées, je rappelais que l’éducation devait forger des citoyens, pas des exilés. Si vos dirigeants investissent plus dans les bétonnières que dans les salles de classe, ils trahissent cette mission. »

Citoyen mauritanien : « Vous disiez aussi que la Mauritanie est un trait d’union. Pourtant, les tensions communautaires persistent. Les Haratines et les Négro-Mauritaniens sont peu représentés dans  les instances et les cercles du pouvoir. »

Mokhtar Ould Daddah : « Notre nation est comme un œil : le blanc et le noir lui sont indispensables. En 1957, à Atar, je proclamais que notre richesse résidait dans cette symbiose. Aujourd’hui, ceux qui instrumentalisent les clivages sapent l’âme même de la Mauritanie. »

Citoyen mauritanien : « Mais comment concilier cette vision avec l’arabisation forcée, qui marginalise le soninké, le wolof et le pulaar ? »

Mokhtar Ould Daddah : « Le trait d’union n’efface pas les différences – il les célèbre. J’ai toujours refusé l’uniformisation culturelle. En 1973, je déclarais à Jeune Afrique : Notre État doit transcender les clivages, pas les nier. La vraie unité naît du respect, pas de l’effacement. »

Citoyen mauritanien : « Les jeunes désertent la politique, dégoûtés par le clientélisme. Que leur répondre ? »

Mokhtar Ould Daddah : « Qu’ils relisent mes discours. La patrie se construit par l’exigence et le sacrifice. Nous avons nationalisé les mines pour reprendre notre destin. Aujourd’hui, c’est à eux de nationaliser l’espoir – par l’éducation, le travail, et une intransigeance absolue envers la corruption. »

Citoyen mauritanien : « Et si le pouvoir actuel continue d’ignorer cet héritage ? »

Mokhtar Ould Daddah : « L’histoire jugera. Mais souvenez-vous : une nation ne meurt que lorsque sa jeunesse renonce à la rêver. Tant qu’un Mauritanien luttera pour cette Mauritanie-là, mon combat vivra. »

Citoyen mauritanien : « Vous évoquiez l’esprit de 1960, mais depuis votre renversement en 1978, les régimes militaires se succèdent. Chaque putsch aggrave les fractures. Comment ces régimes ont-ils pu détruire l’héritage des pionniers de l’indépendance ? »

Mokhtar Ould Daddah : « Le premier coup d’État de 1978 a marqué la fin du projet nationaliste. J’avais institué le Parti du Peuple Mauritanien pour unifier, non pour diviser. Les militaires ont instrumentalisé les rivalités tribales, transformant l’État en un butin à partager. Mon rêve d’un pays réconcilié s’est noyé dans les calculs de casernes. »

Citoyen mauritanien : « Pourtant, même votre régime était autoritaire. La Constitution de 1961 interdisait les partis politiques. N’avez-vous pas préparé le terrain pour les dictatures militaires ? »

Mokhtar Ould Daddah : « L’unité était nécessaire face aux défis postcoloniaux. Mais contrairement aux juntes, nous visions l’émancipation collective. Les militaires, eux, ont érigé le tribalisme en système de gouvernance. Sous Ould Taya, les tribus sont devenues des « États dans l’État », marchandant leur soutien au pouvoir. »

Citoyen mauritanien : « En 2005, le Conseil militaire pour la justice et la démocratie promettait des réformes. Résultat : le clientélisme se perpétue . Les putschistes d’hier sont les oligarques d’aujourd’hui. »

Mokhtar Ould Daddah : « Ces régimes militaro-civils ne sont que des masques. En 2003, la tentative de coup d’État contre Ould Taya a révélé la déliquescence d’un système où même les proches du pouvoir conspirent. Leur seule légitimité ? La force brute. »

Citoyen mauritanien : « Les militaires ont sapé l’éducation, la santé… Mais pire encore, ils ont institutionnalisé l’injustice. Les juges rendent des verdicts sous influence, et les réformes ne sont que théâtre…avec des dialogues comme des appâts. »

Mokhtar Ould Daddah : « En 1974, nous avions nationalisé les mines pour reprendre notre destin. Aujourd’hui, les contrats miniers opaques enrichissent une élite militaro-tribale. L’armée, qui devait protéger la nation, l’a mise en coupe réglée. »

Citoyen mauritanien : « Que reste-t-il de votre idée de la Mauritanie comme « trait d’union » ? »

Mokhtar Ould Daddah : « Rien, si ce n’est la mémoire de ce que nous aurions pu être. Mais souvenez-vous : en 1960, nous étions plus pauvres, mais plus fiers. La jeunesse doit reprendre ce flambeau – non par les armes, mais par l’exigence de transparence et le refus de l’humiliation. »

Citoyen mauritanien : « Et si l’armée refuse de lâcher le pouvoir ? »

Mokhtar Ould Daddah : « Alors la Mauritanie sombrera, comme un navire sans boussole. Mais l’histoire est un cycle. Le jour viendra où les fils de ceux qui ont pillé honniront leur héritage – et rebâtiront ce que nos rêves avaient esquissé. »

 

 Alors que les derniers mots résonnaient encore entre les murs effacés de la place, Mokhtar Ould Daddah se retourna lentement, le regard tourné vers un horizon invisible, comme s’il scrutait une Mauritanie que lui seul pouvait encore entrevoir. 

Il ne dit rien de plus. Aucun geste grandiloquent, aucune formule d’adieu. Juste un léger signe de tête, empreint de pudeur et de bienveillance, comme on salue un frère, un peuple, une promesse. Le vent du désert souleva doucement les pans de son habit, lui donnant l’allure d’une silhouette portée par le temps. Puis, dans un silence aussi solennel que celui qui accompagna sa chute en 1978, il s’éloigna avec la même dignité que celle avec laquelle il avait quitté le pouvoir : sans fracas, sans rancune, mais le cœur lourd d’un rêve inachevé. L’homme s’effaça dans la lumière pâle du matin, laissant derrière lui une empreinte faite non d’ambition, mais de mémoire et de fidélité à une idée de la Mauritanie qu’il n’avait jamais cessé d’aimer.

 

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Bien que cette rencontre soit fictive, née de l’imagination pour faire dialoguer le passé avec le présent, tout ce qu’elle évoque est tristement réel. Les douleurs exprimées, les espoirs trahis, les défis lancinants de l’unité, de la justice et du développement, sont ceux que vit encore aujourd’hui la Mauritanie. À travers cette conversation rêvée, c’est une conscience nationale qui s’interroge, se souvient et réclame des comptes. Que cette voix d’outre-mémoire nous rappelle l’exigence de dignité et le sens du devoir. Paix à l’âme de Mokhtar Ould Daddah, père fondateur et témoin inaltérable d’une ambition nationale que nul ne devrait trahir. Lui qui, malgré ses limites, avait rêvé d’une Mauritanie grande, juste et rassemblée.

 

Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.