vendredi 5 septembre 2008

Le second "miracle" de la junte

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La Mauritanie pourra se développer sans le financement extérieur


En ces jours récents où la nausée prend en écoutant les medias officiels mauritaniens, chaque honnête citoyen est forcément écœuré par les déclarations de dizaines d’intellectuels qui défilent à la radio ou sur le petit écran pour défendre l’indéfendable.

Tout en restant convaincu que la respectabilité des idées de tout individu est proportionnelle à la sincérité de ses convictions, on reste cependant sceptique quant à la sincérité de certains. Et parmi eux ceux qui, sur les ondes, défendent, à la suite des pouvoirs publics que la Mauritanie pourra se passer de l’aide publique et privée étrangère et qu’elle se développerait davantage en comptant sur ses propres moyens. Les lignes qui suivent démontreront le plus simplement du monde le contraire en s’appuyant à la fois sur le bon sens...et sur les chiffres.

Et pour la démonstration qui suit nous adopterons une méthode simple ; à savoir qu’au lieu de chercher le montant des flux financiers dont les institutions internationales priveront la Mauritanie pour évaluer son impact sur son développement, nous adoptons une démarche plus pragmatique et moins hasardeuse prêtant moins à conjecture : Quel est le montant des ressources extérieures budgétisées par l’Etat mauritanien pour assurer son investissement et quelle part, ces ressources extérieures, occupent-elles dans ce financement ? Leur impact sera d’autant plus grand que leur part dans ce financement est importante.

I- L’argumentaire du bon sens.

Cet argumentaire se base sur deux volets. Un constat indéniable, qui ne peut souffrir de la preuve contraire, basé sur l'existence d'un «input financier » reçu par l’économie mauritanienne qui a soutenu son développement et qui supporte la présomption irréfragable de la nécessité du financement international pour le pays (a). Une preuve tangible et sans contradiction de la défaillance du raisonnement des tenants de la « Mauritanie en autarcie » à savoir l’ignorance de l’inéluctable service de la dette (b)

a- L’input financier : ce que la Mauritanie ne percevra pas, le poids du déficit

Si la Mauritanie depuis quarante-huit ans d’indépendance bénéficiant de toute l’aide publique et privée internationale, de l’assistance financière gratuite (dons et subventions) et conditionnée (prêt-projets, quasi-dons), de prêts à court (facilités de trésorerie et de paiement), à moyens (d’équipement) et à long termes (d’investissement) d’institution financières internationales (Institutions de Bretton woods), de banques commerciales (publiques et privées) , n’a pu se développer le pourra-t-elle aujourd’hui en comptant sur les recettes propres de son budget ?
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La réponse à cela est claire si l’on comprend que la quasi-totalité des ressources budgétaires de l’Etat Mauritanien sont affectées au financement des charges structurelles de l’Etat ( charges de fonctionnement) et qu’une infime partie est affectée à l’investissement. Cette partie est complétée aux deux-tiers par le financement extérieur.

Pour s’en convaincre, examinons le budget de l’Etat pour l’année 2008.

- Les recettes propres de l’Etat : 207 001 000 000 UM

- Montant des recettes propres de l’Etat affecté aux dépenses d’investissement : 48 757 000 000 UM(hors revenus provenant de la Snim)

- Ressources extérieures affectées à l’investissement : 106 448 130 000 UM

Ce qui signifie que le budget d’investissement de l’Etat (106 448 130 000 + 48 757 000 000) est financé à 68, 58 % sur les ressources extérieures.

Ces ressources provenant du financement international sont composées à:

- 51,1 % de prêts contractés auprès du système financier international soit 54 583 210 000 UM

- 23, 2 % de dons, soit 24 725 130 000 UM

- 25,4 % de quasi-dons, soit 27 139 530 000 UM


Ainsi donc, lorsque le financement extérieur est arrêté ou fortement réduit, l’investissement est compromis de façon durable. Cet investissement ne pouvant se réaliser sur la part des recettes propres de l'Etat qui lui sont affectées. Le poids du service de la dette entravera d'ailleurs cette affectation et aggravera le déficit s'il ne trouve pas des moyens d'un réechelonnement ou de facilitations négociées qui dans l'environnement actuel de sanctions internationales sont fort improbables.

b- L’output financier : ce que la Mauritanie versera, le poids du service de la dette

Ceux qui défendent le point de vue de l’autarcie financière de la Mauritanie ont un raisonnement faussé .

Ils pensent que l’embargo et les sanctions financières internationales ne vont que dans un seul sens : le non versement de l’aide à la Mauritanie. Or, c’est l’autre aspect qui est le plus dramatique, à savoir que même si la Mauritanie ne peut plus recevoir l’aide elle reste sous l’obligation pleine et entière d’honorer son service de la dette, en intérêts et en principal.

La Mauritanie devra donc payer ses dettes contractées sur ses engagements financiers internationaux. Elle devra continuer à honorer son service de la dette à l’égard de toutes les institutions financières internationales publiques et privées.

Aussi ce service de la dette absorbera aussi bien ses recettes propres que toute recette extérieure qu’elle pourra recevoir d’une autre origine internationale (si elle peut exister), non concernée par l’embargo.

Donc le trésor public se videra rapidement et l’Etat n’aura même plus dans ses caisses de quoi assurer son propre fonctionnement.

La fragilité du raisonnement des défenseurs de la Mauritanie «comptant sur elle-même » vient de ce qu’ils ne prennent pas en compte le fait que l’embargo, les restrictions financières internationales, la suspension de l’aide internationale n’exonèrent pas la Mauritanie de continuer à honorer ses engagements financiers (services de la dette) à l’égard de ses bailleurs de fonds.

Solution ultime penseraient alors ces défenseurs de l’indéfendable : la Mauritanie pourra alors choisir de renoncer à honorer son service de la dette.

Solution pire encore car tous les engagements financiers internationaux sont sous-tendus par des conditionnalités d’emprunts strictes assorties d’échéancier dont le dépassement entraine automatiquement les pénalités financières inhérentes à tout contrat de prêt financier. L’accumulation de ces pénalités peut lourdement aggraver le poids de la dette et mettre à moyen terme le pays dans une impasse financière qui peut même lui faire perdre sa souveraineté.

Pour bien illustrer cela voici comment se présente le service de la dette que devait assurer la Mauritanie au titre de l’année 2008

Service de la dette annuel pour la loi de finances 2008 est de :

- 12 300 000 000 UM pour couvrir les intérêts de la dette extérieure (8 100 000 000 UM) et de la dette intérieure (4 200 000 000 UM)
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- 8 900 000 000 UM pour l’amortissement de la dette extérieure.

La Mauritanie devra annuellement souscrire à son service de la dette. C’est autant dire qu’en cas d’absence de financement extérieur, elle devra soit contracter d’autres prêts (ce qui lui sera certainement restreint) ou de puiser sur les ressources propres de l’Etat, ce qui aggravera dramatiquement le déficit budgétaire et compromettra même les engagements interne de l’Etat Notamment le financement du budget de fonctionnement (paiement des fonctionnaires, équipement des administrations etc.)

II- l’impact de l’embargo sur l’économie mauritanienne : l’arrêt des projets de développement

Il ne fait aucun doute que les sanctions financières prises contre la Mauritanie vont avoir un impact très grave, sur le développement en Mauritanie. Pour démontrer cela examinons les moyens financiers internationaux affectés dans le budget consolidé d’investissement au financement de l’ensemble des projets publics en Mauritanie. C'est-à-dire à tout l’effort de développement dans tous les secteurs économiques.

En 2008, tout l’investissement de développement dans tous les secteurs de l’économie mauritanienne concernait 219 projets qui sont financés à concurrence de 159 994 694 000 d’UM (contribution Snim inclue). Sur ce montant 106 448 130 000 proviennent des ressources extérieures, soit 66,53 % : les deux tiers du financement !
Sans la contribution SNIM (3 861 000 000) et un montant provenant d'autres ressources nationales autres que budgétaires (928 560 000), le financement extérieur atteindrait 68, 58 % !

Cela signifie clairement que sans les ressources financières extérieures, il ne peut y avoir d’investissement et c’est l’arrêt complet du développement. Deux explications à cela :

- la contribution budgétaire (provenant des ressources propres de l’Etat) dans les projets est souvent complémentaire aux ressources finançant le projet. Le projet ne peut donc être viable financièrement et réalisable. Seuls quelques projets intégralement financés sur les ressources propres de l’Etat pourront continuer, toutefois ils seront vite compromis pour la raison ci-dessous.

- Les ressources affectées aux projets seront inévitablement reversées au budget général pour faire face au déficit du budget de fonctionnement (charges de fonctionnement et service de la dette) qui ne manquera pas d’apparaître suite à l’arrêt du financement international.
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On voit donc que le prochain budget de l’Etat pour 2009 ne pourra même pas être reconduit à l’identique de celui de 2008 et que sans le financement extérieur, il ne trouvera ni ses moyens ni son équilibre avec ce que cela aura comme conséquences sur l’avenir du pays.
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En conclusion, et au delà de cette obscure conjoncture, ce qui préoccupe le plus c’est moins une situation financière internationale du pays qui, nous l’espérons, pourra se résoudre si une solution à la rupture de la légalité sanctionnée par la communauté internationale, est trouvée. Ce qui préoccupe davantage c’est quand ceux qui devraient représenter une certaine morale sociale, les intellectuels, la perde en induisant sciemment un peuple en erreur. Pour ceux-là aucune solution ne peut être trouvée.
Il n y a pire traitrise que celle de l’intelligence.
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Pr ELY Mustapha

6 commentaires:

  1. Pr Ely, je t'admire.Un vrai regal un cours magistral. La preuve que nous vivons dans un pays de merde c'est que des gens comme toi s'exilent, alors que des Rapetous comme mouhcine ould elhaj cheikhna O.nenni, mohamed vall ould youssouf sont là à faire la pluie et le beau temps. Y en a marre des cerveaux de moineaux et de la marginalisation systematique de la veritable matiere grise de la Mauritanie! battons nous pour une Mauritanie autre que celle de junte et de sa crapulocratie.

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  2. Un coup d’état en préparation : Le « général» ould Abdel Aziz se prépare à fuir la Mauritanie

    Après l'échec des mascarades de marches de soutien au haut conseil d'état putchiste devant la détermination de plus en plus féroce des mauritaniens et de la communauté internationale à refuser l'usurpation du pourvoir par la force ; après les récentes condamnations des militaires putchistes par le parlement européen malgré les acrobaties de Isler Beguin l’ex-Juliette du nouveau ministre Mohamed Lemine ould Dadde ex- président- retenez vous bien- de Conscience et Résistance l’ex- très radicale devenue très banale organisation ; après les condamnations toutes récentes de l’UA de la ligue Arabe des nations unies et le département d'état américain , des indices concordants confirment que des bruits de bottes s’élèvent dans les casernes pour dénoncer le coup d’état du 6 août et mené un contre coup d’état. Des militaires en service font confidence que Ould Abdel Aziz est sur le point de fuir Nouakchott vers le Maroc. La (DGEG) direction générale des études et de la documentation (contre espionnage marocain) dont le directeur M Mansouri habite à Nouakchott depuis le 6 août est en train de mettre en place un plan d’évacuation. A la place du « general » Ould Abdel Aziz le Haut conseil d'état sera dirigé par le général Ould Ghazouani qui va restaurer l'ordre constitutionnel en ramenant le président Sidi qui va s’adresser à la nation et décréter une amnistie générale mais il semble que le président Sidi après sa longue captivité ne veuille plus rester président sauf à l’issue des nouvelles élections présidentielles anticipées où il gagnera ou perdra.

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  3. Merci Prof pour ces éclaircissements que d’aucuns tenteront et continueront à contredire contre vents et marrées, humiliés par la grossièreté de leur mensonges, sans aucuns scrupules, sans vergogne, ils continueront de défendre l’indéfendable. Aveuglés par un opportunisme qui a perverti et prostitué leur connaissance et leur conscience. Ce proxénète de la conscience à encore de beaux jours devant lui en RIM.
    Tant que la catégorie socioculturelle la plus élevée de notre nation continuera de souiller notre administration et la conscience collective en diffusant des obscénités et des absurdités, il y aura vraiment peu d’espoir, c’est malheureux à dire, que la RIM prenne le pas dans le concert des grandes nations.
    Un peuple meurtri par tant d’années de mauvaise gestion, de corruption de pillage de ressources, incultes et indigents, qui ne sait pas si demain il pourra garantir du pain à ses enfants, ne pourra se substituer au rôle de cette frange de la société sur laquelle l’avenir de la nation repose.

    Encore une fois Bravo ! Je suis servie, c’était appétissant !
    Bien à toi.

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  4. Merci cher Pr ELY Mustapha pour les analyses notamment économiques sur la sitituation de notre pays en proie à une situation de non droit depuis un mois.
    Je rappelle cette phrase de cet excellent blog qui résume la situation d'aujourd'hui et de demain des populations:
    "sans les ressources financières extérieures, il ne peut y avoir d’investissement et c’est l’arrêt complet du développement".
    C'est extrêmement grave et les responsables, tous les responsables politiques, doivent assumer devant l'histoire les conséquences de la crise.
    Je rappelle à mon humble niveau de praticien de la santé que parmi ces conséquences il y aura mort d'enfants et de mères en état de grossesse. C'est ce qu'on appelle en chiffres bruts, l'augmentation de la mortalité infantile et maternelle.
    Au delà des chiffres qui ne sont que des chiffres, je vous assure qu'il y a des tragédies pour ceux qui ont approché ces sujets...
    Je suis triste qu'il y aura des morts d'enfants et de femmes rien que parce que certains officiers de notre armée nationale ont été démis de leurs fonctions de commandement...
    C'est terrible mais c'est ce que cache la réalité et que vous n'entendrez probablement jamais...
    En politique chez nous, on est sérieux, on ne parle pas des enfants et des femmes...

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  5. Cher Prof!

    Je me lève ici contre une imposture: celle qui est en train de faire du 03 août un point de départ, une date qui symbolise un esprit, une idée de quoi que ce soit d'autre que celle du pousse toi que je m'y mette et laisse tomber la camalotte que je la prenne;
    Le 03 août est loin d'être un esprit de révolte contre un mode de gestion et une manière de faire incorrecte qui aurait causé une action d'hommes intègres qui veulent oeuvrer à un changement radical.
    Le 03 août est au mieux une révolution de palais pour sauver un système en perdition, au pire une "réaction", tout comme le 06 août, à la décision de Ould Taya d'envoyer des officiers riches et habitués aux orgies et autres soirées fermées et très arrosées s'exposer aux lancinants vents du désert du côté de Lemgaïti, un coin au milieu de nulle part où la folie de Maaouya lui avait fait croire qu'il pouvait chasser les trafiquants de drogue, d'armes et de cigarettes à l'aide des gros bonnet de l'armée qui leur servent de couverture.

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  6. Que nous reste-t-il nous autres, petits citoyens, parias des systèmes corrompus et clientélistes depuis trois décennies? Ce peuple arrivera t il a se réveiller un jour? Reste-t-il un peu de conscience à notre « élite intellectuelle » pour sauver ce qui le peut encore? Quand est ce que arrêterons-nous d'applaudir et penser juste un instant? Juste un moment pour la mauritanie.Donner un infime espoir aux générations montantes ? Ou est le patriotisme dans tout cela? Patriotes recherchés pour un pays au bout du gouffre.

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Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.