Je sais.... je sais... vous vous êtes précipité sur cet article pour des raison inavouables:
- soit vous avez été un ancien malade mal soigné ou en cours de l'être (ce qui n'est pas exceptionnel au pays) ,
- soit un rescapé d'une compresse médicale oubliée dans votre abdomen par un chirurgien qui soit ne l'est pas ou soit qui l'est (ou le fut) mais déontologiquement distrait,
- soit victime d'une faute médicale dont vous ignorez l'existence,
- soit foudroyé par un médicament falsifié prescrit par un praticien qui ne le savait pas (ou ne veut pas le savoir) ou par un infirmier-médecin;
- soit vous êtes un praticien médical qui a quelque chose à se reprocher du côté des honoraires;
- soit un témoin de mauvaise pratique médicale et hospitalière en Mauritanie qui se tait par piété (Dieu est grand) soit par cousinage interposé;
- soit un "médecin" qui par son parcours et ses "diplômes" ne devait pas l'être;
- soit un "professeur en médecine" qui a trop vite gravi les échelons et qui n'en revient pas ;
- soit un spécialiste qui ne sait comment il en est venu à cette spécialité médicale;
- soit un médecin qui s'arrache les cheveux dans une structure hospitalière public qui le prive de tous ses moyens et en fait la risée des patients;
- soit un praticien qui surfe sur l'ignorance médicale de ses patients et des indigents;
- soit un membre d'un lobby médical qui se serre les coudes pour entretenir l'impunité dans la pratique médicale,
- soit un praticien médical qui fut diplômé au temps des pharaons et qui depuis n'a jamais mis à jour ses connaissances, ni suivi des mises à jour de sa discipline et qui vous soigne comme le ferait un guérisseur baoulé, ;
- soit un étudiant en médecine qui se pose, au vu de la pratique médicale actuelle, du chômage médical programmé, des questions sur l'avenir de la médecine en Mauritanie,
- soit un ancien évacué de la CNAM (par droits ou par pistons) et qui sait, sans l'avouer pourquoi il n'a pas été ou n'a pas voulu se soigner en Mauritanie,
- soit un membre d'un ancien ou d'un actuel gouvernement qui a préféré se soigner à l'étranger parce qu'il "a beaucoup d'estime et de confiance pour la compétence" des médecins et des soignants de son pays et de la salubrité notoire de ses structures hospitalières..
…. Mais dans tous les cas ...rassurez-vous la réponse est courte : Non, la médecine ne “tue” pas par essence en Mauritanie....enfin, si vous ne mourrez pas tout seul, sans consulter.
La réponse est donc aussi brève que possible (à l'image de certaines
consultations médicales) : la médecine
ne “tue” pas, par essence, en Mauritanie, mais des défaillances
systémiques bien documentées , pénuries,
files interminables, absences de soignants, bâtiments qui grincent comme des
genoux arthrosiques , exposent les
patients à des risques évitables et à des pertes inacceptables, ce que
confirment les dernières enquêtes nationales de perception et les documents
stratégiques du secteur.
Commençons par l’aveu qui fâche et qui soigne en même temps: neuf familles sur dix déclarent avoir manqué de médicaments ou de soins au moins une fois l’an dernier, pendant que l’attente ressemble souvent à un marathon sans médaille, la pharmacie à un désert sans oasis et le couloir à une piste d’athlétisme où le dossier médical arrive toujours dernier, autant de symptômes d’un système qui a plus besoin de physiothérapie managériale que d’antalgiques verbaux.
Mouche sur le stéthoscope: près d’un usager sur trois dit avoir dû “huiler” la
machine avant de passer en consultation, façon subtile de dire que la
gouvernance de la qualité a visiblement besoin d’un détartrage complet, du hall
d’accueil au bureau des admissions.
Sur l’ordonnance nationale, la Politique de Santé 2030 décrit un tableau clinique sérieux , maladies infectieuses persistantes, maladies non transmissibles en hausse, mortalité maternelle historiquement élevée, et prescrit sans détour des traitements de fond: normes, protocoles, supervision, coordination, à prendre matin et soir sans interruption et avec un grand verre de volonté politique.
Le même texte, impeccable dans sa lucidité, note que l’hôpital public et le
privé se chamaillent parfois le patient comme deux taxis à l’aéroport, pendant
que l’hygiène hospitalière, la maintenance biomédicale et la référence/contre‑référence
toussent encore en salle d’attente, preuve qu’il ne suffit pas d’avoir une
ordonnance; il faut la suivre.
Côté droit et pilule, le législateur a pourtant mis des gants: la loi n°2004‑036 encadrant médicaments et dispositifs médicaux, impose qualité, innocuité, efficacité, enregistrement et retrait si danger, autrement dit le rappel produit version santé publique, avec logo “zéro compromis” sur la sécurité pharmaceutique.
L’ordonnance n°2005‑006 déploie l’assurance maladie avec contrôle médical:
médecins‑conseils autorisés à ouvrir le capot des dossiers, injecter des
audits, vérifier prescriptions et prestations, et prescrire des cures anti‑abus,
ce qui est moins spectaculaire qu’une greffe de cornée mais terriblement
efficace pour la santé du portefeuille et du patient.
Même la télémédecine a son code vestimentaire: décret n°2023‑118, badge obligatoire, actes réservés aux praticiens autorisés, domaines balisés et traçabilité recommandée par tous les nutritionnistes de la sécurité sanitaire, bref pas de consultation à la sauvette en pyjama numérique…ou boubou amidonné.
Et côté régulation des blouses, l’Ordre des médecins chirurgiens‑dentistes
(décret n°2019‑076) sait sortir le carton jaune, voire le rouge, avec
conciliation des plaintes, échelle de sanctions allant jusqu’à l’interdiction
définitive d’exercer, rappelant que l’empathie n’exclut pas la discipline quand
l’éthique a des caries.
Alors, où ça coince docteur? Dans la mise en œuvre,
comme souvent: normes incomplètes, supervision intermittente, privé pas
toujours régulé, coordination essoufflée et textes appliqués à dose
homéopathique, ce qui transforme une ordonnance robuste en posologie
symbolique.
Et le patient‑citoyen, lui, voit des files, des ruptures, des absences et des
murs, d’où une confiance qui descend plus vite qu’une tension artérielle après
un bon bêta‑bloquant.
La guérison, elle, a un protocole clair et sans placebo: appliquer strictement la loi n°2004‑036 pour sécuriser la chaîne du médicament, activer le contrôle médical de l’assurance maladie pour auditer prescriptions et parcours, et bannir la “médecine approximative” des factures comme des ordonnances.
S’assurer que la télémédecine n’est pas un western spaghetti: authentifier les
praticiens, tracer les actes, respecter les domaines, et considérer chaque téléconsultation
comme un acte médical à part entière, pas comme un live improvisé sur une
messagerie
Côté blouses blanches, ressortir le thermomètre ordinal: instruire les plaintes dans les délais, publier les décisions, appliquer toute l’échelle des sanctions prévue par le décret n°2019‑076, et rappeler que le col blanc sied mieux quand il est propre et conforme.
Et parce qu’un système de santé ne se réforme pas avec des slogans, dérouler la
PNS 2030 comme un protocole opératoire: standardiser, superviser, réguler,
évaluer, corriger, puis recommencer, jusqu’à ce que le patient perçoive la
différence sans qu’on lui fasse un dessin.
Mon verdict: la médecine ne tue pas, mais l’inaction oui, et elle le fait sans ordonnance, sans consentement éclairé et sans suivi post‑opératoire, ce que confirment à la fois les perceptions nationales et les diagnostics officiels du secteur.
Le remède tient en quatre mots prosaïques mais vitaux: appliquer ce qui existe ,
médicaments, assurance maladie,
télémédecine, discipline, et le faire
voir, tracer et mesurer, afin que la promesse de qualité et de sécurité cesse
d’être un slogan d’affiche et devienne la routine quotidienne du soin, du
dispensaire à l’hôpital.
Pr ELY Mustapha