Face aux bouleversements actuels et à venir suite à la transformation de l'Ordre économique mondial et l'activisme hégémonique économique américain, l'économie mauritanienne, qui traverse actuellement une période charnière , nécessite une vigilance accrue et des actions coordonnées de la part des autorités. L'analyse de la situation révèle plusieurs zones de risque critique qui, si elles ne sont pas adressées rapidement, pourraient compromettre la stabilité économique du pays dans les années à venir. Cette approche présente une évaluation des principaux risques identifiés et propose de recommandations stratégiques pour y faire face.
La première alerte majeure concerne l'instabilité monétaire et l'inflation. Les projections du FMI, qui anticipent un taux d'inflation supérieur à 4,0% pour 2025, constituent un signal d'alarme significatif. Bien que l'inflation se soit temporairement stabilisée à 2,5% en octobre 2024, cette accalmie pourrait être de courte durée. La vulnérabilité de l'économie mauritanienne aux fluctuations des prix internationaux et aux tensions commerciales est particulièrement préoccupante, avec une dépendance critique aux importations : 35% pour le pétrole et 23% pour les produits alimentaires. Cette exposition aux marchés internationaux, combinée aux politiques protectionnistes américaines, crée un risque substantiel d'augmentation soudaine des coûts d'importation et de perturbations dans les chaînes d'approvisionnement.
Le secteur agricole, qui représente 23% du PIB, constitue le deuxième point de vulnérabilité majeur. Ce secteur fait face à une double menace : d'une part, sa sensibilité aux aléas climatiques qui s'intensifient avec le changement climatique, et d'autre part, sa dépendance aux marchés internationaux pour les intrants agricoles. Cette situation requiert une attention particulière et des investissements significatifs dans les systèmes d'irrigation résilients, ainsi que dans la constitution de réserves stratégiques de denrées alimentaires. La diversification des sources d'approvisionnement en intrants agricoles et le renforcement des capacités de stockage deviennent des priorités absolues.
Le projet gazier GTA représente le troisième point d'alerte critique. Les projections optimistes de croissance du PIB de 14,3% en 2025 reposent largement sur le succès de ce projet, mais plusieurs menaces pèsent sur sa réalisation. Les tensions commerciales internationales pourraient retarder l'accès aux technologies américaines essentielles au développement du projet. La volatilité des prix du gaz sur les marchés internationaux et la dépendance excessive aux équipements importés créent également des incertitudes significatives sur la rentabilité et la viabilité à long terme du projet.
Les déséquilibres macroéconomiques émergents constituent la quatrième source de préoccupation majeure. Le déficit courant, déjà important à -7,0% du PIB en 2023, risque de se détériorer davantage sous l'effet combiné de plusieurs facteurs : la hausse potentielle des coûts d'importation, les incertitudes entourant les revenus d'exportation du gaz, et la volatilité persistante des prix des matières premières sur les marchés internationaux.
Enfin, les vulnérabilités financières et budgétaires représentent le cinquième axe de risque critique. La stabilité financière du pays est menacée par les besoins croissants de financement du développement, la volatilité des recettes extractives, et les pressions potentielles sur la dette publique en cas de chocs externes. Cette situation nécessite une gestion prudente des finances publiques et le développement de mécanismes de résilience financière.
Face à ces risques, plusieurs mesures urgentes s'imposent. Dans le domaine monétaire et financier, le renforcement des réserves de change et la mise en place d'un système de surveillance des prix plus efficace sont prioritaires. Le développement d'instruments de couverture contre les risques de change permettrait également de réduire la vulnérabilité aux fluctuations monétaires.
Les réformes structurelles doivent s'accélérer, notamment la diversification économique hors secteur extractif et la modernisation des infrastructures agricoles. Le développement des capacités de transformation locale constitue un axe majeur pour réduire la dépendance aux importations et créer de la valeur ajoutée locale.
La résilience commerciale doit être renforcée à travers l'activation accélérée des mécanismes de la ZLECAF et la diversification des partenariats commerciaux internationaux. Le développement des capacités logistiques nationales est également crucial pour optimiser les flux commerciaux.
Pour garantir l'efficacité de ces mesures, un système de suivi rigoureux doit être mis en place. Suivre les indicateurs critiques tels que le taux d'inflation par secteur, le niveau des réserves de change, et les prix des denrées alimentaires de base. Ce système devrait être complété par un mécanisme d'alerte précoce intégrant la surveillance des marchés internationaux, le suivi des tensions commerciales, et l'évaluation continue de la sécurité alimentaire.
En définitive, l'économie mauritanienne se trouve à un tournant décisif qui nécessite une action coordonnée et déterminée des autorités. La réussite de la transition économique et la maîtrise de l'inflation dépendront de la capacité à mettre en œuvre rapidement les réformes structurelles nécessaires, à diversifier efficacement l'économie, et à renforcer la résilience aux chocs externes tout en maintenant la stabilité macroéconomique. Les défis actuels, bien que considérables, représentent également une opportunité de transformation profonde de l'économie mauritanienne vers un modèle plus résilient et durable. La clé du succès résidera dans la rapidité et la cohérence des actions entreprises, ainsi que dans la capacité à maintenir le cap des réformes malgré les turbulences du contexte international.
Pr ELY Mustapha
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Bienvenue,
postez des messages respectueux des droits et de la dignité des autres. Ne donnez d'information que certaine, dans le cas contraire, s'abstenir est un devoir.
Pr ELY Mustapha