lundi 17 août 2020

Peuple de l’au-delà : religion de vie, religion de mort. Par Pr ELY Mustapha

 

"Je suis d'abord allé à l'école coranique, je n'aimais pas la religion, en fait je l'ai détestée, en particulier quand on nous frappait avec une règle sur la plante des pieds pour nous faire apprendre le Coran, par cœur. À l'école française, la maîtresse était comme une seconde mère pour nous. Celle que j'ai eue était extraordinaire. Elle savait comment nous intéresser. Elle nous donnait envie d'aller à l'école"

                                                          Kateb Yacine


Le Mauritanien est tout tourné vers la mort. L’image qui lui est inculquée de sa religion est une image de mort. Pas une image de vie. Tout son projet d’existence est désormais …d’échapper à l’enfer.

 L’enseignement de la religion est entièrement basé sur une espèce de « pédagogie » du châtiment. L’enfant dès son âge recevant les fouets du maître coranique a déjà ressenti dans sa peau les effluves de l’enfer. Puis suit une pédagogie de la terreur de la mort. L’esprit est formé à cette terrible crainte du châtiment des enfers, où, accompagné du Diable, il sera rôti de mille et une façons. 

 Mieux encore, et pour le faire encore souffrir sans attendre, nos « pédagogues » des tablettes coraniques, brandissent les châtiments qu’il subira dès qu’il aura un pied dans la tombe.  La tombe est elle-même avant le jugement dernier l’antichambre des souffrances. Il y subira toutes sortes de torture et autres supplices comme avant-goût de ce qui l’attend.

 L’esprit est ainsi formaté aux flammes de l’enfer et la psychologie du mauritanien en prend un tel coup qu’il ne pensera plus qu’à son salut. Aussi, toute sa vie durant, il ne verra dans la religion que le moyen d’aller au paradis. D’échapper à l’enfer et au supplice de la tombe. Voilà tout son projet de vie. Son action est toute tendue vers l’au-delà. Il en résulte que la vie est, pour lui, secondaire et ne mérite pas qu’on s’y attarde car elle est éphémère et ne vaut pas la peine qu’on se scarifie pour elle. C’est plutôt à la mort qu’il faut penser et non pas à la vie.

 

Le Mauritanien a été imbu d’une religion de la mort et non d’une religion de la vie.

 

Un peuple fataliste

 

Ceci explique, son esprit déterministe, son mode de vie résigné, son comportement soumis et surtout son fatalisme qui fait qu’il ne peut devenir un être social, au sens moderne du terme.

Ce fatalisme, faisant qu’il ramène toute sa misère et l’injustice qu’il subit des hommes à Dieu. Ne réclame justice que de Dieu et mieux encore, on lui apprit que plus il tait ses souffrances et les confie à Dieu, et plus sa récompense dans l’au-delà n’en sera que meilleure. Alors mieux vaut être souffre-douleurs que réclamer justice. Car ceux qui l’on volé, mutilé, iront en enfer et lui …au paradis.

 Tous les dictateurs qui se sont succédés à la tête de l’Etat mauritanien exploitent très bien ce fatalisme du mauritanien qui fait que sa structure mentale, déformée par le fatalisme religieux, en fait un être, qui ramenant tout à Dieu, se soucie peu de défendre ses intérêts en réclamant justice. Il ne croit pas aux instituions, ni à l’Etat, son seul vis-à-vis c’est Dieu et lui seulement.


Le Mauritanien est tout tendu vers l’au-delà. Mieux encore, il « aime » l’au-delà puisqu’il y trouvera le repos éternel.

 

La vision de société, telle qu’on le lui a inculqué est aux antipodes de celle du « contrat social ». Celle où tous les citoyens sont liés par un pacte d’agir ensemble pour le bien commun ici-bas et qui met le citoyen face à ses responsabilités et dont la conséquence est que son châtiment, tout comme sa récompense, viendra de cette société et de nulle part ailleurs. Faisant de lui un être social, un être pour lequel, la vie c’est d’abord, le bonheur de bien vivre et de s’épanouir en société. Une philosophie de vie, plutôt qu’une cogitation de mort vivant en attente de sa disparition.

Pourtant un tel pacte est prévu par l’islam puisqu’il montre à l’homme tous les richesses naturelles qu’il a mises sur terre et l’invite à vivre dans le bonheur et la jouissance.

 Allah a dit : " Et recherche à travers ce qu'Allah t'a donné, la Demeure dernière. Et n'oublie pas ta part en cette vie. " (Sourate Al Qasas, verset 77) ; "

 « Dis : "Qui a interdit la parure d'Allah, qu'Il a produite pour Ses serviteurs, ainsi que les bonnes nourritures ? " Dis : "Elles sont destinées à ceux qui ont la foi, dans cette vie, et exclusivement à eux au Jour de la Résurrection." (Sourate Al A'raf, verset 32).

 « Et les bestiaux, Il les a créés pour vous ; vous en retirez des [vêtements] chauds ainsi que d'autres profits. Et vous en mangez aussi. Ils vous paraissent beaux quand vous les ramenez, le soir, et aussi le matin quand vous les lâchez pour le pâturage. " (Sourate An-Nahl, versets 5-6)

  Et le Prophète PSL a dit : " Font partie du bonheur du fils d'Adam : la femme vertueuse, la bonne demeure et la bonne monture "

 

Et des centaines de versets et de hadiths qui incitent le musulman à vivre une vie apaisée de joie et de gaieté. Une vie de bonheur par laquelle, il rend une image ostensible de grâce à l’être suprême qui lui a tout donné pour être heureux.

 

« Dieu est beau et aime la beauté », expliquant ce hadith du prophète, rapporté par Muslim, Ibn Qayyîm al-jawziya explique : « ce hadith englobe la beauté vestimentaire, sujet du hadith en question, mais englobe aussi, vu la portée générale du propos, la beauté de toute chose. ». La beauté, le fait d’être bien apprêté est, pour l’homme, un une façon de remercier Allah « pour Ses bienfaits ».

Abû al Ahwas Al Juchamî rapporta que le prophète l’ayant vu habillé en haillons lui dit : Possèdes-tu quelque bien ? Il répondit : Oui. Le prophète lui demanda : Quel type de bien ? Il lui répondit : Toutes les sortes de biens dont Allah m’a fait don, chameaux, ovins….

Le Prophète PSL lui dit alors: Fais donc en sorte que les effets des bienfaits et de la grâce d’Allah apparaissent sur toi. » (Hadith cité par Ahmad, Abû Dâwoud, at-Tirmidhî et an-Nassâ-î)

 

 Tout dans la religion tend vers la beauté de l’être et la grandeur d’âme. Des versets entiers sont consacrés, à la place du beau du sublime et du merveilleux dans la vie du croyant.

Et pourtant cet aspect de l’Islam en tant que religion de vie, est passé sous silence pour accentuer ses aspects mortifères, de sanction, de châtiment et de mort.

Cette « pédagogie » de l’enseignement de la religion qui est conçue comme un arsenal de mesures terrifiantes toutes orientée vers la souffrance et le châtiment marque l’inconscient du Mauritanien, et lui dicte un comportement d’un être qui vit…dans l’au-delà.

L’on comprend son attachement à ces marabouts, qui dès le jeune âge ont formaté, par la violence de leur « pédagogie », son esprit et y ont introduit, la peur, la crainte et le fatalisme. Ils ont annihilé, par le fouet, toute capacité de raisonner sur ce qu’il apprend et sur ce qu’on lui inculque. Ils ont inhibé cette force de vie en la remplaçant par la faiblesse de l’esprit.  Et dans son élan de terreur vis-à-vis de ce qui pourrait l’attendre dans l’Au-delà, il les prend souvent malgré l’interdiction d’Allah, comme intercesseurs auprès de lui, s’imbibant même de leurs crachats pour s’attirer une baraka que celle Dieu peut donner.

 

Une religion de vie


L’enseignement de la religion dans notre pays se doit d’être entièrement revu. Tant dans la formation de ceux qui l’enseignent que dans la pédagogie d’enseignement à adopter. Et cela dès les premières années de l’enseignement religieux. Il faudrait que la violence qui caractérise cet enseignement disparaisse et notamment dans les écoles coraniques traditionnelles.

Il faudrait que l’enseignement de la religion se fasse suivant des pédagogies modernes dans les écoles et surtout que les méthodes adoptées pour cet enseignement en fassent, un savoir de vie et non un savoir de mort.

Il faut que l’enfant, apprenant, perçoive dans sa religion un culte d’amour et de beauté. Une confession d’espoir, d’attachement aux grandes valeurs d’humanité et de grandeur qui font l’être humain et que rapporte l’Islam dans toute sa dimension spirituelle et historique. Il faut que l’enfant sente dans sa religion l’autre, son prochain, à l’égard duquel il doit affection et soutien car ce sont ceux-là les véritables voies de son salut.  

Le Prophète Mohamed PSL n’a-t-il pas dit : « لن يؤمن أحدكم حتى يحب لأخيه ما يحب لنفسه » « Aucun de vous ne croira jusqu'à ce qu'il aime pour son frère ce qu'il aime pour lui-même » ? (Rapporté par El Boukhari et Muslim)

Les jurisconsultes musulmans (Abou Daoud essajessstani, El Fechni ; El Jardani…) s’accordent à dire que ce hadith est l'une des règles fondamentales de l’Islam.

 

 Et que cet enfant, adolescent puis adulte aille à la prière, non dans une quête du paradis mais dans celle de l’adoration d’un Dieu devant lequel il peut se prosterner sans craintes et sans reproches pour ses actes accomplis dans cette vie. Une vie dans laquelle, il a semé amour, beauté et fraternité à travers cette « compassion » qui tira des larmes des yeux du prophète PSL. Et qui fera que Dieu, dans sa miséricorde accordera aussi sa compassion.

Il faudrait alors que cet enfant-là devenu adulte ait été formé à une religion de la beauté, du savoir, et de la compassion à travers une pédagogie enseignant les saintes paroles suscitant l’émerveillement et le grandiose, loin de la coercition et de la contrainte, transmettant ainsi une spiritualité de vie, embellissant l’existence. Et si toute fin se devait d’être évoquée, elle ne sera alors que le début d’un merveilleux, un paradis, une continuité dans l’au-delà de ce qui fut   beau et attachant ici-bas. Une pédagogie d’une religion de lumière.

C’est ainsi que devrait se concevoir la voie par laquelle une religion de vie s’enseigne, sans violence, intègre l’esprit et forge des hommes et des femmes qui œuvreront pour leur vie sachant bien que c’est à travers leurs actes ici-bas qu’ils gagneront la béatitude dans l’au-delà.

De cette religion de vie, ils tireront l’espérance et la tolérance, la richesse matérielle et humaine. Une religion intégrant la dimension de leurs espoirs. Divinement humaine. Humainement divine.

En somme, des musulmans acquis à une religion de vie et qui ne craignent plus la mort, puisqu’elle ne sera plus que le couronnement d’une vie vécue dans la félicité d’une religion du bonheur. Ici-bas et… au-delà.

 

La religion de vie épanouie les peuples, la religion de mort, les éteint. Et un peuple vivant dans l’au-delà, sans destin ici-bas, ne se gouverne pas.

 

Pr ELY Mustapha

 

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Poésie de la douleur.