dimanche 16 août 2020

Khadijetou Sow, le crime en col blanc. Par Pr ELY Mustapha

 

Khadijetou Sow, c’est l’innocence que l’on tue dans ce pays, ce sont ces âmes que l’on vole. C’est cette dignité que l’on viole et qu’une justice de circonstance ne pourra rendre, tant les criminels de ce crime crapuleux sont insaisissables.

 

Pendant qu’ils règlent leurs comptes au sommet de l’Etat, sur le terrain des milliards saisis et des fortunes confisquées, ceux qui ont tué cette jeune fille sont justement en train de montrer au monde, que ce qui devait servir comme moyen pour pallier la misère, éduquer et créer des emplois dans la désespérance, fut volé, violé, saisit, accaparé et mis à sac.

 

Ce qui dans les luttes intestines de nos dirigeants transparaît, aujourd’hui, c’est qu’ils ont confisqué les moyens de tout un peuple. Affaiblissant, réduisant à l’indigence, des êtres et des familles entières. Les exposant au risque, au besoin, à l’insécurité et à la mort.

 

Khadijetou Sow est de ces êtres-là, et le bourreau qui croisa le chemin de cette jeune fille sans défense, n’est que la bête immonde qu’ils ont fabriquée. Comme ils fabriquèrent des centaines, des milliers d’autres.

 

Une jeunesse privée de tout, jetée dans l’ignorance, la drogue et la misère. Une jeunesse, qui a sombré dans le désespoir assassin. Un désespoir que les tenanciers de cet Etat, qui a défaut de le traiter par la redistribution des richesses, l font de la répression les moyens privilégiés de solution de ce désespoir devenu sanguinaire.

 

Des criminels en col blanc.

 

Une criminalité dont les auteurs sont invisibles car ce sont des criminels en col blanc, au gouvernement, dans la police et dans la justice. Les premiers volant et détournant, les seconds sévissant et réprimant, les derniers jugeant et condamnant. Et tous fonctionnent à l’énergie de la corruption.

 

Ceux qui reçoivent la peine, ce sont ces auteurs visibles des crimes, bourreaux, qu’ils ont forgés à la misère, l’ignorance et le désespoir et qu’ils envoient en jugement et au peloton d’exécution.

 

Lorsque le bourreau sera fusillé conformément aux dispositions du Code Pénal. Et au moment où le peloton d’exécution déchargera sur lui ses munitions, il s’effondrera… Mais le médecin légiste qui se penchera sur lui pour constater sa mort ne pourra pas constater que les vrais criminels sont toujours vivants et que celui que l’on vient de fusiller n’était autre qu’un bourreau. Leur créature.

 

Ceux qui ont tué Khadijetou Sow, sont nombreux, courent toujours et n’ont jamais été inquiétés. Et probablement, ne le seront-ils jamais et jamais justice ne sera rendue.

 

Lorsqu’ils ont envoyé cette créature, aujourd’hui condamnée à la peine capitale, mettre atrocement fin aux jours de cette innocente victime, ils savaient qu’elle ne serait que le bourreau. Une main exécutrice de basses œuvres. Mais pire encore, ce bourreau, ils l’ont démultiplié par milliers, violant, tuant, brûlant et ôtant des vies de famille entières.

 

Il ne passe pas un jour sans que les viols, les agressions, les crimes en tout genre secouent la société mauritanienne. Une société qui vit dans la peur et la criminalité.

 

 

Une Khadijetou Sow est violée et tuée tous les jours en Mauritanie. Et ce qui se sait, et ce qui est porté à la connaissance du public et de la Justice, n’est qu’une infime partie de la criminalité qui a pris une ampleur telle, que les victimes des   atrocités, tous âges confondus, sont devenues « un fait divers », un quotidien.

 

Cette créature condamnée à la peine capitale n’est que le bourreau qui exécute les basses œuvres, et qui tout en méritant son sort, ne saurait pourtant dénoncer ses commanditaires, ceux qui l’ont préparé à cela, mis dans des conditions d’exécution de son crime et l’ont armé pour tuer.

En effet, la mort physique de ce hère, ne mettra pas fin à la criminalité.

 

Une police de « constat » …criminel.

 

Les véritables criminels hantent tant l’exécutif que le judiciaire. Le gouvernement et sa police, la justice et ses magistrats. 

 

En effet le système de gouvernance sécuritaire défaillant a montré ses limites :  une politique sécuritaire laxiste, une police permissive, un judiciaire carrent et une criminalité qui se développe.

 

La police est toute orientée vers la protection et la surveillance des quartiers cossus et les zones défavorisées sont laissées à leur sort. Elle n’y a qu’une présence toute relative et n’y intervient que lorsqu’un crime atroce s’y commet et que la presse s’en saisit.

 

C’est une police de « constat » et non de prévention. Elle est imbattable sur la constatation du fait criminel accompli et n’intervient que suite au crime. Ses faits d’armes dans la lutte contre la criminalité sont rares.

 

Et à défaut d’être une police de protection efficace, elle est moins encore une police de « prévention », qui développerait des méthodes préventives de la criminalité en possédant des structures dédiées de prévention de la criminalité dans ses différentes étapes et phase (criminalité juvénile, grande criminalité…). Elle n’a pas de stratégie de proximité, craignant pour la sécurité de ses propres unités. Tout son rôle se réduit aux poursuites et aux arrestations…et au déferrement devant une justice expéditive.

 

Une justice qui crée les criminels

 

Quant à la justice, elle ne fait que recycler les criminels, qui en dépôt en prison, qui en détention préventive, qui jugé et relaxé ou libéré après une peine qui ne l’empêchera pas de recommencer ses forfaits.

 

 Le jugement du délinquant vise à l’enfermer, point à le rééduquer. L’emprisonnement est d’ailleurs le meilleur moyen de l’endurcir, de le plonger davantage dans la criminalité, par la proximité, le réseautage criminel et l’intégration des clans et groupes criminels.

 

Il a pu être rapporté que : « (…) la justice mauritanienne est expéditive avec des prisons qui ne respectent pas les droits des détenus, des cellules pleines, des morts sans autopsie… En Mauritanie, les prisons destinées aux mineurs sont devenues des abattoirs où les enfants sont considérés comme des moyens d’obtenir de l’argent. (..) Ces enfants sont privés de droit civil et de leur droit à l’éducation. Ces enfants sont détenus en prison sans jugement, sans voix pour les défendre, même les mesures d’accompagnement font défaut pour une seconde chance. » (https://www.oeil-maisondesjournalistes.fr/2018/11/08/prison-mauritanie-enfants-mineurs/)

 

 

Les prisons sont en Mauritanie, des fabriques de la criminalité. On y « dépose » et on y « enferme », des délinquants, toutes infractions confondues, et qui en ressortent de grands criminels. Toute une jeunesse a sombré dans la drogue, le crime du fait de son envoi en prison, souvent pour des petits larcins et des vols mineurs.

 

La justice mauritanienne ne sanctionne pas les criminels, elle les crée. La grande criminalité prend sa source dans les prisons.

 

Mais si la police et la justice sont en Mauritanie, des instruments de développement de la criminalité, plus que son combat et sa sanction, il n’en demeure pas moins que durant ces 20 dernières années les régimes successifs ont favorisé cette criminalité et en ont même été l’illustration la plus éclatante.

 

 

Les affaires de drogue et de blanchiment d’argent, dans lesquelles ont été impliqués des responsables de l’Etat, y compris le Président de la République de la dernière décennie, ont donné à des générations, l’image d’un Etat corrompu, dans lequel la réussite doit suivre les méthodes de ses chefs. La police et la justice n’en sont que les instruments justifiant cette criminalité.

 

Les criminels, à l’origine de tous les crimes qui se perpétuent dans la société mauritanienne, ce sont ceux qui ont transformé le pays en un vaste champ de corruption, absorbant les ressources du pays et consacrant peu de ressource à l’amélioration du niveau de vie, à l’éducation et à l’emploi des populations. La misère est le terroir propice. La criminalité y a aussitôt pris racine.

 

Dans son dernier rapport sur la Mauritanie, GardaWorld, la plus importante entreprise de services de sécurité au monde, notait que : « La criminalité est un problème en Mauritanie, y compris dans la capitale Nouakchott. Les risques comprennent des crimes violents tels que les agressions, les vols de voiture, les enlèvements, les meurtres et les vols qualifiés, ainsi que des crimes non violents tels que le vol et le vandalisme. » (https://www.garda.com/fr/crisis24/rapports-de-pays/mauritanie).

 

Les criminels qui ont fabriqué le bourreau de cette pauvre jeune fille, sont au sommet de l’Etat, dans la sécurité et dans les tribunaux.

 

Le bourreau de cette innocente fille sera exécuté, mais des viols des meurtres, il y en aura encore et encore. Tout simplement parce que cette créature, n’est que l’émanation d’une autre géante, monstrueuse et tentaculaire qui habite l’Etat et qui continuera à tuer, par bourreaux interposés : la criminalité en col blanc.

 

Le bourreau, lui, aura subi son sort au nom d’une justice dont les commanditaires, sont ceux-là mêmes qui créent les bourreaux.

 

Des bourreaux qui prendront encore et encore des âmes martyrs dans un Etat de voleurs d’âmes.

Des âmes meurtries d’un peuple démuni face à la violence.

Des âmes innocentes, comme Khadijetou Sow. Paix à son âme.

 

Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.