mardi 22 septembre 2020

Manuel pour comprendre les militaires : militaires d’en haut, ‎militaires d’en bas. Par Pr ELY Mustapha. ‎

Du militaire en général


Un militaire c’est un individu qui a une arme. C’est donc un individu qui a un prolongement artificiel. Un appendice qui l’on ne retrouve pas dans la nature. L’examen de toutes les espèces animales vivantes montre qu’un tel appendice n’existe pas. L’arme au poing c’est spécifique au militaire. Certes tous les individus non militaires peuvent posséder une arme, mais pour le militaire c’est vital. C’est elle qui justifie son existence. Si on lui supprimait cet appendice, le militaire ne serait plus militaire. Il sera tout sauf militaire.


Un militaire, ça revêt un uniforme, parfois kaki, quand il est en cérémonie, parfois bariolé (on dit « léopard ») quand il cherche à passer inaperçu dans la brousse. Même s’il n’y a pas de brousse et plus de léopards, comme en Mauritanie. C’est donc un individu changeant. Parfois, habillé de blanc, parfois, de gris, parfois rayé, son rôle est de passer inaperçu, quand l’ennemi guette. Si on n’empêche le militaire de se confondre avec l’environnement, il ne sera plus militaire. Il sera tout sauf militaire.


Un militaire, ça porte sur les épaules, des « épaulettes ». Le militaire s’élève à son niveau d’épaulettes, plus il y a d’étoiles plus il monte au firmament. Plus ces étoiles sont jaunes plus le claquement des bottes de ceux qui en ont de moins jaunes est strident. Le militaire porte sur ses épaules son avenir. Si on supprimait ses étoiles, le militaire ne sera plus militaire. Il sera tout sauf un militaire.


Un militaire, ça prend racine dans les casernes. Ces espèces de forteresses dont les murs sont plus hauts que n’importe quelle bâtisse avoisinante. Forteresses que le militaire se construit pour se protéger. Le citoyen lui, qui doit être protégé n’étant pas dans la forteresse, on comprend donc qu’elle vise essentiellement à protéger le militaire…contre l’ennemi extérieur. Le citoyen est à l’extérieur. Sans forteresse, le miliaire n’est plus un militaire. Il sera tout sauf un militaire.


Un militaire, ça répond aux ordres. Un point c’est tout. Et un ordre est un ordre. On ne discute pas les ordres. On les exécute. Le militaire n’a pas le choix. Et il n’a pas à comprendre. Sa conscience c’est celle de celui qui donne les ordres. En somme sans cette conscience déplacée de bas en haut, le militaire n’est pas un militaire. Il peut être tout sauf un militaire.


Un militaire, c’est discipliné. Il doit ramper sous des barbelés acérés en pleine canicule, traverser en rampant un marécage puant, se rouler dans la vase aux lombrics, escalader toute hauteur, se balancer à une corde arrimée à un hélico en folie...Tout, tout. Le militaire doit passer toutes les épreuves même les plus inutiles dans la discipline la plus totale. Sans cette discipline, le militaire se poserait des questions sur ces choses bizarres qu’on lui fait faire. Or le militaire n’a pas à se poser des Questions. Sans cette discipline, le militaire ne serait plus un militaire. Il sera tout sauf un militaire.


Un militaire ça porte forcément quelque chose sur la tête. Un haut de tête parfois mou en tant de paix relative (un béret), parfois solide en tant de non paix (casque). Bien que la « non paix », c’est le climat naturel dans lequel vit le militaire. Sous son casque souvent en fer, le militaire se protège des balles perdues que l’appendice de son ennemi pourrait bien lâcher. Mais le militaire portant tout le temps son casque, on comprendra donc qu’il est psychologiquement en temps de « non paix ». Sans son casque le militaire ne serait plus un militaire. Il sera tout sauf un militaire.


Un militaire ça n’aime pas le désœuvrement. En temps de paix, sa guerre c’est la corvée. Corvée qui dépend de la place qu’il occupe dans la hiérarchie militaire. De bas en haut, cela va du nettoyage des latrines, aux coups d’État. Bien que ces derniers puissent parfois se confondre avec le premier, il n’en reste pas moins que chaque militaire dispose d’une corvée. Sans corvée, le militaire ne serait plus un militaire. Il sera tout sauf un militaire.


Le militaire, ça défile. Surtout dans les cérémonies. Le roulement de tambours, et c’est la parade. Démonstration de treillis, démonstration de force. Le monde animal, nous apprend que toutes les espèces font la parade. La parade est l’expression d’un sentiment à extérioriser par l’espèce en question. Le militaire, parade. Dans la rue ou dans la caserne. Sans parade, le militaire ne serait plus un militaire. Il sera tout sauf un militaire.


Du militaire mauritanien en particulier.


Le militaire mauritanien... est un militaire. Tout ce qui fut dit plus haut s’applique à lui. Sauf qu’en Mauritanie tous les militaires ne se valent pas.

 

En effet, en Mauritanie, il y a deux types de militaires. Ceux qui le sont vraiment et ceux qui ne le sont plus. Ceux qui ont une simple solde, et ceux qui vivent sur l’or. Les premiers s’échelonnent en grade entre le gobby de quartier et le commandant. Les seconds entre le lieutenant-colonel et le colonel (ou le général)


Il y a donc deux espèces de militaires en Mauritanie.

 

Ceux qui vivent la misère et s’emploient à constituer un corps d’armée et ceux qui ont gagné leurs grades sous les climatiseurs, perchés au sommet de l’État et qui ne veulent plus en descendre.

Ainsi il y a dans l’armée deux classes. Les très hauts gradés à air conditionné qui parasitent l’État et les peu gradés ou pas gradés du tout à air comprimé qui végètent en dessous (les parias).


Comment donc comprendre la classe des hauts-gradés et celle des « parias » de l’armée?

 

Le militaire de la classe des hauts-gradés, est souvent un putschiste ou il fut dans les parages. Il a occupé le sommet de l’État, ou des postes importants et dispose d’un réseau d’alliances et d’intérêts qui le maintien à sa place. Le militaire de la classe des « parias », est un putschiste, malgré lui. Car sans lui, pas d’armée, donc pas de putsch. Il fut utilisé et oublié.


Le militaire de la classe des hauts-gradés, est souvent très riche. Il a amassé une fortune en manipulant les rouages de l’État, son influence et ses relations. Le militaire de la classe des «parias », n’arrive pas à joindre les deux bouts. Il dispose d’une solde qui a fondu face à la cherté de la vie, comme neige au soleil.


Le militaire de la classe des hauts-gradés, n’a plus rien de militaire. Il est devenu un politique parmi les politiques. La seule chose qui le différencie, c’est son appendice à recul mis au placard mais qu’il brandit occasionnellement en tenant la place. Le militaire de la classe des parias, sait que son chef est devenu un politique, qui profite justement de son existence à lui pour faire ce qu’il veut. Et cela, ça le travaille.


Le militaire de la classe des hauts-gradés ne peut plus justifier sa présence au sommet de l’État, alors il use de sa dissuasion, de mille façons montrée, pour tenir en respect ceux qui voudraient l’écarter. Le militaire de la classe des parias se sent alors frustré face à une hiérarchie qui ne pense plus à lui, mais à ses intérêts inavoués.


Le militaire de la classe des hauts-gradés a tellement vécu à la tête du pouvoir qu’il pense que plus rien ne peut se faire sans lui. Le militaire de la classe des parias est tellement resté au bas du pouvoir qu’il pense désormais que plus rien ne se fera avec lui.


Le militaire de la classe des hauts-gradés a donc acquis cette mentalité de clans à appendices qui veut tout s’approprier, y compris les rouages du pouvoir. Les militaires de la classe des parias ont, quant à eux, acquis cette mentalité de laissés-pour compte qui n’ont rien ; même pas la garantie d’un monde meilleur.


Pour comprendre donc le militaire mauritanien, il faut comprendre ces deux mentalités qui imperceptiblement s’entrechoquent au sein d’un corps armé et qui détermineront certainement le devenir de l’institution militaire. Une poussée à la Coriolis, imperceptible mais certaine. Militaires d’en haut, militaires d’en bas.

 

Pr ELY Mustapha

 

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Poésie de la douleur.