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vendredi 26 août 2011
dimanche 21 août 2011
vendredi 19 août 2011
L’ouguiya aux abimes
Un pays abimé
Entre les déclarations, toutes politisées, des autorités mauritaniennes et les réalités économiques mauritaniennes, un décalage qui ne peut s’expliquer que par la mauvaise foi manifeste des premières et la vérité incontournable des dernières.
C’est une mascarade ininterrompue que les autorités mauritaniennes jouent quotidiennement au peuple mauritanien et qui va finir par entrainer tout le pays dans une faillite annoncée (voir ici « La Mauritanie : pays en déliquescence »).
L’un des signes avant-coureurs et qui n’est pas des moindres est l’absence totale de maitrise que les autorités ont de leur politique monétaire. D’ailleurs en avaient-ils jamais eu ? La plongée actuelle de l’ouguiya sur le marché des changes en est l’expression la plus immédiate. Et cela coute extrêmement cher au pays en général et au citoyen en particulier. Et certainement à l’avenir du pays tout entier.
Ce qui s’est passé n’est que l’expression de l’irresponsabilité des gouvernants mauritaniens (I) avec ses conséquences pour un pays qui les ressent cruellement (II)
I) L’ouguiya victime de l’irresponsabilité des gouvernants mauritaniens.
Pourquoi l’ouguiya plonge-t-elle dans les abimes ?
La réponse est évidente : les autorités mauritaniennes n’ont pas de politique monétaire. Cette dernière se résume en une navigation à vue dont le seul référentiel est l’humeur de celui qui tient les rênes du pouvoir.
Il n y a aucune politique économique et monétaire guidée par des instruments économiques fiables élaborés par des administrations nationales compétentes (finances, économie) , assise sur des données élaborés vérifiées et publiés par des organismes nationaux spécialisés (qu’est-il advenu de l’ONS ?), sur des analyses et des rapports d’institutions financières (BCM, intermédiaires bancaires..) et d’observatoires économiques, sur des documents permettant le suivi et le monitoring de l’activité économique (budgets économiques, plans de développement économique et social…) élaborés sur des projection et des prévisions ajustables et adaptables en fonction d’un modèle économique défini (global, sectoriel)….
Sans référentiels les guidant ou sur lesquels ils peuvent rendre compte, les autorités politiques gèrent les recettes de la nation avec une mentalité d’épicier et une comptabilité de ménagère. Et c’est là tout le mal.
La monnaie nationale en a souffert et, à travers elle, le pouvoir d’achat du consommateur, car sa monnaie à lui c’est l’ouguiya alors que la monnaie des dirigeants est en devise, ils en disposent à leur gré.
Comment peut-on concevoir une monnaie qui perd de sa valeur de façon aussi dramatique sans que les autorités publiques n’aient même pas annoncé une dévaluation ?
En vérité, les autorités mauritaniennes n’ayant aucune stratégie monétaire et financières, puisque par définition elles n’ont ni modèle ni plan de développement, se soucient peu des lendemains. L’horizon de l’administration publique, c’est de survivre. Celui des dirigeants de se maintenir.
Les institutions monétaires du pays ne s’inscrivent ni dans une stratégie de développement, ni dans une politique économique et monétaire définie et surveillée par l’Etat. Elle fonctionne au tâtonnement et à la volonté de leurs dirigeants. Les intermédiaires bancaires sont des « boites noires » privées qui dictent même leur volonté à la Banque Centrale. Les banques privées sont pour beaucoup dans l’anarchie qui existe dans le système bancaire, opérant sans contrôle et agissant de façon sournoise dans la création monétaire, elles ne sont pas étrangères à l’inflation qui frappe le pays.
Quant à la Banque centrale, elle participe de façon continue à la détérioration de la situation économique car elle opère des dévaluations par à-coup au gré de sa politique de change. Des dévaluations qui n’obéissent à une aucune politique monétaire définie par les pouvoirs publics ni à une stratégie financière et monétaire inscrite dans un plan de développement économique et social dont les résultats obtenus, rapportés à des objectifs fixés à l’avance, peuvent être évalués.
En effet, l’institution d’émission n’étant pas associé à un modèle de développement ni tendu vers la réalisation d’objectifs macro-économiques définis dans une vision politique de croissance, ne peut être rien d’autre qu’une banque comme toutes les autres avec un handicap supplémentaire d’être soumise à la volonté de politiques préoccupés de leur intérêts égoïstes pour lesquels les décideurs de la banque ne sont que des courroies de transmission.
II) Les conséquences sur l’économie nationale et sur le citoyen
Lorsque la monnaie d’un pays perd de la valeur (par rapport aux monnaies de référence), cela est dû soit à une politique volontariste des pouvoirs publics (dévaluant la monnaie nationale) soit à une dépréciation économique de la monnaie (résultant des échanges économiques sur le terme).
Le premier cas (la dévaluation) est un acte souverain et volontaire (même si des institutions financières internationales y sont parfois pour quelque chose, FMI...) par lequel les autorités publiques décident d’atteindre des objectifs économiques définis au préalable. L’un de ces objectifs est la recherche d’accoisement de la compétitivité du produit national à l’exportation.
Lorsque la valeur de la monnaie nationale baisse, le prix des produits nationaux exportés sera plus faible.
En effet, puisque la valeur de la monnaie nationale baisse, le prix des produits nationaux en monnaie étrangère va aussi baisser d’où leur demande sur le marché international.
On comprend donc aisément que la baisse de valeur de l’ouguiya ne peut être due à une stratégie politique quelconque des pouvoirs publics mais que c’est une contrainte qu’ils subissent et qu’il n’en sont point les acteurs.
Cela confirme qu’ils n’ont point de politique monétaire et qu’ils naviguent à vue.
En effet, la baisse de valeur de l’ouguiya ne sera point compensée par un gain de compétitivité des produits nationaux exportés. Car la Mauritanie, n’a aucune compétitivité internationale sur des produits exportés… Pour la simple raison qu’elle ne dispose pas de produits exportés pouvant bénéficier d’une telle compétitivité générée par la baisse de valeur de la monnaie nationale.
En effet, les pays dévaluant leur monnaie et qui l’accompagnent d’une stratégie d’exportation sont des producteurs de biens manufacturiers, industriels, de technologies et de services … La dévaluation de leur monnaie est compensée par les entrées des ventes à l’exportation.
Il en résulte une amélioration de la balance commerciale et un enrichissement du pays (croissance des entreprises, investissement, relance de l’emploi, production).
La Mauritanie exporte essentiellement des biens provenant de ressources naturelles (extractions minières, halieutiques), dont les prix sur les marchés internationaux sont fixés et préalablement négociés dans les accords engagent l’Etat et sur des marchés et des bourses spécialisés (fer, or, cuivre etc.)
Les produits des industries extractives, minéraux exportés à l’état brut, et les produits halieutiques frais (poisson) représentent plus 99% du total des exportations de biens.
La baisse de la valeur de l’Ouguiya n’a aucune incidence sur la compétitivité à l’exportation de ces produits. Au contraire elle va « brader » la main d’œuvre nationale et les biens et services locaux au profit des entreprises étrangères fonctionnant sur place ou réalisant des investissements sur le territoire national. La baisse de valeur de l’Ouguiya va attirer un ensemble de « joint ventures » opportunistes qui profiteront, le temps de cette « manne monétaire », des biens et services locaux, entrainant ainsi la pénurie et en privant le citoyen à faible revenu.
On comprend donc le drame.
Ainsi la faiblesse de l’ouguiya ne profitant pas à la Mauritanie sur le plan de la compétitivité, va encore aggraver la situation.
En effet, parmi les objectifs de la dévaluation fixée par un pays c’est de rendre les produits étrangers importés très chers (car achetés avec une devise forte) afin que les produits locaux soient plus compétitifs et donc être achetés par le citoyen.
Or le ridicule ne tuant pas : la Mauritanie importe 95 % de ses produits de consommation, notamment les produits de première nécessité. Les produits locaux sont quasi-inexistants !
Résultats : le citoyen étant naturellement obligé de consommer les produits importés chers du fait de la faiblesse de son pouvoir d’achat, se trouve dans un appauvrissement continuel sinon une indigence permanente.
La faible valeur de l’ouguiya, a donc des conséquences dramatiques. Elle appauvrit le citoyen, ne profite pas aux exportations et maintien le pays dans une croissance négative (absence d’épargne, d’investissement et de productivité)
L’incidence inflationniste de la dépréciation de la monnaie nationale va miner les ménages, dont 44% vivent sous le seuil de pauvreté, et entrainer à moyen terme une insupportable pression dont les conséquences sont imprévisibles.
Il est urgent pour éviter une détérioration continue des termes des changes, que les autorités monétaires interviennent, à travers la Banque Centrale, pour mettre un frein aux variations de changes, en maitrisant les écarts de change (entre marché officiel et le marché parallèle). Ceci permettra de juguler les effets pervers de ces variations sur la balance commerciale (cherté des produits importés), sur le niveau des réserves et sur la hausse des prix des produits locaux.
En conclusion
A travers la plongée de la monnaie nationale, les réalités économiques viennent démentir les discours plein de chiffres invérifiables, comme ceux du dernier discours du général Aziz. Si en effet, l’Etat a engrangé de l’argent pourquoi les gens sont-ils si pauvres ?
Parce qu’un argent déclaré n’est pas une création de richesse.
Car ce que n’a pas compris Aziz, c’est qu’on ne bâtit pas un Etat en déclarant de l’argent oisif et improductif, mais en créant des richesses. Et à terme, l’ouguiya s’effritant l’argent déclaré n’a pas plus de valeur que les discours de celui qui les prononce.
Mais n’est-il pas dans la logique des choses, que la valeur d’une monnaie nationale baisse lorsque les valeurs même d’une Nation se déprécient ? L’économie est une science sociale. Les taux de dignité et d’intégrité y prennent autant de place qu’un taux marginal de substitution.
Or que n’a-t-on pas substitué à cette nation?
Pr ELY Mustapha