mardi 29 avril 2025

Mauritanie : la déclaration d’un ministre ou comment la Mauritanie va détruire le monde. Par Pr ELY Mustapha

Tout autant que nous avons eu à le montrer dans les finances publiques, l’économie et le social dans les publications et les discours officiels en Mauritanie (voir nos livres blancs publiés sur ces sujets) , la récente déclaration ministérielle  environnementale selon laquelle la Mauritanie aurait rejeté 17 millions de tonnes de déchets plastiques en mer est à la fois une erreur d’information, si ce n’est de désinformation non contrôlée et une monumentale erreur d’appréciation qui contribue à dégrader encore  toute référence fiable à l’information officielle en Mauritanie. Induisant en erreur les citoyen, les partenaires internationaux  mais aussi des médias qui ont repris l’information, jetant à la fois un discrédit international sur notre gouvernance environnementale. Faisant croire au reste du monde que nous sommes un pays, sans éthique environnementale,  Nation-pollution et pire encore un pays,  qui doit être mis sous mandat international eu égard aux graves atteinte qu’il porte à la terre et à la survie même de l’espèce humaine.  

Nous examinons ici la réalité des 17 millions de tonnes de déchets plastiques « rejetés »  en mer, en 2021,  par la Mauritanie et cela à travers deux approches . La première évalue les véritables capacités de rejet de déchets de plastiques par la Mauritanie eu égard à sa population, son commerce et son industrie, la seconde est une comparaison avec d’autres pays et même avec les premières puissances  industrielles du monde, pour montrer que l’on peut démontrer arithmétiquement que l’information officielle, doit être avant sa divulgation, vérifiée et recoupée sur des données fiables.  

Il en va de la crédibilité de l’Etat, à travers ses représentants et du  respect du citoyen.


Données démographiques et contexte socio-économique.

La Mauritanie compte une population de 4 525 696 habitants (2019), avec une densité de population de seulement 4,27 personnes par km² de territoire.

Approximativement 1 005 481 personnes vivent le long de sa côte, représentant environ 22% de la population totale. Le pays présente un taux d'urbanisation de 54,5%, avec une concentration importante dans la capitale Nouakchott.

Sur le plan économique, la Mauritanie est un pays en développement avec un PIB (PPA) par habitant d'environ 5 197 dollars en 2019, ce qui influence directement ses modes de consommation et de production de déchets.


1.    Calcul des déchets plastiques produits par habitant en Mauritanie



Production totale de déchets solides municipaux (DSM)

Les données disponibles indiquent que la Mauritanie génère entre 0,36 et 0,5 kg de déchets solides municipaux (DSM) par personne et par :
La Mauritanie produit 0,5 kg de DSM par habitant et par jour, soit une production quotidienne globale de DSM de 502 741 kg.

 Environ 82,4 % des déchets municipaux générés en Mauritanie sont gérés de manière inadéquate.

Les déchets plastiques représentent environ 9 % des déchets municipaux, avec un taux de production quotidien d'environ 45 000 kg, dont 82 % sont mal gérés ; 900 kg/jour de déchets plastiques s'écoulent dans l'environnement


Soit une production annuelle par habitant de :


0,5 kg/jour×365 jours = 182,5 kg/habitant/an


Soit  pour l'ensemble du pays :


182,5 kg(habitant/an) X 4525696 habitants=825939520 kg/an (≈ 825940 tonnes/an)


La part de déchets plastiques dans le total des déchets Solides municipaux (DSM) :


Les déchets plastiques représentent environ 9% des DSM en Mauritanie.

La production quotidienne de déchets plastiques est estimée entre 45 000 kg et 146 100 kg


La Production annuelle de déchets plastiques :


45000 kg/jour X 365 jours =16425000 kg ( soit 16425 tonnes)


Ou selon une estimation plus élevée (146 100 kg):


146100 kg/jour X 365 jours = 53326500 kg (53326,5 tonnes)


Par habitant et par an,  cela équivaut à:


16425 tonnes / 4525696 habitants =0,00363 tonnes/habitant ( soit 3,63 kg/habitant/an)


2.    Résultat : L’impossibilité arithmétique  du chiffre avancé de 17 millions de tonnes de déchets.


Si la Mauritanie avait effectivement rejeté 17 millions de tonnes de déchets plastiques en mer, cela représenterait par habitant et par an : 3760 kg par habitant et par an !

17000000 tonnes / 4525696 habitants=3,76 tonnes/habitant/an ( soit 3760 kg/ habitant /an)

Le chiffre  de 17 millions de tonnes de déchets est mathématiquement incohérent pour plusieurs raisons:

1.    Il est approximativement 17 fois supérieur à la production de déchets plastiques par habitant aux États-Unis (221 kg), pays ayant l'une des consommations de plastique les plus élevées au monde.

2.    Il est environ 49 fois supérieur à la production de déchets plastiques par habitant à Singapour (76 kg), qui occupe la première place mondiale en termes de déchets plastiques à usage unique par habitant.


3.    Il est 340 fois supérieur à l'estimation haute de la production actuelle de déchets plastiques par habitant en Mauritanie (11,78 kg) que nous avons calculée plus haut

4.    Ce chiffre dépasse même la production annuelle totale de déchets solides municipaux (DSM) par habitant en Mauritanie (182,5 kg), tous matériaux confondus, ce qui est logiquement impossible puisque les déchets plastiques ne représentent que 9% du total des déchets.



3.    Mais d’où viendrait alors l’erreur ?

Confusion entre les déchets plastiques  rejetés par toute l’Afrique (en 2015)  et ceux par la Mauritanie (en 2021) et encore avec une différence de timing de de 7 ans !

Les 17 pays côtiers d'Afrique de l'Ouest, de la Mauritanie au Gabon, ont généré 6 930 kilotonnes (kt) de déchets plastiques en 2018 (environ 30 % du total des déchets plastiques générés en Afrique).


L'analyse des données révèle que le chiffre de 17 millions de tonnes « mauritaniennes » correspond approximativement à la quantité totale de déchets plastiques mal gérés dans l'ensemble du continent africain en 2015 (17 millions de tonnes), et non par la  Mauritanie.


1.    Analyse des flux de matières plastiques en Mauritanie

Balance commerciale des plastiques

La Mauritanie ne produit pas de résine plastique sur son territoire,  d’où en 2019:

-    Importations de plastiques: 9,2 millions de kg (9 200 tonnes)
-    Exportations de plastiques: 980 560 kg (980,56 tonnes), dont 90,4% classés comme déchets plastiques
-    Balance nette: consommation apparente de 8 219,44 tonnes


Gestion et fuites dans l'environnement

Environ 82,4% des déchets plastiques en Mauritanie sont mal gérés, ce qui est cohérent avec la situation dans de nombreux pays africains où plus de 80% des déchets plastiques sont mal gérés.

On estime  qu'environ 900 kg/jour de déchets plastiques fuient dans l'environnement mauritanien soit:

Fuites annuelles= 900 kg/jour×365 jours=328500 kg/an  (soit 328,5 tonnes/an)

Ce chiffre représente environ 2% de la production annuelle de déchets plastiques du pays.

Contextualisons  avec les tendances mondiales

À l'échelle mondiale, l'Afrique génère actuellement environ 7,8% de la pollution plastique océanique provenant des rivières. Cependant, les projections indiquent que d'ici 2060, l'Afrique pourrait devenir le plus grand contributeur mondial de déchets plastiques mal gérés en raison de l'urbanisation rapide et de l'absence d'infrastructures adéquates de gestion des déchets

Dans 14 des 17 pays côtiers d'Afrique de l'Ouest, plus de 80% des déchets plastiques sont mal gérés, ce qui augmente considérablement le risque que ces déchets finissent dans l'océan.

L'analyse arithmétique démontre clairement que l'affirmation selon laquelle la Mauritanie aurait rejeté 17 millions de tonnes de déchets plastiques en mer est quantitativement impossible.

La production annuelle réelle de déchets plastiques de la Mauritanie se situe entre 16 425 et 53 326,5 tonnes, avec des fuites environnementales estimées à 328,5 tonnes par an.


1.    Erreur d'échelle géographique : Confusion entre données nationales et continentales

Les recherches scientifiques indiquent que l'Afrique a généré 19 millions de tonnes de déchets plastiques en 2015, dont 17 millions de tonnes mal gérées. Cette coïncidence numérique suggère une confusion fréquente entre les statistiques nationales et continentales.

La méthodologie du World Wildlife Fund (WWF) précise que :

-    Les 17 millions de tonnes correspondent aux déchets plastiques mal gérés sur l'ensemble du continent africain

-    Seuls 4,4 millions de tonnes provenaient spécifiquement des pays côtiers africains en 2010


-    Le Niger, le Congo et le Nil sont identifiés comme principaux vecteurs de transfert vers les océans

2.    Transferts transfrontaliers par les courants marins

La position géographique de la Mauritanie dans le gyre subtropical de l'Atlantique Nord en fait un point de convergence pour les déchets plastiques circulant sur des milliers de kilomètres. Les modèles océanographiques montrent que :

-    Les plastiques déversés dans le golfe de Guinée mettent 2 à 5 ans pour atteindre les côtes mauritaniennes
-    L’upwelling côtier mauritanien (remontée d'eaux profondes) concentre les particules flottantes
-    38% des déchets plastiques de l'Atlantique Nord transitent par la zone économique exclusive mauritanienne

3.    Importations illégales de déchets plastiques

Bien que la Mauritanie ne figure pas parmi les principaux importateurs, le trafic de déchets plastiques depuis l'Europe et l'Asie constitue un facteur non négligeable :
-    Après l'interdiction chinoise de 2018, les exportations européennes de déchets plastiques vers l'Afrique de l'Ouest ont augmenté de 47%
-    La Convention de Bâle (2021) limite théoriquement ces transferts, mais les contrôles douaniers restent lacunaires
-    Une étude de l'Université de Portsmouth révèle que 12% des déchets plastiques côtiers en Mauritanie proviennent d'emballages étrangers non consommés localement

4.    Déchets issus de la pêche et du transport maritime

L'activité maritime génère des flux spécifiques :

-    152 000 tonnes de filets de pêche abandonnés annuellement dans l'Atlantique Nord
-    40% des déchets plastiques collectés sur les plages mauritaniennes sont des équipements de pêche
-    Le trafic maritime international génère 28 kg de déchets plastiques/km² dans les eaux mauritaniennes

5.    Accumulation temporelle et inertie environnementale

La persistance des plastiques en milieu marin crée un effet cumulatif :
-    Le temps de dégradation moyen d'un plastique en mer est estimé à 450 ans
-    Les 17 millions de tonnes pourraient correspondre à l'accumulation sur 318 ans au rythme de production actuel mauritanien (53 326 tonnes/an)
-    Cette hypothèse est cependant contredite par les données historiques sur la production plastique en Afrique de l'Ouest

6.    Biais méthodologique dans les estimations

Les méthodes de quantification des déchets marins présentent des limites intrinsèques :
•    Les modèles satellitaires surestiment de 40% les masses plastiques en zones côtières
•    La conversion volume/masse utilise souvent un facteur erroné de 0,8 kg/m³ au lieu des 50 kg/m³ réels pour les déchets compactés
•    Une erreur d'un facteur 62,5 pourrait expliquer la divergence entre mesures terrain et estimations

Une réalité multifactorielle

Bien que physiquement impossible à l'échelle strictement nationale, le chiffre de 17 millions de tonnes, avancée par ce ministre mauritanien  trouve son explication dans :

1.    Une confusion sémantique entre données nationales et continentales
2.    Le rôle de plaque tournante océanographique de la Mauritanie
3.    Les transferts illicites de déchets internationaux
4.    L'héritage historique de la pollution plastique cumulative



En définitive, nous appelons sur  l'importance d'une analyse rigoureuse des données officielles avant leur publication et axer surtout sur les efforts, notamment législatifs et réglementaires  louables fait  par  notre pays fait pour lutter contre la pollution par le plastique plutôt de ternir son image par  des déclarations inconsidérées. Toutefois, il convient de mentionner que bien que la Mauritanie ait pris des mesures législatives comme l'interdiction des sacs plastiques en 2013, la gestion inefficace des déchets demeure un défi significatif pour le pays, comme pour de nombreuses nations africaines (voir notre analyse plus haut sur les DSM) .

Les politiques futures devraient se concentrer sur l'amélioration des infrastructures de gestion des déchets, particulièrement dans les zones côtières, afin de réduire la contribution de la Mauritanie à la pollution plastique marine, qui reste proportionnellement modeste à l'échelle mondiale mais significative au niveau local.

Enfin, l'affirmation selon laquelle la Mauritanie aurait rejeté 17 millions de tonnes de déchets plastiques en mer est totalement erronée et devrait faire , pour nos partenaires internationaux des rectifications, au moins de courtoisie (sachant qu’il ont déjà la vraie information).  

Mais  d’ores et déjà des questions fondamentales se doivent d’être posées sur la capacité de nos gouvernants à saisir la réalité des secteurs qu’ils gèrent ainsi que des chiffres qu’ils publient, ici notamment  sur la quantité et l'origine réelle des déchets environnementaux  qu’ils doivent éliminer.

Une analyse multidimensionnelle, de la pollution nationale par le plastique  comparée aux flux mondiaux de plastique et des dynamiques régionales permettrait  d'identifier avec plus de crédibilité la responsabilité de notre pays et d’agir responsablement en étant bien informé.


Notre analyse souligne la nécessité de systèmes de traçabilité renforcés nationaux et d'une harmonisation méthodologique internationale pour les mesures de pollution marine et surtout de vérifier l’information par respect du citoyen et du reste du monde.

Une déclaration d’un ministre qui donne à croire que  la Mauritanie va détruire le monde, en l’ensevelissant sous des millions de tonnes de détritus plastiques…dans lesquels nagent déjà nos dromadaires.

Notre pays mérite plus d’égards et moins de laisser-aller.


Pr ELY Mustapha


dimanche 27 avril 2025

Stratégies vitales d’ajustement pour Sidi Ould Tah : Analyse comparative des discours des candidats à la présidence de la BAD . Par Pr ELY Mustapha


Quels ajustements de stratégies  Sidi Ould Tah devrait désormais adopter face aux autres candidats à quelques semaines de l’élection à la présidence de la BAD  ?


Alors que l’élection à la présidence de la Banque Africaine de Développement (BAD) approche, les cinq candidats affinent leurs arguments pour convaincre les 81 pays actionnaires. Sidi Ould Tah, candidat mauritanien, fait face à une concurrence structurée autour de visions contrastées. Cette analyse approfondie compare les discours des prétendants et identifie les leviers stratégiques pour optimiser sa campagne finale.

Depuis l’annonce de sa candidature à la présidence de la Banque Africaine de Développement (BAD), Sidi Ould Tah a articulé une vision ambitieuse, structurée autour de plusieurs axes stratégiques. Ses interventions, marquées par un pragmatisme revendiqué et un ancrage dans son expérience à la tête de la Banque Arabe pour le Développement Économique en Afrique (BADEA), révèlent une approche à la fois technique et transformative. Cette analyse explore les thèmes récurrents, les innovations proposées et les défis soulevés par son discours politique.

Une vision structurée autour de quatre piliers fondamentaux

Mobilisation des capitaux et réforme de l’architecture financière

Le candidat mauritanien place la mobilisation des ressources financières au cœur de sa stratégie. Il propose un effet de levier inédit, visant à multiplier par dix l’impact de chaque dollar investi par la BAD. Cette ambition s’appuie sur un partenariat renforcé avec les actionnaires non régionaux, notamment les pays du Golfe, dont les fonds souverains détiennent des liquidités considérables. « Chaque dollar décaissé par la BAD doit correspondre à 10 dollars investis sur le terrain », affirme-t-il, soulignant la nécessité de transformer l’aide publique en investissements rentables.

Parallèlement, Ould Tah plaide pour une réforme de l’architecture financière africaine, en harmonisant les actions des institutions continentales comme la BAD, l’Africa Finance Corporation (AFC) et Afreximbank. Il critique l’absence de synergies entre ces entités, comparant la situation actuelle à une « orchestre sans chef ».
Son objectif : faire de la BAD un « agrégateur de ressources » capable de coordonner les efforts et d’éviter les doublons.

Transformation du dividende démographique en force économique

Face au boom démographique africain – un quart de la population mondiale sera africaine en 2050 -, Ould Tah insiste sur l’urgence de créer 20 millions d’emplois annuels. Sa solution repose sur un double mécanisme :


1.    Le développement massif de la formation technique et professionnelle, adaptée aux besoins des marchés émergents.

2.    La création d’une institution panafricaine de garantie pour faciliter l’accès au crédit des PME, notamment via des outils technologiques comme l’intelligence artificielle.

Il met en garde contre les risques d’inaction : « Si cette jeunesse reste sans travail, à la marge, c’est un risque pour l’Afrique et le monde ». Cette approche s’inscrit dans une logique de transition vers l’économie formelle, où le secteur privé jouerait un rôle central.

Industrialisation et valorisation des ressources naturelles

Ould Tah dénonce le paradoxe africain : détenteur de 30 % des réserves mondiales de minerais, le continent ne capte qu’une fraction de la valeur ajoutée. Son programme prévoit donc un virage industriel axé sur la transformation locale des matières premières. « L’enjeu n’est pas l’absence de ressources, mais leur valorisation », martèle-t-il, citant l’exemple des terres rares et des minerais critiques essentiels à la transition énergétique.

Ce projet s’accompagne d’un plan d’infrastructures ambitieux, visant à créer des corridors logistiques transcontinentaux. Pour lui, la réussite de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf) dépend de la connectivité routière, ferroviaire et énergétique.

Modernisation de la gouvernance de la BAD

Critiquant les performances actuelles de la BAD – dont les approbations annuelles restent inférieures à celles de ses homologues asiatiques ou latino-américaines –, Ould Tah promet une revue complète des processus lors de ses 100 premiers jours. Il envisage une consultation élargie avec les actionnaires, la société civile et le secteur privé pour améliorer la transparence et l’efficacité.

Un discours ancré dans l’expérience de la BADEA

Capitalisation sur des résultats tangibles

Le candidat mauritanien brandit son bilan à la BADEA comme preuve de sa capacité à réformer les institutions multilatérales. Sous sa direction (2015-2025), le capital de la banque est passé de 4,2 à 20 milliards de dollars, tandis que les créances douteuses chutaient de 10 % à 0,5 %. Il met en avant le premier eurobond de 500 millions de dollars  émis en 2024, présenté comme un modèle de mobilisation de capitaux internationaux.

Un leadership tourné vers les partenariats Sud-Sud

Son expérience à la BADEA a forgé une approche diplomatique originale, combinant relations avec le monde arabe et ancrage africain. Il a multiplié les cofinancements avec des partenaires du Golfe, mobilisant près de 2 milliards de dollars pour des projets d’infrastructures. Cette expertise pourrait, selon lui, aider la BAD à attirer les investisseurs souverains réticents face aux risques perçus en Afrique.


Les contradictions et défis du discours

Un pragmatisme technocratique face aux enjeux politiques

Si Ould Tah se présente en technocrate expérimenté, son discours évite soigneusement les sujets géopolitiques sensibles. Aucune mention claire n’est faite de la gestion des dettes souveraines ou des tensions entre régions africaines, pourtant cruciales pour la BAD. Cette prudence reflète peut-être la nécessité de ne pas froisser les États membres lors d’une campagne électorale complexe.

L’ambiguïté du positionnement régional

En tant que candidat d’un pays à cheval entre l’Afrique du Nord et l’Ouest, Ould Tah peine à mobiliser un bloc régional uni. Ses discours tentent de transcender cette division en insistant sur l’« unité africaine », mais ses soutiens affichés (Côte d’Ivoire, Tunisie, Congo-Brazzaville) restent épars géographiquement.

Le paradoxe de l’innovation financière

Alors qu’il promet des instruments financiers innovants, son expérience à la BADEA montre une prédominance des prêts classiques. Son discours sur les partenariats public-privé reste vague, sans détail sur les mécanismes de partage des risques.

Entre ambition réformatrice et réalisme politique

Les discours de Sidi Ould Tah dessinent le portrait d’un candidat technocrate, rompu aux arcanes des institutions financières multilatérales.
 Sa force réside dans un programme structuré et des résultats tangibles à la BADEA. Toutefois, son évitement des questions politiques sensibles et sa dépendance aux partenariats externes soulèvent des interrogations sur sa capacité à impulser un changement radical à la BAD. Comme il le reconnaît lui-même : « L’Afrique n’a pas besoin de plus d’aide, mais de partenariats rentables ». Reste à savoir si cette vision suffira à convaincre les 81 pays actionnaires de la BAD, dont les intérêts divergent souvent. Et surtout s’il convainc par rapport aux autres candidats.

Quels ajustements devrait-il faire face aux discours des candidats pour « gagner sur leur terrain ».

Quels ajustements de stratégies  Sidi Ould Tah devait désormais adopter face aux autres candidats ?

Alors que l’élection à la présidence de la Banque Africaine de Développement (BAD) approche, les cinq candidats affinent leurs arguments pour convaincre les pays actionnaires. Sidi Ould Tah, candidat mauritanien, fait face à une concurrence structurée autour de visions contrastées. Cette analyse compare les discours des prétendants et identifie les leviers stratégiques pour optimiser sa campagne finale.

Analyse des  visions concurrentes

1.    Sidi Ould Tah : Pragmatisme financier et synergies institutionnelles

Sa campagne, rappelons-le,  s’appuie sur quatre piliers : impact, innovation, inclusion et intégration. Il met en avant son bilan à la BADEA (comme on l’a mentionné : capital quintuplé à 20 milliards de dollars, premier eurobond de 500 millions de dollars émis en 2024) et propose :
•    Un effet de levier financier visant à multiplier par dix l’impact des fonds de la BAD via des partenariats Sud-Sud.
•    Une réforme des institutions financières africaines pour harmoniser les actions de la BAD, de l’Africa Finance Corporation (AFC) et d’Afreximbank.
•    La création d’une institution panafricaine de garantie pour les PME, combinant intelligence artificielle et formation technique.

Points forts : Crédibilité technique, réseaux avec les fonds souverains du Golfe, ancrage géopolitique neutre entre Maghreb et Afrique de l’Ouest.
Points faibles : Silences sur la dette souveraine et l’inclusion genrée, risques éthiques liés à son maintien à la BADEA pendant la campagne (n’ayant pas démissionné pour faire campagne) .


2.    Amadou Hott (Sénégal) : Le privé comme moteur de développement

L’ancien vice-président de la BAD axe son discours sur :
-    La mobilisation de capitaux privés, critiquant la dépendance aux financements publics.
-    Des méga-projets d’infrastructures comme « Desert to Power » (énergie solaire au Sahel).
-    Une gouvernance axée sur les résultats, avec une réduction de la bureaucratie.

Atouts : Expérience dans les montages financiers complexes, soutien de la Francophonie.
Risques : Perçu comme trop aligné sur les intérêts des investisseurs internationaux.


3.    Samuel Munzele Maimbo (Zambie) : Exécution rapide et intégration régionale

Le candidat zambien, soutenu par la SADC et le COMESA, prône :
-    Une BAD « implémentatrice », priorisant l’exécution de projets plutôt que de nouvelles stratégies.
-    L’accélération de la Zlecaf via la suppression des barrières non tarifaires.
-    Une mobilisation innovante des fonds africains (fonds de pension, banques centrales).

Forces : Expérience à la Banque mondiale, soutien régional solide.
Faiblesses : Maîtrise limitée du français, risque de dilution dans les priorités régionales.



4.    Bajabulile Swazi Tshabalala (Afrique du Sud) : Inclusion et financements hybrides

Seule femme candidate, elle défend :
-    Une BAD « inclusive » avec 40 % de financements dédiés aux projets féminins d’ici 2030.
-    Des instruments financiers hybrides (dette-fonds propres) pour augmenter les capacités de prêt.
-    Un fonds climatique panafricain aligné sur les Accords de Paris.

Atouts : Expérience en capital hybride à la BAD, soutien de Cyril Ramaphosa.
Défis : Concurrence régionale avec Maimbo, perçue comme héritière de l’équipe sortante.

5.    Abbas Mahamat Tolli (Tchad) : Industrialisation et souveraineté économique

Le candidat de la CEEAC et de la CEMAC insiste sur :
-    La transformation locale des matières premières pour créer des emplois.
-    Le désenclavement de l’Afrique centrale via des corridors logistiques.
-    Une réforme monétaire pour intégrer les devises africaines

Forces : Soutien unanime de l’Afrique centrale, expérience à la BEAC.
Faiblesses : Accusations passées de mauvaise gouvernance, focalisation régionale excessive


Avantages et angles morts de Sidi Ould Tah

Avantages distinctifs

•    Crédibilité opérationnelle : Contrairement à Maimbo (plans théoriques) ou Tolli (promesses industrielles), Ould Tah présente un bilan vérifiable à la BADEA, avec un taux de créances douteuses réduits )
•    Diplomatie financière : Ses partenariats avec les fonds souverains du Golfe (2 milliards de dollars  mobilisés) répondent au besoin de diversification des sources de financement, un point faible de Hott et Tshabalala.
•    Positionnement transrégional : Sa capacité à naviguer entre l’Afrique francophone, anglophone et arabophone le distingue de Tolli (Afrique centrale) ou Maimbo (Afrique australe).


Angles morts à corriger

1.    Absence de feuille de route climatique : Alors que Tshabalala propose un fonds dédié et Hott mise sur l’énergie solaire, Ould Tah reste vague sur l’adaptation climatique, pourtant cruciale pour les pays sahéliens.

2.    Silence sur l’inclusion genrée : Son discours sur les PME ignore la dimension genre, contrairement à Tshabalala qui vise 40 % de financements féminins.

3.    Risque éthique persistant : Son maintien à la tête de la BADEA pendant la campagne contraste avec la démission de Tshabalala de la BAD en 2024, suscitant des doutes sur son impartialité.


Recommandations stratégiques pour les prochains discours

1.    Incorporer une dimension climatique ambitieuse

-    Proposition : Lancer un « Fonds solaire transsaharien » en partenariat avec la BADEA et l’Arabie saoudite, visant 10 GW d’énergie propre d’ici 2030.

-    Justification : Répondre aux attentes des actionnaires non africains (États-Unis, UE) tout en capitalisant sur l’expertise de la BADEA en énergie renouvelable.

-    Citation possible : « L’Afrique doit transformer son soleil en moteur de développement industriel ».

2.    Adopter un discours inclusif et chiffré

-    Engagement : Allouer 30 % des garanties de la BAD aux PME dirigées par des femmes, avec un mécanisme de mentorat technologique.
-    Exemple concret : S’inspirer du Fonds BADEA de 200 millions de dollars pour l’entrepreneuriat féminin lancé en 2023.

-    Message clé : « Aucune économie ne peut prospérer en excluant la moitié de ses talents ».

3.    Lever les ambiguïtés éthiques

-    Action : Publier un audit indépendant des dépenses de campagne et annoncer son départ anticipé de la BADEA en cas d’élection.

-      Alliés : Mobiliser Frannie Leautier, ex-vice-présidente de la BAD, pour vanter son intégrité.

-    Narrative : « La transparence n’est pas une option, c’est la condition sine qua non de la confiance ».

4.    Affirmer une vision politique audacieuse

-    Initiative : Proposer un « Mécanisme africain de restructuration de la dette » en partenariat avec le FMI, combinant rééchelonnement et investissements productifs.
-    Cible : Rassurer les pays francophones surendettés (Côte d’Ivoire, Sénégal) tout en sécurisant le soutien des créanciers non africains.
-    Discours : « La dette ne doit pas être une prison, mais un tremplin pour l’autonomie financière ».


Les clés d’une victoire stratégique .

Pour l’emporter, Sidi Ould Tah doit transformer ses atouts techniques en leadership politique. En hybridant les approches de ses concurrents – l’inclusion de Tshabalala, l’exécution de Maimbo, l’industrialisation de Tolli –, il peut incarner le compromis nécessaire entre pragmatisme financier et vision transformative.

Sa capacité à désamorcer les critiques éthiques et à articuler une réponse climatique crédible sera déterminante pour rallier les indécis. En répondant à cette attente, Ould Tah pourrait bien devenir le premier président sahélo-maghrébin de l’institution.

Pr ELY Mustapha

dimanche 20 avril 2025

C'est Khally Diallo qui a tué. Par Pr ELY Mustapha


 « Seule la couleur de la peau change, le sang est rouge pour tous »
 

Oui, oui je sais. Vous vous êtes précipités pour lire cet article, pour trouver un coupable.

Sachez alors  ceci :  tout condamné n’est pas forcément coupable et que tout prisonnier peut être innocent . Que tous les pensionnaires des prisons mauritaniennes ne sont pas forcément tous coupables. Que tous les juges mauritaniens ne sont pas infaillibles . Que la Justice mauritanienne n’est pas divine et que l’histoire de la justice regorge d’erreurs judiciaires qui ont terni son image et coûté la vie à des innocents.

Que vient donc faire ce député d’Abyssinie que l’on accuse de haine et de racisme défendant un étranger criminel tueur d’un Mauritanien ? Et qu’a-t-il donc tué ?


L'affaire de Yaya Cissé, ressortissant malien condamné à la peine capitale en Mauritanie, a fait couler beaucoup d'encre, suscitant débats passionnés et prises de position tranchées.
Au cœur de cette controverse se trouve Khally Diallo, député mauritanien du Front Républicain pour l'Unité et la Démocratie (FRUD), dont l'engagement dans cette affaire a été interprété de multiples façons, souvent à charge.
 Cet article entend démontrer que derrière les apparences et les accusations se cache une réalité plus nuancée : celle d'un homme politique qui, loin de contester l'autorité judiciaire de son pays, exerce simplement son droit au doute face à un dossier qui présente des zones d'ombre troublantes. À travers cette analyse, nous verrons comment l'histoire judiciaire nous enseigne la prudence et pourquoi l’attitude de Khally Diallo s'inscrit dans une tradition universelle de questionnement légitime face à la justice humaine, par essence faillible.

L'affaire Yaya Cissé : chronologie d'une possible erreur judiciaire

Yaya Cissé, citoyen malien marié à une Mauritanienne et père de famille, croupissait en prison depuis 2012, condamné à la peine capitale pour un crime qu'il n'a cessé de nier avoir commis. Président de l'association des Ressortissants Maliens en Mauritanie "Yèrèko", il a été accusé d'un meurtre survenu dans la nuit du 26 juillet 2010 vers 1h du matin en Mauritanie.
Ce qui rend cette affaire particulièrement troublante réside dans l'alibi de Yaya Cissé : selon ses déclarations et celles de témoins, il aurait quitté Nouakchott le 25 juillet 2010 par un vol de Mauritanie Airways pour arriver à Bamako le 26 juillet 2010 à 00h40, par le trajet Nouakchott-Dakar-Bamako.
Autrement dit, il se serait trouvé physiquement au Mali au moment précis où le crime était commis en Mauritanie.
Cette contradiction fondamentale n'a pourtant pas empêché sa condamnation, prononcée selon son avocat "sur dénonciation calomnieuse d'une détenue". Depuis lors, un comité de soutien s'est constitué pour obtenir la révision de son procès, soulignant que "depuis son incarcération jusqu'aujourd'hui, Yaya, qui clame son innocence, n'a jamais été entendu, et ce, malgré toutes les preuves  disponibles aujourd'hui pour le blanchir".
 L’avocat de Yahya Cissé, Me Hamadi Karembé, interjetant,  à l’époque,  appel contre la condamnation prononcée par la Cour Criminelle  avait  souligné ne pas comprendre comment après deux ans d’enquête préliminaire qu’on puisse brusquement impliquer une personne qui non seulement est réputée pour sa droiture et son honnêteté, mais qui en plus, a apporté toutes les preuves matérielles qu’elle ne peut aucunement être impliquée car absente au moment des faits.


Lacunes probatoires majeures.

Le constat de lacunes probatoires majeures dans l’analyse des pièces du dossier, comparables aux erreurs judiciaires historiques comme l'affaire du Courrier de Lyon (1796) ou l'affaire Dreyfus (1894) que nous exposons plus loin dans cet article.

1. L'alibi spatio-temporel ignoré
Le cœur du dossier repose sur une contradiction chronologique flagrante :
•    Preuve documentaire : Le passeport de Cissé portait des cachets d'entrée/sortie attestant son départ de Nouakchott le 25 juillet 2010 via le vol Mauritania Airways NKTT, avec arrivée à Bamako le 26 juillet à 00h40 via Dakar.
•    Témoignages matériels : Le chauffeur Samaké aurait conduit Cissé à l'aéroport, tandis qu’un témoin Aly Traoré confirmait lui avoir personnellement délivré son billet.
•    Incohérence judiciaire : Le crime fut commis le 26 juillet vers 1h à Nouadhibou, soit 20 minutes après l'atterrissage supposé de Cissé à Bamako – impliquant physiquement impossible sa présence sur les lieux. La Cour criminelle rejeta ces éléments comme « falsifiés » sans expertise graphologique ni contre-preuve.

2. Témoignages à décharge occultés

Le procès s'appuya principalement sur :
•    Une détenue anonyme dont la dénonciation initiale fut qualifiée de « calomnieuse » par l'avocat Me Hamadi Karembé, sans confrontation en audience.

À l'inverse, furent écartés :

•    Les membres de l'association Yèrèko attestant des activités de Cissé comme médiateur communautaire, incompatible avec un profil criminel.

3. Absence de preuves scientifiques


Aucune preuve matérielle ne lie Cissé au crime :
•    Arme du crime : Le couteau mentionné dans l'autopsie ne fut jamais retrouvé ni relié à l'accusé.
•    Traces ADN : Aucun prélèvement biologique ne fut effectué sur la victime ou sur les scènes de crime.
•    Reconstitution : Aucune simulation n'étaya la faisabilité des événements décrits, malgré les incohérences topographiques soulevées par la défense.

4. Vice de procédure

Le procès viola les standards juridiques mauritaniens et internationaux :
•    Droit à la confrontation : Les témoins à charge ne furent jamais soumis au contre-interrogatoire.
•    Assistance légale : Cissé n'eut accès à un avocat qu'après trois mois de détention préventive, période durant laquelle des « aveux » contestés furent extorqués.
•    Expertise indépendante : Les cachets du passeport, pièce centrale de la défense, ne firent l'objet d’une expertise conformément aux articles 141 et suivant du Code de procédure pénale mauritanien.

5. Contexte politico-ethnique

Il convient de mentionner que l'affaire s'inscrivit dans un climat de tensions post-2009 entre la Mauritanie et ses ressortissants maliens, exacerbé par :
•    La loi sur la traite des personnes (2010) utilisée pour criminaliser les réseaux transfrontaliers.
•    Le profil de Cissé : Président de l'association Yèrèko, il incarnait une leadership communautaire perçu comme menaçant pour les autorités locales.

Comme dans l'affaire Lesurques (Courrier de Lyon) où un alibi ferroviaire fut ignoré, ou le procès Dreyfus fondé sur un faux document, l'omission des preuves exculpatoires dans l'affaire Cissé illustre le risque de dérive inquisitoriale des systèmes pénaux. Khally Diallo, en soulignant ces failles, ne conteste pas la légitimité de la justice mauritanienne, cequi n'est pas sans nous rappeler que « toute condamnation pénale doit reposer sur des preuves adéquates et suffisantes » (notamment arrêt Barberà c. Espagne, 1988- de  la Cour européenne des droits de l'homme, ).

Son attitude  rejoint celui de Zola clamant « La vérité est en marche » – rappel salutaire que l'infaillibilité judiciaire n'appartient qu'aux tribunaux divins.

Les erreurs judiciaires dans l'histoire : lorsque la justice se trompe

L'histoire judiciaire est malheureusement jalonnée d'erreurs qui rappellent que la justice, œuvre humaine, n'est pas infaillible. L'affaire du "Courrier de Lyon" constitue l'un des exemples les plus emblématiques de ces tragiques méprises. Joseph Lesurques fut condamné et guillotiné le 3 octobre 1796 pour l'attaque d'une diligence postale et le meurtre de deux employés, alors qu'il proclamait son innocence. L'irréparable était déjà commis lorsque le véritable coupable, un certain Dubosc qui lui ressemblait beaucoup, fut démasqué en 1800. Malgré seize tentatives de réhabilitation, la famille de Lesurques n'obtint jamais justice.

D'autres cas illustrent cette faillibilité judiciaire. L'affaire Dreyfus, "la plus célèbre erreur judiciaire de l'histoire de la justice pénale française", a vu le capitaine Alfred Dreyfus condamné injustement en 1894. Plus méconnue mais tout aussi tragique, l'affaire Rosalie Doize rappelle les dérives possibles du système judiciaire : cette femme enceinte avoua sous la pression un crime qu'elle n'avait pas commis pour protéger son enfant, et fut condamnée aux travaux forcés à perpétuité avant d'être acquittée en 1862.
Elle avait entre-temps perdu son enfant dans les conditions précaires de son incarcération.

Ces précédents historiques nous enseignent que le doute face à certaines décisions de justice n'est pas une remise en cause gratuite de l'institution, mais parfois une nécessité morale.

Khally Diallo : défenseur d'un innocent potentiel, non d'un criminel avéré

Pour comprendre la position de Khally Diallo, il faut d'abord cerner sa personnalité politique. Décrit comme "l'avocat inflexible du peuple" et "le rempart contre l'injustice", ce député se distingue par "sa fermeté morale et son refus catégorique de toute compromission". Son engagement dans l'affaire Cissé s'inscrit dans cette ligne de conduite.

Contrairement à ce que ses détracteurs affirment, Khally Diallo ne défend pas Yaya Cissé en tant que criminel condamné, mais en tant qu'homme potentiellement innocent dont les preuves à décharge n'auraient pas été correctement prises en compte. Comme l'indique sa récente déclaration, il souhaite "apporter quelques éclaircissements concernant l'affaire de Yaya Cissé", reconnaissant la douleur des victimes tout en refusant qu'on lui fasse "porter une responsabilité qui ne [lui] incombe pas".
Ce que ce député soutient , ce n'est pas l'impunité d'un criminel, mais le fait qu'un homme puisse purger sa peine dans son pays d'origine, près des siens - une considération humanitaire qui transcende la question de la culpabilité.  "Le ministère malien de la Justice et des Droits de l'Homme a annoncé [...] le transfèrement vers le Mali de Yaya Cissé", une évolution que Khally Diallo considère comme positive sur le plan humain, indépendamment de ses convictions personnelles quant à l'innocence du condamné.

Le droit au doute : pilier d'une justice équilibrée

La position de Khally Diallo illustre un principe fondamental en matière juridique : le droit au doute. Dans tout système judiciaire sain, ce doute n'est pas une faiblesse mais une force - un garde-fou contre l'arbitraire et l'erreur. Et le doute doit toujours bénéficierà l'accusé.

En Mauritanie dans un contexte  marqué par une corruption généralisée" et "une répression systématique des voix dissidentes",  le questionnement critique face aux décisions de justice n'est pas seulement un droit, mais pourrait presque être considéré comme un devoir civique.

Il va de soi que Khally Diallo ne prétend pas se substituer aux juges ni renverser leur verdict.

 Son engagement manifeste simplement ce que son rôle de représentant du peuple lui confère : la capacité et la légitimité d'exprimer un doute raisonnable face à une affaire qui présente des incohérences troublantes. Comme il l'affirme lui-même : "Mon engagement contre l'injustice est sincère et ne connaît ni frontières, ni distinctions de nationalité, de couleur ou d'origine".

Conclusion : Ce que Khally Diallo tue réellement

Si Khally Diallo "tue" quelque chose, ce n'est certainement pas l'autorité de la justice mauritanienne, mais plutôt un certain patriotisme étroit qui voudrait que la solidarité nationale s'arrête aux frontières de la pensée critique.
 Il combat cette idée selon laquelle "chaque fois qu'un individu exprime en son âme et conscience une idée, il devient l'ennemi de ses contradicteurs".

Son action nous rappelle une vérité essentielle : nul ne peut affirmer que tous ceux qui croupissent en prison sont coupables, tout comme nul ne peut prétendre que la justice, mauritanienne ou autre, est d'ordre divin et donc infaillible. Dans le cas de Yaya Cissé comme dans d'autres, l'histoire nous jugera, et si l'innocence venait un jour à être prouvée, c'est bien cette forme de dogmatisme aveugle que Khally Diallo contribue à "tuer".

En attendant ce jour hypothétique, le combat de tout être libre et digne  reste celui de la nuance contre le manichéisme, du doute méthodique contre la certitude péremptoire. 

Et si la voix de ce député dérange, c'est peut-être parce qu'elle nous rappelle cette vérité inconfortable : la justice des hommes, aussi nécessaire soit-elle, demeure humaine, donc imparfaite. 


Nul ne peut se réjouir de la mort d’une personne, compatriote ou pas, nul ne peut se réjouir de la condamnation d’une personne présumée innocente, compatriote ou pas.

Toutes les âmes se valent jusqu’à ce qu’elles comparaissent devant leur créateur.

Pr ELY Mustapha


samedi 12 avril 2025

Livre Blanc : Drogue et trafic de drogue en Mauritanie – Un cri d’alarme - Par Pr ELY Mustapha

Dédicace


À la jeunesse mauritanienne,
Prisonnière d’un fléau qui ronge ses rêves,
Mais porteuse d’une force capable de changer son destin,
Et raviver l’espoir d’un avenir libéré des chaînes de l’addiction et du trafic


Un document  pour comprendre un défi national et régional

La Mauritanie, carrefour stratégique entre l’Afrique subsaharienne et le Maghreb, est aujourd’hui confrontée à une crise sans précédent : le trafic et la consommation de drogues.

Ce livre blanc , est bien plus qu’un rapport alarmant, c’est une plongée au cœur d’un problème complexe qui menace la stabilité politique, économique, sociale et sécuritaire du pays. À travers une analyse rigoureuse, basée sur des faits vérifiables et des données récentes, ce livre blanc met en lumière les multiples facettes de ce fléau et propose des solutions concrètes pour y faire face. Et Puisque  aussi, il ne s’agit pas seulement d’un problème mauritanien mais d’une crise régionale qui menace toute la stabilité du Sahel, il  offre une vision claire et documentée pour agir avant qu’il ne soit trop tard.


Pourquoi ce livre blanc est essentiel:

1.  Une enquête exhaustive sur 15 ans : De la saisie historique de 630 kg de cocaïne à Nouadhibou en 2007 aux récentes saisies record de 2,3 tonnes en 2023, ce document retrace l’évolution du trafic en Mauritanie avec rigueur. .
 

 2. Une analyse multidimensionnelle : Chaque chapitre explore une facette essentielle du problème – corruption politique, impact économique, vulnérabilité des jeunes, criminalité transnationale, et bien plus encore.

3.    Des faits chocs :

-   15 % des jeunes urbains consomment des drogues, selon l’Association mauritanienne contre l’addiction aux stupéfiants.
-    Des élites politiques impliquées dans la protection des trafiquants.
-    Une économie parallèle qui alimente le blanchiment d’argent dans l’immobilier et l’orpaillage.

4. Des propositions  concrètes :

Ce livre blanc ne se contente pas de dresser un constat alarmant. Il propose une feuille de route ambitieuse impliquant réformes institutionnelles, coopération régionale et mobilisation communautaire.

5.   Une plongée dans l’histoire du trafic

Le document revient sur les grandes affaires qui ont marqué le pays : de l’affaire Mohamed Ould Haidalla à la saisie spectaculaire de Nouakchott en 2016. Ces récits montrent comment la Mauritanie est passée d’un rôle secondaire à celui de plaque tournante régionale pour les stupéfiants.

6.    Une géopolitique explosive

Avec ses frontières poreuses et sa proximité avec les marchés européens, la Mauritanie est devenue un corridor stratégique pour les cartels latino-américains et les réseaux sahéliens. Le livre détaille comment ces routes alimentent non seulement le trafic de drogue mais aussi le financement des groupes armés comme AQMI.

7. Des impacts dévastateurs:

•    Sur la jeunesse : Le chômage élevé (30 %) rend les jeunes vulnérables au recrutement par les réseaux criminels.
•    Sur l’économie : Le blanchiment d’argent dans l’immobilier fait grimper artificiellement les prix du logement à Nouakchott.
•    Sur la société : La stigmatisation des consommateurs aggrave leur isolement social.
-  
8.    Des initiatives locales inspirantes

Le livre met en lumière le travail remarquable d’organisations comme SOS Pairs Educateurs et AMLAS, qui sensibilisent les jeunes et soutiennent les familles touchées par l’addiction.


9. Un appel à l’action

Ce livre blanc n’est pas qu’un constat ; c’est un cri d’alarme pour mobiliser tous les acteurs – gouvernementaux, communautaires et internationaux – autour d’une cause commune :

•    Renforcer la gouvernance interne pour briser le cercle vicieux de la corruption.
•    Investir dans l’éducation et l’emploi pour offrir aux jeunes des alternatives viables.
•    Améliorer la gestion des frontières grâce à des technologies modernes et une coopération transfrontalière renforcée.
•    Soutenir les initiatives communautaires, véritables piliers dans cette lutte.

La drogue représente un défi majeur pour la Mauritanie sur tous les fronts : politique, économique, social et sécuritaire. Si les saisies spectaculaires montrent une volonté de lutte, elles ne suffiront pas sans un investissement massif dans la jeunesse.

Ce livre blanc est un outil indispensable pour comprendre les défis actuels de la Mauritanie et envisager un avenir plus sûr pour ses citoyens.


Lien pour télécharger librement ce livre blanc :

https://drive.google.com/file/d/1-PWvPjUhKsXBYUjpZaS0uev8U9uGTPlB/view?usp=sharing


Pr ELY Mustapha


Analyse du communiqué du ministère de l'Économie et des Finances : Nul ne peut être juge dans sa propre cause . Par Pr ELY Mustapha

J’analyse,  dans les développements qui suivent, le récent communiqué du comité d’enquête institué par le ministère de l'Économie et des Finances. L'objectif est de mettre en lumière les incohérences juridiques, les conflits d'intérêts institutionnels et les failles procédurales qui entourent la gestion de l’affaire NIOFAR, un lanceur d’alerte .Je propose également des pistes concrètes pour transformer cette crise en une opportunité de réforme structurelle et économique. Cette analyse se veut une réflexion sur l'importance d'une gouvernance transparente et impartiale pour restaurer la confiance des investisseurs et renforcer l'intégrité des institutions publiques.


1.    Réactivité institutionnelle, ministérielle

Le ministère de l'Économie et des Finances a démontré une volonté proactive en réagissant dans un délai de six jours aux allégations publiques, conformément à ses missions de modernisation administrative. La création d'un comité d'enquête s'inscrit dans le cadre des réformes annoncées lors du Projet de loi de finances 2025, qui prévoit 440,9 milliards MRU pour améliorer la transparence fiscale.

Cependant, cette réactivité masque des incohérences structurelles qui sapent la crédibilité des conclusions de son comité d’enquête.

2.    Incompétence juridique du comité ministériel

Violation du cadre légal

La Constitution mauritanienne et la loi n°2007-04 relative à la lutte anticorruption réservent les enquêtes pénales à :
•    L'Inspection générale d'État (IGE) : Organe indépendant placé sous l'autorité du Premier ministre, habilité à contrôler la gestion administrative et financière.
•    Le Parquet : Seul compétent pour instruire les infractions pénales liées à la corruption.
Le ministère, en pilotant une enquête sur ses propres services (délivrance de permis, fiscalité), viole le principe de séparation des pouvoirs énoncé à l'article 10 de la Convention des Nations Unies contre la corruption.

 Conflit d'intérêts institutionnel

Le ministère supervise directement :
•    La délivrance des permis de travail et investissement ;
•    La fiscalité des entreprises.

Or, le comité d’enquête, issu du même ministère, a analysé des accusations visant ses propres services, violant le principe "Nemo judex in causa sua" (nul ne peut être juge dans sa propre cause).
Le comité, lui-même  a été pilotée par une conseillère du ministère, créant un conflit d'intérêts manifeste puisque les services mis en cause (fiscalité, délivrance de permis) relèvent de sa tutelle.

Il est un principe constant en droit de la preuve selon lequel pour être recevable, l’écrit produit en justice ne peut pas émaner de la partie qui s’en prévaut. Nul ne peut se constituer de preuve à soi-même.
L’exigence d’impartialité domine le droit commun de la preuve. Érigée en principe, l’impartialité de la preuve suppose d’interdire la production d’une preuve partiale, autrement dit, d’une preuve qui, par le manque d'objectivité qu’elle trahit, entrave la manifestation de la vérité recherchée durant le procès. A titre indicatif,  la cour de Cassation française appelle pour toute recevabilité de cette preuve à soi-même un examen minutieux des faits (Civ. 2e, 6 mars 2014, n°13-14.295) »
Et à fortiori,  nul n’est tenu de prouver contre lui-même.

Or les dysfonctionnements administratifs cités dans le rapport (manque de coordination, non-conformité fiscale) concernent directement des services sous tutelle ministérielle. Cette situation crée un biais institutionnel, contraire aux standards de l'ONUDC exigeant des enquêteurs externes pour les dossiers sensibles.

 L'ONUDC souligne, en effet,  ce risque dans son manuel de bonnes pratiques, exigeant des enquêteurs externes pour les dossiers sensibles.


3.    Déficiences procédurales et violation des standards internationaux


Absence de protection des lanceurs d'alerte

Le rapport  de la Plateforme de Protection des Lanceurs d'Alerte en Afrique (PPLAAF) (2023) révèle que la Mauritanie ne dispose d'aucune loi spécifique protégeant les dénonciateurs. L'article 19 de la loi 2016-014 prévoit une "protection spéciale" des témoins, mais sans mécanisme opérationnel. Cette carence explique le refus initial de l'investisseuse de collaborer, craignant des représailles.

La Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC) exige pourtant en son article 33 la protection des lanceurs d'alerte. Le manquement mauritanien a été relevé par le Groupe d'examen de l'application de la CNUCC en 2017.


Approche inquisitoriale contre-productive

Le rapport du comité ministériel focalise ses critiques sur l'investisseuse dénonciatrice plutôt que sur le fond des allégations, une pratique contraire aux principes de l'OCDE sur la protection des lanceurs d'alerte.
En exigeant la divulgation publique des noms des fonctionnaires accusés sans garanties de protection, les autorités ont ignoré les risques de représailles documentés par Transparency International dans 78% des cas africains.
Cette approche a un effet dissuasif sur les futurs signalements, comme l'illustre la chute de 42% des dénonciations en Algérie après des cas similaires en 2022.


4.    Méthodologie d'enquête défaillante

Délais irréalistes

Le comité d’enquête affirme avoir bouclé ses investigations en moins d'une semaine (5 au 11 avril 2025). Or, les enquêtes complexes sur la corruption nécessitent :

-    Audits financiers : Traçabilité des flux suspects via des outils forensiques (minimum 3 mois selon l'ONUDC).
-    Protection des témoins : Mécanisme absent malgré la loi n°2020-021.

Déjà en 2007 l’'étude de la Banque mondiale (2007) avait alerté sur le phénomène et montré que 63 % des entreprises mauritaniennes considèrent la corruption comme un frein majeur, nécessitant des investigations pluridisciplinaires : « le coût de la corruption en Mauritanie,  pour les entreprises est significatif et que dans les pays du groupe de comparaison.
Cela signifie que la corruption est internalisée par les entreprises et considérée comme une pratique acceptée. Par ailleurs, les entreprises craignent de dénoncer les pratiques de corruption par peur des représailles.
Les données économétriques sur la propension et l'intensité de pots-de-vin suggèrent que ce sont les entreprises de taille moyenne qui souffrent le plus de la corruption en Mauritanie.(World Bank - Policy Research Working Paper 4439)

Absence de preuves matérielles.

Le rapport se base sur :

-    20 témoignages non corroborés par des enregistrements ou PV d'audition.
-    Aucune saisie de documents fiscaux ou de communications électroniques.

Cette approche contraste avec le scandale de la Banque centrale de Mauritanie (2020), où une enquête judiciaire a permis de récupérer 935 000 € détournés grâce à des analyses forensiques.

5.     Gestion contre-productive de la plaignante

Manquements à la protection des lanceurs d'alerte

Le comité reproche à l'investisseuse son refus initial de coopérer, tout en reconnaissant qu'elle a fourni des informations sous condition de confidentialité. Cette attitude ignore :
•    L'article 33 de la Convention de l'ONU contre la corruption, ratifiée par la Mauritanie en 2006.
•    La création récente de l'Autorité nationale de lutte contre la corruption (janvier 2025), censée protéger les dénonciateurs.

Le communiqué consacre 23 % de son contenu à critiquer la plaignante, contre seulement 11 % aux preuves de corruption. Cette approche décourage les futurs signalements, dans un pays classé 140e/180 à l'indice de perception de la corruption.


6.    Occasion manquée de réforme économique

Impact sur le climat des affaires

La gestion du dossier aggrave les risques déjà perçus par les investisseurs :

-    Délais administratifs : 143 jours pour un permis minier vs 38 jours au Sénégal.
-    Coût des pots-de-vin : 12,4 % du chiffre d'affaires des PME.
-    

Recommandations superficielles

Les propositions (numérisation, formation) éludent les enjeux de fond :

-    Aucune sanction contre les fonctionnaires mis en cause.
-    Aucun audit externe des services incriminés, pourtant préconisé par le FMI dans son rapport 2024.


7.    Alternative stratégique conforme au droit


Une gestion vertueuse aurait impliqué :

-    Saisine immédiate de l'IGE et du Parquet pour une enquête indépendante.
-    Collaboration avec l'ONUDC pour un audit conforme au guide pratique 2024.
-    Communication proactive sur les réformes structurelles, qui pourrait être alignée par exemple  sur le modèle rwandais (réduction de 65 % de la corruption via l'e-Procurement).



8.  Stratégie économique : confiance des investisseurs et relance sectorielle

Au lieu de se livrer à monter un comité, qui quelle que soit sa bonne foi reste juge et partie  aboutira à des résultats peu probants (car nul n’est censé apporter la preuve contre lui-même) , il aurait été plus judicieux de profiter de cette alerte pour initier une Stratégie économique  consolidant la confiance des investisseurs et  inaugurant relance sectorielle.

A savoir créer un fonds souverain boostant les  réformes, offrir des garanties juridiques solides et rassurantes pour les investisseurs et transformer l’alerte en levier réformateur qui, par la communication,  informera et forcera l’estime des partenaires interne et  externes .


a. Fonds souverain dédié aux réformes


Créer un Fonds d'intégrité économique doté de 1,2 % du PIB (soit 120 millions USD), financé par :
-    La restitution des avoirs illicites ;
-    Une taxe de 0,5 % sur les transactions minières.
Ce fonds financera des projets à haute visibilité (énergie solaire, logistique portuaire) avec suivi citoyen via des comités mixtes État-société civile, inspirés du modèle bangladais.

b. Garanties juridiques pour les investisseurs

Introduire des clauses anti-corruption dans les contrats d'investissement, prévoyant :

-    L'arbitrage international en cas de litige ;
-    Des compensations forfaitaires pour retard administratif injustifié (en se basant s’il y a lieu sur la définition jurisprudentielle du « délai raisonnable »)


9.     Communication de crise : transformer l'alerte en levier réformateur

a.    Conférence internationale sur la transparence

Organiser un sommet regroupant :

-    Le Groupe d'action financière (GAFI) pour le renforcement des contrôles AML/CFT ;

-    Transparency International pour un benchmarking des pratiques ;

-    Les investisseurs majeurs (TotalEnergies, Kinross Gold) afin de signer des Pactes d'intégrité sectoriels.

b.    Campagne médiatique ciblée

Diffuser des reportages sur les réformes en cours via des partenariats avec Al Jazeera et Financial Times, en s'appuyant sur le succès du Transparency Portal brésilien qui a boosté la confiance de 42 % des investisseurs entre 2016 et 2020.


10.    Renforcement institutionnel à long terme

a.    Former à l’administration financière des risques et des crises

Former 200 auditeurs publics d'ici 2026 via un programme diplômant avec une institution universitaire ou professionnelle  internationale, axé sur :

-    La lutte contre les flux transfrontaliers illicites ;
-    L'analyse des risques sectoriels (minier, pêche)

b.    Indice de résilience économique

Publier trimestriellement un indicateur composite mesurant :

-    Le taux de procédures numérisées ;
-    Le délai moyen de traitement des dossiers ;
-    Le nombre de fonctionnaires certifiés en éthique professionnelle.



En conclusion, nous pourrions dire que c’est un échec procédural aux conséquences économiques durables qui aurait pu être transformé en opportunité historique .

Le ministère a transformé une crise en occasion manquée de crédibiliser l'écosystème des affaires. Seule une enquête judiciaire indépendante, pilotée par l'IGE avec l'appui de l'ONUDC, pourrait restaurer la confiance des investisseurs et éviter un recul des IDE estimé à -18 % pour 2025.

La balle est désormais dans le camp des autorités judiciaires pour appliquer la loi sans concession.

Et pourtant…en conjuguant rigueur procédurale, innovation technologique et diplomatie économique, le ministère aurait pu :

-    Sanctuariser son rôle de garant de l'intégrité financière ;
-    Attirer 300 millions USD d'investissements directs étrangers supplémentaires d'ici 2026 ;
-    Positionner la Mauritanie comme modèle de réforme en Afrique de l'Ouest.
-    Cette approche magistrale, alliant fermeté juridique et pragmatisme économique, aurait définitivement dissocié l'image du pays des pratiques opaques, conformément à l'adage : « La meilleure défense est une transparence offensive ».

Car si Nul ne peut être juge dans sa propre cause, il est des causes qui méritent que nul au détriment des intérêts d’une nation ne doit les gérer à sa guise. NIOFAR, une alerte éphémère. La Mauritanie, un avenir.



Pr ELY Mustapha


jeudi 10 avril 2025

Politique Airlines : Les cafards prennent l’avion . Par Pr ELY Mustapha



En cette année 2025, alors que le monde se préoccupe des droits des passagers aériens, une communauté discrète mais résiliente a déjà trouvé sa compagnie de prédilection : les cafards de Mauritanie qui, semble-t-il, voyagent désormais avec style à bord de Mauritania Airlines.


Un documentaire fascinant réalisé par l'aventurier Josh Cahill révèle l'hospitalité exceptionnelle de la compagnie nationale mauritanienne envers ses passagers à six pattes.
Sur le vol Conakry-Dakar, le Boeing 737-800 (un modèle vintage de 19 ans) offre des conditions idéales pour la clientèle entomologique : interstices confortables entre les sièges, miettes abondantes et coins sombres parfaitement aménagés.

L'absence de démonstrations de sécurité, loin d'être une négligence, apparaît désormais comme une attention particulière envers cette clientèle qui préfère rester discrète pendant le décollage. Cette approche minimaliste s'étend également au nettoyage de la cabine, limité à un impressionnant dix minutes entre les vols - une décision écologique qui préserve l'habitat naturel des petits voyageurs.


Les cafards : passagers VIP à six pattes

Il est 12h passé, et le vol Conakry-Dakar de Mauritania Airlines est prêt (enfin, après trois heures de retard – classique). Josh Cahill, qui s’attendait à un vol économique classique, a été surpris par la "faune locale" à bord. Non, il ne parle pas des passagers turbulents (nous y reviendrons), mais des cafards qui semblaient parfaitement chez eux dans ce Boeing 737-700.

« Ils grimpaient le long des sièges et se baladaient sur les hublots », raconte Cahill dans une vidéo devenue virale. Pendant que certains passagers tentaient de coincer discrètement leurs "nouveaux amis" sous leur chaussure, d’autres semblaient totalement insensibles à leur présence. Une scène ordinaire, diront les habitués de la compagnie.

D’ailleurs, ces insectes ne sont pas les seuls à s'adapter. Coincés dans cet avion à l’entretien minimaliste, les passagers mauritaniens eux-mêmes rivalisent de créativité pour passer le temps : discussions animées, repas improvisés, voire parfois des "petites siestes collectives" à même le sol.

Les Mauritaniens en avion : l’incivilité comme art de vivre

Le comportement des passagers de Mauritania Airlines offre un spectacle digne d’un stand-up. Pendant que les cafards s’installent tranquillement, une autre forme de chaos s’installe dans la cabine. Certains passagers se lèvent sans raison, discutent bruyamment, ou déposent leur plateau-repas sur les genoux des voisins sans même demander (hommage à Josh Cahill qui en a fait les frais).

Mais ce n’est pas tout. Sur ce vol, la règle non écrite semble être : "Pourquoi respecter les consignes quand on peut faire ce qu'on veut ?".
 Pendant l’atterrissage, une poignée de passagers s’éloignent des consignes de sécurité, décidant d’aller faire un tour... aux toilettes. D’autres, plus audacieux, grimpent sur les sièges pour attraper leurs bagages AVANT que l’avion ne touche le tarmac. L’équipage, stoïque face à tout cela, adopte une philosophie bien mauritanienne : Inshallah, tout ira bien.

Et que dire des fumeurs clandestins ? Oui, même à 10 000 mètres d’altitude, certains passagers trouvent le moyen de griller une cigarette aux toilettes. "C’est leur manière de manifester leur indépendance", ironise Cahill. Qui peut , hélas ! être explosive !

Dans tout ce chaos, personne ne semble vraiment préoccupé par la sécurité, ni par les cafards qui trottinent joyeusement sous les sièges. Après tout, à quoi bon s’énerver ? Comme diraient les Mauritaniens : "On est là, c’est déjà ça ! El hamdou lillah. »

Une économie circulaire entre humains et insectes

Le  plateau-repas, un moment fort du vol. Sur Mauritania Airlines, tout est sujet à improvisation, y compris la restauration. Certains passagers n’hésitent pas à piocher dans le plateau de leur voisin, tandis que les cafards, eux, se contentent des miettes tombées au sol. L’esprit de partage règne à bord – que ce soit volontaire ou non.


Le Boeing 737, avec ses interstices mal nettoyés et ses sièges usés, est un paradis pour les cafards. Mais ces derniers ne se contentent pas de squatter : ils participent à un écosystème aérien bien rodé. Quand les passagers renversent du riz ou laissent traîner un morceau de pain, la colonie s’active immédiatement pour nettoyer. Une forme d’économie circulaire en plein ciel.

D’ailleurs, Josh Cahill résume l’affaire avec humour : "Le plus drôle, c’est qu’ils sont plus rapides à ramasser les miettes que le personnel de cabine ne l’est pour nous servir de l’eau !"


Les cafards comme métaphore de la résilience mauritanienne

Alors que l’opposition mauritanienne accuse le gouvernement de laxisme, les cafards de Mauritania Airlines prouvent que tout est une question de perspective. Eux aussi résistent aux intempéries de la politique et trouvent un moyen de survivre… ou plutôt, de s’envoler.

En Mauritanie, même les cafards ne supportent plus les problèmes du sol et préfèrent chercher des horizons plus cléments. À défaut de manifester dans les rues, ils choisissent la voie des airs pour exprimer leur ras-le-bol. Peut-on leur en vouloir ?


En Mauritanie, le cafard n’est pas qu’un simple insecte. Il est une métaphore ambulante, un symbole que l’on brandit à tort ou à raison dans les débats politiques. Pourtant, au-delà de son rôle imaginaire, les cafards ont pris une dimension bien réelle et inquiétante. Non seulement ils ont envahi les avions de Mauritania Airlines, mais ils semblent également avoir infiltré la dynamique politique et sociale du pays.

Le mot "cafard", est  (hélas !) issu de l’arabe kafir, signifie "mécréant". Dans la rhétorique politique mauritanienne, le terme est souvent utilisé pour désigner ceux jugés déloyaux ou corrompus. Mais alors que des parlementaires sont actuellement enfermés pour avoir qualifié leurs adversaires de "cafards", les véritables blattes prospèrent dans les airs et au sol.

Dans une société où le terme kafir (mécréant) est utilisé pour stigmatiser et réduire au silence des adversaires, l'ironie est totale : les véritables cafards ont trouvé leur place parmi les interstices des Boeing 737 vieillissants, mais aussi dans les rouages du pouvoir mauritanien. Et si cette invasion était plus qu’une simple anecdote aérienne ? Si elle reflétait une infestation métaphorique – voire littérale – du système politique mauritanien ?


Du ciel à la politique, Cafards et kafirs : une invasion coordonnée

Imaginez les cafards comme une force invisible mais omniprésente. Dans les avions, ils se cachent sous les sièges, grimacent derrière les accoudoirs et ramassent les miettes des passagers négligents. Dans la sphère politique, ils sont ceux qui survivent aux scandales, aux controverses, et à l’indignation populaire, tout en continuant à s’ancrer dans les structures du pouvoir.

Les opposants emprisonnés pour avoir traité certains leaders de "cafards" pourraient méditer sur ce paradoxe :

-    Opposant emprisonné : "Je suis derrière les barreaux pour avoir dit la vérité."
-    Cafard politique : "Nous, on est bien installés dans les bureaux ministériels... et maintenant dans les avions !"


Mauritania Airlines : un microcosme du chaos politique mauritanien

Une cabine transformée en espace anarchique

À bord des Boeing antiques de Mauritania Airlines, l’ambiance est un mélange d’incivilité humaine et d’invasion insectoïde. Pendant que les passagers humains transgressent les règles – fumant dans les toilettes ou ouvrant leurs bagages avant même que l’avion n’ait atterri – les cafards, eux, observent et s’organisent dans un silence méthodique.

Dans une société où les institutions peinent à maintenir l’ordre, l’avion devient le reflet parfait du pays :
•    Certains passagers s’improvisent leaders anarchiques, imposant leurs propres lois dans la cabine.
•    D’autres ignorent totalement les consignes, prouvant que même à 10 000 mètres d’altitude, la désobéissance est culturelle.
•    Et parmi tout ce chaos humain, les cafards prospèrent dans une organisation quasi-militaire (métaphore devenue réalité)  – un modèle efficace que certains hommes politiques pourraient envier.

Les cafards métaphoriques qui ravagent la politique mauritanienne

Le cafard comme symbole des survivants du système

Dans un pays où les scandales politiques se multiplient et où les débats s’enlisent, les cafards incarnent une résilience inquiétante. Ces créatures – que ce soit au sens littéral ou figuré – résistent à tout :

•    Aux appels au changement démocratique.
•    Aux réformes promises mais jamais réalisées.
•    Et même à l’indignation populaire.

Mais contrairement aux citoyens ordinaires, les cafards ne se contentent pas de survivre. Ils prospèrent dans les failles du système, s’infiltrant dans les structures politiques et économiques pour y établir leur "siège permanent".


La cabine, ou une Assemblée nationale volante

À bord des Boeing 737 vieillissants de Mauritania Airlines, le comportement des passagers offre un miroir comique – mais inquiétant – de la politique mauritanienne. Si vous pensiez que les débats à l’Assemblée nationale étaient chaotiques, attendez de voir ce vol.

Dans la cabine, les règles sont ignorées :
•    Certains passagers ouvrent leurs bagages en pleine phase d’atterrissage, comme s’ils vérifiaient si  des fonds publics dérobés y étaient …pour les dénoncer dans un débat parlementaire à venir.

D’autres fument tranquillement aux toilettes, défiant les lois aériennes comme certains politiciens ignorent celles des finances publiques

•    Et puis il y a ceux qui partagent bruyamment des plateaux-repas avec leurs voisins, dans une alliance de fortune qui rappelle les pactes politiques improvisés.


La leçon des cafards politiques

En traitant leurs adversaires de "cafards", certains opposants ont peut-être involontairement résumé la situation politique mauritanienne. À l’instar des cafards dans les avions, les cafards politiques sont :

1.    Multiples : Ils se reproduisent dans toutes les sphères, des ministères aux conseils municipaux.
2.    Silencieux mais efficaces : Ils avancent sans bruit, profitant des miettes laissées par leurs prédécesseurs.
3.    Insurmontables : Peu importe les scandales, ils trouvent toujours un moyen de rebondir – ou de s’envoler, si nécessaire.

Les cafards dans les airs comme miroir des cafards au sol

Incivilité et désordre dans la cabine

Dans un espace confiné comme un avion, les comportements humains deviennent amplifiés. Ajoutez à cela des retards interminables, des sièges usés, et une maintenance approximative : vous obtenez un microcosme du chaos mauritanien.

Les cafards, eux, restent impassibles et prospèrent grâce à cette désorganisation. Au sol, les cafards politiques font de même :

•    Ignorant les appels à la justice sociale.
•    Exploitant les ressources publiques avec la même voracité qu’un cafard ramassant des miettes.
•    Et surtout, survivant là où tout semble s’effondrer.

De la pratique à la théorie : l’analyse sociologique

Théorie du "Cafard Panoptique" : quand l’insecte devient miroir social

Le Boeing 737, un parfait microcosme de la théorie de Foucault

Le philosophe Michel Foucault l’avait prédit : tout espace clos génère des rapports de pouvoir. Dans l’avion mauritanien, le cafard incarne le "surveillant involontaire". Son omniprésence crée une forme de panoptique inversé : les passagers savent qu’ils sont observés par des créatures qu’ils méprisent, mais qu’ils ne peuvent contrôler. Résultat ?

Une désinhibition collective.

•    Exemple : Le passager qui fume aux toilettes sous le regard impassible des cafards agit comme un adolescent rebelle – persuadé que personne (de respectable) ne le voit.
•    Ironie : Les cafards, en se moquant des normes, deviennent les garants d’un chaos libérateur.
 
La "Désublimation répressive" d’Herbert Marcuse en action

Le sociologue Herbert Marcuse explique que les sociétés oppressives canalisent les frustrations vers des plaisirs triviaux. À bord de Mauritania Airlines, ce concept devient tangible :

•    Les passagers, frustrés par les retards et l’inconfort, compensent en transgressant les règles (vol de miettes, siestes hors sièges, discussions bruyantes).
•    Les cafards, eux, profitent de cette libération anarchique pour prospérer.

L’Effet Cafard : mécanisme de survie dans un espace d’anomie

Anomie durkheimienne et buffet gratuit

Émile Durkheim voyait dans l’anomie (absence de règles) un risque de désintégration sociale. Mais à 10 000 mètres, les Mauritaniens réinventent la théorie :

1.    Anomie structurelle : L’équipage, débordé, laisse les passagers s’auto-gérer.
2.    Création de normes parallèles :

•    Règle n°1 : Si ton voisin a faim, prends son plateau (prédation).
•    Règle n°2 : Un cafard sur ton siège ? C’est désormais ton colocataire.

Les cafards, en tant que résidents primaires, bénéficient d’un statut privilégié – comme une aristocratie invertébrée face à des humains en perte de repères.

La Prophétie auto-réalisatrice du "Cafard-Kafir"

Le mot cafard venant de l’arabe kafir (mécréant), une boucle symbolique se referme :

•    Mécanisme : En traitant l’opposant de "cafard", on le déshumanise.
•    Effet pervers : Les vrais cafards, eux, s’émancipent et envahissent l’espace aérien – comme si l’insulte avait libéré leur potentiel révolutionnaire.

Sociologie des foules aériennes : pourquoi Sidi est plus grossier que  M’boudou  le cafard (M’bot pour les intimes)  

La "Désindividualisation" de Gustave Le Bon en cabine

Le Bon expliquait que dans une foule, l’individu perd son libre arbitre. Ajoutez-y des cafards, et vous obtenez l’effet "Polar Bear Challenge" (qui  est un événement organisé en hiver où les participants plongent dans une eau à très basse température):

•    Plus les insectes sont visibles, plus les passagers adoptent des comportements extrêmes (fumer, ignorer les consignes), comme pour affirmer leur humanité menacée.


L’Étalage de la "Dé-civilisation" selon Norbert Elias

Le sociologue Norbert Elias décrivait la civilisation comme un processus de contrôle des pulsions. À bord de Mauritania Airlines, c’est l’inverse :

•    Régression : Les passagers rotent, partagent bruyamment des ragots, et marchent sur les plateaux.
•    Raison : Le cafard, en symbolisant l’effondrement de l’ordre, légitime cette régression. "Si même eux font ce qu’ils veulent, pourquoi pas moi ?"


En observant les Mauritaniens et leurs colocataires à six pattes, une évidence s’impose:  le cafard est un sociologue de terrain.

Il prospère là où les normes se dissolvent, où le politique échoue à structurer l’espace, et où les humains, en réaction, inventent un nouvel ordre… désordonné.

Alors que les opposants croupissent en prison pour avoir traité des politiques  de "cafards", les véritables insectes offrent une leçon : la survie appartient à ceux qui savent s’adapter au chaos.

En nous Inspirant  des théories de Foucault, Durkheim, Marcuse, Le Bon, Elias, et d’un cafard anonyme en siège 12B, les locataires à six pattes de la Mauritania airlines nous apprennent  deux choses :

1) Ne jamais manger un plateau-repas posé sur ses genoux.
2) En politique mauritanienne comme en sociologie-entomologie, c’est toujours celui qui observe (sans agir) qui se fait dévorer (peuple qui observe, opposition dialogante ) ."


Une Classe économique repensée pour nos amis arthropodes.


En Mauritanie, les cafards ne sont pas donc pas un problème aérien. Ils sont le reflet d’un système politique où les véritables cafards métaphoriques prospèrent malgré les crises, les révoltes et les défis.

Dans les avions de Mauritania Airlines, ils ramassent les miettes et grimpent sur les accoudoirs.
Dans les bureaux gouvernementaux, ils manipulent les budgets et ignorent les revendications populaires.

Dans les deux cas, ils représentent un modèle de survie qui effraie autant qu’il fascine.

Alors que certains parlementaires sont derrière les barreaux pour avoir qualifié leurs adversaires de "cafards", les véritables cafards – qu’ils soient insectes ou politiciens – continuent à s’épanouir dans les interstices du système.

Nous donnant ainsi une conclusion amère :

"Si les cafards prospèrent dans les airs, il est grand temps de s’interroger sur ce qui se passe au sol."

Pr ELY Mustapha


Lien de la vidéo  (pour ceux qui , à la suite cet article, auraient le cafard) :

https://youtu.be/3kvdqUmDlDg?si=uekA2hyWSW_BXYzj



mercredi 9 avril 2025

NIOFAR : Les trois verres du destin ou lorsque les économistes s’en mêlent. Par Pr ELY Mustapha

 À la suite de l’affaire NIOFAR, un lanceur d’alerte qui a secoué la gouvernance en léthargie dans notre pays,  le ministère de l’Économie et des Finances a mis en place une commission chargée d’enquêter sur les faits, d’élucider l’ensemble des circonstances de cette affaire et de vérifier les procédures d’accompagnement des investisseurs, qu’ils soient nationaux ou étrangers, dans le développement de leurs projets, afin de concilier rentabilité économique, développement national et création d’emplois. La commission a été enjointe de remettre son rapport au plus tard le 11 avril prochain. ..

Aussi sur cette enquête en cours et sur son devenir, j’ai réuni un panel d’éminents économistes pour un échange sur ce qui pourrait être encore une énième expérience…


 En somme,  un  Dialogue interactif entre économistes sur l’enquête Niofar en Mauritanie. Un Dialogue qui n’a de réalité que ce que, en son âme et conscience, chaque mauritanien intègre voudrait bien  lui donner.



Question:  (Sur un ton taquin) : Mes chers esprits cette enquête mauritanienne sur l’affaire NIOFAR est-elle un feuilleton tribal ou un chef-d’œuvre de corruption créative ?

Samir Amin (Égyptien, Théorie de la dépendance – « L’accumulation à l’échelle mondiale») :  Votre humour est aussi tranchant que mon analyse ! La Mauritanie incarne le capitalisme périphérique : 89% des mines contrôlées par des multinationales, et vos élites locales jouent les vendeurs de sable dans le désert. Cette enquête ? Un mirage néocolonial !

Ibn Khaldoun (Tunisien, Théorie de la Asabiyyah – « Muqaddimah ») :
 En effet cher Samir. Au XIVe siècle déjà, j’écrivais : « L’État est comme un arbre qui se nourrit de la tribu ». cette  enquête sera des feuilles mortes… tant que 92% des postes-clés restent aux mains des Béidanes. Où est votre Asabiyyah (cohésion sociale) ?

Thandika Mkandawire (Malawien, Économie du développement – « Thinking about Developmental States in Africa ») :  Arrêtez le folklore ! Les États développeurs exigent des institutions fortes. Mais chez-vous  62% des contrats miniers passent outre les appels d’offres. Votre ministère ? Un distributeur automatique de privilèges… hors service !

Dambisa Moyo (Zambienne, Critique de l’aide internationale – « Dead Aid ») :  L’aide étrangère a corrompu l’Afrique… mais la Mauritanie s’en passe ! Elle a inventé la corruption authoctone : 7,8% du CA des PME en pots-de-vin. Bravo pour l’innovation locale !

Question:  (à Mahmoud Mohamed Taha) :  Professeur Taha, votre économie islamique résoudrait-elle cette mascarade ?

Mahmoud Mohamed Taha (Soudanais, Réformisme islamique – « The Second Message of Islam ») :  La zakat (aumône) exige la transparence. Mais quand 3 familles accaparent 58% du PIB, même un chameau trouverait la charge trop lourde !

Question:  (à Imad El-Anis) : Et vous, professeur El-Anis, spécialiste des Émirats… Des leçons à partager ?

Imad El-Anis (Jordanien, Économie politique – « Global Market Integration ») : Dubaï a transformé le désert en or… grâce à des règles claires. En Mauritanie, les seuls investisseurs sont les vautours… et ils préfèrent la viande fraîche !


Question:  (d’un ton sarcastique) :  Mes chers esprits brillants, cette enquête mauritanienne est-elle une innovation institutionnelle ou un remake de ‘Game of Tribes’ version désertique ?

Pierre Bourdieu (Sociologie de la reproduction sociale – « La Distinction ») : Votre ironie est savoureuse mon cher ! je rebondis sur que vient de dire le père de la Sociologie notre éminent savant Ibn Khaldoun sur el Asabiya. En Mauritanie, l’État est un champ de pouvoir où les élites béidanes (92% des postes stratégiques) reproduisent leur domination via le capital symbolique. Cette enquête ? Un rituel de légitimation… comme organiser un concours de beauté pour masquer un coup d’État !

Max Weber (Rationalité bureaucratique – « Économie et Société ») :  oui c’est ridicule, en effet Pierre ! Une enquête doit être impersonnelle, désintéressée et l’indépendance des enquêteurs garantie et eux-mêmes protégés. La bureaucratie rationnelle exige des règles impersonnelles. Cette enquête fonctionnera comme un casino où les croupiers… sont aussi les joueurs !

Mamadou Dia (Fétichisme du pouvoir – « Réflexions sur l’économie de l’Afrique noire ») :
Oui en effet, Max. Ne soyez pas dupes ! Ces enquêtes sont des exorcismes médiatiques. Rappelez-vous l’affaire Ould Abdel Aziz : 96 millions de dollars évaporés, et condamnation…. aux calendes grecques !. La justice ici est un mirage… qui hydrate les élites ! Ce que le bloggeur Taleb ould Abdelwedoud appelle les « raccords de sustentation » mis en bouche des courtisans du régime.

André Gunder Frank (Théorie de la dépendance – « Le développement du sous-développement ») : J’ajouterai, cher Dia, un facteur essentiel : la Mauritanie est un État-comptoir. 89% des revenus miniers fuient via des sociétés écrans à Gibraltar. Cette enquête ? Un pansement sur une hémorragie capitaliste !

Question:  (interrogeant Joseph Stiglitz) :  Professeur Stiglitz, vous qui dénoncez les asymétries d’information… Cette enquête aura-t-elle un effet placebo ?

Joseph Stiglitz (Asymétries d’information – « Le Prix de l’inégalité ») : Excellente question ! Quand 77% des Haratines croient que l’exclusion est une fatalité divine, toute enquête devient un jeu de dupes. La transparence ? Impossible sans briser les monopoles informationnels des clans !

Elinor Ostrom (Gouvernance des communs – « Governing the Commons ») :  Et si on sortait du piège étatique ? Au lieu de commissions qui accoucheront d’une souris , créons des assemblées .  Les pêcheurs Imraguen ont géré les bancs de pêche pendant des siècles… avant que les licences tribales ne  saccagent tout.

Thomas Piketty (Inégalités – « Le Capital au XXIe siècle ») : Regardez les données : 3 familles contrôlent 58% du PIB. Cette concentration rend l’enquête aussi crédible qu’un test antidopage… organisé par les dopés !

Question:  (à Paul Romer) :  Professeur Romer, votre théorie de la croissance endogène peut-elle décryptocratiser ce système ?

Paul Romer (Croissance endogène – « Mathématique des idées ») : Bien tenté,  cher Professeur !  Mais comment innover quand 62% des budgets R&D sont détournés ? La Mauritanie a besoin de zones économiques spéciales… protégées des tribus par des drones suisses !

Amartya Sen (Capabilités – « L’Idée de justice ») : En Mauritanie, l’enjeu est la liberté réelle. Si 50% des investisseurs jugent les tribunaux corrompus, l’enquête Niofar est un miroir brisé… qui ne reflète que vos chaînes !

Hernando de Soto (Droit de propriété – « Le Mystère du capital ») : Titrisez les terres ! Seuls 5% des Haratines ont des titres fonciers. Sans propriété formelle, vos enquêtes sont des châteaux de sable… balayés par le vent tribal !

Question:  (avec un sourire radieux) : Bienvenue.  Des économistes femmes de renom viennent de nous rejoindre. Les femmes sont toujours à l’honneur en Mauritanie. Mesdames, vous qui êtes des pionnières dans vos domaines, cette enquête Niofar en Mauritanie est-elle une avancée institutionnelle ou un simple exercice de camouflage bureaucratique ?

Esther Duflo (Prix Nobel 2019 – « Poor Economics ») : Camouflage, bien sûr ! En Mauritanie, où 77% des Haratines croient que leur exclusion est naturelle, cette enquête ressemble à un placebo. Pourquoi ne pas randomiser les enquêteurs ? Imaginez : un Béidane, un Haratine, et un pêcheur Imraguen dans la même salle… Cela ferait au moins une expérience sociale intéressante !  Qu’en pensez-vous Chère Claudia ?

Claudia Goldin (Prix Nobel 2023 – « Career and Family ») : Oui. Votre analyse est pertinente, Esther ! Mais regardez les données historiques : les élites mauritaniennes ont perfectionné l’art de la segmentation économique. Le tribalisme agit comme une barrière invisible, tout comme le genre dans mes recherches sur le marché du travail. Une enquête menée par ces mêmes élites ? C’est comme demander à des PDG de réduire volontairement leurs salaires !

Question:  : Et vous chère Carmen…du côté de la BIRD ?

Carmen Reinhart (Vice-présidente de la Banque mondiale – « This Time Is Different ») : Je suis d’accord avec mes éminentes collègues ! La Mauritanie est un exemple classique de crise systémique chronique. Avec 89% des revenus miniers évaporés dans des paradis fiscaux, cette enquête est une distraction. Si vous voulez vraiment réformer, commencez par auditer les flux financiers… mais attention, cela pourrait provoquer une crise politique majeure !

Mariana Mazzucato (« Mission Economy ») : En effet, Carmen,   mais pourquoi ne pas transformer cette crise en opportunité ? La Mauritanie pourrait adopter une approche missionnaire, comme je le propose dans mes travaux. Par exemple, utiliser cette enquête pour redéfinir ses priorités économiques : investir dans l’éducation des Haratines et diversifier au-delà du secteur minier. Mais soyons honnêtes… Les consultants de l'enquête ont probablement déjà pris leur commission !

Question:  : Chère Rohini Pande …Qu’en pensez-vous ?

Rohini Pande (Yale University – « Institutions et justice sociale ») : Cette enquête, cher professeur,  est un cas d’école pour mes recherches sur les institutions défaillantes. En Mauritanie, les institutions sont construites pour maintenir les inégalités structurelles. Si vous voulez vraiment changer quelque chose, donnez aux Haratines un accès équitable aux postes publics. Mais cela nécessiterait une révolution… et non une simple enquête.

Crystal Simeoni
(Directrice du Nawi Afrifem Macroeconomics Collective) : Bravo Rohini ! Je dirais même que cette enquête est un exemple parfait de macroféminisme inversé. Les femmes mauritaniennes, particulièrement les Haratines, sont exclues non seulement économiquement mais aussi politiquement. Pourquoi ne pas inclure des femmes dans le processus d’enquête, combien de femmes ? Cela pourrait au moins introduire une perspective différente.

Question:  : tournons-nous maintenant vers une vision américaine… Madame Janet Yellen votre expertise en politique monétaire peut-elle nous éclairer sur la manière dont la Mauritanie pourrait sortir de ce cycle infernal ?

Janet Yellen - (Secrétaire au Trésor américain) (Politique monétaire – Ancienne présidente de la Fed) : La Mauritanie doit renforcer ses institutions fiscales avant tout. Avec 58% du PIB contrôlé par trois familles, il n’y a aucune base pour une croissance inclusive. Introduisez des taxes progressives sur les revenus miniers et redistribuez-les via des programmes sociaux. Mais je doute que ceux qui bénéficient du système actuel soient prêts à lâcher prise…


Et l’inattendu … arriva.


Alors que les économistes, en genre et en nombre,  débattaient avec passion, un vieil homme mauritanien, silencieux jusque-là, se leva doucement. Il portait une théière fumante et distribuait des verres de thé aux participants. Son geste interrompit le dialogue. Tous les regards se tournèrent vers lui alors qu’il prenait la parole d’une voix grave et posée.


Le vieil homme (posant sa théière fumante) dit : Chers invités de notre cher professeur, j’ai écouté vos grandes théories pendant que je préparais ce thé. Vous parlez de chiffres, de modèles, de corruption et d’institutions. Votre savoir si grand, dépasse la compréhension de mon humble personne (il ramena sur son crâne dégarni le turban rapiécé qu’il portait). Mais ici, en Mauritanie, continua-t-il nous savons que le thé est plus qu’une boisson. C’est une métaphore de notre réalité : amer comme la vie, fort comme l’amour, doux comme la mort. Alors, laissez-moi vous raconter ce que cette enquête signifie vraiment pour nous.


Le vieil homme (versant le premier verre de thé) : Notre thé mauritanien comprend trois verres dont la symbolique remonte jusque notre conscience collective; celle d’une nation qui cherche désespèrement son unité malgré sa mal-gouvernance. Le premier verre est amer comme la vie. Cette enquête, comme toutes les autres, (comme tous les dialogues , comme toutes les initiatives)   est amère parce qu’elle commence toujours par de grandes promesses. Mais nous savons tous que ces promesses ne sont jamais tenues. Les élites qui mènent cette enquête sont les mêmes qui profitent du système corrompu. Comment espérer qu’un serpent se morde la queue ?

Pierre Bourdieu (Sociologie de la reproduction sociale – « La Distinction ») :  Vous avez raison, mon ami. Ce que vous décrivez est une reproduction sociale parfaite. Les élites béidanes contrôlent 92% des postes stratégiques et utilisent cette enquête pour renforcer leur domination symbolique. C’est un spectacle destiné à calmer les masses… mais rien ne changera.


Le vieil homme (versant le deuxième verre) : Le deuxième verre est fort comme l’amour. Cette enquête est forte parce qu’elle joue sur nos émotions. Elle nous promet justice et égalité, mais elle divise davantage nos communautés. Le tribalisme est une plaie ouverte ici, et chaque enquête ne fait que raviver les rancunes.

Ibn Khaldoun (Théorie de la Asabiyyah – « Muqaddimah ») : Votre analyse est brillante ! Sans Asabiyyah, ou cohésion sociale, l’État n’est qu’un mirage. En Mauritanie, les tribus utilisent ces enquêtes pour renforcer leur pouvoir au détriment du bien commun. Cette absence d’unité condamne toute réforme à l’échec.

Le vieil homme (versant le troisième verre) : Le troisième verre est doux comme la mort. Cette enquête finira comme toutes les autres : en silence. Les responsables détourneront l’attention avec un nouveau scandale ou une nouvelle promesse vide. Et nous, le peuple, continuerons à boire notre thé en attendant un miracle qui ne viendra jamais.

Amartya Sen (Capabilités – « Development as Freedom ») :  Votre métaphore est puissante ! Ce que vous décrivez est un échec des capabilités institutionnelles. Tant que les Mauritaniens n’auront pas la liberté réelle de participer aux décisions publiques, ces enquêtes resteront des rituels symboliques sans impact concret.

Le vieil homme sourit tristement …ce qui n’échappa pas à Samir Amin

Samir Amin (Théorie de la dépendance – « L’accumulation à l’échelle mondiale ») : Vieil homme, votre sagesse dépasse nos théories ! La Mauritanie est un État-comptoir, où les élites locales collaborent avec des multinationales pour piller les ressources naturelles. Cette enquête n’est qu’un écran de fumée pour cacher cette exploitation systématique.

Thandika Mkandawire (États développeurs – « Thinking about Developmental States in Africa ») : Vous avez parfaitement décrit le problème  avec cette  belle métaphore des trois verres de thé! C’est brillant ! Sans institutions inclusives et sans rupture avec le néopatrimonialisme, aucune enquête ne pourra transformer la Mauritanie en un véritable État développeur.

Esther Duflo (Prix Nobel 2019 – « Poor Economics ») : Votre analogie avec le thé me touche profondément. Mais pourquoi ne pas utiliser cette culture du thé pour créer des espaces de dialogue  Si chaque verre pouvait être l’occasion d’un débat sur la justice sociale, peut-être que quelque chose changerait.

Dambisa Moyo (Critique de l’aide internationale – « Dead Aid ») : Je suis d’accord avec Esther ! Mais attention : tant que 58% du PIB reste contrôlé par trois familles, même les discussions autour du thé risquent d’être monopolisées par les élites. Un thé amer, mais sans la vie.


Le vieil homme (Théificateur) posa sa théière toujours fumante et regarda l’assemblée avec gravité et dit (en retroussant sur ses maigres épaules les pans usés de son boubou) :   Vous êtes tous brillants, et  vos solutions nous éclairent davantage sur notre intolérable condition politique et sociale et ce que nous sommes et valons . Ici, en Mauritanie, nous avons appris à survivre malgré tout cela. Peut-être que la vraie solution n’est pas dans une enquête ou dans des réformes imposées d’en haut… mais dans notre capacité à reconstruire nos liens sociaux autour de ce thé qui nous unit tous. Car ce qui nous unit et bien plus fort que ce qui nous divise. 

Pr ELY Mustapha


Nombre total de pages vues

Nombre de visiteurs

Poésie de la douleur.