dimanche 19 juillet 2020

Des harratines, des maures et d’un serpent qui se mord la queue. Par Pr ELY Mustapha




N’en déplaise aux apologistes d’une entité harratine, spécifique, unique et distincte des maures : les harratines sont des maures.

Comme les zouayas sont des maures, comme les griots sont des maures, comme les forgerons sont des maures…

Les harratines ne peuvent être une ethnie à part, isolée des maures et considérer qu’il faut leur appliquer les critères d’identification qui les caractériseraient, linguistiquement, culturellement ou même morphologiquement.

L’ethnie se définie par : « Groupement humain qui possède une structure familiale, économique et sociale homogène, et dont l'unité repose sur une communauté de langue, de culture et de conscience de groupe. » (Larousse)

Les questions primaires sont alors/

-          Quelle langue parlent les harratines, si n’est l’arabo-berbère :  le hassanya ?

-          Quelle est leur culture, si n’est la culture maure avec ses valeurs, ses conduites, ses rites et ses traditions ?

-          Quelle conscience de groupe avaient-ils, si ce n’est d’appartenir à un ensemble de populations maures, qui n’étaient différentiées traditionnellement, au sein de l’entité maure, que par la nature du travail, la place dans la hiérarchie sociale, la caste et la tribu.

La structure féodale de l’entité maure, a fait que les griots sont des musiciens, les forgerons, des forgeurs, les marabouts, des intellectuels, les guerriers, des soldats et les harratines, des esclaves.

Mais nul ne peut proclamer que les griots, les forgerons, les marabouts, les guerriers et les harratines ne sont pas des maures.

L’argument de la couleur de peau, de l’origine ancestrale, de la condition économique et sociale d’un groupe pour le soustraire à son entité ethnique maure, est fallacieux.

Les maures, sont clairs, gris et noirs, et la langue maure utilise d’ailleurs les termes de couleur « jaune et bleu », pour désigner la peau claire et celle foncée. Exit donc l’argumentaire de la couleur.

Les forgerons, sont une caste brimée dans la féodalité et jetée socialement au bas de l’échelle, mais  cela n’est pas un argument pour déclarer qu’ils ne sont pas des maures….

Les marabouts, sont issus de tribus berbères qui par l’histoire et les guerres de soumission, devinrent des maures, c’est-à-dire cet ensemble culturel arabo-berbère…peuvent-ils aujourd’hui se revendiquer autrement que des maures ?

Les griots, de diverses origines, arabes, berbères, négro-africaines, ont intégré l’ethnie maure, ce sont des maures.

Les harratines, anciens esclaves descendant des razzias des tribus maures, au nord et au sud sont issus de populations négro-africaines et aussi berbères, ne peuvent aujourd’hui se réclamer ni des négro-africains, ni des berbères, mais des maures.

Ainsi, les maures sont une ethnie qui est la résultante historique de la rencontre d’arabes, de berbères, de négro-africains, qui, par les invasions successives, les luttes de soumissions, d’intégration et d’assimilation, se sont fondus dans le moule d’une même entité : les maures.

Les maures parlent le hassanya, ont une culture arabo-berbéro-négro-africaine islamique. Ils sont d’origine arabo-berbéro-négro-africaine. Ils doivent leur langue à la rencontre de l’arabe et du berbère, ils doivent leur culture aux traditions arabo-berbéro-africaines, jusque dans leur musique, leurs instruments de musique et leur habillement.

Les maures sont une ethnie, culturellement et linguistiquement homogène et qui a pris naissance dans un creuset ethniquement hétérogène : arabe, berbère et négro-africain.

Ainsi les tribus guerrières descendent, originellement des conquérants arabes (biens qu’elles se soient mélangées, au cours de l’histoire, avec les berbères et les négro-africains). Les marabouts, Zouayas et griots descendent originellement des tribus berbères. Les harratines, des tribus négro-africaines.

Il n’y a donc pas dans l’ethnie maure, un ancêtre unique. Tout maure est historiquement un descendant, directement ou indirectement, d’un arabe, d’un berbère ou d’un négro-africain. Jusque les émirs maures sont des descendants de négro-africains.

En définitive, les harratines sont des maures, au sens arabe-berbéro-négro-africain. Ils ne sont cependant ni arabes, ni berbères ni négro-africains mais une composante de l’ethnie maure avec sa langue, sa culture et ses traditions.

Maintenant qu’est-ce qui spécifie la frange maure des harratines, du reste des maures ? Leur situation sociale dans un système féodal maure. Ils furent historiquement des esclaves et les séquelles de cet esclavage persistent toujours.

Cette situation socio-féodale d’esclaves, ne peut nullement être un argument pour déclarer qu’ils sont une entité ethnique à part et les opposer à leur propre ethnie maure.

Si cela était, alors les griots, les forgerons et les zouayas ne seraient pas des maures, car ils vivent tous une situation socio-féodale à des degrés divers.

La féodalité et l’esclavage ne sont nullement un argument valable pour détacher un individu ou un groupe d’individu de son ethnie. » (Voir mon article satirique « les harratines sont des grecs » : http://cridem.org/C_Info.php?article=685265)

Alors, lorsque des ténors anti-esclavagistes de la scène politique, proclament l’existence d’une ethnie harratine différente de l’ethnie maure et créent une opposition ethnique entre elles, alors cela est irresponsable.

Ce qu’il convient simplement d’admettre, c’est que les harratines, ont été réduits à l’esclavage, tout comme les griots ont été réduits à forger, les griots à chanter et les marabouts à psalmodier.
Cependant l’esclavage étant pire que tout, il faut le combattre, l’éradiquer, punir les esclavagistes, rendre aux esclaves leurs droits, leur élaborer, juridiquement, un système de discrimination positive, pour leur emploi, leur éducation et pour l’amélioration de leur situation économique.

C’est là un combat légitime, mais ce n’est pas un combat pour dresser des maures harratines, contre des maures guerriers, marabouts, griots ou forgerons mais pour que l’entité maure éradique ce fléau, que les harratines aient les mêmes droits sociaux et économiques au sein de leur ethnie maure.

Cela doit se faire sans comportements générant la violence, la scission de l’ethnie maure, mais par la loi, l’autorité publique nationale et la contribution des organisations internationales.

Un observatoire national de l’esclavagisme se doit d’être mis en place pour collecter, traiter, analyser les données sur l’esclavage, les divulguer à l’échelle nationale et internationale.

Il faudrait que le combat contre l’esclavage, tout en restant politique, social et économique, ne soit pas seulement le combat d’un individu, ou d’un groupe d’individus mais celui de toute une nation.

 Il ne faut cependant pas se tromper de combat.

Le mauvais combat c’est de croire que l’esclavage se solutionne en dehors de l’entité maure, dont les harratines sont une composante indéfectible.

Le mauvais combat c’est de croire que dresser des composantes d’une même ethnie, les unes contre les autres, résoudrait l’esclavagisme.

 Le mauvais combat, c’est de personnifier un combat en en faisant une chasse gardée, hors de la sphère des maures, appuyée par une propagande hors des frontières dont les effets réels sur la suppression de l’esclavage restent à démontrer.

L’éradication des séquelles de la féodalité sur toutes les composantes maures (zouayas, griots, forgerons, harratines) et des poches esclavagistes passent d’abord par la présomption irréfragable que la solution ne passe pas par la génération de l’animosité des harratines contre leur propre ethnie maure ; et, ensuite, par la conviction irrécusable, que s’il y a une solution durable, elle doit venir des maures eux-mêmes. Une solution que consacrerait le droit, qui s’appliquerait par la force publique mais qui dans tous les cas serait née d’un consensus national qui raffermirait la solidarité et éviterait la division.

Monter une composante ethnique maure contre sa propre ethnie maure, c’est faire qu’un serpent se morde la queue. Faudrait-il alors, pour son salut, qu’il survive à son venin.

Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.